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VUE ANCIENNE DU CHATEAU DE PICQUIGNY, (COTE SEPTENTRIONAL)

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ÉTUDE HISTORIQUE SUR LES LOTERIES

Discours prononcé le 2 Décembre 1860

A l'Hôtel-de-Ville d'Amiens,

A L'OCCASION DU PREMIER TIRAGE DE LA LOTERIE DU MUSÉE NAPOLÉON

PAR M. L'ABBÉ J. CORBLET

Vice-président de la Commission du Musée Napoléon.

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Le règne de Louis XIII ne nous a fourni aucun exemple de loteries; mais celui de son successeur nous offre des loteries, 1° de libéralité, 2° de spéculations particulières, 3° d'état, 4o de bienfaisance, 5o de commerce. Nous parlerons successivement de chacune de ces catégories.

I. Le 4 mai 1685, Louis XIV, se souvenant sans doute d'une loterie de munificence offerte autrefois par le cardinal Mazarin, en donna une de 3,000 billets gratuits aux dames de la Cour; il n'y avait que 24 lots, dont quatre de cinq cents

* Voir le numéro de janvier 1861, page 12.

TOME V. Février 1861.

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louis et vingt de bijoux. « Par un bonheur extraordinaire, dit le marquis de Dangeau ', Mme de Levestein eut les quatre lots d'argent. » L'aventure, en effet, nous paraît aussi extraordinaire que celle des quatre Probus; et il est permis de se demander si le hasard n'a pas été un peu aidé.

Ce divertissement fut renouvelé quelques mois plus tard, à l'occasion du mariage de Mlle de Nantes avec le duc de Bourbon. Quatre splendides boutiques étalaient dans le grand salon de Marly les œuvres les plus accomplies de l'industrie parisienne, que le sort distribua entre les invités, et Voltaire 2 nous dit, qu'en cette occasion, la générosité du roi dépassa les prodigalités des empereurs romains.

Trois ans plus tard, dans le même château, c'était le prince de Conti qui consacrait mille pistoles à offrir aux dames de la Cour une blanque composée de riches étoffes, de gracieux éventails et de splendides bijoux 3.

Les nobles et les financiers imitaient souvent l'exemple du Roi, de la Reine et des princes du sang. A l'issue de leurs festins on apportait deux séries de billets; les uns contenaient les noms des convives; les autres, la liste des libéralités qui leur étaient destinées. On tirait en même temps un billet de chaque série, et le sort unissait ainsi le nom de chaque cadeau à celui de son destinataire ".

1 Mémoires et Journal, 4 mai 1685.

Siècle de Louis XIV.

3 DANGEAU, Mémoires, 29 janvier 1689.

4 « M. Bontemps, premier valet de chambre du Roy, pour mettre à la lotterie de la Reyne, suivant l'ordre de Monseigneur, onze cents livres. » Compte du duc Mazarin, ms. cité par MONTEIL, Hist. des Francais, XVIIe siècle, note 9 du chapitre de la Belle mariée.

Une des plus riches loteries de dons fut celle du duc d'Anjou.

6 CHAUSSARD, Voyage de Casimir

en France pendant le règne de

Louis XIV, t. 1, p. 123.

II. Ces sortes de loteries, plus goûtées encore des convives. que des amphytrions, ne pouvaient être accessibles à tout le monde; aussi, pour faire participer le public aux émotions du jeu, remit-on en vogue les blanques payantes. L'entreprise particulière la plus importante fut celle du florentin Tonti, qui voulut par ce moyen reconstruire en pierre le pont de bois, qui unissait les galeries du Louvre au faubourg SaintGermain. Sous le patronage du corps de ville, il créa 50,000 billets à deux louis, ce qui devait faire une recette de douze cent mille livres. On avait l'intention d'en prélever la moitié pour la construction du Pont-Royal, de consacrer l'autre aux 1,215 lots dont le plus fort était de 30,000 livres; Tonti en devait garder soixante pour ses frais et rémunération '; mais le peuple avait peu de confiance dans les aventureuses entreprises de l'inventeur des tontines, et cet essai malencontreux échoua complètement 2.

Cette même année une autre tentative de blanque, se disant royale, fut aussi entreprise en vain à Paris, par un lyonnais, nommé de Chuyes. Il voulut lui donner le nom de loterie, en francisant le mot loteria des Italiens; mais le grammairien Vaugelas, qui était grandement intéressé dans cette spéculation, s'opposa énergiquement à l'introduction de ce néologisme 3. En vrai puriste qu'il était, il aurait refusé pour lui les dons de la fortune, pour peu qu'ils aient été entachés du moindre barbarisme.

A l'occasion de son mariage et des réjouissances de la paix,

'Lettres-patentes de décembre 1656, citées dans le Traité de police de De Lamare, t. 1, p. 472.

2 Le Magasin pittoresque, t. 11, p. 117, répète à tort, après quelques auteurs, que le pont-royal fut bâti en pierre avec les deniers de cette loterie. SAUVAL, Antiquités de Paris, t 1, p. 59.

Louis XIV accorda en 1660 quelques privilèges de loteries qui eurent plus de succès. Celle de Popin offrait dix lots. gagnants par chaque millier de billets, dont le prix était d'un louis. Il ne prélevait qu'un intérêt de 10 p. % partagé entre l'Hôpital général et les frais de l'administration. Les combinaisons très-compliquées de cette blanque permettaient à un seul billet de gagner successivement six lots '.

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A partir de cette époque, les blanques se multiplièrent, malgré les oppositions du Parlement et les ordonnances de police qui rappelaient inutilement que les autorisations de l'an 1660 avaient été exceptionnellement accordées pour les réjouissances d'un royal hymen. Le peuple trouvait bon de perpétuer sa réjouissance, et le Roi semblait lui donner raison en mettant lui-même aux loteries. Il lui advint même de gagner un gros lot de 100,000 livres3. Alors que tout s'inclinait devant sa gloire, on eût dit que le sort avait voulu se ranger lui-même au nombre de ses courtisans; mais Louis XIV était trop bon gentilhomme pour rester en retard de politesse avec le hasard. Il remit les cent mille livres dans une autre loterie, dont il eut la précaution de ne prendre aucun billet.

En 1700, la duchesse de Bourgogne entreprit une blanque de 20,000 pistoles. Ce furent les plus hautes notabilités de la Cour qui écrivirent et cachetèrent les billets. Le tirage eut lieu devant la Cour; le gros lot de 4,000 louis échut à un garde-du-corps de la compagnie de Lorges .

III. Témoin de la faveur populaire qui accueillait ces entreprises individuelles, le Roi voulut en faire pour l'État une

'FÉLIBIEN, Hist. de Paris, livre xxix, ch. 28.

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2 Arrêt du 11 mai 1661. Sentence de police du 29 mars 1670. - Défense du Lieutenant de police du 24 mars 1681.

3 SAVARY, Dict. de Commerce, au mot Loterie.

SAINT-SIMON, Mémoires, édit. de 1829, tome 11, page 450.

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