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est le porteur d'eau qui remplit les seaux, quel est l'étalagiste naissant qui ne connaît point, par une sorte d'instinct, toutes les ruses du métier? Il faut beaucoup de temps pour que le bouquiniste considère et aime une pratique.

Il nous reste à dire un mot du marchand de livres dépareillés. Ce commerce qui n'est connu que de peu de personnes à Paris, et dont le titre modeste inspire presque de la pitié, demande une intelligence peu commune, beaucoup de tact et de savoir, et une énorme mise de fonds. Il rend de grands services aux savants et aux bibliothèques. Il exige dans celui qui s'y applique d'immenses connaissances bibliographiques. J'en sais un que tous les amateurs de livres devineront, qui est un prodige de mémoire et d'instruction; je saisis cette occasion de le remercier de son obligeance.

Si le bouquin est indéfinissable, le bouquineur ne l'est pas moins. I affecte toutes les formes. Généralement celui-là bouquine, qui étudie sérieusement un art ou une science. Le mathématicien bouquine, le militaire bouquine, l'avocat commençant bouquine, l'historien (celui-là par excellence) bouquine, l'acteur, le peintre, le sculpteur, le mécanicien, l'architecte, l'horloger (je ne parle pas du marchand de pendules), le médecin, le musicien, bouquinent; rarement le littérateur qui écrit; toujours le littérateur qui se repose.

Tous ceux-là bouquinent, mais, dans le nombre cependant, il y en a qui ne sont pas essentiellement bouquineurs.

Le bouquineur proprement dit est celui qui a la manie des bouquins. La Bruyère, qui a décrit et censuré tous les ridicules de son siècle, a parlé de la manie des bibliothèques, mais il n'a pas parlé de celle des bouquins. Le bouquineur est plus moderne. L'imprimerie, déjà si parfaite, était jeune encore au temps de La Bruyère. Il y avait donc des amateurs de livres; il n'y avait pas de bouquineurs.

Le bouquineur aime les bouquins pour eux-mêmes. C'est le propre des passions vraies. Il les entasse sans s'inquiéter s'il les lira jamais, en encombre son appartement, que dis-je? sa maison de la cave au grenier; il fait, au besoin, étayer les planchers croulants sous leur poids destructeur; il hypothèque ses immeubles pour acheter des bouquins. L'amour des bouquins est une avarice qui ne s'attache pas à l'or, et qui, loin de là, prodigue l'or pour se satisfaire. Comment le bouquineur lirait-il tout ce qu'il amasse! Par pièces de 25 et 50 cent., par petites sommes de 10 à 15 francs, il a jeté dans un inutile amas de cuirs mal sentants, la dot de sa fille et les diamants de sa femme... On croira peut-être que j'exagère... Il n'en est rien. Il faut peu d'années pour engloutir, en bouquinant tous les jours et avec passion, cinquante mille écus. Un illustre exemple de cette folie vit encore dans la mémoire de tous les bouquinistes de Paris.

Le bouquineur intelligent use mieux. Il met de l'ordre dans ses livres et ne met pas de désordre dans ses affaires. Il étiquette ses bouquins, les lit et les relit, les charge de notes souvent substantielles et précieuses, et c'est une bonne fortune que de trouver un livre ainsi annoté. Si l'écriture est connue pour être celle d'un homme de mérite, un bouquin de vingt sous peut acquérir une valeur de deux ou trois cents francs. Un travail incomplet de Boileau, sur une édition de Perse (je ne crois pas me tromper), a donné à cet exemplaire un prix inestimable.

Généralement un bouquineur tient à posséder quelques éditions des premiers temps de l'imprimerie, de ces beaux livres gothiques si nets et si parfaits que les plus grands imprimeurs n'en ont pu surpasser la perfection, ornés souvent de gravures sur bois, pleines de naïveté et de détails

curieux. Puis, il lui faut quelques Manuce, quelques Janson, quelques éditions à la sphère, puis des Elzevirs. A cet effet, le bouquineur intelligent a toujours dans son cabinet le Brunet, et dans sa poche l'échelle des Elzevirs. Il les mesure avec une précision mathématique. Une ligne peut faire monter ou descendre un volume de trente, cinquante, voire même de cent francs.

