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LE TOMBEAU DE SAINT QUENTIN.

Dès la plus haute antiquité, l'usage d'inhumer les morts a été pratiqué par les Juifs'; il fut continué par eux sous la domination romaine. Quant aux Romains, ils paraissent avoir regardé l'inhumation avec un double sentiment de dégoût et de mépris; ils brûlaient leurs morts et ils mettaient les cendres et les ossements du bûcher dans des urnes cinéraires placées dans des colombarium; les restes des esclaves étaient précipités dans des puits, puticuli.

Enterrer les morts suivant la coutume des Juifs, devint une des premières observances de la religion chrétienne, et, même au milieu des persécutions les plus cruelles, on ne s'en écarta jamais.

L'inhumation se liait en outre intimement aux dogmes de l'Église; les apôtres de la nouvelle religion et les fidèles qui la pratiquaient devaient, après leur mort, comme pendant leur vie, attendre, séparés du monde païen, le grand jour de la Résurrection.

Les inhumations des premiers Martyrs furent faites dans

L'Évangile saint Jean dit après que Pilate eut rendu le corps de Jésus à ses disciples, ils l'enveloppèrent DANS DES LINCEULS avec des aromates, selon la manière d'ensevelir qui est en usage parmi les Juifs. (Évangile saint Jean, chap. XIX, ỳ. 40.)

des grottes, dans des catacombes, et l'usage d'enterrer les morts dans les cryptes continua même après que le baptême de Constantin eut procuré aux chrétiens la tolérance de leur culte et la sécurité de leurs personnes. Mais, à partir de cette époque, les chrétiens, plus tranquilles, ensevelirent leurs principaux frères, non plus dans des grottes funéraires, mais dans des tombeaux plus décents.

Le style et les formes de ces monuments varièrent beaucoup dans le commencement de l'ère chrétienne.

Pendant la première période, les tombeaux n'eurent que des dimensions restreintes. De simples inscriptions gardaient le plus souvent le souvenir du défunt et indiquaient le lieu du repos.

La seconde période, celle du triomphe du Christianisme, changea complètement l'aspect des sépultures; de nombreux sarcophages, décorés avec soin, furent employés à contenir les dépouilles des chrétiens.

Il est impossible, en effet, de contempler les tombes ornées des cimetières chrétiens sans comprendre aussitôt, surtout si on les compare avec les monuments du paganisme, qu'elles décèlent un peuple nouveau et plein d'avenir.

Aux grottes funéraires abandonnées, mais gardant leur condition de cimetières des Martyrs, s'attacha plus tard un sentiment de pieuse vénération qui s'accrut d'années en années. On ne s'en approcha plus qu'avec une crainte respectueuse, et les tombeaux qu'elles renfermaient, doués par les reliques des chrétiens martyrisés du pouvoir de faire des miracles, acquirent aux yeux de la multitude une valeur qui l'emporta de bien loin sur tous les trésors de la terre; c'est alors qu'on vit des pèlerins de toutes les contrées affluer pour visiter les tombeaux des saints Martyrs.

Les premières traces chrétiennes qu'on aime à rechercher

dans la ville de Saint-Quentin, sont celles de la tombe du Martyr qui, le premier, arrosa de son sang le sol du Vermandois.

On sait que vers l'an 300 de l'ère chrétienne, Quentin, fils du sénateur Zénon, partit de Rome, avec Lucien, son compagnon, pour prêcher la religion chrétienne dans les Gaules. Saint Quentin resta à Amiens et saint Lucien se rendit à Beauvais; mais une persécution venait de s'élever contre les chrétiens, et le Préfet des Gaules, Rictiovare, fit saisir Quentin, dont les prédications créaient de nombreux prosélytes, et il l'envoya, chargé de chaînes, à l'Auguste de Vermandois (Saint-Quentin), où peu de temps après il lui fit souffrir mille tortures et termina son martyre par la décollation, le 31 octobre 303.

Rictiovare, pour ravir aux chrétiens le corps du saint décapité, le fit garder jusqu'à la nuit et jeter en secret dans les eaux de la Somme avec un plomb. On le recouvrit de vase, afin qu'il ne pût recevoir aucun honneur des fidèles.

