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On peut, je crois, affirmer que l'auteur de cette boutade érotique, imitée de Dorat, n'a pu écrire ce passage si touchant d'une pièce de M. Bérenger:

Je vais donc habiter le toit qui m'a vu naître !
Je vais vous parcourir, lieux chers à mon amour!
O jour de mon départ, hâte-toi de paraître !
Une mère m'attend dans cet heureux séjour,
Une mère ! à ce nom comme mon cœur palpite!
Je crois déjà la voir, l'entendre, l'embrasser.
Oui, dans ses bras ouverts l'amour me précipite,
Sur son sein maternel elle accourt me presser.

Les premiers ouvrages de M. Bérenger offrent beaucoup de vers remarquables, comme ceux que je viens de citer, par l'expansion des plus tendres sentimens, la netteté et le bon goût du style; tandis que ceux de M. de Pezay, plus spirituels, plus vivement coloriés, j'en conviens, sont toujours frivoles, précieux, et présentent souvent des peintures presque licencieuses. M. l'annotateur a certainement plus que moi tout ce qu'il faut pour sentir l'énorme différence qui existe entre ces deux manières d'écrire. Je l'engage donc à relire les deux écrivains qui font le sujet de sa note, et je crois qu'il dira, comme moi, qu'on n'a pu trouver dans le porte-feuille du sémillant marquis de Pezay, les pièces sentimentales et gracieuses auxquelles M. Bérenger a attaché son nom.

J'arrive aux Soirées provençales. Elles sont du marquis de Pezay. Pourquoi ? parce qu'il est certain, d'après une note de M. Bérenger, que ce marquis de Pezay a fait des Soirées provençales. Est-ce là une preuve ? je ne le pense pas. Mais après la mort du marquis, elles sont tombées entre les mains de M. Bérenger: qu'importe?

Moi aussi, je suis seul possesseur de plusieurs pièces inédites de gentil Bernard, et il ne m'est jamais venu dans l'idée de me les approprier. M. Bérenger, en lisant les Soirées manuscrites, a pu s'écrier comme le Corrége: Anch' io son pittore partir pour la Provence, et tracer sur son genou, à course de crayon, comme il le dit lui-même, quelques paysages de la patrie des troubadours, quelques traits de la physionomie morale de ses habitans. D'ailleurs, M. Bérenger, peu d'années avant sa mort, a publié quelques lettres sur les Pyrénées, dont la touche, bien qu'un peu affaiblie, est identiquement celle des Soirées provençales. J'ajouterai que la lecture des lettres sur la Provence rappelle parfaitement la conversation de M. Bérenger, lorsqu'il jouissait de la plénitude de ses facultés : on croit l'entendre. Du décousu, peu de profondeur, mais de la vivacité, de l'esprit, de la grâce et un laissé-aller qui donne beaucoup de charme au discours comme au style. Voilà la manière constante de M. Bérenger dans tout ce qu'il a écrit. J'en appelle même à ses lettres familières; elles ont, avec les lettres provençales, un air de famille qui atteste une même origine.

Je vous soumets, Monsieur, ces considérations justificatives qui me paraissent avoir plus de probabilité que l'accusation. Quoi! M. Bérenger se serait revêtu de la dépouille d'un mort, et cela pour un peu de renommée, chimère éblouissante qui fait moins d'heureux que de victimes, et dont les plaisirs si peu réels, sont toujours troublés par les tracasseries de la malignité ! non, je ne le puis croire.

Vous demanderez peut-être, Monsieur, quels sont mes titres littéraires pour prendre la plume dans cette

discussion. Je n'en ai aucun, sans doute; mais j'ai beaucoup connu M. Bérenger; il m'a prodigué, ainsi que M. Delandine, son confrère à l'académie de Lyon, des témoignages de bienveillance que je ne puis oublier, d'autant plus que les hommes de lettres avec lesquels j'ai eu quelques rapports, ne m'y ont pas accoutumé ; ma mémoire est reconnaissante, et c'est d'accord avec ma conviction qu'elle consacre ces lignes à la défense de l'auteur des Soirées provençales et de la charmante épitre aux livres que j'aime le plus.

Agréez, etc.