Dans cent cinquante ans, les beaux Didot et quelques autres éditions feront l'envie des bouquineurs intelligents, et tel volume qui coûte cinq ou dix francs sera couvert d'or.

Le bouquineur savant est celui qui ne se contente pas d'amasser les livres relatifs à sa spécialité, mais tous les livres intéressants qu'il rencontre; il sait qu'il y trouvera toujours quelque chose à prendre pour l'ouvrage qu'il médite. Après avoir pâli quelques années sur les bouquins, il lance tout à coup dans le monde un livre qui le met al premier rang. Il entre de vive force et sans préliminaires dans la réputation. Il devient académicien, député, pair de France, ministre... Et lorsque les grandeurs le fuient, ou lorsqu'il fuit les grandeurs, il retourne à sa femme et à ses enfants (le bouquineur a toujours les vertus domestiques). Et si le sort lui a enlevé, si le sort lui enlève ces chers objets de sa tendresse, s'il voit tomber avant l'âge ceux qu'il aime plus que lui-même, après avoir pleuré..., il trouve dans ses livres, dans ses études, cette douce consolation qu'il n'aurait trouvée nulle part ailleurs. Il se souvient comment sa fille chérie lisait ce passage de Montaigne, comment son fils, formé par lui à l'amour des sciences, commentait cette page de Comines, comment leur mère applaudissait à leurs efforts... Ces tristes, ces pieux souvenirs lui donnent le courage et la philosophie..., adoucissent ses regrets et le mènent avec moins de douleur à cette immortalité que l'amour ordonne de croire et que la science confirme. Là, plein de confiance, il sait qu'il doit revoir les objets de son éternelle affection... Je suis jeune encore et j'ai déjà de tels souvenirs... Etudes chéries, venez à mon secours !

J'ai parlé du maniaque, de l'homme de mérite: je ne puis oublier de dire que la statistique, œuvre de patience, qui est presque devenue une science, a fourni à la bouquinerie bon nombre d'adeptes qui méritent une mention à part. Je finirai en parlant du bouquineur collectionniste d'Almanachs royaux et d'Almanachs des muses.

Les Almanachs royaux servent aux faiseurs de vandevilles et de romans soi-disant historiques. On ouvre, par exemple, l'Almanach royal de 1788 (édition de veuve d'Houry et Debure, à la Tête-Noire, rue Haute-Feuille, près celle des Deux-Portes). On y voit, toujours par exem ple, que M. le comte de Saint-Angel était écuyer de S. M. la reine, que Mme la princesse de Tarente était dame du palais, et Mme la duchesse de Saulx-Tavannes, dame du palais honoraire (ce qui ne la faisait pas jeune). On rassenble ces noms-là et d'autres en suffisante quantité; on y coud des oripeaux et des phrases banales. Quant aux coul plets, l'Almanach des Muses y supplée. Et du tout on fait un vaudeville ou un roman historique. An prochain vau deville, on puisera d'autres noms à l'Almanach royal de 1788, on y coudra encore les mêmes oripeaux par écono mie, et les mêmes phrases par impuissance, et le siècle, heureux siècle! comptera un vaudeville, un roman listorique de plus!

Il y a, comme on le voit, de jeunes et vieux bouquins, de jeunes et vieux bouquineurs.

Bibliophile JACOB.

CHRONIQUE DU MOIS.

L'AMBASSADEUR DU NÉPAUL.

Cet homme au teint presque noir, aux vêtements cousus d'or et de pierreries, est le fameux ambassadeur du Népaul, sur lequel on a fait tant de contes le mois dernier. Voici sur ce curieux personnage des détails aussi exacts que son portrait, dessiné, pour nos lecteurs, d'après nature.

