CANDIDE. Aussi ma chère enfant n'y manqua pas. Assurez-vous, lui dit-elle, chère Euphrasie, que le Seigneur viendra à votre secours, et qu'il vous soutiendra de son bras tout-puissant vous n'aurez pas fait un pas vers lui, qu'il volera vers vous, qu'il oubliera vos ingratitudes; vous êtes son enfant, il vous aime, vous chérit, et vous comble de ses bienfaits. Revenez seulement à ce tendre Père, et tout vous sera pardonné. CLOTILDE. Ces paroles calmèrent Euphrasie. CANDIDE. Elle parut changée. tout à coup. Elle sourit agréablement, et regardant mademoiselle Adelaïde : O que je suis heureuse de vous avoir vue aujourd'hui ! que j'ai d'obligation à Mélanie de m'y avoir engagée! je vais dès ce pas l'en remercier : ce jour sera, je crois, l'époque de ma conversion. Oui, j'espère que le Seigneur aidera mes foibles efforts; priez pour moi: je ne veux pas encore parler à ma mère de notre entrevue; j'attendrai quelques jours, afin que ma résolution soit plus affermie, et que je puisse rendre sa joie complète. Je cours chez Mélanie. Ma chère enfant voulut la retenir pour goûter; mais elle dit qu'elle étoit trop agitée, et demanda que la partie fût remise à aujourd'hui ; ma chère enfant y consentit, et l'avertit que c'étoit le jour de la conférence, elle en parut enchantée; c'est un motif de plus, pour qu'elle se rende à l'invitation: elle viendra donc. Vous le voyez, je vous ai dit vrai en vous annonçant une nouvelle disciple. . CLOTILDE. J'avois remarqué dans mademoiselle Euphrasie un caractère doux, une ame sensible, et un cœur droit; mais je ne pouvois me flatter que sa conversion fût si prompte: c'est aux prières de sa vertueuse mère qu'elle doit cette faveur. Dieu ne veut pas que les larmes de cette nouvelle Monique soient stériles. Avant de mourir, elle verra sa fille unique reprendre le joug aimable du Seigneur. O que le Seigneur est bon et que les prières ferventes et persévérantes des ames qui sont à lui, ont de force pour toucher son cœur paternel! Je te remercie, Candide, du récit que tu viens de me faire : félicite ta chère enfant, embrasse-la pour moi; dis-lui que, très-assurément, je me rendrai chez elle cet après-midi. CANDIDE. Adieu, mademoiselle Clotilde; je vous remercie mille fois de la grâce que vous m'avez accordée : j'en profiterai dès aujourd'hui, s'il m'est possible. V.e ENTRETIEN. Sur les bontés de Dieu. CLOTILDE, CHRISTINE, MÉLANIE, CANDIDE. Vous venez bien tard, M.lle Clotilde; il étoit temps que vous arrivassiez, car j'allois me désespérer. CLOT. Hé que t'est-il donc arrivé? Il me paroît cependant que je t'ai entendu rire de bon cœur; tu n'es pas si chagrine que tu veux le paroître. CAND. Ces Demoiselles font les méchantes; ma chère enfant me renvoie préparer le goûter; M.lle Mélanie dit qu'on ne peut m'admettre à la conférence, parce que je parle trop. M.lle Christine, avec son air doucereux, m'invite à faire un sacrifice, et me prêche une mortification qui ne seroit pas de son goût. Il n'y a que M.lle Euphrasie qui prend mon parti. A sa prière, on m'a permis d'attendre votre décision. Prononcez donc, M.le Clotilde; mais n'allez pas mettre le comble à mon malheur. CLOT. Ces Demoiselles ont bien raison de vouloir se débarrasser de toi; regarde comme tu babilles; tu ne m'as pas laissé le temps de saluer mes compagnes, ni de les embrasser. CAND. Bon, me voilà bien dans mes affaires. CLOT. Permettez, chère Adelaïde, que je vous fasse mon compliment sur l'aimable compagnie avec laquelle je vous trouve. Qu'est-ce qui me procure le plaisir de trouver ici M.lle Euphrasie ?⠀ MÉL. C'est à moi, mon excellente amie, que vous avez cette obligation. J'ai engagé hier Euphrasie à faire visite à ma petite sœur; la réception a été très-agréable, et elle est venue elle-même aujourd'hui me chercher, pour assister à notre conférence. C'est pour elle une fête. CLOT. M.lle Euphrasie est charmante ; nous ne pouvons lui savoir trop de gré de sa complaisance. EUPHR. Je suis enchantée, Mesdemoiselles, de l'accueil que vous me faites; je n'aurai plus de compagnie qui me plaise autant que la vôtre. ADEL. Tout le plaisir sera pour nous. Après avoir été long-temps séparées, il est bien doux de se réunir. EUPHR. VOS discours et vos exemples ramèneront une infidèle au divin Maître. Ainsi tout le profit sera pour moi, et je ne sais comment reconnoître votre indulgence. J'ai mérité, et votre haine, et l'indignation du Dieu que vous servez toutes avec tant de ferveur. MÉL. Eloignez, chère amie, ces idées noires, elles ne s'accordent nullement avec le sujet sur lequel nous devons nous entretenir; c'est sur la bonté de Dieu. Rien de plus propre à rappeler dans les ames timides la douce espérance du salut. EUPHR. Hélas! je ne puis douter de la bonté de Dieu. N'est-ce pas par une grâce de sa miséricorde qu'il m'a conduite vers vous, afin que vous m'aidiez à sortir de l'abîme où je suis tombée? ADEL. Ah! M.lle Clotilde, que je désire vous entendre parler de la bonté de Dieu! |