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trouvera que ce que M. de Bergeich aura paru faire pour Philippe, se tournera comme de soi-même pour Charles, parcequ'il aura été fait pour la monarchie qui passera des mains de l'un de ces princes dans celles de l'autre. Voilà, mon bon duc, ce qu'il me semble entrevoir par des discours très forts, qui me faisoient entendre un grand mystere au-delà de tout ce qu'ils pouvoient signifier. Je ne saurois dévelop per le plan, mais c'est à ceux qui savent le secret des affaires à démêler ce que je ne puis voir que très confusément. J'en ai écrit dans le temps à M. de Beauvilliers, et je vous supplie de réveiller la dessus toute son attention: l'affaire est délicate et importante. On prendroit bien le change, si on ne préféroit pas les frontieres voisines de Paris à toutes les espérances ruineuses de l'Espagne.

Il ne me reste qu'un moment pour vous dire que je suis, mon bon duc, plus uni à vous que jamais, et plus dévoué à vos ordres.

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LETTRE XVI.

Cambrai, 20 novembre 1709!

Je crois, mon bon duc, qu'il est important que vous entreteniez à fond M. de Puységur avec M. le duc

de Beauvilliers, et qu'ensuite on lui procure une ample audience de M. le duc de Bourgogne. Outre la capacité et l'expérience pour la guerre, M. de Puységur a d'excellentes vues sur les affaires générales qui méritent un grand examen : des conversations avec lui vaudront mieux que la lecture de la plupart des livres. D'ailleurs il est capital que notre prince témoigne amitié et confiance aux gens de mérite qui se sont attachés à lui, et qui ont tâché de soutenir sa réputation; car elle a beaucoup souffert, et il n'a guere trouvé d'hommes qui ne l'aient pas condamné depuis l'année derniere.

Je vous recommande donc instamment M. de Puységur, moins pour lui que pour notre prince. Souvenez-vous que vous m'avez promis de cultiver le prince.

Mille respects à notre bonne duchesse et à madame la vidame; j'embrasse tendrement M. le vidame. Tout dévoué à mon bon duc.

LETTRE XVII.

Cambrai, 1 décembre 1709.

Je vous supplie, mon bon duc, d'avoir la bonté de

E

donner une audience commode à M. le comte de

Beauvau, qui s'est chargé de vous rendre cette lettre. Vous connoissez sa naissance, mais vous ne connoissez peut-être pas son bon sens, son courage infini, sa simplicité, sa probité très rare, ni son expérience dans le métier de la guerre : il vous dépeindra au naturel diverses choses importantes, si vous voulez bien le faire parler sans ménagement; de sa part, il se bornera à vous entretenir sur ce qui regarde M. le chevalier de Luxembourg, son ami et proche parent. Il y a sujet de craindre qu'on ne vcuille rendre de mauvais offices à M. le chevalier, sur la commission qu'il avoit eue d'aller occuper le poste de Givry, au centre des lignes près de Mons. Il est fort à desirer que vous et M. le duc de Beauvilliers soyez au fait, et qu'on y puisse mettre M. Voysin, en cas qu'on voulût le prévenir en mal. La probité, le bon sens, la bonne volonté et la valeur de M. le chevalier de Luxembourg, méritent qu'on ait attention à lui laisser faire son chemin pour le service.

Je prie le Seigneur d'être toutes choses en vous et dans notre bonne duchesse: j'embrasse en toute simplicité notre très cher vidame, et je ne saurois oublier madame la vidame, pour qui j'ai un vrai zele.

TOME VI.

LETTRE XVIII.

Cambrai, 5 décembre 1709.

Je profite, mon bon duc, avec beaucoup de joie, d'une occasion sûre, pour vous dire que toute cette frontiere est consternée; les troupes y manquent d'argent, et on est chaque jour au dernier morceau de pain. Ceux qui sont chargés des affaires paroissent eux-mêmes rebutés, et dans un véritable accablement. Les soldats languissent et meurent, les corps entiers dépérissent, et ils n'ont pas même l'espérance de se remettre. Vous savez que je n'aime point à me mêler des affaires qui sont au-dessus de moi: mais celles-ci deviennent si fortement les nôtres, qu'il nous est permis, ce me semble, de craindre que les ennemis ne nous envahissent la campagne prochaine. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que je n'ai aucune peur pour ma personne, ni pour mon intérêt particulier: mais j'aime la France, et je suis attaché, comme je le dois être, au roi et à la maison royale. Voyez ce que vous pourrez dire à MM. de Beauvilliers, Des. marets et Voysin : vous avez sans doute reçu la lettre que je vous ai envoyée pour l'examiner. Chaulnes et la compagnie que j'y ai vue me revient souvent au

cœur. Je dirois, Heureux qui passe sa vie avec de telles personnes! s'il ne valoit mieux dire, Heureux qui demeure là où il se trouve content du pain quotidien, avec toutes les croix quotidiennes! Je suis même persuadé que la croix quotidienne est le principal pain quotidien. Je me trouve bien plus près de vous, quand j'en suis loin, avec une intime union de cœur à Dieu qui m'en rapproche, que si j'étois jour et nuit auprès de vous, avec l'amour propre, qui porte partout la division et l'éloignement des cœurs. Bon soir, mon bon duc.

VOTRE

LETTRE XIX.

Cambrai, 11 janvier 1710.

OTRE exposé, mon bon duc, ne me permet pas d'hésiter. J'avoue que je desirerois une autre naissance, mais elle est des meilleures en ce genre; le côté maternel est excellent. J'avoue aussi qu'il eût été fort à souhaiter qu'on eût pu différer de quelques années; mais vous pouvez mourir, et il y a une différence infinie entre le jeune homme établi par vous, et tout accoutumé sous vos yeux à une certaine regle dans son mariage avec une femme que madame la duchesse de Chevreuse aura formée, ou

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