Le prince Jung-Bahadour-Kouwur-Ranaja, premier ministre et général en chef du Népaul, et ambassadeur de ce royaume en Angleterre, a débuté à Londres par offrir à la reine Victoria des cadeaux estimés plusieurs millions.

Louise-Marie, reine des Belges.

C'étaient les épingles du traité qui a sauvé l'indépendance de son pays. Ses apparitions à Paris, aux revues et aux spectacles, avec ses sept compagnons, basanés et couverts de diamants comme leur chef, ont produit une sensation extraordinaire. Jung-Bahadour n'est cependant pas une simple bête curieuse. C'est lui qui a fait, à Katmandou, la

révolution par laquelle l'ancien Maharadja fut chassé du trône, au profit d'un enfant appuyé par la Compagnie anglaise. La Grande-Bretagne, en comblant le prince d'honneurs, lui a montré adroitement sa puissance, et a jeté les bases de l'annexion du Népaul à ses provinces indiennes. La physionomie de l'ambassadeur porte, au reste, le cachet d'un grand courage et d'un esprit distingué. Le jour de sa présentation à l'Elysée, le président de la République lui ayant adressé, par l'organe de ses interprètes, un compliment sur la richesse du costume indien, relativement au costume français : - Il est vrai, a répondu le prince avec beaucoup d'à-propos, nos costumes sont plus

magnifiques que les vôtres;

c'est que chez nous ils servent à marquer les rangs et à distinguer les classes. Mais, si la France ne se fait pas remarquer par la richesse de ses costumes, elle est la première nation du monde par la richesse de ses sciences, l'éclat de ses lumières, la belle organisation de son administration et de son gouvernement. La flatterie va se nicher, on le voit, jusque chez les diplomates du Népaul. Nos musées du Louvre ont excité l'enthousiasme des nobles sauvages conduits par MM. de Niewerkerque et de VieilCastel; ils ont surtout admiré la Galerie de marine, les tableaux de bataille, les armes et la salle ethnographique. Les dessins et les ustensiles chinois ont semblé leur faire le plus grand plaisir. Les riches costumes de drap d'or et les aigrettes de perles et de diamants de ces Orientaux faisaient le plus bel effet dans les admirables galeries du Louvre. Sans la mesquinerie des habits noirs, qui leur faisaient les honneurs du palais, on se serait cru transporté tout à coup au milieu de la cour de Louis XIV, lorsque le vieux roi recevait, dans ses grands appartements, la fameuse ambassade du roi de Siam.

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Mais ce qui a le plus ravi Jung-Bahadour, ce sont les ballets de l'Opéra qui lui ont rappelé, lorgnette à part, les odalisques et les almées de l'Asie. En fait d'odalisques, la trop célèbre Lola-Montès se trouvant à Paris en disponibilité, a fait, dit-on, la conquête du prince indien, qui lui a donné une robe de lames d'or, et l'aurait emmenée au Népaul avec ses autres emplètes, s'il ne se fût souvenu qu'un article de son traité avec l'Angleterre lui interdit de recevoir aucun Européen dans

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ses Etats. Nous donnons ce scandale pour ce qu'il vauf. L'ambassadeur va l'expier, d'ailleurs, sur sa route, par des pèlerinages à tous les lieux sacrés; et il achèvera de se purifier, à Katinandou, de toutes les souillures de son voyage, en mangeant chaque matin un pen de fiente de génisse, suivant le précepte des Vedas brahminiques.

Notre Mercure d'octobre vous a conté les singularités de son départ de l'hôtel Sinet, el notre chronique des Modes vraies vous révélera l'étrange mode importée à Paris par cet adorateur de la vache.

LA REINE DES BELGES.

