des curieux comme des préoccupations extérieures, boit avec un flegme taciturne. On va chercher là la solitude en compagnie. On consomme du thé, des grogs bouillants, de l'ale, du porter couleur d'encre, et de la bière forte non moins foncée. L'eau-de-vie est recherchée, on l'absorbe souvent à plein verre. Du reste, la salle est peu ornée; on n'est pas là pour se distraire; boire est une grave occupation. Plus un homme se remplit, plus il est calme; et l'on ne sait si cette morosité obstinée est une précaution contre l'ivresse, ou l'effet des spiritueux pris avec excès. On conçoit cependant que si ces outres gonflées perdaient leur équilibre, elles ne le retrouveraient pas. Quelquefois un de ces lurons, s'égayant tout seul, se met à jeter quelques clameurs pour son propre agrément; puis il se tait soudain, et personne n'y fait attention. Nul n'agit pour être remarqué. Ainsi s'écoule la soirée des gens trop peu fortunés pour faire partie des clubs. A minuit, ils regagnent, en trébuchant, leur demeure. Au fond de ces tavernes on respire l'atmosphère de l'ennui. Il en est de plus animées où les boxes n'existent pas. A l'extrémité de la salle s'élève, sur une estrade, un bureau meublé de trois messieurs sérieux comme des changeurs, sévèrement vêtus d'habits noirs, et le cou cérémonieusement entouré d'une cravate blanche. Tout à coup, l'un d'eux frappe la table avec un petit marteau; tout se tait, un piano prélude, et ces trois gentlemen, sérieux comme des ministres anglicans, se mettent à chanter tour à tour, en se souriant avec aménité, des romances du pays, pastiches anglo-italiens, brodés sur des paroles piquantes, à en juger par la gaieté qui les accueille et d'après les applaudissements qu'elles excitent. Comme on sait là-bas se divertir longtemps d'une même chose, ces chants se succèdent rapidement et se prolongent trois ou quatre heures. Telle est, sans nulle exagération, la physionomie des. cabarets du Strand, et des entours de Covent-Garden. D'autres maisons possèdent un buffet d'orgue, et en abusent. Il en est où l'on trouve un théâtre et des bouffons du pays, jouant de grands ouvrages, et jusqu'à Shakspeare; car, à Londres, où le théâtre est libre, il y a des spectacles partout. Shakspeare est resté si fort en vogue parmi le peuple, que l'on a soin dans ces bouges d'annoncer la représentation de ses pièces, conformément au texte original. On représente aussi les ouvrages de ce grand poëte à Hay-Market, à l'usage de la haute société; mais elle laisse tomber en faillite et se fermer son théâtre national, pour se porter en foule aux deux spectacles italiens, qui jouent le même jour l'un et l'autre, et font salle comble. Shakspeare est trop ancien, trop connu pour le monde élégant, auquel le peuple se montre supérieur. Le propre des gens intelligents est d'aimer à revoir souvent les belles choses, comme à relire les bons livres. La médiocrité recherche le vulgaire attrait de la nouveauté. Si le théâtre était libre chez nous et accessible à la bourse des classes pauvres, assurément Molière ne serait point représenté devant les banquettes vides, comme au ThéâtreFrançais, et le goût, le jugement du peuple gagneraient beaucoup à être nourris des chefs-d'œuvre du génie national. A minuit on quitte les tavernes, les jardins publics, les spectacles, les bals en plein air, et l'on remplit les salons de Piccadilly, assez mauvais lieux, les rues livrées aux plaisirs grossiers, et les oyster-rooms, où l'on continue à manger jusqu'au matin. Quand l'aube apparaît, les police men recueillent sur le pavé les ivrognes de tout sexe, hélas! et de toute condition. J'ignore si les Anglais se reposent; mais Londres ne dort jamais. A toute heure du jour les ateliers sont pleins et les repaires de fainéantise regorgent. On sait que la ville renferme 2 millions et 500,000 âmes, et l'on est surpris de voir tant de monde partout à la fois. Toutes les rues sont remplies, des populations entières vont errant sur la Tamise; les parcs sont jonchés de promeneurs, les monuments de curieux, les jardins, les châteaux des environs, de visiteurs nomades; et le mouvement ne s'arrête jamais tant que dure la semaine. On mange à toute heure, partout et sans cesse. La constitution de fer de ces estomacs complaisants leur permet de réparer la fatigue, au moyen d'un régime alimentaire qui satisferait l'appétit des loups et des lions. Le