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plaisance; j'en aurois de bien plus difficiles pour toi : que ne ferois-je point!

Dis à M. le maréchal que je ne puis me résoudre à abuser de ses bontés, et à interrompre ses grandes occupations par des lettres inutiles; il me suffit qu'en lui faisant ta cour, tu lui renouvelles le souvenir de mon zele pour lui.

Dis aussi tout ce qu'il faudra à M. le maréchal de Montesquiou. Tu as besoin de les accoutumer à toi, et toi à eux, pour les engager peu-à-peu à dire que tu sers bien. Il faut, pendant que je suis encore au monde, que mon ombre te facilite quelque accès.

Madame de Chevry me mande qu'elle fera prendre des eaux à son frere l'abbé dans le mois prochain. Je suis fort aise d'avoir vu deux lettres que tu as écrites à ton frere. Son plaisir me revient par contrecoup. Lobiche est bon enfant.

Mille reconnoissances à M. de Puységur. Ne m'oublie pas, quand tu verras M. de Montviel.

Bon soir, cher fanfan: tonton est tout à toi, afin que tu sois tout à Dieu, non au monde ni à toimême.

LETTRE XXV.

Cambrai, 4 novembre 1712.

J'ai reçu ta lettre, mon fanfan. Mon rhume n'est plus rien, mais mon sommeil n'est pas coulant de source; il faut le laisser revenir : je ne fais presque rien. J'espere qu'à ton retour de Maubeuge, tu nous feras savoir quand est-ce que nous te reverrons. En attendant ne te dissipe ni ne te relâche; réserve les heures de nourriture de l'ame; unis-toi, comme tu me l'as promis; modere-toi dans les mouvements qui te paroîtront trop vifs. On ne peut pas éviter toujours la surprise du premier mouvement, mais il est capital d'arrêter le second, faute de quoi le troisième est encore plus fort, et la passion qu'on pouvoit réprimer dans sa naissance, devient bientôt si forte qu'on en est entraîné. Il faut craindre la vanité dans les fautes; souvent on les continue par la mauvaise honte de ne vouloir pas paroître les avouer, et s'en corriger. Voilà bien de la morale : je ne veux point te fatiguer par mes sermons. Reviens, fanfan, dès que tu auras fait : je voudrois voir entrer, fanfan,

par un côté, et Panta par l'autre. Comment se porte ta jambe? Bon soir.

LETTRE XXVI.

Cambrai, 6 décembre 1712.

BON jour, fanfan; je souhaite qu'en t'éloignant de Cambrai, tu ne sois point éloigné de notre commun centre, et que notre absence n'ait point diminué en toi la présence de Dieu. L'enfant ne peut pas teter toujours, ni même être tenu sans cesse par les lisieres on le sevre, on l'accoutume à marcher seul. Tu ne m'auras pas toujours. Il faut que Dieu te fasse cent fois plus d'impression que moi, vile et indigne créature. Fais ton devoir parmi tes officiers avec exactitude, sans minutie, patiemment et sans dureté. On déshonore la justice, quand on n'y joint pas la douceur, les égards et la condescendance: c'est faire mal le bien. Je veux que tu te fasses aimer; mais Dieu, seul peut te rendre aimable, car tu ne l'es point, par ton naturel roide et âpre. Il faut que la main de Dieu te manie pour te rendre souple et pliant: il faut qu'il te rende docile, attentif à la pensée d'autrui, défiant de la tienne, et petit comme un enfant : tout le reste est sottise, enflure et vanité.

Madame de Chevrý souffre encore. Nous ne savons rien de nouveau, rien qui me fasse plaisir, sinon que fanfan reviendra vendredi.

LETTRE XXVII.

Cambrai, 7 janvier 1713.

JE E vous envoie, mon cher fanfan, un mémoire avec le projet un peu retouché. Le mémoire, malgré mes soins pour l'accourcir, est un peu longuet. Si M. Voysin s'accommodoit, sans examen du projet, avec le très petit changement que j'y ai fait, il n'auroit pas besoin de lire le mémoire; mais s'il a de la peine à s'accommoder du projet avec ce très petit changement, il faut donner un assaut pour obtenir qu'il ait la bonté de lire le mémoire: il n'y aura que quatre minutes de lecture. Pour le changement que je propose, il le verra du premier coup-d'œil. J'ai sousligné d'une légere ondée toutes les paroles du changement, qui ne vont pas jusqu'à trois lignes. Ce changement ne peut même blesser personne.

! Je suis persuadé que vous devez demeurer à Paris pendant que le roi sera à Marly, afin de retourner à Versailles quand la cour y retournera : autrement votre voyage seroit inutile, et c'est ce que vous devez éviter. Je ne m'étonne point de votre embarras et de votre dégoût: on est gêné avec les gens qu'on connoît peu ou point; on fait très imparfaitement ce

qu'on n'a pas l'habitude de faire. L'amour propre s'ennuie de se contraindre beaucoup avec peu de succès. Vous êtes accoutumé à une vie simple, commode, libre et flatteuse par l'amitié de la compagnie qui vous environne: cette douceur vous gâte. Il faut s'accoutumer dans le monde à la fatigue de l'esprit, comme à la fatigue du corps dans un camp. Plus vous retarderez ce travail pour votre entrée dans le monde, plus il vous deviendra dur et presque impossible. Vous courrez risque d'y réussir très mal à un certain âge. Si vous y renoncez pour toujours, vous passerez votre vie dans l'obscurité, sans amis de distinction, sans crédit, sans appui, sans ressource pour faire valoir vos services, et sans aucun moyen pour soutenir votre famille. Il est donc capital que vous rompiez tout au plutôt cette glace avec courage et patience, sans écouter votre amour propre contristé. La facilité viendra peu à peu avec l'habitude. Vous ne serez plus si embarrassé quand vous connoîtrez tout le monde, quand tout le monde vous connoîtra, quand vous serez accoutumé aux choses qu'on fait en ce pays-là, et quand vous aurez de quoi entrer à propos dans les conversations familieres. Dès que vous y aurez acquis un certain nombre d'amis, honnêtes gens et estimés, ceux-là vous mettront dans. leur commerce. De proche en proche vous irez peu

TOME VI.

B

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