Depuis près d'un siècle, on voit peu de reines mourir sur le trône. La Belgique vient de donner cette noble leçon au monde, avec une grandeur et une solennité qui inarqueront dans l'histoire de notre siècle. Il est vrai que la souveraine des Belges n'avait que trente-huit ans, et qu'il n'y a rien de politique dans sa vie ni dans sa mort. Cette princesse était tout simplement la religion et la vertu couronnées. Voilà pourquoi elle disparaît si grande, et pleurée si universellement. Voilà pourquoi le Musée des Familles donne son portrait et sa biographie.

Louise-Marie-Thérèse-Caroline-Isabelle d'Orléans, l'aînée des filles de Louis-Philippe et d'Amélie de Naples, naquit le 3 avril 1812, à Palerme, où son père avait enfin trouvé un refuge et une famille, après l'exil et les voyages que racontait notre dernier numéro. Douée par la nature de la grâce et de la beauté, la princesse joignit à ces dons une simplicité charmante, une bonté sans limites, une piété exemplaire, et une éducation de premier ordre. Elle écrivait et parlait avec une égale facilité les principales langues de l'Europe. Elle causait des beaux-arts avec sa sœur Marie, dans l'atelier où celle-ci modelait Jeanne d'Arc au bord de la tombe; et plus d'une fois, assure-t-on, consultée par son père et ses ministres, elle leur donna sur les affaires du pays des conseils d'autant plus remarquables qu'ils étaient moins prétentieux. Sa grande affaire, à elle, était la charité. Elle passait les jours et les nuits à conspirer... contre la misère et la douleur. Partout quelqu'un souffrait, sa main droite, ignorée de sa main gauche, se faisait sentir sans se montrer, avec une délicatesse tout évangélique.

Le 9 août 1832, elle épousa, au château de Compiègne, Léopold, duc de Saxe-Cobourg-Gotha, roi de la Belgique affranchie. Elle fut dès lors, pour son peuple catholique, le bon génie de ce monarque protestant. Qui sait si son trône eût résisté au contre-coup de février, sans l'appui populaire de sa femme et de ses enfants? Volontairement étrangère au gouvernement, la reine Louise borna son rôle aux vertus conjugales et maternelles, et au ministère de grâce et de bienfaisance. On cite d'elle une foule de ces bonnes œuvres secrètes qui sortent de l'ombre au moment des révolutions, comme les anges gardiens cachés des couronnes, pour les protéger de leurs blanches ailes contre les fureurs de la multitude. Les rois n'ont pas de boucliers plus efficaces que ceux-là.

Le 2 janvier 1844, à dix heures du matin, une dame du palais remet à la reine une requête signée d'un conseiller communal, en faveur d'un pauvre ouvrier nommé Goossons, unique soutien d'une fainille nombreuse, condamné à trois mois de prison pour coups portés dans un moment d'ivresse. La princesse s'habillait pour une cérémonie publique, où l'attendaient tous les hommages du rang suprême. Elle jette là ses parures, renvoie ses dames d'honneur et court à l'appartement du roi. Celui-ci était absent. La reine vole à sa poursuite, traverse deux fois la ville, le rencontre enfin, embrasse ses genoux, lui arrache la grâce du malheureux, la lui envoie par un officier, et revient un peu tard aux courtisans, en leur disant avec modestie : Excusez-moi, messieurs, j'ai voulu avoir deux fêtes au lieu d'une.

A la dernière exposition des produits belges, la reine, promenée au milieu des merveilles de l'industrie, s'arrête émue devant des couvertures, des vêtements et des meubles à bas prix. On s'étonne de cette distraction; mais

bientôt on l'a comprise. Elle songeait aux pauvres que ces objets devaient préserver du froid et de la souffrance. Elle comble d'éloges leur inventeur et lui achète ses produits par centaines... pour les distribuer à sa cliente...] Plus récemment, elle visitait avec son mari queal palais dans une ville du Nord. Le bourgmestre, courtsa grossier, la conduit à une fenêtre et lui dit avec emp C'est de ce balcon que le peuple, s'improvisant justies, jeta sur les piques des soldats un magistrat qui avait trali le pouvoir! qu'en pense votre Majesté?— Mais je pene monsieur, répondit la reine en souriant, que vous von 27 bien nous faire le plaisir de diner avec nous. Le bours mestre accepta avec génuflexion. L'épigramme était p fine pour qu'il la sentit... Il n'a pas encore deviné par quoi il n'a point reçu d'autres honneurs. Il croit que a Souveraine à oublié, tandis qu'elle s'est souvenue...