menu d'une blonde et rêveuse jeune fille ferait le bonheur de deux portefaix parisiens. Contrebalancée par le sentiment profond de l'indépendance, la pruderie anglaise, rigide au sein des familles, ne se formalise de rien au milieu de la rue, où la licence marche le front levé, sans répression, à toute heure. Energique et flegmatique, au plaisir comme au travail, l'Anglais accomplit ces deux sortes d'affaires avec une égale gravité. Cependant la population ouvrière se presse tout le jour dans les ateliers, la vie de famille est casanière et ne déborde point au dehors. Quel est donc et d'où vient ce flot populaire qui envahit incessamment toutes les rues de tous les quartiers, qui déborde sur les campagnes, surcharge jusqu'au sommet des milliers d'omnibus et d'autres voitures publiques, et qui entretient une foule compacte sur les trottoirs d'une cité cinq fois plus vaste que Paris, durant les vingt-quatro heures du jour et de la nuit ? (La suite à la prochaine livraison.) FRANCIS WEY. De ce point extrême de Clermont jusqu'à Montferrand, règne une superbe avenue d'ormes et de châtaigniers, d'où l'on jouit d'une vue magnifique. A gauche, l'interminable chaîne des monts Dôme se dessine dans sa haute majesté; à droite, la Limagne d'Auvergne déroule ses riants tableaux, interrompus par quelques buttes isolées, boursouflements partiels, où se passent, comme dans des matras, d'étranges phénomènes; le plus curieux est celui du Puy-de-la-Poix, dont la source fournit, en moyenne, 15 kilogrammes de bitume par jour. Cette promenade agreste est animée par un grand nombre de ces jeunes soldats qu'en langage familier on nomme des piou-pioux, et qui oublient les ennuis de la garnison en buvant dans les bouchons voisins ce bon petit vin d'Auvergne, si épais qu'on pourrait le boire à la cuillère, comme des confitures. Les cultivateurs de la Limagne conduisent tout doucement leurs longs chariots inclinés, dont la forme est évidemment traditionnelle depuis leurs ancêtres gaulois. Ils ont, pour la plupart, conservé le costume de 1791, une veste à basques courtes, à grandes poches et à gros boutons; un vaste gilet fleuri comme un pré, les cheveux longs et droits, que le vent, à défaut de peigne, mêle ou démêle à son gré, et le tricorne vénérable, sous lequel l'œil cherche toujours une petite queue de rat; mais ce dernier ornement est plus rare. Souvent aussi le tricorne fait place à un couvrechef plus moderne, qui varie depuis le chapeau de polichinelle jusqu'au chapeau de général. Cadet-Roussel, au théâtre des Variétés, ne s'habillait pas autrement. L'œil vif et malin, le sourcil épais, le nez busqué, le menton avancé et la bouche sardonique, l'Auvergnat chantonne en guidant le long du chemin sa paire de bœufs rouges, blancs ou noirs, attelés par la tête à un joug de cormier. Une longue baguette, terminée par un aiguillon, lui suffit pour gouverner ces coursiers capricieux, mais timides, que l'approche d'un cheval effarouche toujours. Bientôt la route, rejointe par la courbe des collines, se confond avec elles, et fait un brusque détour vers la gauche; il en résulte une sorte de carrefour irrégulier, occupé par des maisons rustiques, des mares où pataugent des oiseaux domestiques. Un abreuvoir, entouré de pierres antiques, alimente une fontaine au fronton de laquelle un lion fièrement dressé présente un écusson fruste; une rue longue et raide s'efforce de gravir la colline : vous êtes à Montferrand. A la première inspection, on voit partout les restes encore palpitants d'une forteresse démantelée. L'abreuvoir n'est autre chose que la portion non comblée du fossé de ceinture; ses gros murs sont des parapets. Cette maison, qui a l'air d'une bastille, a vu ses créneaux envahis par une toiture d'ardoises; mais ces ornements bizarres qui courent sous sa gouttière, ce sont les meneaux à l'abri desquels les assiégés faisaient pleuvoir en sécurité l'huile et la poix bouillante. Cette forte position, qu'avaient possédée les Anglais alors que le pays d'Auvergne faisait partie du duché de Guyenne, fut longtemps l'objet de leur convoitise; ils s'en emparèrent le 13 février 1388, après un siége héroïque que décrit Froissard; mais ils ne la gardèrent pas longtemps, et Montferrand continua de passer pour l'une des plus fortes places du royaume. Aussi fixa-t-elle l'attention du cardinal de Richelieu. Ce grand démolisseur de