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figuier sauvage dont je vous ai parlé, je demeure suspendu à ses branches jusqu'à ce que je yois sortir de cet abyme les débris de mon vaisseau. Je me précipite sur le mât à demi brisé, et pendant neuf jours j'erre ainsi porté au gré des vents et des flots; et le dixieme jour j'aborde dans l'isle d'Ogygie: Calypso, qui en est souveraine, m'y reçut et m'y traita avec bonté.

LIVRE XIII.

LES Phéaciens écoutoient le récit des aventures d'Ulysse dans un silence d'admiration qui dura encore quand il eut cessé de parler. Enfin Alcinoüs, leur roi, prit la parole et lui dit : Je ne crois pas, prince d'Ithaque, que vous éprouviez, en sortant de mes états, les traverses qui vous ont tant fait souffrir. Oui, j'espere que vous reverrez bientôt votre patrie; mais je veux réparer vos pertes, et que vous y arriviez plus riche encore que si vous emportiez le butin que vous avez fait à Troie. Nous ajouterons donc à tous nos présents chacun un trépied et une cuvette d'or.

Tous les princes applaudirent au discours d'Alcinoüs, et se retirerent dans leurs palais pour aller prendre quelque repos. Le lendemain, dès que l'étoile du matin eut fait place à l'aurore, on offrit à Jupiter le sacrifice d'un taureau, et l'on prépara un grand festin; Démodocus le rendit délicieux par ses chants admirables. Mais Ulysse tournoit souvent la tête pour regarder le soleil dont la course lui paroissoit trop lente; quand il pencha vers son coucher, sans perdre un moment il adressa la parole aux

TOME VI.

Y

Phéaciens, et sur-tout à leur roi : Faites promptement vos libations, je vous en supplie, afin que vous me renvoyiez dans l'heureux état où vous m'avez mis, et que je vous dise mes derniers adieux. Vous m'avez comblé de présents: que les dieux vous en récompensent et vous donnent toutes les vertus! qu'ils répandent sur vous à pleines mains toutes sortes de prospérités, et qu'ils détournent tous les maux de dessus vos peuples!

Puis s'adressant à Areté et lui présentant sa coupe pleine d'un excellent vin, il lui parla en ces termes : Grande princesse, soyez toujours heureuse au milieu de vos états, et que ce ne soit qu'au bout d'une longue vieillesse que vous payiez le tribut que tous les hommes doivent à la nature! Je m'en retourne dans ma patrie comblé de vos bienfaits. Que la joie et les plaisirs n'abandonnent jamais cette demeure, et que, toujours aimée et estimée du roi votre époux et des princes vos enfants, vous receviez continuellement de vos sujets les marques d'amour et de respect qu'ils vous doivent!

En achevant ces mots, Ulysse sort de la salle, il arrive au port: on embarque les provisions, on part, ́et les rameurs font blanchir la mer sous leurs efforts.

Cependant le sommeil s'empare des paupieres d'Ulysse, et lui fait oublier toutes ses peines. Le vais

seau qui le porte fend les flots avec rapidité; le vol de l'épervier, qui est le plus vîte des oiseaux, n'auroit pu égaler la célérité de sa course : et quand l'étoile brillante qui annonce l'arrivée de l'aurore se leva, il aborde aux terres d'Ithaque; il entre dans le port du vieillard Phorcys, un des dieux marins. Ce port est couronné d'un bois d'oliviers qui, par leur ombre, y entretiennent une fraîcheur agréable; et près de ce bois est un antre profond et délicieux, consacré aux naïades. Ce lieu charmant est arrosé des fontaines dont l'eau ne tarit jamais.

par

Les rameurs d'Ulysse entrent dans ce port qu'ils connoissoient depuis long-temps. Ils descendent à terre, enlevent le roi d'Ithaque, l'exposent sur le rivage, sans qu'il s'éveille; mettent tous ses habits, tous ses présents, au pied d'un olivier, hors du chemin, de peur qu'ils ne fussent exposés au pillage, si quelqu'un venoit à passer. Ils se rembarquent ensuite, et reprennent la route de Schérie.

Neptune, irrité de voir Ulysse dans sa patrie malgré les menaces qu'il lui avoit faites et le desir qu'il avoit de l'en empêcher, s'en plaint à Jupiter. Le maître du tonnerre lui laisse toute la liberté de se venger sur les Phéaciens, et de les punir de l'accueil qu'ils avoient fait au roi d'Ithaque, et des moyens qu'ils lui avoient fournis pour revoir promptement ses états.

Neptune, satisfait, l'en remercie; et le fils de Saturne lui suggere la maniere dont il doit exercer sa vengeance. Quand tout le peuple, lui dit-il, sera sorti de la ville pour voir arriver le vaisseau qui a transporté Ulysse dans sa patrie, et qu'on le verra s'avancer à pleines voiles, changez-le tout-à-coup en un grand rocher près de la terre, et conservez-lui la figure de vaisseau, afin que tous les hommes qui le verront soient frappés de crainte et d'étonnement: ensuite couvrez leur ville d'une haute montagne qui ne cessera jamais de les effrayer.

Neptune se rendit promptement à l'isle de Schérie, et fit à la lettre ce que Jupiter venoit de lui permettre. Alcinoüs, à la vue de ce prodige, se rappella ce que lui avoit prédit son pere; il le raconta aux Phéaciens, et, après avoir solemnellement renoncé à conduire désormais les étrangers qui aborderoient dans leur isle, ils tâcherent d'appaiser Neptune, en lui immolant douze taureaux choisis.

Cependant Ulysse se réveille; il ne reconnoît pas la terre chérie après laquelle il avoit tant soupiré. Minerve avoit enveloppé ce héros d'un épais nuage qui l'empêchoit de rien distinguer; elle vouloit avoir le temps de l'avertir des précautions qu'il avoit à prendre: car il étoit important qu'il ne fût pas reconnu lui-même, ni de sa femme ni d'aucun de ses su

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