Un pareil trait est non-seulement d'une femme sp rieure, mais encore d'une grande reine.

Le 10 mai 1847, Louise-Marie avait failli périr sur le chemin de fer de Bruxelles, dans le choc effroyable de deux convois. Les généraux qui l'accompagnaient furent blessés gravement, sa voiture effondrée et ses bagages mis en pièces. Elle senle ne reçut aucune contusion. La Providence semblait veiller sur elle..., mais elle lui réservait d'autres coups plus terribles. La chute et la d> persion de sa famille, la mort de son père en exil, rownrent les plaies faites à son cœur par la perte de son frère et de sa sœur, et menèrent rapidement au tombeau sa santé ébranlée.

Une sainte mort a couronné sa vie exemplaire. Ignrante de son propre état, elle oubliait sa douleur t s'occuper de celle des autres; elle faisait mille projeka voyages, de réunions intimes, à Bruxelles, à Laeken dans tous ses palais allemands, qu'elle distribuait à sa mi et à ses sœurs, chassées des palais de France. Qu7! Mme d'Hulst, son amie d'enfance, lui annonça par sest.mes les approches de l'agonie, elle regarda sa famille de gée autour d'elle et tomba sans connaissance. Reven”? elle, elle remplit ses devoirs religieux, disant sans cesse l'abbé Guelle: - Suis-je assez préparée? Puis elle se cria: - Que Dieu est bon de me laisser mourir an den de tout ce que j'aime ! Puis elle défaillit d'heure en here; puis enfin, elle soupira: Je n'y vois plus ! Et elle read! son âme à Dieu. Sa mère était debout près de son l stabat mater, sans parole et sans larmes, tant elie es a épuisé la source, et murmurant à ses fils et à ses filles :— Il ne nous reste plus que la résignation!

La reine Louise-Marie laisse à Léopold et à la Belgique deux fils et une fille, qui avaient hérité d'avance de lfection du peuple pour leur mère.

Le jeudi 17 octobre, deux cent mille Belges suivaient le convoi funèbre, entre deux haies de plusieurs millie's d'hommes et de femmes en pleurs, à humble chap du château de Laeken, où la reine a voulu être inhum près de l'aîné de ses enfants.

On dit que cette chapelle va se changer en une grande basilique. Ne serait-ce pas méconnaître le vœu supreme de la morte? Sa mémoire sera plus sensible au monument national que les Belges vont lui élever par souscription, et pour lequel affluent déjà le denier de la veuve et l'ebole de l'orphelin.

JENNY LIND. CHARGE AMÉRICAINE. Imprimeur, tracez une ligne grasse de séparation, éle vez une montagne d'encre anglaise entre la reine des Belges et la chanteuse Jenny Lind; car les cent trompetes de la Renommée, multipliées par les échos de l'Oceall, nous forcent de parler de ce rossignol suédois, chanté pr tous les canards américains. Ce n'est pas notre faute sa vie est ainsi mêlée de drames et de comédies, d'auguses douleurs et de charges à pouffer de rire. Charge est le mo nous le maintenons. Charge en six temps! Lisez plutot ce curieux chapitre de nos mœurs en général et des mars yankees en particulier, traduction libre et adoucie de

sieurs centaines de colonnes des gazettes gigantesques de l'Union,

PREMIER TEMPS: Le rossignol suédois, découvert en Almagne par M. Mayerheer, et loué tant par jour par 1. Barnum, spéculateur en enthousiasme lyrique; Jenny ind, en un mot, débarque à New-York. On s'éreinte sur e quai pour la voir; on s'éreinte dans la rue; on s'éreinte ux portes de son hôtel. On dresse la liste des éreintés. On emandera pour eux au Congrès des pensions nationales. e soir, sérénade monstre sous les fenêtres du Rossignol. In imprime les noms des musiciens et des spectateurs r les faire connaître à l'univers entier.