Les eaux de la Somme conservèrent leur précieux dépôt pendant environ 55 ans; mais, le 24 juin 358, une dame romaine, Eusébie, qui était aveugle, retrouva, par révélation, le corps et le chef du Martyr, ensevelis sous les eaux de la Somme, à peu de distance de l'endroit où la voie romaine coupe le fleuve et le traverse'. Sainte Eusébie l'inhuma avec révérence dans un linceul et se mit en marche pour aller l'ensevelir dans la cité de Vermand; mais dès qu'elle eut monté la colline de la ville municipale qu'on appelle l'Auguste de Vermandois (Saint-Quentin), le corps du Saint devint si lourd qu'on ne pouvait plus le porter et qu'il fallut le déposer. Cette pieuse femme, comprenant la volonté du Ciel, inhuma le corps

Vitæ et passiones martyrum. Mss. no 5299, fo 129. Bibl. imp.

de saint Quentin sur le haut de la colline et fit élever une chapelle au-dessus du tombeau. Cette chapelle fut bientôt après convertie en église par la générosité et la reconnaissance des fidèles; et cette église, détruite plusieurs fois et toujours reconstruite, est aujourd'hui la collégiale de Saint-Quentin.

Les ravages des Huns et des Vandales qui, sous Attila, ruinèrent toutes les églises du Vermandois et emmenèrent les habitants en captivité, firent perdre de vue le lieu précis du tombeau de saint Quentin, si bien qu'au VII° siècle, saint Éloi ne put retrouver le tombeau qu'à la suite de nombreuses recherches.

Voici comment saint Ouen raconte, dans la Vie de saint Éloi, cette Invention qui eut lieu le 2 janvier 651 :

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Et tandis que ceux qui l'aidaient parcouraient, << en les sondant, les divers endroits de l'église, perdant tout espoir de rien découvrir, il leur désigne un lieu dans l'ar«<rière partie du monument, et demande qu'on y fouille, quoiqu'on n'eût pu soupçonner qu'il y eût là une sépul«ture. Ils obéissent et se mettent à l'œuvre. Lorsqu'ils eu«rent creusé jusqu'à plus de dix pieds de profondeur, ils désespérèrent encore une fois de rien trouver. La troisième

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nuit s'était écoulée depuis qu'on avait commencé cette recherche. Éloi alors ayant quitté son manteau prit lui-même la pioche, fit éclairer la fosse au moyen de cierges et de

lampes, et creusa la terre de ses saintes mains, en y em

ployant tout ce qu'il avait de forces. Se trouvant au fond

« de cette fosse, il se mit à fouiller sur le côté, et découvrit « bientôt un tombeau qu'il reconnut pour être très-ancien « et qui renfermait le corps du Saint. Pénétré alors d'une grande joie, il frappa de l'instrument qu'il tenait à la main « les parois du sépulcre : il s'y pratiqua une ouverture et il « en sortit une odeur si suave et une lumière si resplendis

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sante, qu'Éloi lui-même put à peine supporter la double émotion qui en fut la suite.

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Cette clarté, brillante comme celle du jour, disparut après un certain temps. Alors Éloi baisa avec une

joie, qui lui fit verser des larmes, le saint corps qu'il ve«nait de retrouver, et l'ayant levé de terre, il en sépara quelques reliques qu'il désirait particulièrement conser« ver. Il ôta des dents de la mâchoire pour qu'elles servissent « de remède à ceux qui souffraient, et l'on vit sortir de la « racine de l'une d'elles une goutte de sang. Il mit pareille«ment à part, comme reliques, des clous d'une remarquable longueur qu'il retira du crâne et des autres membres, et « que les persécuteurs avaient fixés dans le corps du Martyr « au moment de sa passion. Il sépara aussi des cheveux par«faitement conservés; ensuite ayant enveloppé le corps avec « un grand soin et une décence extrême dans une étoffe de « soie très-précieuse, il le transporta avec respect derrière « l'autel et lui fit enfin une châsse d'un admirable travail, « enrichie d'or, d'argent et de pierres précieuses. »

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Saint Onen ne parle pas autrement du tombeau de saint Quentin qui, sans doute, resta vide, lorsque les reliques du Saint furent placées dans la châsse de saint Éloi.

L'abbé Hugues, fils naturel de Charlemagne et abbé de Saint-Quentin, désirant honorer les reliques du patron de l'église et rappeler le temps de persécution où les premiers chrétiens célébraient les mystères de la sainte Messe dans les catacombes, sur les tombeaux mêmes des Martyrs, fit creuser sous le chœur une crypte pour y placer le tombeau de saint Quentin, comme cela se pratiquait alors dans beaucoup d'églises de France. Après que cette crypte eut été disposée convenablement, il y transporta, le 25 octobre 835, en présence des Évêques de Noyon, de Laon, de Metz, etc.,

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