Obrazy na stronie
PDF
ePub

de Dieu, c'est de veiller pour tout ce qui a rapport å la religion, et d'être l'homme de Dieu pour écarter tout ce qui peut augmenter le danger de l'église. Mais ouvrez-vous à très peu de personnes là-dessus, et agissez en silence pour tâcher de saper les fondements d'une cabale si accréditée.

La bonne petite duchesse me paroît aller bien droit devant Dieu, selon sa grace; elle est simple; elle est ferme. Comme elle est bien détachée du monde, elle voit par une sagesse de grace ce qu'il y a à voir en chaque chose. Le pays où vous êtes court risque de les faire voir autrement. Si on n'y a point de desirs, du moins on y a des craintes; et en voilà assez pour donner des vues moins pures: on se fait des raisons pour se flatter dans ses petits attachements, Je prie Dieu qu'il vous garantisse de tels pieges: Moriamur in simplicitate nostra, Nul terme ne peut exprimer, mon très bon et très cher duc, avec quels sentiments je vous suis dévoué pour la vie et pour la mort,

LETTRE IX.

Cambrai, 5 novembre 1705.

M. le vidame passe ici, mon bon duc, et ne me laisse qu'un instant pour vous parler de lui: il me permet de vous dire ce que je connois de son état. Il voit clairement tout ce qu'il doit à Dieu, sa volonté même est touchée; mais elle est si foible, et le pays où il retourne est si périlleux pour sa fragilité, que je n'espere rien, à moins que vous ne l'accoutumiez à vous dire tout sans réserve, que vous ne le ménagiez avec une patience infinie, et que vous ne le gardiez, pour ainsi dire, à vue contre lui-même. Il ne faut ni le flatter ni le pousser au désespoir : Dieu vous montrera le milieu,

ΑΙ

:

LETTRE X.

Cambrai, 12 novembre 1706.

J'ai été ravi, mon bon duc, de voir en passant M. le vidame il est bon, vrai, aimable, et touché de Dieu, mais il a un besoin infini d'être aidé sans être trop pressé: il faut soutenir sa foiblesse, sans le

TOME VI.

fatiguer. J'aurois bien souhaité de pouvoir être plus long-temps à mon aise avec lui, mais il vous aura trouvé; et j'espere que vous le déciderez. Nous avons ici, depuis quelques jours, M. le comte d'Albert, qui est doux, commode, plein de complaisance et d'agrément dans la société; il paroît s'accommoder avec nous, et je lui dis qu'il est comme Alcibiade, qui savoit être austere à Lacédémone, poli et savant à Athenes, magnifique et voluptueux chez les Perses: c'est un esprit doux, insinuant, souple, et qui prend toutes les formes selon les lieux et les personnes. Il sait penser très sérieusement, et sur des principes approfondis: on ne sauroit lui dire aucune vérité qu'il ne se soit dite avec force; mais la même facilité d'esprit qui le tourne au bien, l'entraîne vers le mal dans le torrent du monde où il est plongé. Quand il nous quittera, je le regretterai.

Les Suisses, ou le roi de Suede, ne pourroient-ils point, ou par leurs intérêts, ou par la gloire d'une si importante négociation, entreprendre de faire la paix? Il n'y a pas un moment à perdre; l'hiver s'écou lera bien vîte; il faut tout rétablir. Si l'argent vient tard, on sera surpris par le printemps, et on courra risque de se trouver dans une extrémité où l'on ne pourra faire ni la paix ni la guerre; la Provence, le Dauphiné, seront exposés aux efforts du duc de Sa

voie et du prince Eugene. Voilà une très grande frontiere presque tout ouverte avec le danger des huguenots mécontents, et des fanatiques des Cévennes,' auxquels l'ennemi peut donner la main.

D'ailleurs M. de Vendôme, qui a plus de vivacité et d'ardeur que d'attention au total des affaires, ne peut souffrir la supériorité des ennemis sur lui; c'est une honte et un dépit personnel. Les ennemis prendront des places très importantes devant lui, pour percer notre frontiere et entamer le royaume: ou bien ils l'engageront à une bataille; c'est ce qu'il cherche. S'il la perd, il hasarde la France entiere: c'est sur quoi on doit bien délibérer, sans l'abandonner à son impétuosité. Il faudroit un Charles V pour retenir Bertrand du Guesclin. Il ne s'agit pas de la seule campagne de M. de Vendôme, mais de la fortune de l'état.

M. de Vendôme est paresseux, inappliqué à tous les détails, croyant toujours tout possible, sans discuter les moyens, en consultant peu : il a de grandes ressources par sa valeur et par son coup-d'œil, qu'on dit être très bon pour gagner une bataille; mais il est très capable d'en perdre une par un excès de confiance: alors que deviendroit-on?

Ayez la bonté de me renvoyer mes cahiers dans mon porte-feuille cacheté, avec une lettre de deux feuilles, qui y est jointe dans le porte-feuille, et qui

est d'un certain prélat : cette lettre est un grand secret, que je ne croyois pas avoir laissé là ; mais ce qui est dans vos mains n'est en aucun danger.

J'ajoute, s'il vous plaît, mille respects pour madame la duchesse, presque autant pour madame la vidame; pour M. le vidame, beaucoup moins, mais mille tendresses. Il n'y a que vous, mon bon duc, à qui je ne puis rien dire, sinon, Dieu seul soit toutes choses en vous!

JE

LETTRE X I.

Cambrai, 18 novembre 1706.

E vous remercie du fond de mon cœur, mon bon duc, de m'avoir renvoyé mon porte-feuille. Je ne manquerai pas de retoucher les endroits que vous me marquez, pour les adoucir et pour les proportionner au besoin du lecteur prévenu. Je suis très aise de voir que vous me confirmiez dans la pensée où j'étois que ces préjugés qui sont décisifs pour un lecteur équitable, préparent l'esprit à la discussion des passages de saint Augustin. Plus on approfondira sans passion, plus on reconnoîtra que le systême de ce pere est contre ses prétendus disciples.

« PoprzedniaDalej »