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une dissertation sur les Cornes (1)? Le savant marquis de Thyard n'y a-t-il pas également lu dans les séances des 31 mai et 21 juin 1771, deux Mémoires sur la bonne chère, etc. (2)? Et pourtant ces productions ont à juste titre été très-bien accueillies dans cette enceinte, parce qu'une érudition, aussi profonde que mesurée, y rachetait ce que leurs titres semblaient annoncer de frivole. Nous pourrions citer une infinité d'autres exemples qui prouveraient que des sujets réputés minutieux peuvent cependant donner lieu à des investigations curieuses et dignes de fixer un moment l'attention des philologues. Ce sont ces exemples, accompagnés de réflexions sur la marche souvent capricieuse de l'érudition, qui nous ont engagé dans des recherches sur la PHILOTÉSIE (3), ou

(1) Voyez les Mémoires de l'Académie de Dijon. Dijon, Causse, 1769; gr. in-8°, tom. , p. LXX. Cette dissertation est intitulée : Origine du respect que dans l'antiquité la plus reculée on a eu pour les cornes. L'auteur finit par dire que la recherche des causes qui ont fait changer les cornes, jadis emblême de la force, de la puissance et du respect, en signe de faiblesse et d'espèce de déshonneur, serait l'objet d'une discussion très-curieuse. Nous avons en portefeuille une dissertation pleine de recherches à cet égard. Nous croyons ́avoir acquis la preuve que cette métamorphose date du retour des croisades.

(2) Voyez le second volume des mêmes Mémoires de l'Académie de Dijon; 1774, gr. in-8°, pp. 237-260, et pp. 261-283.

(3) Philotésie, mot dérivé de philotès, signifie littéralement amitié, amour. C'est le terme que, peu après Homère, les Grecs ont créé pour exprimer la coutume qui s'était établie entre amis de se porter alternativement des santés, afin de

usage de boire à la santé, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Ce sujet tient à l'histoire des mœurs et usages chez les différens peuples anciens et modernes. Il nous a semblé que, vu le but de son institution et les faits qui s'y rattachent, il pouvait, malgré la futilité apparente de son titre, n'être pas tout-à-fait indigne des regards de l'Académie; c'est ce qui nous a enhardi à lui en faire hommage.

La PHILOTÉSIE, tenant aux plaisirs de la table, c'està-dire au repas qui en est la base, et au vin qui en est l'ame, nous croyons devoir préluder par un mot sur les repas en général et sur le vin en particulier : ce préliminaire nous semble se lier essentiellement à notre objet.

On ne peut guère disconvenir que dans l'histoire des mœurs d'un peuple, la partie des repas ne doive tenir une place distinguée, non, comme le dit un Anglais, parce que manger est une action dont les individus de toutes les nations de la terre s'occupent trois cent soixante cinq fois par an; mais parce que c'est-là que l'on découvre avec le plus de vérité le trait caractéristique de la société, son état moral, les progrès de sa civilisation, de son luxe, de son goût pour tout ce qui tient aux aisances et aux agrémens de la vie.

L'homme ne se borne pas, comme les animaux, à satisfaire isolément et gloutonnement le besoin impérieux de la faim: sa raison, l'intérêt de sa santé, son état de sociabilité, tout lui a prescrit d'agir en cela méthodiquement, c'est-à-dire de porter son choix sur les alimens à peu près quotidiens les plus propres à l'entretien

s'exciter à boire dans les festins. Ils disaient pro-pinein philotesias, comme nous disons boire des santés, et les Anglais porter des toasts.

de sa santé et au développement de ses forces; de satisfaire son appétit à des heures règlées, et enfin d'y ajouter le plaisir si doux d'en faire un point de réunion soit pour la famille d'abord, et ensuite pour des amis. Oui, c'est un des liens les plus précieux de la société. Il semble, comme le dit un Ancien, que dans un repas les convives ne forment qu'un corps et n'ont qu'une seule vie. Toutes les nations, tous les peuples, tous les hommes, sauvages ou policés, ont regardé la société conviviale, comme la plus agréable des réunions; le repas forme une espèce de fête et compose pour ainsi dire une famille de tous ceux qu'il rassemble; il fait disparaître, sans manquer aux égards, toutes les distinctions d'institutions et de préjugé; il fortifie et développe ce penchant que les hommes ont à se regarder comme frères. C'est-là qu'ils sont dans leur état naturel, qu'ils sentent leur égalité ; c'est-là qu'ils oublient leurs maux, que les haines s'éteignent, que les inimitiés cessent, que l'amitié se resserre davantage; et voilà pourquoi le sage Aristote regardait comme contraire à la sociabilité la coutume des Egyptiens qui mangeaient séparément, n'ayant jamais de repas communs, et qu'il loue au contraire Minos et Lycurgue d'avoir établi des repas de confraternité.

