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ennemis commençassent par nous rendre nos quatre places de dépôt avant que de prendre les armes, puisque ces places n'auroient été mises en dépôt que pour le congrès. Comme je ne sais rien des propositions faites de part et d'autre, ni de ce qui fait la difficulté qui reste, je marche à tâtons, et je parle au hasard. Mais voici trois points principaux que je souhaiterois. Le premier est de ne rompre point, et de ne se rebuter d'aucune difficulté, mais de négocier avec une patience sans bornes, pour les vaincre toutes, puisque nous sommes dans une si périlleuse situation, si la paix vient à nous manquer. Le second est de ne perdre pourtant pas un moment pour la conclusion, si on peut y parvenir, car un retardement amene la campagne, et la campagne dans le désordre où nous sommes peut culbuter tout. Le troisieme est de ne se laisser point amuser par de vaines espérances, et de tenter l'impossible pour se préparer à soutenir la campagne, à moins que vous n'ayez la paix sûre dans vos mains: un mécompte renverseroit tout. Je prie Dieu qu'on prenne de justes mesures. Au nom de Dieu, parlez au duc de Beauvilliers, à M. de Torcy, à M. Voysin, etc. Ce que M. le chevalier de Luxembourg, M. de Bernieres, et tous les autres, me disent de l'état des troupes et de la frontiere, doit

TOME VI.

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faire craindre tout ce qu'on peut s'imaginer de plus terrible.

Je commence à rentrer dans mon travail sur saint Augustin; je vais refaire l'ouvrage tout entier : il faut de la santé, du loisir, et un grand secours de la lumiere de Dieu. J'avoue qu'il me paroît que je ne dois pas retarder cet ouvrage, je puis mourir : je l'exécuterois plus mal dans un âge plus avancé. II faut le mettre en état, et puis il paroîtra quand Dieu en donnera les ouvertures.

Je ne saurois exprimer, mon bon duc, à quel point je suis dévoué à notre bonne duchesse; la voilà chargée d'un nouveau poids. Mandez-moi, si vous le pouvez, un mot sur les deux jeunes mariés; je ne puis m'empêcher d'être curieux et vif sur tout ce qui vous touche, vous et la bonne duchesse : je souhaite que ces deux jeunes personnes se tournent bien.

Dieu soit lui seul, mon bon duc, en vous toutes choses, l'alpha et l'omega.

Celui qui portera cette lettre à Paris chez madame de Chevry, est un très honnête homme, qui compte de n'être à Paris qu'environ quinze jours. Je prie madame de Chevry de vous faire avertir un peu avant le départ de cet honnête homme, afin que vous puissiez vous servir de cette occasion pour m'envoyer ce qu'il vous plaira.

LETTRE XXI.

Cambrai, 25 mars 1710.

Je crois, mon bon duc, qu'il faut, dans l'extrémité affreuse où l'on assure que les choses sont, acheter très chèrement deux choses; l'une est la dispense d'attaquer le roi catholique; l'autre est un armistice pour éviter les accidents d'une campagne, qui pourroient renverser l'état. Je ne voudrois ni faire la guerre au roi catholique, à aucune condition, à moins qu'il ne nous la fit, ni hasarder la France en hasardant une campagne. Je donnerois pour les sûretés des préliminaires toutes les places d'ôtage qu'on voudroit, pourvu qu'elles fussent en mains neutres, comme celles des Suisses; et j'abandonnerois pour le fond du traité de paix des provinces entieres, pour ne perdre pas le tout: mais je voudrois qu'on vît le bout des demandes des ennemis. Pour Baïonne et Perpignan, vous auriez un horrible tort de les céder, si vous pouvez éviter une si grande perte; mais si vous ne pouvez vous sauver qu'en les sacrifiant, ce seroit un vain scrupule que d'hésiter. Vos places sont à vous et non à vos voisins; elles ne doivent servir qu'à vous; et si vous pouvez sauver votre état en les

donnant, vous y êtes obligé en conscience, quoique cette cession, par un contrecoup fortuit qui est contraire à votre intention, nuise à votre voisin. En repoussant le Turc de la Hongrie, je le rejette dans le pays voisin dont il fait la conquête. J'en suis fâché: mais j'ai dû défendre la Hongrie, et laisser aux maîtres de ce pays à le défendre comme ils l'entendront. Vous êtes d'autant moins chargé d'être le tuteur de l'Espagne, qu'elle n'agit plus, dit-on, de concert avec vous. M. de Bergeich fait assez entendre qu'il n'est plus lié avec nous. Vous savez ce que je vous en ai dit et écrit: il ne songe qu'à faire la paix du roi catholique aux dépens du royaume de France, comme vous voudriez faire la vôtre aux dépens de la monarchie d'Espagne; tout au moins il traversera votre négociation facile à brouiller, et il tentera tout pour vous réduire à des conditions encore plus dures que celles du traité des Pyrénées, comme de rendre l'Artois, Perpignan, les trois évêchés. Il espere par là tenter les ennemis de laisser au roi Philippe l'Espagne et la Flandre, bien entendu qu'il leur cédera les places et les ports dont ils auront besoin, tant en Espagne que dans les Indes, pour leur commerce. Après les discours qu'il m'a faits, et ceux qui me reviennent, je ne puis douter que ce ne soit là son projet. Rien n'est si propre à brouiller vos négocia

tions. Dieu veuille que vous puissiez débrouiller ce chaos, et prévenir les malheurs de la campagne qui va commencer! pour moi je ne puis que prier.

Je suis en peine de votre santé, car j'ai vu une lettre où vous mandiez à M. le chevalier de Luxembourg que vous aviez eu encore une attaque de goutte. Bon soir, mon bon duc: donnez du repos à votre corps et à votre esprit; cela est pour le moins aussi nécessaire à l'intérieur qu'à la santé. Mille respects à notre bonne duchesse, mille autres à madame la vidame, mille tendresses à M. le vidame, et à vous, mon bon duc, union qui ne peut s'exprimer.

Aurez-vous la bonté de me faire savoir s'il est vrai que M. le duc de Beauvilliers et M. Voysin soient mal ensemble comme on me l'assure?

JE

LETTRE XXII.

Cambrai, 7 avril 1710.

E profite, mon bon duc, à la hâte, d'une occasion imprévue, pour vous parler en liberté de diverses choses.

1o. On dit que le roi s'est réduit à demander la Sicile et les places d'Espagne en Toscane pour le roi Philippe; que Marlborough a paru croire que ce mor

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