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dent, qu'on peut ou arracher tout-à-coup comme par surprise, ou qu'on décharne peu-à-peu et qu'on n’ébranle qu'à plusieurs demi-secousses.

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Quand on voudroit mettre au rabais ce qu'il faut faire un peu plutôt, un peu plus tard, le meilleur. marché seroit de l'exécuter brusquement et sans se donner le loisir de se reconnoître. D'ailleurs il dans ce fait particulier une ressource singuliere qui favorise les gens lorsqu'ils ne gardent aucune mesure. La vraie sagesse est de n'en avoir aucune en ce point et de nese plus écouter. On sera secouru puissamment aès qu'on reconnoîtra sa foiblesse et qu'on se jettera dans les bras du véritable ami sans regarder derriere

soi.

Ne craignez point les ennemis qui se déchaînent. Leurs discours n'ont rien que de méprisable: méprisez-les, ils vous estimeront bientôt. Soyez simple et vrai, doux, modéré, commode, appliqué à tous vos devoirs, réservé pour l'essentiel sans affectation : chacun se taira bientôt et vous fera justice. Je ne saurois vous oublier quand je suis avec l'ami auquel vous vous confiez; je fais tout ce que vous me marquez là-dessus. Rien ne peut surpasser mon attachement.

Ce 10 août 1705.

VOTRE silence, monsieur, commence à m'attrister. Vous m'avez permis de le réveiller; donnez-moi donc, je vous en conjure, de vos nouvelles. Si vous n'en avez point de bonnes à me mander, affligez-moi plu tôt que de ne me rien dire. Je ne saurois être content de votre oubli; je souhaite votre souvenir pour l'amour de vous-même. Vous ne sauriez m'écrire avec trop d'ingénuité; plus elle sera grande, plus je serai consolé de tout ce qui peut d'ailleurs me mettre en inquiétude.

Votre campagne s'écoule insensiblement; j'espere que sa fin me procurera la joie de vous voir rèpasser ici. En attendant, je vous supplie de vous rappeler tous les jours quelque chose de ce que vous avez eu la bonté de me dire au printemps. Vos paroles m'ont fait une vraie impression. Vous en font-elles moins qu'à moi? Personne ne vous sera jamais dévoué, monsieur, au point où je le suis pour toujours.

Le 30 octobre 1705.

Vous voilà, monsieur, à la fin de votre campagne, et me voilà dans l'espérance de vous voir repasser bientôt. Je prendrai la liberté de vous faire bien des L3

TOME VI.

questions indiscretes : il faudra bien que vous me les pardonniez.

Rendez ma joie complete, je vous en conjure. Que je serai content si je vous trouve décidé et entièrement d'accord avec vous-même! On ne contente ni soi ni autrui, quand on porte au-dedans de soi un fonds qu'on ne peut ni suivre ni étouffer. On se tour‐ mente, on se craint soi-même, on n'ose être seul avec soi, ni rentrer dans son propre cœur: on est comme un homme chassé de sa maison, qui est réduit à errer tout au tour comme un vagabond.

D'ailleurs on n'est point naturel dans le commerce des autres, car on marche avec des entraves. Mettez-vous en liberté. Elle consiste à n'être plus entraîné par foiblesse, malgré sa conviction et contre le vrai fond de son cœur. Il en coûte d'abord, mais bien moins qu'on ne s'imagine; et cette courte peine se tourne en consolation pour toujours.

Horace, quoique païen et libertin, a dit, Sapere aude; etun autre poëte, Dimidium facti qui benecœ. pit habet. Voulez-vous qu'il ne vous coûte rien pour vous délivrer de ce qui vous coûte tant? Je vous attends de pied ferme, et vous n'aurez pas aussi bon marché de moi que de milord Marleboroug.

Le 5 juin 1706.

On ne peut être plus touché, monsieur, que je le suis de vos peines et de votre sincérité. J'espere que la maniere dont vous ouvrez votre cœur servira à le guérir; c'est ce que je ne cesse point de demander à Dieu chaque jour. Sa miséricorde n'oublie rien pour rompre vos liens et pour vous faciliter une entiere délivrance. Il est temps que vous répondiez à tant de graces. Pourquoi voulez-vous aimer ce qui ne vous aime plus, et le préférer à Dieu, qui vous a aimé dans vos égarements et qui ne se lasse point encore de vous attendre?

Vous ne vous étiez pas assez défié de vous-même lorsqu'il s'agissoit de fuir et de rompre; et maintenant vous vous défiez trop de Dieu, lorsqu'il s'agit d'espérer qu'il vous soutiendra. La séparation que vous n'aviez pas le courage d'exécuter est toute faite malgré vous : il ne reste qu'à la laisser durer, et qu'à ne recommencer pas ce que la bonté de Dieu a fini.

Voilà le temps d'espérer en lui. Ne craignez pas de ne pouvoir pas demeurer dans cette situation; Dieu aura soin de l'adoucir. Amusez-vous innocemment: donnez-vous de petites occupations qui vous trompent pour votre bien, et qui donnent le change à votre goût. Revenez tous les jours à un peu de priere

et de lecture. Je vous pardonne de m'avoir craint, de m'avoir fui, d'avoir été ravi de ne me trouver pas; ce sont les suites naturelles de votre malheureux état. Je n'en cours pas moins après vous. Dieu vous veut : voyez tout ce qu'il fait pour vous avoir et tout ce que vous faites pour lui échapper. Ne lassez pas sa patience; ne soyez pas méchant pour vous prévaloir contre lui de ce qu'il est bon. Jetez-vous entre ses bras sans vous consulter. Que ne puis-je vous aller voir! je donnerois ma vie pour votre solide conversion. Jugez par là, monsieur, combien je vous suis dévoué.

Le 5 juillet 1706.

Vous verrez, monsieur, par la lettre que je vous envoie de vieille date, que je ne vous avois point oublié : c'est ce que je serai incapable de faire tant que je ne manquerai point à Dieu. Mais je n'osois hasarder une lettre par la poste, ne sachant pas où vous seriez, et craignant quelque contre-temps par les mouvements que les troupes font d'une heure à l'autre.....

Au reste, monsieur, je ne crains nullement de vous être importun. Puisqu'il faut vous importuner, je ne manquerai pas de le faire régulièrement par toutes les voies sûres. Je vous sais même le meilleur

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