Passons au vin.

Chez les Anciens comme chez les Modernes, le vin a toujours été considéré comme l'ame du festin et y a toujours tenu l'un des premiers rangs. La raison en est toute simple; cette antique liqueur, dont la nature bienfaisante gratifie périodiquement le genre humain (1),

(1) L'imagination des Arabes ne le cède en rien aux folies rabbiniques, quand il est question de l'origine des choses. Voici ce que l'auteur Ali Dedé nous raconte, dans son Traité

n'a pas la seule propriété d'étancher la soif comme son insipide compagne; elle réveille l'esprit, électrise l'imagination, dispose à la gaieté, à la franchise, aux sentimens généreux. Aussi a-t-elle reçu dans tous les siècles un tribut d'éloges unanimes, équivalant à une espèce de culte ; et elle peut se flatter de n'avoir pas trouvé un seul ingrat, pas même un indifférent parmi ceux qui ont eu part à ses faveurs, depuis le roi jusqu'au berger, depuis Anacréon jusqu'à Pannard. Si les Romains, à leur berceau, se sont montrés si austères à son égard (1), ils s'en sont bien dédommagés aussitôt que leurs conquêtes leur ont permis de mettre le

des origines des Arabes, Persans et Turcs, sur la découverte du vin par Noé.

« La première défense du vin fut celle que fit Noé; il << avait planté la vigne, trompé par Satan qui lui conseilla << de l'arroser du sang de sept animaux, savoir: du lion, de

l'ours, de l'hyène, du chien, du renard, du chacal et « du coq. Dès-lors, les raisins qui jusqu'alors n'avaient eu << qu'une couleur, en revêtirent plusieurs, et leur suc trans<< porta dans l'ivresse les vices de ces sept animaux. C'est << pourquoi l'intempérance a été nommée la mère des mau<< vaises actions, (Oum ol Khabaiel). »

Il faut cependant convenir que cette allégorie a quelque chose d'ingénieux pour caractériser les suites funestes de l'ivresse. (Voy. l'analyse des Origines d'Ali Dedé, par M. Joseph de Hammer.)

(1) Sous les rois, la loi défendait le vin aux esclaves, aux femmes libres et aux adolescens jusqu'à 30 ans. Une dame ayant forcé le tiroir où son mari serrait la clé du vin, fut condamnée à mourir de faim. Mecennius tua sa femme pour avoir bu du vin, il fut absous; etc., etc. (ATHÉN.)

pied dans les vignes et dans les celliers de leurs voisins. Bientôt ils ont su non-seulement ulmis adjungere vites sur leur propre territoire, mais même soutirer tout ce que la Grèce, l'Egypte et la Gaule produisaient de meilleur et de plus délicat dans ce genre.

Cette petite apologétique du repas et du vin nous amène naturellement à la particularité qui fait aujourd'hui l'objet de nos recherches, c'est-à-dire à la Philotésie, usage qui, jadis plus qu'aujourd'hui, n'était pas un des moindres agrémens de la table, puisqu'il tient à cet esprit d'union et de bienveillance qui anime ordinairement les convives les uns envers les autres. Cet usage de boire à la santé (1), n'a pas pris naissance chez les peuples modernes ; il remonte à des temps très reculés :

(1) Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, dit : « D'où vient cette coutume? Est-ce depuis le temps qu'on « boit? Il paraît naturel qu'on boive du vin pour sa propre « santé, mais non pas pour la santé d'un autre. » Cette observation ne semble-t-elle pas un peu minutieuse et même singulière? Quel est l'homme assez borné pour croire que le vin qu'il boit puisse être utile à la santé d'un autre? Non, il sait fort bien qu'il exprime seulement un vœu pour que la santé de cet autre continue à être dans un état de prospérité. Voltaire ajoute : « Le propino des Grecs, adressé par les « Romains, ne signifiait pas, je bois pour que vous vous « portiez bien, mais je bois avant vous pour que vous bu« viez, je vous invite à boire. » Il nous semble encore que Voltaire ici restreint trop le sens du mot propino. Il signifie bien littéralement, je bois le premier, mais il est présumable qu'il était accompagné d'un vœu tacite pour le bien-être de celui à qui il était adressé, et duquel on exigeait une réciprocité en l'invitant à boire à son tour.

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