DEUXIÈME TEMPS: Tous les paquebots et tous les cheEns de fer des Etats-Unis ne suffisent pas aux trains de Baisir qui amènent les auditeurs des quatre points de horizon. Les députations de magistrats et de demoiselis, les bouquets, les bijoux, les pàtés de foie gras, se sucdent chez le Rossignol, Elle sort en voiture. Son cocher e peut fendre la presse. On dételle les chevaux et l'on dne l'équipage. Quatre sénateurs tiennent les cordons u char. Au retour, on établit le menu du premier convert. La salle contient huit mille places. On offrira chaque

et à six dollars.-A trois dollars! s'écrie le Rossignol; eveux que tout le monde m'entende. - Je m'importe eu, se dit M. Barnum; je vendrai les billets à l'encan,

plus offrant et dernier enchérisseur. Arrivent des envés de tous les Etats de l'Union. Chacun propose cinq alle dollars et une salle bâtie exprès pour obtenir la grâce Fun concert. Mais quelle est cette émeute dans la cour, quelles sont ces pièces d'artillerie traînées par six chex? Ce sont vingt pianos à queue, dont les facteurs américains font hommage au Rossignol. Elle immortalisera

cun de ces instruments par une note, une simple note, ples facteurs ne céderont le pavé ni à Pleyel ni à Erard...... Jenny Lind remercie, effleure et renvoie les pianos. Enasiasine des fabricants qui avaient prévu la chose, et wendront leurs boîtes au poids de l'or, sous le nom de piarus du Rossignol. La journée se termine par un grand diher, dont les journaux publieront les toasts en trente colines (petit texte), et par la réception des Quinze-Vingts

New-York, à qui Jenny promet de chanter pour eux. Les aveugles, qui ne sont pas sourds, se mettent à crier mme s'ils l'étaient. Le soir, bal travesti, où l'on attend vain le Rossignol, mais où les grandes dames paraissent dénisées en vivandières de la Fille du Régiment.

TROISIEME TEMPS : C'est la procession des autorités civis, militaires et religieuses: oui, religieuses. L'évêque protestant Hugues va payer ses devoirs au Rossignol (texten. Le président des beaux-arts conduit Jenny à l'exPsition des tableaux. Le Rossignol chante un hymne à Chaque croûte américaine. Raphaël, Titien et Lesueur ne Sont rien près de MM. Church et Landscape. ConnaisSez-vous ?— Non !-Ni moi! On fait une collation en vingt tousts. On remet le livret du salon, relié en chagrin, à la Comédienne. — Je suis ravie! s'écrie-t-elle. · Et moi

assi! dit le président. Bravos frénétiques.

QCATRIEME TEMPS: Publication dans les journaux des rus de tous les New-yorkais qui se sont fait inserire chez le hossignol, avec leurs adresses et la liste des marchanses qu'ils vendent au plus juste prix. La réclame ne perd mais ses droits. Concours entre 753 romances envoyées la chanteuse par les compositeurs du crû. Un comité ad couronne de deux cents dollars la romance no 433 : Welcome to America (salut ô Amérique). Le Rossignol xecutera au premier concert. La fortune du romancier ite. Il peut se dispenser d'avoir du talent, et il est arue à profiter de ce privilége.

