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l'infini pour sujet : la nature serait une illusion, une apparence, un phénomène complexe qui manifesterait et expliquerait une seule réalité, l'être absolu. Ce panthéisme est celui de Fichte, de Schelling, de Hegel, et aussi de Cousin, qui essaya plus tard de s'en dégager (1).

Telles sont les principales formes du panthéisme; elles n'ont rien de bien précis, et l'on conçoit que les mêmes panthéistes puissent hésiter souvent entre l'une ou l'autre. Après un examen général du système, nous réfuterons les panthéistes les plus célèbres, en critiquant leurs principales opinions.

572. Réfutation générale du panthéisme. Toutes les formes du panthéisme ont cela de commun qu'elles affirment une identité de substance, ou d'être et d'essence, ce qui revient au même, entre Dieu et le monde. Soit que le monde émane de la substance divine, soit qu'il modifie Dieu, soit que le fond de tous les êtres leur soit réellement commun et ne diffère pas de l'infini, il restera toujours qu'il y a une même substance ou une même essence ou un même être et une même réalité qui est à la fois nature et Dieu, fini et infini, etc. Or, c'est là une absurdité à laquelle le panthéisme n'échappera pas, malgré toutes les subtilités dont il s'enveloppe.

10 Car les caractères essentiels du monde et ceux de Dieu s'excluent mutuellement. D'un côté le monde est essentiellement composé, changeant, fini, contingent, dépendant; de l'autre côté Dieu est essentiellement simple, immuable, infini, nécessaire, indépendant. On conçoit

(1) M. Bergson, qui s'est distingué parmi les idéalistes de ce temps, le présente d'une manière un peu nouvelle (V. par ex. l'Evolution créatrice). Le néant lui paraît une pseudo-idée ; il n'y aurait pas eu de création proprement dite ; de plus l'être consisterait uniquement dans le devenir, le mouvement, la vie, la conscience, la pensée. Tout son système est construit en dépit du principe de contradiction, qui résulte des deux idées fondamentales d'être et de néant.

bien de quelque manière que Dieu, dans sa bonté, ait pu s'incarner. Mais on ne conçoit pas que Dieu ait pu se confondre avec la nature pour former une même essence, une seule réalité. Sans doute Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme, divin et humain, mais par deux natures, deux substances distinctes il y a en lui la divinité et.. l'humanité. Ce qui est inconcevable et absurde, c'est de dire qu'il y a au fond des choses une même réalité qui constitue le composé et le simple, le contingent et le nécessaire, le fini et l'infini, le temporel et l'éternel, le corps et l'esprit, etc. Accumulons ici dans une même essence toutes les oppositions dont l'univers nous donne le spectacle, mais en divers sujets : le vice et la vertu, la sainteté et le crime, la beauté et la laideur, etc., et nous aurons quelque idée de l'absurdité irrémédiable du panthéisme : c'est un monceau de contradictions. En vérité, pour être panthéiste. il faut, avec Hégel, soutenir que l'être et le néant ne font qu'un.

2o Outre le principe de contradiction, le panthéisme nie encore cette vérité de fait, que notre personne, notre moi est absolument distinct du reste de l'humanité, du reste de la nature, et surtout qu'il n'est pas Dieu.

3o En n'admettant qu'une seule substance, qui se développe nécessairement, il nie de même le libre arbitre, le mérite et le démérite. Dieu seul ou la nature, qui ne fait qu'un avec lui, devient la cause de nos actions ; un ordre physique et fatal remplace l'ordre moral.

4o Enfin le panthéisme détruit la religion dans son principe; car il n'y a pas de religion proprement dite sans un Dieu distinct de la nature intelligente qui lui doit l'adoration. Ou bien le panthéiste absorbe la nature en Dieu et alors il professera, avec les néo-platoniciens, le mysticisme le plus superstitieux et même le plus effréné ; ou bien il absorbera Dieu dans la nature, et alors il professera pour celle-ci une sorte de culte, qui équivaudra à l'athéisme. Et tel est bien le caractère que revêt, en effet, aujourd'hui le panthéisme, quand il évite les superstitions du spiri

tisme. C'est donc avec raison que l'Eglise a condamné le panthéisme (1) comme un système irréligieux, quoiqu'on ait cherché à représenter certains panthéistes tels que Spinosa, comme les plus religieux des hommes. A cette réfutation générale, ajoutons quelques remarques critiques sur les systèmes panthéistes les plus connus.

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573. Panthéisme de Spinosa. Critique. Spinosa définit la substance ce qui est en soi, ce qui est conçu par soi. De cette définition il conclut qu'une substance ne peut être produite par une autre et que partant la substance est infinie et unique. Donc Dieu seul existe, au fond; toute la nature n'est qu'une modification de Dieu. Cependant la nature s'offre à nous de deux manières, sous deux modes divers, comme étendue et comme pensée : de là les corps et les esprits.