forteresses eut un agent dévoué dans la personne du maréchal d'Effiat, sénéchal de Bourbonnais et d'Auvergne, qui fit abattre les remparts de Montferrand, combla les fossés, fit sauter les chemins couverts, et réunit la ville à celle de Clermont. Cette réunion n'eut lieu que sur le papier, mais la capitale de l'Auvergne n'en a pas moins gardé le nom de Clermont-Ferrand, qu'elle tient de la munificence du maréchal d'Effiat. On sait de reste que le cardinal de Richelieu récompensa le zèle du père en faisant décapiter l'enfant. M. le marquis de Cinq-Mars était le fils puiné du maréchal d'Effiat. Aujourd'hui Montferrand n'est qu'un bourg sans importance, une étape sur la route de Riom; mais ce spectre d'une ville n'est pas dépourvu d'intérêt. La longue arête par laquelle se continue la route nationale est le plus corieux spécimen d'une rue au moyen âge; il s'est conservé comme par enchantement. Les maisons neuves de Montferrand datent de la renaissance; les vieilles sont romanes et remontent au dixième siècle, tout bonnement. Ce ne sont que pleins-cintres énormes taillés dans le granit, pignons immenses, fantaisies sculpturales de tout genre. La plupart de ces édifices offrent une disposition particulière à ces temps de défiance et de troubles, où chacun se mettait en mesure d'être assiégé dans sa maison. Le toit, au lieu de descendre vers la rue, forme avec elle un angle droit, et les croisées ont vue sur une cour intérieure, tandis que la façade n'offre d'autre ouverture qu'une porte à herse et à barreaux de fer. J'ai noté une boucherie dont un peintre flamand eût fait un chef-d'œuvre singulier figurez-vous une masure droite et svelte, n'offrant en largeur que l'espace d'une croisée; le rez-dechaussée, au plein-cintre béant, semble une caverne mystérieuse; on y descend par trois degrés, et dans l'ombre oscillent des formes vagues appendues au plancher; le premier étage, au contraire, doré par un chaud rayon de soleil, aspire l'air par une fenêtre droite à colonnettes et à rinceaux, dont les compartiments supérieurs encadrent les vasistas d'un double châssis de pierre. Des viandes saignantes mêlent leurs tons vifs aux solives enfumées, tandis qu'une jeune paysanne en bonnet blanc tricotte, sur l'appui de la fenêtre, une paire de bas bleus. L'église, bâtie au dixième siècle par un comte de Montferrand, ressemble à la cathédrale de Clermont, mais sans aucun caractère particulier. Seulement (c'était un dimanche), je n'ai rien vu d'aussi gai, d'aussi souriant que la nef envahie par cinq ou six cents petites filles en bonnet blanc à grandes ailes, priant et chantant devant un autel garni de fleurs, dont les exhalaisons printanières se nelaient au parfum de l'encens. Les paysannes de Montierrand passent pour les plus jolies de l'Auvergne, mais il y a un peu de préjugé. Je n'ai pas encore parlé des mendiants du pays; ils méritent bien une petite mention, et l'église de Montferrand me fournit un trait à citer. Un de ces jeunes effrontés, jugeant à l'ensemble de ma personne que je n'étais pas du pays, se mit entre le bénitier et ma main, me disant: -Moucheu, c'est deux sous!-La mendicité est une des vilaines choses du Puy-de-Dôme; elle y est plus honteuse qu'intéressante, exercée comme elle l'est moins par des malheureux privés de tout moyen d'existence que par les enfants des cultivateurs. L'avidité naturelle de ceux-ci favorise ce triste penchant. Les petits Auvergnats s'y livrent en toute sûreté de conscience et avec une tranquillité d'esprit que n'ont pas les vrais malheureux. Je fus un jour poursuivi, le long de la rue Nationale à Clermont, par un de ces polissons : -Mon bon Moucheu, donnez-moi quelque petite chose! Merchi, mon bon Moucheu. - Pourquoi merci ? Parche que, si vous en aviez eu, vous m'en auriez donné ! Le lendemain je le retrouvai dans la rue du Terrail. - Mon bon Moucheu, s'écria-t-il, avez-vous de la monnaie ? Je lui donnai deux sous, et il courut acheter des billes. Montferrand a l'honneur d'être situé sur une rivière à lui, qui s'appelle le Bédat; elle le traverse sous la forme d'une onde peu limpide, qui se dirige vers Tiretaine, dans laquelle ville il disparaît. Au bord du Bédat, du côté de la montagne, règne un petit sentier où deux personnes ne sauraient passer de front. Cet étroit espace a été confisqué par des joueurs de boule, qui, sans le savoir, ont inventé un divertissement