CINQUIÈME TEMPS: Vente à la criée des billets. Quelques'S montent jusqu'à deux cent vingt-cinq dollars 1220 fr.). sont les places les plus mauvaises..., mais les plus Tuprochées du Rossignol!..... On l'entendra fort mal, mais on 1 touchera presque, et on pourra lui jeter un bouquet à Caique note. Une de ces places est achetée par un chapeher qui, devenu célèbre ainsi, compte gagner mille

dollars avec les chapeaux qu'il vendra dans le mois. SIXIÈME TEMPS: Concert. - Bravos, trépignements, fureurs, tonnerres d'applaudissements, avalanches de vers, de diamants, de fleurs, etc., etc. Recette, 26,000 dollars. POST-SCRIPTUM : Les Américains des États-Unis sont justement renommés pour ne rien comprendre à la musique. Ils sont les premiers commerçants et les derniers dilettanti du monde, après les Anglais. Si les illustres compositeurs des morceaux chantés par Jenny Lind s'avisaient d'aller figurer à New-York à côté d'elle, ils n'y recevraient pas un salut, et peut-être y recevraient-ils des pommes cuites. Or, qu'est-donc que cette Jenny Lind? Voici son exacte biographie:

Elle naquit à Stockholm le 6 octobre 1820. Son père, qui tenait un pensionnat de demoiselles, la plaça au Conservatoire, sous le professeur Berg. Elle débuta, en 1840, avec un succès ordinaire dans sa ville natale. En 1843, M. Mayerbeer la fit entendre à l'Opéra de Paris. Mme Stoltz l'en écarta habilement. Depuis cet échec immérité, Jenny Lind déteste la France, et s'en venge dans toutes les parties du monde. Elle a si mal reçu M. Duponchel à Londres, que celui-ci a failli déclarer la guerre à la Suède. Lorsque la cantatrice vient à Paris, elle dit à tous: - Me voici! regardez-moi bien; enviez-moi, vous ne m'entendrez jamais!

Prenant fait et cause pour elle, ses compatriotes la portèrent aux nues vers la fin de 1843. Elle alla dès lors de triomphe en triomphe, à Berlin, à Vienne et à Londres. Quand elle a quitté cette ville, on a tiré le canon.

Le portrait ci-contre a été dessiné par un Anglais, d'après nature. Il est d'une ressemblance parfaite. Jenny Lind n'est pas jolie dans l'acception plastique du mot. Sa figure n'est qu'agréable, et sa taille est très-ordinaire; mais elle a un charme particulier dans l'azur doux de ses yeux et dans la blonde opulence de sa chevelure. Enfin, tout en elle est original, sa physionomie, son timbre de voix, son talent et son caractère. Elle possède un soprano ravissant dans les demi-teintes, une méthode excellente et un charlatanisme irrésistible. Ce qu'elle ne peut chanter pour les oreilles, elle sait le chanter pour l'imagination. On est remué, enthousiasme, sans savoir pourquoi ni comment. Son jeu est sobre, élégant et gracieux. Ses rôles de bravoure sont la Somnambule et la Fille du régiment.

Quant à ses moyens artificiels, ils sont variés selon les pays. En Suède, elle passe pour fiancée à un berger danois, à qui elle doit porter des millions en dot. A Berlin, elle est promise à l'héritier d'un gros banquier écossais. A Vienne, c'est un petit prince Rhénan qui l'attend pour l'épouser dans son burg. A Londres, elle va quitter le theatre après chaque représentation, et aller s'enfermer dans un chalet ou dans un cloître. Ces bruits adroits stimulent les curieux, intriguent la cour et la ville, et font monter la recette à des sommes fabuleuses. Ajoutez que le Rossignol pleure quand on l'applaudit, porte la main à son cœur, et envoie au parterre des baisers enfantins. Ajoutez encore que, sans quitter la ligne du devoir, elle a pénétré dans les cours de l'Europe et gagné l'amitié des plus hauts personnages. Ajoutez enfin qu'elle entend ses intérêts comme le plus habile financier de la Bourse. Elle ne s'est embarquée pour les États-Unis qu'après avoir touché. 750,000 fr. d'avance sur le produit des cent cinquante concerts qu'elle doit donner en dix-huit mois, - sans préjudice d'un cinquième des bénéfices, d'un paquebot à ses ordres, d'un hôtel et d'un équipage princier, de dix-sept valets, d'une table quotidienne de vingt-cinq couverts,et de 187,000 dollars pour son accompagnateur Bénédict et son partner Beletti. Vous croyez peut-être M. Barnum ruiné par un tel marché? Détrompez-vous! Son affaire est si bonne, que vingt spéculateurs sont prêts à lui souslouer le Rossignol à cent pour cent de bénéfice!

