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CLOT. Il faut éviter la précipitation, la grande multitude de paroles, et de les recommencer par scrupule.

CAND. Mais quand on est pressé, comment faire ?

CLOT. Laisser ses prières, plutôt que de les mal faire. Tu comprends que j'entends celles qui ne sont pas d'obligations : il vaut mieux en dire peu et bien, que d'en dire beaucoup et mal. De quel œil Dieu peut-il regarder une personne qui le prie avec une précipitation offensante? «Comment voulezvous, dit un Saint, que Dieu vous écoute, si vous ne vous écoutez pas vous-même ? En effet, quand on prie avec précipitation, est-ce avoir pour Dieu le respect qu'il mérite? N'est-ce pas lui témoigner une sorte de mépris? Peut-on faire attention à des paroles auxquelles on n'a pas le temps de penser? Cette précipitation détruit tout le fruit de la prière: qui prie ainsi, mérite le reproche que Dieu faisoit aux Juifs. «< Ce peuple m'honore du bout des lèvres, mais son cœur est bien loin de moi. »

CAND. Ah! mademoiselle Clotilde, jamais je n'oublierai cela. Je ferai mes prières du matin et du soir, et j'entendrai la sainte

messe avec toute la gravité dont je suis capable. Je prononcerai doucement, je consentirai de cœur à ce que je dirai de bouche. Quant aux autres prières, lorsque je n'aurai pas le loisir, je les remettrai à un autre temps; mais je suis en peine de ce que vous dites, qu'il faut éviter la grande multitude de prières vocales. Est-ce que l'on peut trop prier?

CLOT. Candide, il est des personnes qui veulent tout embrasser, et qui se chargent d'une multitude d'offices, de pratiques de confréries, au point qu'elles ne peuvent y satisfaire, sans négliger les devoirs de leur état; ou si elles font toutes ces prières, c'est avec une précipitation qui les rend inutiles, elles se fatiguent et n'avancent point.

CAND. Je suivrai vos avis, M.lle, depuis mon enfance, je récite tous les jours le chapelet, j'y ai ajouté quelques petites prières, je m'en tiendrai là ; mais il vous est échappé une parole qui m'inquiète : vous dites, qu'il ne faut jamais recommencer ses prières par scrupule?

CLOT. Hé bien ! Candide, cela te surprend! CAND. Oui, Mademoiselle; car enfin, quand on a mal fait ses prières, je crois qu'on est obligé de les recommencer.

CAND. Ah! Mademoiselle, s'il faut vous le dire, je ne suis pas encore contente. Je voudrois bien faire l'Oraison mentale; mais je ne sais ce que c'est.

CLOT Tu seras instruite de cela cet aprèsmidi viens à la conférence, ces D.lles te permettront d'y assister, sous la clause ordinaire m'entends-tu, bonne Candide?

:

CAND. Oui, M.lle, je ne dirai pas le plus petit mot. Que je vous ai d'obligations!

XXVII. ENTRETIEN.

Sur l'Oraison mentale.

CLOTILDE, CHRISTINE, ADELAÏDE,

EUPHRASIE, CANDIDE.

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ADELAÏDE. Je vois donc aujourd'hui toutes mes chères compagnes. O ma petite maman, que votre absence m'a paru longue! Il y a un siècle que je ne vous ai vue.

CHRIST. J'aurois supporté avec peine cette

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privation, si le plaisir d'être utile à maman, n'en eût adouci l'amertume. Mon devoir me retenoit, et c'étoit une chaîne aimable.

CLOT. Madame votre mère, chère Christine, est en meilleure santé ?

CHRIST. Oui, tendre amie, son indisposition n'a été que passagère; c'est ce qui me procure la satisfaction d'assister aujourd'hui à votre conférence.

ADEL. Jamais notre empressement n'a été plus vif, ma petite maman. Mademoiselle Clotilde nous a annoncé un sujet; il y a long-temps que nous soupirons après : c'est l'Oraison mentale.

CAND. Mademoiselle Clotilde m'a permis de l'écouter, y consentez-vous, Mademoiselle?

ADEL. Oui, ma bonne, tu peux rester

avec nous.

CHRIST. Pourvu que.....

CLOT. Elle me l'a promis, et tiendra sa parole.

EUPHR. Dites-nous, s'il vous plaît, maman, qu'entendez-vous par Oraison mentale?

CLOT. C'est un entretien de l'ame avec Dieu. On en distingue trois sortes; savoir, la méditation, l'oraison de recueillement et la contemplation; car l'ame qui commence à méditer, n'est pas élevée aussitôt à la contemplation; il y a différens degrés.

ADEL. Voudriez-vous entrer dans le détail? et d'abord qu'est-ce que la méditation? CLOT. Je vous cède cette vertu mademoiselle Christine.

CHRIST. On peut comparer la méditation à une montagne difficile à gravir, où l'ame trouve sur son chemin des obstacles à vaincre, des ennemis à dompter. Les épines y sont mêlées de fleurs et de fruits. Il faut que toutes les puissances de l'ame agissent. La mémoire en représente le sujet. Est-ce un mystère ? elle rappelle ce que l'Eglise enseigne sur cet article. Est-ce une action du Sauveur ? elle considère les circonstances que l'Evangile nous en apprend. A mesure que la mémoire représente le sujet, l'entendement s'occupe à le comprendre, et en fait l'application aux besoins de l'ame. La volonté s'anime alors : elle forme des affections, et prend des résolutions nécessaires pour détruire ses défauts, et acquérir les vertus qui lui manquent.

EUPHR. Voilà, en effet, toutes les puissances de l'ame en activité : elles ont chacune leur occupation particulière, qui se rapportent à la même fin; mais je voudrois des exemples.

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