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ture avec exactitude et sans l'idéaliser; leurs noms sont, du reste, bien connus, mais ils ne sauraient faire partie d'un livre qui traite spécialement de l'Art chrétien.

Quentin Matsys avait influé dans un autre sens que Jérôme Bosch sur la décadence de l'Art chrétien dans la Flandre : rien n'est bizarre chez lui, mais tout est peu élevé, ordinaire, trop humain. Ainsi, lorsqu'on a contemplé longtemps son triptyque du musée d'Anvers, on ne songe pas à la rédemption des hommes et à la mort de Jésus, mais à la vérité trop saisissante avec laquelle est rendu le cadavre. C'est du naturalisme, admirable si l'on veut, mais ce n'est que cela. La peinture a perdu son principal caractère et son utilité : ce n'est plus un enseignement. La chose est plus évidente encore dans le tableau du même maître, le Banquier pesant des pièces d'or, tableau de genre d'où l'idée morale est absente et qui est, par conséquent, en contradiction complète avec les principes élevés de l'art digne de ce nom. « Par ce dernier tableau et par plusieurs autres analogues, dit ici M. Dehaisnes, le peintre d'Anvers contribua à répandre dans les Pays-Bas les fausses idées qui ont été exprimées de nos jours par la fameuse maxime l'art pour l'art. Sans doute, dans l'exécution, et parfois dans la composition, il rappelle, malgré la sécheresse et la froideur de son faire, les œuvres de Van Eyck et de Memling; mais, en général, il tend à se séparer d'eux et à introduire un système nouveau qui aboutira au naturalisme.... »

Je pense avoir donné une idée assez exacte, bien que fort incomplète, du travail de M. Dehaisnes. Ce travail est un livre, comme je le disais en commençant, et c'est un livre sérieusement préparé, mûrement pensé, écrit avec chaleur et clarté. Assurément, si on le fait connaître, comme il le mérite, ce livre exercera une influence réelle; il contribuera

à activer puissamment le retour au bon goût et à la saine appréciation des œuvres d'art dans leur rapport avec le Christianisme, retour que l'on constate avec bonheur depuis un assez bon nombre d'années et qui déjà ne se borne plus à l'une des branches de l'art seulement, l'architecture. Peutêtre exprimerai-je encore un regret en finissant cet article: c'est que l'auteur, tout en remplissant parfaitement le cadre qu'il s'était proposé de remplir, ait pourtant promis, au moins dans le sens strict du mot, quelque chose de plus encore que ce qu'il a donné, bien qu'il ait donné beaucoup. La peinture est une partie notable de l'Art chrétien, sans doute, mais elle n'est pas tout l'Art chrétien. M. Rio, dans son livre si rare déjà et si important, a eu soin de dire: « De l'Art chrétien, 1o Forme de l'art, Peinture, » et il a ainsi réservé les autres parties. Ce titre est donc trop général, et il aurait demandé un sous-titre, ou bien, et le travail alors serait immense, il aurait demandé que l'auteur traitât de tout ce qui est renfermé dans ce mot si complexe : l'Art chrétien. C'est là, du reste, une tache légère et qu'il serait facile à l'auteur de faire disparaître par une simple modification de titre, afin de rendre son œuvre, déjà si belle, parfaite de tous points.

L'ABBÉ E. VAN DRIVAL.

PRÉCIS

DE L'HISTOIRE DE L'ART CHRÉTIEN

en France & en Belgique

SIXIÈME ARTICLE

CHAPITRE DEUXIÈME.

IX ET X SIÈCLES.

ARTICLE I. Architecture (style Carlovingien).

