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DE L'ÉDITEUR.

EN parlant, dans notre préface, des manuscrits inédits de Bossuet, nous n'avons rien dit de ceux sur l'Ecriture sainte : cette omission étoit réfléchie. Prévoyant la nécessité où nous serions de rappeler ici au moins en partie, ce que nous en aurions dit alors, pour éviter l'inconvénient de nous répéter, nous avons pensé que la discussion de ce qui concerne ces manuscrits seroit mieux placée à la tête de nos observations sur les imprimés de la même classe.

On sait que Bossuet, dès son plus jeune âge, étant tombé sur une Bible, fut tellement ému de la lecture de ce saint livre, que jamais il n'oublia le sentiment vif et profond qu'il en avoit éprouvé; et que dans sa vieillesse, au milieu de ses amis, il se plaisoit à en rappeler le souvenir.

On sait aussi qu'étant venu à Paris au collége de Navarre pour y faire ses cours de philosophie et de théologie, il eut le bonheur de rencontrer dans le vénérable chef de cette maison, un homme plein de lumières et de sagesse, qui, frappé des rares talens qu'annonçoit ce jeune élève, lui témoigna le plus tendre intérêt, se chargea de le diriger dans ses études; et lorsqu'il eut commencé son cours de théologie, entr'autres conseils, insista particulièrement sur l'étude assidue de l'Ecriture sainte; lui répétant sans cesse qu'elle étoit la base la plus solide des connoissances qu'il lui importoit d'acquérir.

Dès ce moment, Bossuet s'y livra avec une application qui ne se démentit jamais; et dans la suite de sa vie, il ne passa pas un jour sans nourrir son esprit et son cœur de cette divine lecture.

Pendant les deux années d'interstices du baccalauréat à la licence, et pendant six autres années, qu'ayant reçu le bonnet de docteur, il alla résider à Metz, il lut successivement toute la Bible et les ouvrages de ses plus savans commentateurs. Mais les commentateurs estimés et dignes de l'être, sont en grand nombre, leurs ouvrages pour la plupart diffus et volumineux, chargés d'érudition orientale, et d'ailleurs ne se trouvent guère que dans de grandes bibliothèques.

Ces inconvéniens, joints au long temps que, malgré sa pénétration, Bossuet avoit été obligé d'employer à les lire, lui firent juger que le plus grand nombre des ecclésiastiques occupés aux fonctions du saint ministère, n'avoient ni les moyens de se procurer ces ouvrages, ni le loisir de les étudier; que, par conséquent, ils manquoient généralement de la plus importante instruction de leur état.

Pour la leur faciliter, Bossuet forma dès-lors le projet de rédiger à leur usage, sur chacun des livres qui composent la Bible, un commentaire abrégé, dégagé de tout faste d'érudition, où les textes obscurs seroient expliqués, les difficultés résolues, le sens propre et littéral fixé: en sorte qu'avec économie de dépense et de temps, ils pussent acquérir une connoissance suffisante et solide de ces saints livres.

Bossuet médita long-temps ce projet, et consacroit

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tous les momens libres que lui laissoient ses autres occupations, à en amasser les matériaux et à en pré parer l'exécution: mais une difficulté l'arrêtoit : comment pouvoit-il s'ériger en commentateur d'ouvrages qu'il ne connoissoit que par des traductions? Presque tous les livres de l'ancien Testament ont été originairement écrits en hébreu; quelques-uns, postérieurs à la captivité, l'ont été en chaldéen ; et ceux du nouveau Testament, en syriaque ou en grec. Or, de ces langues, Bossuet n'avoit étudié que la dernière la connoissance de toutes est cependant nécessaire à un commentateur, qui ne peut bien expliquer un texte que quand il en a saisi le sens littéral: ce sens, lorsqu'il est confirmé par la tradition étant le seul sur lequel est établi le dogme. Mais dans une langue matériellement pauvre, depuis long-temps inusitée, dont il reste peu de monumens', le sens littéral est souvent difficile à saisir; soit parce qu'il s'y trouve des mots rarement employés, et dont le contexte ne peut aider à déterminer la vraie valeur; soit parce que cette langue a dans ses termes et ses expressions une énergie qu'aucune autre langue ne peut rendre fidèlement que par des paraphrases et tel est le caractère de la langue sainte. Les livres qui nous en restent ont été très-anciennement traduits en grec, syriaque, arabe, cophte, etc. Ces versions, pour en faciliter la comparaison, ont été rapprochées dans les Polyglottes; et en les comparant, on trouve bien partout la même continuité d'idées et le même sens que dans l'original; mais avec des nuances différentes, avec plus ou moins d'emphase. Cependant on ne peut faire de telles

