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Rép. La création d'une chose n'implique pas nécessairement un temps réel antérieur à l'apparition de cette chose, bien que notre imagination place toujours un temps antérieur. Il est évident que la première créature n'a pas été créée dans le temps, mais que le temps a commencé avec elle. Et lorsque nous disons que la matière a été créée de rien, nous ne disons pas qu'il y avait réellement un temps où rien n'était, et qu'au néant dans le temps. a succédé l'être dans le temps; nous disons simplement que la matière n'a pas été faite de quelque chose. La matière n'a pas été faite après le rien, ni avec le rien, mais elle a été faite sans rien de préexistant.

2o Si le monde avait été créé ab æterno, il serait Dieu, puisqu'il partagerait avec Dieu l'éternité.

Rép. Cette éternité ne serait qu'un temps sans fin, un accident de la nature; elle ne serait point l'immutabilité absolue, la possession parfaite de l'existence infinie, l'éternité de Dieu en un mot. Une créature qui serait sans commencement ne serait pas plus Dieu qu'une créature qui n'aurait pas de limite dans l'espace; et de même qu'une créature sans limite n'aurait point pour cela l'immensité divine, de même une créature sans commencement n'aurait point pour cela l'éternité de Dieu (v. Métaph. ch. XXVIII, de l'Espace et du Temps).

3o On voit bien vite que le monde a commencé, si l'on consulte l'histoire et les sciences. La civilisation ne date que de quelques milliers d'années; l'apparition de l'homme sur la terre est relativement récente ; la terre n'a pas toujours offert aux animaux et aux plantes un milieu habitable; le globe lui-même a commencé, il s'est formé peu à peu, comme en témoigne la géologie.

Rép. Cela prouve seulement que le monde avec l'ordre actuel des choses a commencé et qu'il recommencera peut-être après une dissolution. On peut supposer ainsi dans le passé une série incalculable de vicissitudes et de révolutions grandioses, où les destinées de notre terre ne comptent que pour une minime partie et se jouent

dans un instant. Qu'est-ce que la terre, en effet, et même tout le système dont elle fait partie, dans le ciel immense où l'astronomie nous fait voir des mondes éteints et des milliers d'autres en formation? Notre petitesse en est confondue. Donc nous affirmons et que le monde a dû commencer et que ses origines comme ses limites peuvent être reculées indéfiniment. Mais qu'est-ce que le monde, même le plus vaste, à côté de l'esprit, qui s'affranchit de l'espace? Et que sont tous les âges du monde, même le plus ancien, à côté de l'immortalité des esprits et de l'éternité de Dieu (1)?

(1) Dans les Etudes franciscaines (1902 sept. et suiv.) a été discutée longuement cette question de la possibilité d'un monde ab æterno. Pour prouver que le monde a commencé et que partant il a un Auteur, des savants font valoir souvent la raison suivante : Un équilibre parfait, avec l'arrêt de tout mouvement et la mort qui en est la suite, tend à s'établir dans notre globe et dans toute la nature. (Cf. BRUNHES, La dégradation de l'énergie). Or, cette fin fatale de l'évolution des mondes suppose un commencement. Sans déprécier cet argument, plusieurs doutent que la science ait démontré que cet équilibre universel tende à s'établir; d'ailleurs il pourrait se faire qu'après y avoir atteint la nature reprenne de nouveau le cours de son évolution, comme le balancier qui revient sur ses pas sans se lasser jamais. De là l'évolution et la dissolution incessantes imaginées par Spencer. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas la science, mais la métaphysique, qui peut juger la question en dernier ressort.

CHAPITRE XXXV

DE LA FIN DERNIÈRE DU MONDE ET DE L'ÉVOLUTION. HYPOTHESE DE LA PLURALITÉ DES MONDES

600. Objet de ce chapitre. Après avoir traité de l'origine du monde, il faut chercher sa fin, soit sa fin dernière, qui est la gloire de Dieu, soit sa fin prochaine. Celle-ci est la moins facile à déterminer. Les créatures sont faites d'abord les unes pour les autres, elles se rapportent immédiatement les unes aux autres avant de se rapporter à Dieu; or il s'agit de savoir si elles sont tellement liées entre elles que les plus humbles puissent produire à la longue insensiblement les plus parfaites par voie de génération; il s'agit de savoir si elles n'ont pas d'autre avenir que l'évolution proprement dite, un progrès indéfini, en vertu duquel elles changeraient de nature, se rapprochant toujours de l'infinie perfection, et la poursuivant toujours sans l'atteindre jamais. Ne vaut-il pas mieux dire, au contraire, que les créatures atteignent vraiment leur fin, qu'elle se développent sans changer de nature, qu'elles se perfectionnent par de justes relations, en sorte que les inférieures sont subordonnées aux supérieures, par lesquelles toute la création est ramenée à son premier principe et à sa dernière fin? Nous traiterons ces difficiles et graves questions en établissant la thèse suivante :