DATES HISTORIQUES. Bien que Charlemagne ait régné pendant les trente dernières années du VIIIe siècle, ce n'est guères qu'au commencement du IX que le fils aîné de Pépin, fort de la haute position qu'il avait conquise par son génie et ses victoires, put accorder un puissant patronage aux lettres et aux arts. Ses divers voyages en Italie avaient alors développé dans son âme le sentiment du beau, et il comprit qu'un règne pouvait encore être illustré autrement que par les triomphes des armes. « Bien que toujours occupé de ses vastes desseins, nous dit Eginhard, il entreprit cependant en divers lieux, pour l'ornement et l'utilité de son

Voyez le tome iv, page 578.

royaume, de nombreux travaux, dont il termina plusieurs. Parmi ces œuvres, on doit citer avant tout la Basilique de la Vierge qu'il fit construire à Aix-la-Chapelle, avec un art admirable. Il l'orna d'or et d'argent, de candélabres, de grilles et de portes d'airain massif, et fit venir de Rome et de Ravenne des marbres et des colonnes qu'on ne pouvait se procurer ailleurs... Il commença deux magnifiques palais : le premier non loin de Mayence, l'autre à Nimègue; mais les édifices sacrés furent surtout l'objet de sa sollicitude dans toute l'étendue de son royaume. Dès qu'il apprenait que ces monuments tombaient de vétusté, il enjoignait aux Pontifes et aux religieux qui en avaient la garde de les faire restaurer et désignait des commissaires pour veiller à l'exécution de ses ordres. »

Ne pourrait-on pas trouver là l'origine des fonctions que remplissent actuellement nos inspecteurs des monuments historiques, avec cette différence toutefois que les missi de Charlemagne pourvus d'argent et d'autorité pouvaient exercer un contrôle efficace, et ne se bornaient pas à formuler de ces impuissantes protestations qui n'ont souvent, de nos jours, d'autre résultat que de remplir inutilement les cartons des ministères.

Tous ceux qui étaient attachés à Charlemagne par les liens du sang, de l'amitié ou de l'administration secondaient activement ses vues pour régénérer la France monumentale. L'Archevêque de Trèves écrivait à Frottaire, évêque de Toul:

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Réparez votre église, hâtez-vous; vous connaissez les ordres et la fermeté de l'Empereur. » Aussi de grands monuments religieux surgissaient sur tous les points du royaume, à Lorsh, à Paderborn, à Vence, à Embrun, à Sisteron, à Digne, à Avignon. On prétend que dans la seule province d'Aquitaine, Charlemagne érigea plus de mille basiliques

sous le vocable de la sainte Vierge. Cette évaluation est sans doute exagérée. Il est vrai que l'Empereur, comme tous les grands propriétaires de son temps, fit construire de nombreuses églises dans ses propres domaines; mais on lui a souvent attribué la fondation de monuments qui avaient été élevés par de grands dignitaires de la Couronne. La légende populaire, oublieuse des gloires du second ordre, ne vit que le nom de Charlemagne dans toutes les œuvres de son siècle; de même que de nos jours elle attribue directement à César l'établissement de tous les camps romains dont les vestiges existent en Europe.

La grande œuvre d'unité politique fondée par Charlemagne s'écroula avec lui et entraîna dans sa ruine les arts qu'il protégeait. Louis-le-Débonnaire s'efforça, il est vrai, de continuer les traditions du grand règne; il chargea un Concile de défendre la cause des saintes Images que voulaient proscrire les iconoclastes de l'Orient; mais, après sa mort, la France dut concentrer toute son énergie à repousser les sauvages invasions des Normands et des Sarrasins. Les artistes grecs, appelés en France par Charles-le-Chauve, restèrent impuissants à relever toutes les ruines qu'accumulaient des invasions successives, et à un siècle de progrès succéda un âge de décadence.

On a prétendu qu'au Xe siècle, l'essor de la civilisation avait été entravé par une appréhension générale de la fin du monde, que l'on attendait pour l'an 1000. M. l'abbé Auber, dans un récent article publié par notre Revue, a fait justice de ce qu'il y a d'exagéré dans cette appréciation. Il a démontré que cette fausse interprétation d'un passage de l'Apocalypse ne fut admise que par un petit nombre d'esprits crédules, et qu'on avait eu grand tort d'interpréter comme une doctrine universellement acceptée les menaces oratoires de

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