GABRIEL DE MOYRIA,

Un de vos abonnés.

NÉCROLOGIE.

M. l'abbé Antoine Caille, chanoine de l'église primatiale de Lyon, est décédé le 7 novembre 1828. Il était né en 1766, à Puyts-Gros, dans le diocèse de Chambéry, en Savoie. Il vint à Lyon fort jeune, pour y faire ses études. Ordonné prêtre peu de temps avant la révolution, il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé et se réfugia en Savoie ; mais les conquètes des Français l'obligèrent à revenir à Lyon, et il fut un des sept prêtres qui, pendant que la religion était proscrite, exercèrent en secret, dans notre ville, le ministère apostolique. M. Caille sauva les archives du diocèse qui lui avaient été confiées. En avril 1805, lorsque S. S. Pie VII eut officié dans l'église de Fourvière,

>> Cette apathie est sans doute le fruit de ces longues années de paix et de repos que nos princes viennent d'offrir successivement à l'empire; mais les peuples, séduits par leurs vertus, n'ont peut-être pas assez senti qu'elles étaient transitoires, et que le même sceptre qui est aujourd'hui le garant de leur félicité, peut devenir, placé dans d'autres mains, l'instrument de leur infortune. Je n'ai pas vu que les règnes odieux de Tibère, de Caligula, de Néron, de Domitien, eussent laissé dans les provinces de fortes impressions. On n'observe point que ces époques de fer peuvent renaitre encore, et on calcule trop légèrement la félicité future sur la sagesse de Nerva, la gloire de Trajan, le génie d'Adrien et les vertus de Tite.

» Me voici à Lugdunum, depuis quelques semaines, étourdi par le fracas d'une grande cité, entouré de plaisirs, de fètes, et de scènes nouvelles et extraordinaires. pour moi. -Les Ségusiens l'habitaient en barbares: Auguste y appela tous les arts. Embrasée sous Néron par le ciel courroucé, mais bientôt reconstruite sur une colline (1), d'où l'œil parcourt mille aspects délicieux, Lugdunum, s'agrandit aujourd'hui sur les bords de l'Arar (2), devient par sa position le principal entrepôt du commerce des Gaules, et presque la rivale de Rome par ses richesses, son luxe et sa population.

» On me montra, sur le penchant de la montagne, le palais des Césars. Je parcourus ces immenses portiques, où s'assemblent, chaque année, les députés de la Gaule celtique, pour traiter des affaires publiques, et faire connaitre au gouverneur de la province les besoins du peuple et le vœu de ses magistrats.

(1) Forum vetus, le vieux marché. (2) La Saône.

>> On me conduisit au temple que les soixante cités de la Gaule consacrèrent à Auguste, dix ans avant l'ère chrétienne. Il est placé sur une pointe de terre que forme le confluent du Rhône et de l'Arar, et que les habitans du pays appellent Athanacum (1). Je m'approchai respectueusement de l'autel. Je le vis environné de soixante statues, représentant les peuples qui l'avaient élevé. Je le vis embelli par les arts et entouré d'un peuple immense, répétant sans cesse avec enthousiasme le nom d'un prince qu'accompagnent de si grands souvenirs.

» Du temple d'Auguste, je me rendis à l'Athenæum. Caligula fonda cette académie, en reconnaissance des fètes que la ville avait célébrées, à son troisième consulat. J'en ai suivi les exercices pendant quelques semaines, et j'y ai entendu disputer, en grec et en latin, des prix d'éloquence, des questions de morale et des thèses de droit.

» Le théâtre est placé à peu de distance de l'Athanacum. Dans ses environs on a bâti de vastes aqueducs: celui surtout que Marc-Antoine a fait construire, est digne des Romains. Près de là, je visitai un temple à la Victoire, embelli de tous les prestiges qui la rendent séduisante aux yeux d'un peuple corrompu. J'admirai surtout ces quatre grandes voies romaines qui partent de Lugdunum, comme de leur centre, parcourent les trois Gaules, et se distribuent dans chaque province par une infinité de chemins vicinaux, pour vivifier sur tous les points leur industrie et leur commerce..... »

(1) Aujourd'hui la pointe d'Ainay.

Tome IX.

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