SCENE VI I. BRUTUS, PROCULUS, TITUS dans le fond du théâtre, avec des Licteurs. PROCULUS. LE Voici. TITU S. C'eft Brutus! ô douloureux momens! O terre, entr'ouvre-toi fous mes pas chancelans! BRUTUS. Arrête, téméraire. De deux fils que j'aimai les dieux m'avaient fait père; J'ai perdu l'un. Que dis-je ? ah! malheureux Titus! Parle ai-je encore un fils? TITU S. Non, vous n'en avez plus. BRUTUS. Réponds donc à ton Juge, opprobre de ma vie. (il s'affied.) Avais tu réfolu d'opprimer ta patrie? De trahir tes fermens? TITUS. Je n'ai rien réfolu, Plein d'un mortel poifon dont l'horreur me dévore, Mon cœur encor furpris de fon égarement, BRUT U S. Quoi! tant de perfidie avec tant de courage? TITUS. Toutes les paffions, la foif de la vengeance, Achève, malheureux. BRUT US. TITU S. Une plus grande erreur, Un feu qui de mes fens eft même encor le maître, Qui fit tout mon forfait, qui l'augmente peut-être. C'est trop vous offenfer par cet aveu honteux, A cet infortuné daignez ouvrir les bras; BRUTU S. Son remords me l'arrache. O Rome! ô mon pays! TITUS. Adieu, je vais périr, digne encor de mon père. (On l'emmène.) SCENE VIII. ་ SCENE BRUTUS, VI I I PROCULUS. PROCULUS. SEIGNEUR, tout le Sénat dans fa douleur fincère, En frémiffant du coup qui doit vous accabler... . BRUTU S. Vous connaiffez Brutus, et l'ofez confoler? Rome eft libre: il fuffit... Rendons grâces aux Dieux. Fin du cinquième et dernier acte. Théâtre. Tom. I. Bb de la Tragédie de Brutus. (4) Nous joindrons ici le morceau fuivant que M. de Voltaire a retranché dans les éditions poftérieures à 1738. دو Au reîte, Mylord, s'il y a quelques endroits paffables dans cet ouvrage, il faut que j'avoue que j'en ai l'obligation à des amis qui penfent comme vous. Ils m'encourageaient à tempérer l'austérité de Brutus par l'amour paternel, afin qu'on admirât et qu'on plaignît l'effort qu'il fe fait en condamnant fon fils. Ils m'exhortaient à donner à la jeune Tullie un caractère de tendreffe et d'innocence, parce que fi j'en avais fait une héroïne altière qui n'eût parlé à Titus, que comme à un sujet qui devait fervir fon prince; alors Titus aurait été avili, et l'ambaffadeur eût été inutile. Ils voulaient que Titus fût un jeune homme furieux dans fes paffions, aimant Rome et fon père, adorant Tullie, fe fefant un devoir d'être fidèle au Sénat même dont il fe plaignait, et emporté loin de fon devoir par une paffion dont il avait cru être le maître. En effet, fi Titus avait été de l'avis de fa maîtreffe, et s'était dit à lui-même de bonnes raifons en faveur des rois; Brutus alors n'eût été regardé que comme un chef de rébelles; Titus n'aurait plus eu de remords; fon père n'eût plus excité la pitié. "Gardez, me difaient-ils, que les deux enfans de Brutus paraiffent fur la fcène; vous favez que l'intérêt eft perdu quand il fe partage. Mais furtout, que votre pièce foit fimple; imitez cette beauté des Grecs, croyez que la |