comparaisons que quand on sait ces langues, et Bossuet ne les savoit pas. La lente et pesante application que leur étude exige, pouvoit-elle convenir à l'activité de son génie?

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Indépendamment des polyglottes, nous avons beaucoup de livres excellens composés par de savans orientalistes, où tous les mots de la langue sainte sont expliqués par leurs racines, leurs dérivés, leurs différentes acceptions et leur affinité avec les mots correspondans des autres langues anciennes telle est, entr'autres, la célèbre Concordance de Calasio. Mais de quelle utilité pouvoit être à Bossuet ce livre, qu'il n'auroit pas même su lire; chaque page en étant hérissée de caractères hébreux, syriaques, arabes? Le parti qu'il prit fut de s'associer quelques-uns de ses amis, particulièrement versés dans la connoissance de cette littérature qui lui manquoit: il en choisit d'autres encore, distingués par d'autres talens; établit des conférences où il les réunissoit, et où chacun apportoit le tribut des recherches particulières qui lui étoient assignées. Eusèbe Renaudot, Barthélemi d'Herbelot, l'abbé de Longuerue, les deux frères de Compiègne et de Veil, très-connus par leur profond savoir en orientalisme, étoient spécialement chargés de l'examen des textes hébreu et samaritain, et des anciennes versions chaldaïque, syriaque, arabe, cophte, arménienne. Nicolas Thoynard, auquel on doit une excellente Harmonie des quatre Evangiles, fournissoit pour sa part les observations sur les Septante et sur les autres versions grecques. Quant au dépouillement des glossateurs, scholiastes et modernes

traducteurs, il étoit réparti entre différens membres de cette savante société.

A chaque séance, tous ayant leurs Bibles particulières sous les yeux, on lisoit un chapitre de la Vulgate; il étoit discuté verset par verset, et les diverses opinions entendues, pesées et résumées, on en écrivoit le résultat sur les marges d'une grande Bible de Vitré, qui existe, et dont nous parlerons tout à l'heure.

Ces conférences commencées en 1673, ne durèrent que deux ou trois ans ; elles cessèrent, parce que d'autres travaux importans de l'illustre chef qui les présidoit, ne lui permirent pas de les continuer. Il paroît même qu'on n'y lut qu'une partie des livres de l'ancien Testament, à en juger du moins par cette Bible de Vitré, qui est en quelque sorte le procèsverbal des conférences.

Ce que nous disons ici de leur établissement et du principal motif qui le détermina, n'est pas tout à fait d'accord avec le récit plein d'intérêt que fait l'illustre historien de Bossuet, de ces conversations et de ces promenades où, suivi d'un cortège d'amis distingués, il s'entretenoit avec eux de quelque sujet important ou d'Ecriture sainte, ou d'histoire, ou de morale: nous n'ignorons point que ces conversations et ces promenades étoient le délassement de Bossuet, et faisoient le charme de ceux qu'il y admettoit: mais nous croyons qu'il faut les distinguer des conférences proprement dites, composées de graves érudits, où l'on ne traitoit que de l'Ecriture sainte, et où l'on en recherchoit le sens littéral dans l'hébreu, dans les versions anciennes et dans la tra

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