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LETTRE XXXI I.

Cambrai, 27 janvier 1713.

Je vois bien, mon très cher fanfan, qu'il n'y a aucune porte ouverte pour sortir de chez notre chere malade: Dieu sait si je voudrois lui faire de la peine, manquer de confiance en elle, et refuser de lui avoir les plus grandes obligations! Mais ce que je crains le plus est que vous ne soyez tous deux malades en même temps, de maniere à vous causer une peine réciproque, sans pouvoir vous entre-secourir. Le meilleur parti qui vous reste à prendre, est celui de ne perdre pas un seul jour pour l'opération résolue. Choisissez, sans ménager la dépense, le meilleur de tous les chirurgiens; régime exact, grand repos, nul égard, nulle gêne, nul devoir que celui d'obéir aux maîtres de l'art, patience, tranquillité, présence de Dieu, confiance en lui seul. L'argent ne vous manquera pas, si la paix vient, comme on espere; vous pourrez épargner, si la guerre continue: Dieu y pourvoira; à chaque jour suffit son mal. Ne soyez pas inquiet pour demain; car demain aura soin de luimême. La providence, notre bonne mere, a soin des petits oiseaux; ne craignez rien. Ne manquez

point d'abandon au-dedans, et vous ne manquerez point de pain au-dehors. Oh! que je veux voir un enfant de foi! Ce sera suivant la mesure de votre foi qu'il vous sera donné pour le corps et pour l'ame.

Put arriva hier en bonne santé après avoir passé par des abymes de boue. Il est délassé aujourd'hui, et est bien content de se voir en repos au coin de mon feu. Je voudrois que vous y fussiez aussi avec votre jambe bien guérie; mais il faut travailler patiemment à sa guérison. Bon soir. Mille et mille amitiés à la malade, pourvu qu'elle obéisse à M. Chirac. Tendrement et à jamais tout sans réserve à mon très cher fanfan.

LETTRE XXXIII.

Cambrai, 11 février 1713.

QUOIQUE madame de Chevry m'ait mandé que vous aviez bien dormi la nuit après l'opération, je suis, mon très cher fanfan, bien en peine de votre santé. Je sais que vous avez beaucoup souffert, et il me tarde beaucoup d'apprendre les suites. Sur-tout je crains qu'on ne trouve l'os carié; mais ce que je demande très fortement est qu'on ne me cache et qu'on ne me diminue rien. La moindre apparence

de mystere me feroit plus de peine, que l'exposition simple du mal. Dieu sait si je ressens l'impossibilité d'être auprès de vous! Dites à madame de Chevry que je ne veux pas qu'elle nous écrive elle-même: ses lettres, au lieu de nous faire plaisir, nous affligeroient. Elle ne doit se permettre aucune application. Tout ce que nous desirons d'elle est qu'elle suive fidèlement le régime prescrit par M. Chirac. Si elle compte pour rien sa santé, sa vie, le besoin que son fils a de la conserver, et notre consolation qui seroit bien troublée par sa perte, au moins qu'elle pense à Dieu et à son salut : elle ne peut point en conscience s'exposer, par un goût de plaisir et de liberté indiscrete, au danger d'accourcir sa vie. Elle n'a qu'à demander à un bon et sage confesseur si j'exagere en lui disant cette vérité; mais si je n'exagere point, elle désobéira à Dieu même en désobéissant à M. Chirac. Oh! que je voudrois la voir ici, et vous aussi, en bonne santé, l'été prochain! Bon soir, mon très cher fanfan. Vous savez avec quelle tendresse je vivrai et mourrai tout à vous.

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LETTRE XXXIV.

Cambrai, 21 mars 1713.

E souffre, mon très cher fanfan, de vous savoir dans la douleur; mais il faut s'abandonner à Dieu et aller jusqu'au bout. Le courage humain est faux. Ce n'est qu'un effet de la vanité: on cache son trouble et sa foiblesse. Cette ressource est bien courte. Heureux le courage de foi et d'amour! Il est simple, paisible, consolant, vrai, et inépuisable, parcequ'il est puisé dans la pure source. Que ne donnerois-je point pour vous soulager! Je ne voudrois pourtant vous épargner aucune des douleurs salutaires que Dieu vous donne par amour. Je le prie souvent pour vous; je vous porte chaque jour dans mon cœur à l'autel, pour vous y mettre sur la croix avec Jesus-Christ, et pour vous y obtenir l'esprit de sacrifice: il n'y a que le détachement qui opere la vraie patience. Ô mon cher enfant, livre-toi à Dieu : c'est un bon pere qui te portera dans son sein et entre ses bras. C'est en lui seul que je t'aime avec la plus grande tendresse.

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LETTRE XXXV.

Cambrai, 27 mars 1713.

J'ATTENDS, mon très cher fanfan, des nouvelles de cette derniere opération qui devoit achever de découvrir l'os. Le point capital est de ne laisser rien de douteux, et d'avoir une pleine certitude, d'avoir bien vu le dernier fond pour ne s'exposer point à lui laisser ni carie, ni fente de l'os, ni esquille, ni sac, ni corps étranger: autrement nous courrions risque d'être encore bientôt à recommencer. Puisque vous vous êtes livré patiemment à une si rude et longue opération, il faut au moins en tirer le fruit et ne gâter rien par la moindre précipitation. Ce que je crains est qu'on ne puisse pas tirer les esquilles ou corps étrangers, et qu'on n'ose aller assez avant pour les détacher, de peur de blesser les vaisseaux sanguins. Pour la carie, l'application du feu la guérit. Il y aura seulement l'exfoliation de l'os à attendre; mais dès qu'elle sera faite, et que le fond demeurera sain, les chairs croîtront bientôt, et la guérison radicale sera prompte. Il est question de nettoyer patiemment le fond: il n'y a rien de pénible et de long qu'il ne fallût souffrir pour en venir à bout sans

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