On dit que notre siècle est le siècle du progrès, et que les États-Unis d'Amérique en sont la patrie. Franchement, à quels progrès ces ovations de comédienne conduirontelles notre siècle et les Etats-Unis?

Terminons toutefois par jeter, nous aussi, notre bouquet

à Jenny Lind. Elle a donné aux pauvres de New-York les 10,000 dollars que lui a rapportés son premier concert. Et, partout où l'or roule ainsi à ses pieds, elle dote richement les hospices, les écoles et les crèches. Bravo! mille fois bravo!... Mais pourquoi faire annoncer de tels bienfaits par les régisseurs et les feuilles publiques? ces réclames n'y font-elles point voir autre chose que la part à Dieu? Si ces charités étaient aussi secrètes que le denier de la veuve, au lieu de crier: Bravo! nous crierions Bravissimo! Mais alors le Rossignol changerait de cage, et quitterait positivement le théâtre.

P.-C.

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RÉPONSES AUX ABONNÉS DU MUSÉE.

Un grand nombre d'abonnés du Musée nous adressent cette question: « Nous n'avons pas besoin pour nous« mêmes du recueil Les Modes vraies, travail en fa« mille, que vous avez l'heureuse idée de joindre au Musée « pour ceux qui le désirent, à moitié prix des autres jour«naux de modes; mais nous prendrions volontiers ce « complément pour en faire hommage à des personnes de « notre famille ou de nos relations. Pourrions-nous donc, « en le recevant avec notre Musée, l'en détacher chaque « mois et le transmettre séparément à ces personnes? >> Voici notre réponse. Nous avions prévu ce désir, si juste et si naturel, des lecteurs spéciaux du Musée. Rien de plus facile à tous que de le mettre à exécution. Le Musée et les Modes vraies formant deux recueils distincts chaque mois, et deux volumes à part à la fin de l'année, chaque abonné aux deux journaux peut, en gardant son Musée pour lui, céder et transmettre les Modes vraies à qui bon lui semblera, soit mensuellement pour l'actualité des gravures et patrons, soit annuellement en cadeau

Jung-Bahadour, ambassadeur du Népaul.

5 fr.; départements, 6 fr. 20 c. franco par un bon de poste) au bureau, rue Saint-Roch, 37. Ceux qui seront en retard recevront de suite les numéros parus.

2o Ceux de nos lecteurs qui, avec tant de sympathie pour nous, nous demandent les moyens de propager le Musée près de leur amis trompés quelquefois par les journaux récents qui singent notre titre, n'ont, pour nous faire distinguer à coup sûr, qu'à montrer à ces amis nas livraisons, à les prier de juger de visu, à leur indiquer les moyens de souscrire au Musée, ou à nous envoyer euxmêmes ces nouvelles souscriptions, avec les noms et les adresses. Nous comptons sur notre public, si honorable et si sensé, pour organiser cette ligue de l'esprit et de la bonne foi contre le mensonge et la niaiserie, qui promet tent de procurer ou se flattent de gagner des primes pour rien!! et des millions pour un abonnement!!!

3o Nous commencerons, dans notre prochain numéro, la publication de rébus d'un nouveau genre, piquants el instructifs, qu'un spirituel artiste nous prépare.

Typographie HENNUYER et C, rue Lemercier, 21. Batignoles.

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