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aucun doute. Le Dieu de patience et de soulagement vous soutiendra, si vous êtes fidele à le chercher souvent au-dedans de vous avec une confiance filiale. A quel propos disons-nous tous les jours, Notre pere qui êtes aux cieux, si nous ne voulons pas être dans son sein et entre ses bras comme des enfants tendres, simples et dociles? Comment êtes-vous avec moi, vous qui savez combien je vous aime? Oh! combien le pere céleste est-il plus pere, plus compatissant," plus bienfaisant, plus aimant, que moi! Toute mon amitié pour vous n'est qu'un foible écoulement de la sienne. La mienne n'est qu'empruntée de son cœur; ce n'est qu'une goutte qui vient de cette source intarissable de bonté. Celui qui a compté les cheveux de votre tête pour n'en laisser tomber aucun qu'à. propos et utilement, compte vos douleurs et les heures de vos épreuves. Il est fidele à ses promesses et à son amour : il ne permettra pas que la douleur vous tente au-dessus de ce que vous pouvez souffrir; mais il tirera votre progrès de la tentation ou épreuve. Abandonnez-vous donc à lui: laissez-le faire. Portez votre chere croix, qui sera précieuse pour vous, si vous la portez bien. Apprenez à souffrir: en l'apprenant, on apprend tout. Que sait celui qui n'a point été tenté? Il ne connoît ni la bonté de Dieu ni sa propre foiblesse. Je suis

TOME VI.

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ravi de ce que vous vous accoutumez à parler à cœur ouvert à la bonne duchesse: elle vous fera du bien. L'exercice de la simplicité élargit le cœur: il s'étrécit en ne s'ouvrant point. On ne se renferme au-dedans de soi-même, que pour se posséder seul par une jalousie d'amour propre, et par une honte d'orgueil. Je reçois avec grand plaisir ce que vous me mandez sur vos deux freres. Il m'est impossible de les inviter à venir cette semaine, où nous aurons le sacre de M. d'Ipres avec beaucoup d'étrangers et d'embarras; mais ensuite je prendrai des mesures pour les avoir en liberté et avec une amitié cordiale.

Je vous prie de faire dire à madame la duchesse de Béthune, comme vous n'êtes pas en état de l'aller voir, combien je suis en peine de sa santé et plein de zele pour ce qui la regarde. Je suis très dévoué à elle et à M. son fils.

Mille amitiés à notre chere malade, dont les soins surpassent ce qu'on auroit pu imaginer: Dieu le lui rende! Je suis en peine de sa triste santé. L'abbé de Beaumont est mieux.

Mille remerciements à M. Chirac. Il doit être plus touché de mes sentiments que de ceux d'un autre: non seulement il fait plaisir de près; mais encore il charme de loin. Je voudrois bien connoître un tel homme: il fait honneur à un art qui a grand besoin

que ceux qui l'exercent lui en fassent; car il est en soi bien douteux et souvent exercé par des hommes superficiels. Les systêmes ne sont que de beaux romans, et les expériences demandent une patience avec une justesse d'esprit, qui sont très rares parmi les hommes. Bon soir, très cher fanfan.

LETTRE XXXVI.

Cambrai, 18 mars 1713.

BON soir, mon cher fanfan: je suis en peine de ta longue souffrance pour ton corps et pour ton esprit: des marques de considération que diverses gens te donnent, la dissipation, la vanité, le goût du monde, sont encore plus à craindre que les caustiques. Gardetoi, petit fanfan, du poison doux et flatteur de l'amitié mondaine. Il faut recevoir avec politesse, reconnoissance, et démonstrations propres à contenter le monde, ce que le monde fait d'obligeant: mais il faut réserver la vraie ouverture et la sincere union de cœur pour les vrais amis, qui sont les seuls enfants de Dieu: par exemple, tu trouveras, dans madame la duchesse de Mortemart et dans un très petit nombre d'autres personnes, ce que les plus estimables amis mondains ne peuvent te donner. Il faut

t'ouvrir avec ces bonnes personnes malgré ta répugnance à le faire. D'un côté, cet effort sert à élargir le cœur, à mourir à la propre sagesse, et à se déposséder de soi. D'un autre côté, vous avez besoin de trouver à Paris des amis de grace, qui remplacent le petit secours que je tâche de vous donner quand vous. êtes ici, et qui vous nourrissent intérieurement. Faute de cette union, tu tomberas insensiblement dans un vuide, un desséchement et une dissipation dangereuse. Le chevalier est bon, et tu peux en faire un grand usage; mais madame de Mortemart te feroit encore plus de bien, quoique je ne songe nullement à faire en sorte que tu prennes d'elle des conseils suivis. Penses-y devant Dieu, fanfan, sans t'écouter, et n'écoutant que lui; je t'aime plus que jamais. Tu ne pourrois comprendre la nature de cette amitié. Dieu, qui l'a faite, te la fera voir un jour. Je te veux à lui et non à moi, et je me veux tout à toi par lui.

TU

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u souffres, mon très cher petit fanfan, et j'en ressens le contrecoup avec douleur; mais il faut aimer

les coups de la main de Dieu : cette main est plus douce que celle des chirurgiens; elle n'incise que pour guérir. Tous les maux qu'elle fait se tournent en biens si nous la laissons faire. Je veux que tu sois patient sans patience, et courageux sans courage. Demande à la bonne duchesse ce que veut dire cet apparent galimatias. Un courage qu'on possede, qu'on tient comme propre, dont on jouit, dont on se sait bon gré, dont on se fait honneur, est un poison d'orgueil. Il faut au contraire se sentir foible, prêt à tomber, le voir en paix, être patient à la vue. de son impatience, la laisser voir aux autres, n'être soutenu que de la seule main de Dieu d'un moment. à l'autre, et vivre d'emprunt. En cet état, on marche sans jambes, on mange sans pain, on est fort sans force: on n'a rien en soi, et tout se trouve dans le bien aimé: on fait tout, et on n'est rien, parceque le bien aimé fait lui seul tout en nous, avec nous: tout vient de lui, tout retourne à lui. La vertu qu'il nous prête n'est pas, dans un certain sens, plus à nous que l'air que nous respirons et qui nous fait

vivre.

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