Critique. Spinosa abuse de la méthode a priori et de la méthode géométrique, qu'il transporte indûment en philosophie (v.no 368 et 377). Il entend mal la définition de la substance donnée d'une manière équivoque par Descartes et il en déduit le panthéisme : il n'est pas étonnant que d'un principe faux découlent ensuite et, pour ainsi dire, géométriquement des conclusions absurdes. Spinosa prend la substance pour ce qui est en soi et par soi; or, cette définition ne convient qu'à la substance divine: de là le panthéisme (2). La substance finie est ce qui existe

(1) V. par ex. Alloc. Maxima quidem, 9 jun. 1862. L'Encyclique Pascendi (8 sept. 1907) signale le panthéisme comme étant l'aboutissant naturel des erreurs modernistes : le symbolisme, l'immanentisme, 'la théorie de l'inconnaissable, objet de la foi.

(2) Remarquons cependant que, dans un mémoire présenté au Congrès d'Heidelberg, 1908, M. Victor Delbos a essayé de montrer que le panthéisme de Spinosa découle de sa définition de Dieu et non pas de sa définition de la substance (La notion de substance et la notion de Dieu dans la philosophie de Spinosa. Revue de métaph., 1908 novembre p. 783-8). Quoi qu'il en soit, le panthéisme de Spinosa n'en est pas luimême changé.

en soi, mais dépend d'un autre quant à l'existence. Le système de Spinosa encourt ensuite toutes les contradictions du panthéisme. On ne conçoit pas une même substance qui soit à la fois pensante et étendue, spirituelle et matérielle, simple et composée, infinie et finie, etc. Le spinosisme est incompatible en principe avec la liberté, la morale, la religion. Ce qu'on raconte de l'honnêteté et du mysticisme de Spinosa n'excuse point son système.

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574. Fichte. Le panthéisme idéaliste allemand est né du kantisme, mais il ne s'est développé qu'avec les successeurs de Kant. Voici la doctrine de Fichte. Il n'y a rien de réel et de substantiel que le moi pur, le moi pensant ; le reste n'a de réalité qu'autant qu'il est connu du moi et affirmé par lui. Le principe premier et absolu de la science est celui-ci : Je suis, ou moi moi, A=A. Par ce principe le moi se pose absolument (thèse); cet acte est spontané, primitif, essentiel; le moi se pose, car juger c'est agir. Ce moi pur, après avoir pris conscience de luimême, se limite et s'oppose le non-moi comme objet, c'està-dire le monde (antithèse). Mais l'objet et le sujet pensant ne font qu'un en réalité : reconnaître leur identité c'est faire la synthèse de l'un avec l'autre.

Critique. Bornons-nous aux points suivants : 1o Il n'y a pas de principe unique de la science humaine : nous l'avons démontré en logique (v. n. 314). La science transcendante que nous propose Fichte est donc une chimère.

2o Il suppose que la science ne peut être obtenue que par l'identité de l'objet et du sujet ; d'où il suivrait que pour connaître le monde et Dieu il faudrait être l'un et l'autre. Mais c'est là une erreur. La science est possible par l'image ou l'idée que nous nous formons de la nature et de Dieu sous l'action des objets et par le raisonnement. -30 Toutes les affirmations principales de Fichte sont gratuites et absurdes. Comment le moi peut-il se poser et se produire lui-même? Et puis, est-ce que juger et agir ne font pas deux, bien que le jugement soit une espèce d'acte?

Porter un jugement, ce n'est pas l'exécuter. Comment ensuite le moi pur, qui est infini, se poserait-il des limites en s'opposant le non-moi? La conscience ne nous témoigne rien de tel, elle proteste même contre cette identification de notre moi avec la nature et avec Dieu.

575. Schelling. Schelling identifie le monde et Dieu non plus dans le moi qui les pense, mais dans l'absolu, qui est supérieur au moi. Cet absolu est connu immédiatement par l'esprit, qui en a l'intuition. Il contient tout en lui, et, malgré toutes les oppositions, tout en lui ne fait qu'un. C'est pourquoi l'absolu est à la fois esprit et matière, sujet et objet, être et connaître, fini et infini. En lui l'ordre réel se confond avec l'ordre idéal, l'unité avec la pluralité, le moi avec le monde. Il est l'indifférence des différents. Il n'y a même que l'absolu qui existe, car le reste n'a pas de réalité en dehors de lui ; seulement, l'absolu s'explique par le relatif, Dieu s'explique lui-même, d'implicite il devient explicite et personnel. Critique. Ici mêmes contradictions et mêmes affirtions gratuites que précédemment. Cet absolu est à la fois esprit et corps, fini et infini, d'impersonnel il devient personnel, c'est-à-dire qu'il n'est pas même parfait et vraiment Dieu. Ensuite comment nous prouve-t-on que cet absolu existe seul, qu'il n'y a pas de réalité autre que la sienne? Comment nous prouve-t-on que nous en avons l'intuition? A coup sûr la conscience n'en dit rien, elle dit plutôt que notre moi est essentiellement distinct de Dieu;. elle nous apprend encore que nous sommes libres, ce que la philosophie de Schelling n'admet pas.

576. Hegel. Le panthéisme idéaliste a été représenté surtout par Hegel. Au lieu de partir du moi, comme Fichte, ou de l'absolu, comme Schelling, il part de l'idée pure. C'est elle qui est la seule réalité. Au lieu de tout ramener à la psychologie ou à l'ontologie, il ramène tout à la logique. Cette science de l'idée est, d'après lui, la science trans

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