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gré du monde de me mander ingénument votre crainte d'être importuné, et de la surmonter en me pressant de faire ce que vous craignez.

Il y a en vous deux hommes qui ne feront jamais de paix. Si vous voulez être en quelque repos, il faut que l'un subjugue l'autre. L'homme chrétien et raisonnable ne sera jamais, s'il plaît à Dieu, tellement abattu par l'autre, qu'il ne fasse plus sentir aucun combat secret. Vous ne pouvez donc point avoir de véritable paix en le laissant abattre. Votre ressource ne peut donc se trouver qu'à le soutenir sans relâche, et quoi qu'il vous en coûte, contre l'homme aveugle, ensorcelé, et qui n'a rien de fort que sa passion déraisonnable. Plus vous domterez celui-là, plus vous goûterez au fond de votre cœur de consolation et de paix. C'est une dent pourrie qu'il faut arracher. Il y a un appareil qui fait peur : la douleur sensible n'est pas longue, on dort dès que la dent est ôtée. C'est par cette vive douleur qu'on est soulagé. D'ailleurs, on souffre plus par les retardements et les irrésolutions, qu'on ne souffriroit par une prompte et violente opération.

Priez de cœur avec confiance; rentrez souvent au fond de votre cœur pour y trouver Dieu. Malgré votre indignité, recourez à lui avec une liberté et une familiarité d'enfant qui ne peut douter des bontés

de son pere. Dites-lui toutes vos répugnances, tous les mauvais détours de votre amour-propre, tous les dégoûts que vous sentez pour la vertu, toutes les craintes que vous avez d'un engagement à ne pouvoir plus reculer; et conjurez-le de vous prendre,' puisque vous ne savez pas vous donner.

Vous ne m'avez pas envoyé la lettre de M. le duc de Chevreuse; il faut que vous l'ayez oubliée. Ayez la bonté de me la faire passer par une occasion sûre, et soyez persuadé, monsieur, que je vous suis dévoué sans réserve.

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Si on vous répond tard, monsieur, c'est que je ne veux pas vous répondre par la poste. D'ailleurs vous jugez bien de l'empressement que j'aurois pour vous témoigner combien je suis attendri de votre confiance.

Le temps de cet hiver est précieux pour vous. Que savez-vous si ce ne sera pas le dernier de votre vie? Peut-être que les entretiens pleins de foi et de zele, mais assaisonnés de tendresse et de modération, M. votre pere emploie pour vous affermir dans le bien, sont les dernieres paroles de la vérité pour vous! Peut-être que les impressions de grace que vous sentez encore sont les dernieres graces que la

que

miséricorde de Dieu fait à votre cœur! Hodie si vocem ejus audieritis, nolite obdurare corda vestra.

Dieu a eu une si grande pitié de votre foiblesse, qu'il vous a arraché ce que vous n'avez jamais eu le courage de lui donner. Il a fait tomber malgré vous ce qui étoit à craindre. Il a rompu vos liens; et vous ne voulez pas encore être en liberté. Que faut-il donc qu'il fasse pour vous faciliter votre salut? Voilà les temps périlleux qui s'approchent, Juxta in dies perditionis et adesse festinant tempora. Vous ne craignez point pour votre corps, mais au moins craignez pour votre ame. Méprisez les armes des hommes, mais ne méprisez pas les jugements de Dieu. Hélas! je crains pour vous jusqu'à ses miséricordes. Tant de graces foulées aux pieds se tourneront enfin en vengeance. Rien n'est si terrible que la colere de l'Agneau!

Mais à quoi tient-il que vous ne serviez Dieu? Vous croyez ses vérités, vous espérez ses biens, vous connoissez l'égarement insensé des impies, vous sentez la vanité, l'illusion de la vie présente, l'ensorcellement du monde, le poison des prospérités, la trahison des choses flatteuses, l'écoulement rapide de tout ce qui va s'évanouir. Vous avez été délivré malgré vous de votre esclavage, vos fers sont brisés; et vous ne voulez pas jouir de la liberté des enfants

de Dieu qui vous est offerte. Vous ne sauriez nommer quelque chose qui partage votre cœur. Que tardez-vous à chercher la paix et la vie dans leur unique source? Gustate et videte quoniam suavis est Dominus. Ô que vous serez coupable si vous résistez à tant d'avances que Dieu fait! Combien il est patient avec vous! combien l'avez-vous fait attendre! combien l'avez-vous rebuté par des amusements indignes! Ô mon cher vidame, ne tardez plus, ouvrez-lui votre cœur, commencez à le prier, à lire en esprit de priere, à régler vos heures, à remplir vos devoirs, à vaincre votre goût pour l'amusement.' En ce point, le monde même, tout corrompu qu'il est, est d'accord avec Dieu. Pardon d'avoir tant prêché!.... Mille respects à madame la vidame. Je souhaite fort qu'elle conserve quelque bonté pour moi.

Le 25 mars, 1707.

J'AI une vraie affliction, monsieur, d'avoir perdu l'occasion de votre passage pour avoir l'honneur de vous voir. J'avois attendu le plus long-temps qu'il m'avoit été possible pour ne perdre pas une consolation qui m'étoit si chere; mais je ne pouvois plus différer sans manquer absolument à mes visites jusqu'à l'automne, ce qui étoit d'une fâcheuse consé

quence par rapport à divers besoins pressants. Ce qui me console de cette perte est la bonne lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire : elle m'a rempli de joie. Ne prenez pas celle-ci pour une réponse; j'attends quelque occasion sûre pour vous dire amplement ce que je pense. Vous y verrez mon zele et ma sincérité, dont j'espere que vous serez

content.

Au reste, s'il vous arrivoit d'être blessé ou malade, faites-le-moi savoir promptement. Je vous enverrai un carrosse doux, et Cambrai sera votre infirmerie. S'il le falloit j'irois moi-même vous chercher. Dieu nous préserve de telles occasions de vous témoigner, monsieur, à quel point je vous suis dévoué pour toute la vie!

Le 31 mai 1707.

Vous me demandez, monsieur, la maniere dont il faut prier et s'occuper de Dieu pour s'unir à lui et pour se soutenir contre les tentations de la vie. Je sais combien vous desirez dans ce saint exercice le secours dont vous avez besoin. Je crois que vous ne sauriez être avec Dieu dans une trop grande confiance. Dites-lui donc ce que vous avez sur le cœur, comme on se décharge le cœur avec un bon ami sur tout ce qui afflige ou qui fait plaisir. Racontez-lui vos

TOME VI.

M 3

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