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dans la vendange. En attendant j'aurois été ravi de vous revoir, si votre devoir vous permettoit de venir ici. Mais il ne faut ni vous exposer aux partis ennemis, ni donner mauvais exemple sur l'assiduité dans votre poste. Les nouvelles de madame de Chevry ne sont pas bonnes; elle a presque toujours de la fievre, souvent des frissons, des convulsions, des foiblesses, et même un peu de rêverie dans les accès les plus violents. Chiracne perd pas courage, etne voit, dit-il, de danger que par la longueur, qui épuise les forces. Ce qui augmente ma peine est que l'abbé de Beaumont, qui ne sort presque jamais de la chambre de la malade, tombe dans une tristesse qui m'alarme pour sa santé. Vous savez, sans doute, les nouvelles d'Espagne, qui ne sont pas bonnes. Dieu sait ce qu'il veut faire, et il faut l'attendre avec soumission. Heureux qui veut tout ce qui lui plaît, puisque tout ce qui lui plaît s'accomplit! M. le chevalier de Luxembourg est actuellement céans. Il avoit tenté de surprendre le fort de Scarpe mais M. de Honpech, gouverneur de Douai, qui alloit à Lille, envoya par hasard son escorte l'attendre au fort, et déconcerta par ce coup de hasard tout le projet. Peu s'en est fallu qu'il n'ait réussi. Donnez-moi de vos nouvelles. J'écrirai demain à madame Voysin comme vous le desirez, pour vous procurer quelque endroit voisin de Picar

TOME VI.

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die. Je prie souvent Dieu pour vous, et je voudrois que mes prieres fussent assez bonnes pour vous procurer la grace d'être simple, vrai, recueilli, et tout à Dieu dans la vie la plus commune selon votre profession. Je vous crois vrai et droit d'une certaine façon; mais il y a une vérité et une droiture que le monde ne connoît pas, et qui consiste à ne réserver rien à l'égard de Dieu. Bon soir, mon cher enfant: ménagez le monde par devoir, sans l'aimer par ambition; ne le négligez point par paresse, et ne le suivez point par vanité. Tendrement à vous pour jamais.

JE

LETTRE XII.

Chaulnes, 15 octobre 1710.

E vous envoie, mon cher neveu, la réponse que j'ai reçue de madame Voysin: elle vous donne de grandes espérances pour votre régiment. Je ne compte point de vous voir avant la fin de la campagne : ayez soin de votre frere et encore plus de vous-même. Dès qu'on manque, il faut, sans perdre courage, se relever humblement, et travailler, quoi qu'il en coûte, à se corriger. Il ne faut pas perdre un seul moment pour réparer ses fautes.

Madame de Chevry se porte mieux; mais c'est un

mieux qu'un jour donne et qu'une nuit ôte. Je plains et elle et l'abbé de Beaumont: il faut porter sa croix; et nous ne valons rien qu'autant que Dieu nous domte par la souffrance. Bon soir, mon pauvre enfant; Dieu sait à quel point vous m'êtes cher malgré vos défauts, pourvu que vous travailliez sans relâche à les vaincre en recourant à Dieu...

Je vais écrire à Cambrai pour obtenir du chapitre le temps que votre frere demande.

Mille compliments à tous ceux qui se souviendront de moi.

Il faudra écrire à Paris afin qu'on fasse bien entendre à M. Voysin que la grace qu'il vous fait espérer par madame Voysin se tourneroit en désavantage pour le régiment, si, sous prétexte du voisinage de Cambrai, on vous mettoit dans quelque place de guerre, où vos soldats mourroient de faim. Vous pourriez en écrire au premier commis, pour obtenir le plat pays en Picardie ou en Champagne, c'est ce que j'avois demandé, ou quelque ville comme Ham, Laon, Noyon, Soissons, etc.

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LETTRE XIII.

Cambrai, 12 novembre 1710.

Nous avons perdu notre cher abbé de Langeron, et je suis accablé de douleur. Jugez par là, mon cher enfant, combien j'ai d'impatience de vous revoir. Pouvez-vous douter de mon cœur sur votre équipage? Il partagera avec le mien tout ce que nous aurons. Les nouvelles de madame de Chevry sont tristes. Il descend toujours de nouvelles pierres, et chacune cause quelque violente colique. En vérité la vie est bien amere: je n'y sens que de la douleur dans la perte que je viens de faire. Si je pouvois sentir du plaisir, votre arrivée m'en feroit; mais ne précipitez rien, non pas même d'une heure. Je ne serai pas insensible au soulagement de cœur de revoir M. de Puységur et de le remercier de ses bontés pour vous.

M. de Montviel me mande qu'il a fait notre affaire pour les blancs avec le seul secrétaire de M. le maréchal de Harcourt : c'est ce qui m'empêche d'écrire à M. le maréchal pour le remercier. Si j'apprends qu'il soit à propos de le faire, je le ferai. Je croyois que M. de Montviel passeroit l'hiver à Cambrai, et que nous le logerions céans. Faut-il vous remercier

de vos soins? Je crois que non, l'amitié ne remercie ni ne laisse remercier. J'ai le cœur bien malade; envoyez ici tout au plutôt votre équipage.

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LETTRE XIV.

Cambrai, 10 août 1712.

me tarde, mon cher neveu, d'apprendre de vos nouvelles. Nous sommes ici en assez bonne santé, excepté l'inquiétude où nous sommes pour les gens que nous aimons, laquelle brûle un peu le sang et altere les digestions. M. le duc a passé ici, m'a fait mille amitiés, et m'a fort demandé de vos nouvelles. Je crois que vous devez lui faire votre cour, autant que vous serez à portée de le faire: ses bontés vous y engagent autant que son rang. Il a, cette année, auprès de lui M. de Saintrailles, homme de très bon esprit, qui a un grand usage du monde avec beaucoup de religion: il me témoigne une véritable confiance. Je l'ai prié de vous recevoir comme mon enfant: voyez-le sur ce pied, et cultivez M. le duc autant que vous en trouverez l'ouverture: il faut un peu d'enjouement respectueux. M. de Saintrailles est fort estimé des plus honnêtes gens; et quoiqu'il soit fort retiré à Paris, son amitié a son prix, et vous

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