fratres, l'Eglise semble nous inviter à adorer Jésus-Christ dans le moment où Pilate, le présente au peuple, et dit : « Voilà >> l'homme. » Je le regarde donc en esprit cet homme de douleur; je le vois défiguré, ensanglanté, ayant pour sceptre un roseau, pour diadême une couronne d'épines, et revêtu d'un manteau de pourpre. Dans cet état si humiliant, je le reconnois pour mon Dieu, pour mon souverain Seigneur, et je me souviens que c'est pour mes péchés et mes révoltes contre la Majesté suprême qu'il s'est anéanti. ADEL. Que de merveilles nous découvre, dans la célébration des divins mystères, cette méthode d'entendre la messe! Qu'elle est capable d'allumer dans nos cœurs, le feu du saint amour! CLOT. A la préface, j'adore Jésus condamné, et succombant sous la croix, je m'offre à la porter avec lui et pour lui. A la consécration de l'hostie, je l'adore percé de clous et attaché à la croix; je m'y attache avec lui, pour expirer avec lui. A l'Elévation, j'adore Jésus-Christ élevé en croix, et versant tout son sang; je le conjure de blesser mon cœur des traits de son amour, à et j'unis le sacrifice de tout moi-même, celui que cette victime adorable offre à Dieu son père. J'unis ma voix à la sienne, et je le prie pour mes ennemis. Je récite avec le prêtre, l'Oraison dominicale, pour obtenir de Dieu les grâces dont j'ai besoin. Lorsque le prêtre rompt l'hostie, j'adore mon Sauveur mourant pour tous les hommes. Quand le prêtre met une particule de l'hostie dans le calice, j'adore Jésus-Christ descendant aux limbes; et me réjouis avec les saints patriarches de la venue du Messie. A l'Agnus Dei, j'adore Jésus-Christ, dont le côté est percé d'un coup de lance; je pénètre jusques dans son cœur, et je tâche d'y puiser les saintes ardeurs dont il est consumé. A la communion, lorsque je n'ai pas le bonheur de communier réellement, je communie spirituellement : il suffit pour cela, d'avoir un désir ardent de recevoir Jésus-Christ, et de produire des actes de foi, d'espérance, de charité et d'humilité. ADEL. Achevez, s'il vous plaît, Clotilde. M.lle CLOT. Depuis la communion, j'adore Jésus-Christ détaché de la croix, et mis dans le tombeau; j'ensevelis avec lui mes mauvaises habitudes, et m'excite à l'amour de la retraite, pour tenir compagnie à mon Sauveur dans sa solitude, et lui offrir le baume et les parfums des vertus. Je l'adore ensuite ressuscité, et je tâche de ressusciter avec lui, en menant une vie pure et sans tache, et triomphant par sa grâce, de toutes mes passions. Après la messe, je remercie Dieu d'avoir eu le bonheur d'y assister; je le remercie des autres grâces qu'il m'y a faites; je lui demande pardon des fautes que j'y ai commises, et prends la résolution de conserver les fruits de ce sacrifice adorable. ADEL. Voilà qui est décidé, mon excellente amie; votre méthode sera la mienne : je la trouve bonne, et dès demain je la mets en pratique. EUPHR. Je me fais gloire de suivre en tout, les traces de ma petite mère ; j'entendrai désormais la sainte messe, en méditant la passion de Jésus-Christ. CLOT. Accoutumez-vous principalement à témoigner beaucoup d'amour à JésusChrist. Il nous aime, ce divin Sauveur, et veut que nous l'aimions. C'est dans les ames qui brûlent par lui, qu'il repose avec complaisance. Ah! mes chères amies, puissé-je Vous voir toutes embrasées des flammes de la charité ! EUPHR. Que votre zèle est pur et ardent, ma petite mère, vous ne désirez que notre bien, et nous ne pouvons reconnoître vos soins, qu'en profitant de vos leçons; nous les suivrons donc à la lettre, et nous serons un jour votre joie et votre couronne. CLOT. Vous faites déjà, mes chères amies, ma consolation. Allons maintenant, suivant notre usage, nous prosterner aux pieds des autels, pour y adorer le Dieu caché sous les sacrés symboles et vraiment présent dans nos tabernacles. ADEL. M.lle Clotilde, vous nous mettez en pénitence pour demain; il faut donc attendre deux jours pour vous revoir? CLOT. Il faut faire quelquefois de petits sacrifices; vous en serez dédommagée par le plaisir de voir après-demain M.lle Christine. ADEL. Et surtout par la satisfaction d'entendre parler sur l'Oraison mentale. XXVI. ENTRETIEN. Sur la Prière vocale. CLOTILDE, CANDIDE. CLOTILDE. Te voilà, Candide, quel sujet donc t'amène si matin? CAND. Je me suis trouvée avec vous à l'Eglise, Mademoiselle, et dès que je vous ai vu sortir, j'ai couru pour vous raconter mes chagrins et mes inquiétudes: il faut que je vous décharge mon cœur. CLOT. Tu es plus heureuse qu'une reine, et tu t'affliges sans cesse, cela est étonnant. CAND. Vraiment cela vous plaît à dire : vous êtes toujours en oraison, et moi, je ne puis que lire des prières dans un livre, ou réciter celles que je sais par cœur, encore les fais-je très-mal. Je suis bien misérable. Oh! que j'en suis désolée! CLOT. Console-toi, ma bonne amie, console-toi, tu t'affliges; n'est-ce pas, parce que tu ne fais que des prières vocales? |