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n'osent cependant lui résister; et le sage Amphinome, fils de Nisus, leur dit: Pourquoi maltraitezvous cet étranger? Laissons-le dans le palais de Télémaque, puisqu'il est son hôte; faisons des libations, et allons goûter les douceurs du repos.

LIVRE XIX.

ULYSSE, étant demeuré seul dans le palais, prend avec Minerve des mesures pour donner la mort aux poursuivants de Pénélope. Tout plein de cette pensée, il appelle Télémaque : Ne perdons pas un moment, lui dit-il; portons au haut du palais toutes les armes. Télémaque obéit à son pere, et charge la prudente Euryclée d'empêcher les femmes de sa mere de sortir de leur appartement, tandis qu'il les transporteroit. Son ordre fut exécuté. Le pere et le fils se mettent à porter les casques, les boucliers, les épées, les lances, et Minerve marche devant eux avec une lampe d'or qui répand une lumiere extraordinaire. Télémaque, surpris de ce prodige, en parle à son pere, qui lui répond: Gardez le silence, mon fils, retenez votre curiosité: ne sondez pas les secrets du ciel; contentez-vous de profiter de ses faveurs avec reconnoissance. Mais il est temps que vous alliez vous reposer: votre mere va descendre, et m'a demandé un entretien.

Pénélope paroît en effet, suivie de ses femmes. Mélantho, la plus insolente de celles qui l'accompa

gnoient, fâchée de trouver Ulysse dans la salle, veut l'en faire sortir, et l'accable d'injures. Pourquoi 'm'attaquez-vous avec tant d'aigreur? lui répond Ulysse en la regardant avec colere. Est-ce parceque je ne suis plus jeune et que je n'ai que de méchants habits? J'ai été autrefois environné de toute la magnificence qui attire les regards; Jupiter a renversé cette grande fortune: que cet exemple vous rende plus sage; craignez de perdre cette faveur qui vous releve au-dessus de vos compagnes.

Pénélope la reprend aussi, et lui impose silence. Elle fait asseoir Ulysse auprès d'elle, et lui demande quel est son nom, où il a pris naissance, et ce que font ses parents. Ulysse feint qu'il est de l'isle de Crete; qu'il y tenoit un rang distingué lorsque le roi d'Ithaque y a passé pour aller à Ilion: il le dépeint avec la plus grande exactitude, lui parle de l'habit qu'il portoit, et de ceux qui l'accompagnoient : Il les a tous perdus, ajoute-t-il, à son retour; et je sais qu'il a été le seul à se sauver d'une tempête excitée par la colere des dieux. Pénélope lui dépeint à son tour ses inquiétudes et le chagrin que lui cause l'absence d’Ulysse. Je suis, dit-elle, persécutée par les princes que vous voyez : mon cœur se refuse aux engagements qu'ils me sollicitent de prendre; de peur de les irriter, je les amuse par des espérances que je ne vou

drois pas réaliser. Je leur avois promis de me décider quand j'aurois achevé de broder un grand voile; j'y travaillois le jour, et la nuit je défaisois l'ouvrage que j'avois fait: quelques unes de mes femmes m'ont trahie, et leur ont découvert cette innocente ruse. Je ne trouve plus d'expédient pour reculer, et je suis la plus malheureuse des femmes.

Temporisez encore, lui dit Ulysse, et ne pleurez plus; le roi d'Ithaque est vivant : vous le verrez bientôt. Je jure, par ce foyer où je me suis réfugié, qu'il reviendra dans cette année.

Dieu veuille que ce bonheur m'arrive, comme vous me le promettez ! répondit la sage Pénélope; mais, si j'en crois mes pressentiments, il ne reviendra pas, et personne ne pourra vous fournir les moyens de retourner dans votre patrie.

Cependant la reine, touchée de ce que cet étranger venoit de lui raconter, ordonne à ses femmes d'en prendre soin, de lui dresser un bon lit, de lui laver les pieds et de le parfumer d'essences. Celle, dit-elle, qui le maltraiteroit, ou qui lui feroit la moindre peine, encourroit mon indignation : les hommes n'ont sur la terre qu'une vie fort courte; c'est pourquoi il faut l'employer à faire du bien.

Princesse, répondit Ulysse, modérez votre générosité; je ne suis point accoutumé à tant d'égards; je

ne souffrirai pas que ces jeunes femmes me rendent les services que vous exigez d'elles.

Recevez-les du moins, lui dit Pénélope, d'Euryclée, la nourrice de mon cher et infortuné Ulysse: vous m'avez inspiré un véritable intérêt, et de tous les étrangers qui sont venus dans mon palais, il n'y en a point qui aient marqué dans leurs discours et dans leurs actions tant de vertu et tant de sagesse. Allez donc, dit-elle à Euryclée, allez laver les pieds de cet hôte qui paroît de même âge que mon cher prince: je m'imagine qu'Ulysse est fait comme lui, et dans un état aussi pitoyable; car les hommes dans la misere vieillissent promptement.

Ah! s'écrie alors Euryclée, c'est son absence qui cause tous mes chagrins. Seroit-il l'objet de la haine de Jupiter, malgré sa piété? car jamais prince n'a offert à ce dieu tant de sacrifices, ni des hécatombes si parfaites. Je vous l'avoue, pauvre étranger, malgré votre misere vous me causez de grandes agitations: je n'ai vu personne qui ressemblât à Ulysse autant que vous ; c'est sa taille, sa voix, toute sa démarche. Vous n'êtes pas la seule, lui dit Ulysse, qui ayez été frappée de cette ressemblance.

Euryclée prit alors un vaisseau; et lorsqu'elle lui lava les pieds, elle le reconnut à une cicatrice qui lui restoit d'une blessure que lui avoit faite un sanglier

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