THÈSE. La fin dernière du monde est la gloire de Dieu, c'est-à-dire de représenter en quelque manière les perfections divines et de les célébrer. Quant à la fin pro

chaine du monde, elle ne consiste pas dans une évolution ou un progrès indéfini des êtres, qui confondrait toutes les espèces, mais plutôt dans l'ordre général, les relations étroites et multiples de toutes les créatures entre elles, le développement harmonieux de toutes ensemble et de chacune en particulier. On ne peut admettre qu'avec certaines réserves l'hypothèse de la pluralité des mondes.

601. La gloire de Dieu, fin dernière du monde. - Etablissons d'abord que la fin dernière du monde ne peut pas être le monde lui-même. Puisqu'il n'est pas lui-même son premier principe, il ne peut pas être non plus sa dernière fin; car la dernière fin est un premier principe.

Dieu, en créant le monde, s'est proposé nécessairement une fin digne de lui, et cette fin il ne pouvait la chercher hors de sa propre perfection. Dieu ne pouvait se subordonner au monde, sans cesser d'être Dieu. Certes il ne faut pas contester qu'un bien plus grand puisse être ordonné de quelque manière à un moindre bien : ainsi la société est pour les familles, et la famille est pour chacun de ses membres; dans l'Eglise, le Christ est pour les fidèles ; dans l'ordre physique, le soleil est pour tel globe inhabité et qui d'ailleurs ne reçoit qu'une faible partie de ses rayons. Mais, absolument parlant, le bien qui est moindre est ordonné à un bien plus grand. Dieu donc ne peut se subordonner au monde, mais il subordonne absolument le monde à lui-même. Il est la fin dernière du monde, c'està-dire le bien suprême, le premier mobile, l'idéal, la vérité et la sainteté vers lesquels le monde moral et le monde matériel gravitent sans cesse, comme la terre autour du soleil. Ainsi se justifie le mot de l'Ecriture : Universa propter semetipsum operatus est Dominus (Prov. xvi, 4). En résumé, s'il est vrai que la fin dernière est le bien suprême; s'il est vrai qu'elle est la première cause; s'il est vrai enfin que l'infini seul est digne de Dieu, il est vrai aussi, et à ces trois titres, que Dieu ne pouvait créer le monde que pour lui-même.

Là ne s'arrêtent pas nos déductions. En créant et en formant le monde, Dieu ne pouvait se proposer d'augmenter ses propres perfections, puisqu'elles sont infinies. et qu'il se suffit à tous les points de vue. Il s'est donc proposé de les communiquer. S. Thomas fait ici le raisonnement suivant (1). Dans toute action, l'agent et le patient ont même intention ou même but ce que le premier veut donner, le second veut le recevoir. Or Dieu et la créature sont dans les relations de l'agent et du patient, et Dieu, qui est un acte pur, ne subit d'aucune manière l'action de la créature. Il s'ensuit donc que Dieu veut donner à la créature tout ce qu'elle a et qu'il ne veut rien recevoir lui-même. Son amour est en réalité le plus désintéressé des amours, le plus généreux qu'on puisse concevoir. S'il a tout créé pour lui, c'est justice et nécessité; mais c'est précisément dans cette fin qu'il a communiqué à la créature tout ce qu'elle possède, sans rien vouloir acquérir luimême par ce moyen.

Je me trompe ou plutôt je m'explique. Par cette création si libérale Dieu manifeste sa grandeur et sa gloire. Les créatures comblées de ses bienfaits et enrichies de diverses manières par sa munificence deviennent comme les images, imparfaites sans doute, mais visibles à nos yeux, dans lesquelles la divinité se manifeste. Les créatures intelligentes apprennent ainsi, au spectacle du monde. et en se contemplant elles-mêmes, à connaître Dieu, à le louer, à le bénir. Cette gloire est tout extrinsèque, il est vrai, à la divinité; elle n'est point comparable à celle qui résulte de l'accord éternel, du concert parfait des trois personnes divines; mais elle est pourtant magnifique. Et c'est pour la rendre que la créature raisonnable a été faite, et c'est en apprenant à la rendre de la manière la plus digne qu'elle atteint elle-même sa perfection et son bonheur. C'est là le but suprême de la création. Les esprits purs, et l'homme avec eux, sont les rois de la nature sen

(1) I, q. 44, a. 4.

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