de nouvelle espèce: chaque fois que la boule est lancée sans justesse, elle dégringole dans le Bédat, où le joueur maladroit est forcée d'aller la pêcher à ses risques et périls; ce n'est pas que ledit fleuve soit profond, mais il coule sur dix-huit pouces de boue. Je ne dois pas sortir de Montferrand sans me prononcer sur l'étymologie du nom. Ceux qui le dérivent de mons ferax, ou ferox, sous le prétexte que ce fut une place de guerre, sont des faiseurs de rébus; mons ferax ou ferox aurait fait, en auvergnat, Monferrac ou Monferrat. Il faut donc s'en tenir au bon sens, qui nous indique mons ferreus ou mons ferrans, c'est-à-dire riche en fer; et, comme nous le verrons par la suite, la portion du Puy-de-Dôme qui touche à la montagne possède ce métal sous toutes les formes possibles. Une fois qu'on est sorti de Montferrand, la Limagné, sans cesser d'être belle, commence à ressembler à toutes les plaines possibles; la déclivité du terrain a forcé de construire une route en lacet, très-commode et très-sûre, mais extrêmement longue et peu accidentée. Est-ce ma faute ou celle du pays, je n'ai recueilli dans mes excursions que peu de traditions anciennes. Seulement, au bord du chemin, je remarquai un grand carré dont l'aridité singulière contrastait avec la riche culture du terrain environnant; j'en demandai la cause, et j'appris que là s'élevait au temps jadis le gibet de la sénéchaussée de Clermont. Les esprits superstitieux prétendent que cette place est infertile à cause des visites nocturnes des sorciers, qui viennent y prendre leurs ébats. La vérité est qu'on ne la cultive pas, et ce m'est une raison suffisante. A mesure qu'on s'éloigne de Clermont, les montagnes de gauche s'abaissent graduellement, jusqu'à ne plus former que des collines médiocres, auxquelles il serait bien difficile d'assigner un nom particulier. Sur une de ces hauteurs, au centre d'une sorte de demi-lune escarpée, d'où l'on doit jouir d'une merveilleuse perspective, s'élève un groupe de maisons blanches et bleues, appuyées sur un château crénelé de respectable apparence. Ce lieu de plaisance séduit au premier abord, et, quand j'appris qu'il s'appelait Château-Gay, je convins qu'il était impossible de le mieux désigner. Cette forteresse, construite avec les pierres basaltiques qu'on retira du sol, fut édifiée, en 1381, par ordre de Pierre de Gyac, alors chancelier de France. Cet homme d'Etat, dont la sépulture se voyait autrefois dans l'église des Cordeliers de Riom, fut l'aïeul de Pierre de Gyac, chambellan du roi Charles VII, dont Alexandre Dumas a si bien raconté la tragique aventure. Le seigneur de Gyac avait excité le ressentiment du connétable de Richemond et de Georges de la Trémouille. Or, une nuit, saisi et garrotté par ses ennemis, il fut mené à Dun-le-Roi, d'où on le jeta dans la rivière, une pierre au cou; après quoi l'on instruisit son procès. Ce sire de Gyac, si bien jugé, était, comme son grand-père, seigneur de Château-Gay, une singulière seigneurie pour une telle destinée ! A deux kilomètres de Riom, on distingue sur la droite un point éclairé dans une montagne sombre; c'est le château de Tournoël. En prolongement de cette ligne, et plus haut perché dans l'azur, se dresse un mur démantelé: c'est le château de Jazeron. Riom s'annonce gaiement par des bouquets d'arbres et des clochers pimpants. Une longue rue, quelque peu tortueuse, pleine de cabarets et d'auberges où boivent des rouliers tapageurs, aboutit à des boulevards majestueux qui font le tour de la ville et viennent se confondre, au nord, en une superbe esplanade, d'où l'œil embrasse toute la basse Limagne. Ce lieu pittoresque, sur lequel le Palais de Justice de Riom développe sa façade blanche et classique, porte le nom de Pré-Madame, souvenir monarchique qui a traversé toutes les révolutions, et consacre la mémoire de Madame Adélaïde de France, l'une des tantes de Louis XVI. Cette pieuse princesse vint à Riom en 1785, et y fut accueillie avec un enthousiasme rare, dont les archives du pays gardent la trace fidèle (1). L'ancien Ricomagus, qu'il faut appeler Rion, et non Riome, offre un aspect saisissant. La rue de l'Horloge, qui le traverse dans sa largeur, ressemble à l'île Saint-Louis trempée dans l'encre. C'est une propriété très-singulière de la pierre de Volvic de noircir au contact de l'air. L'architecture vénérable des maisons de Riom emprunte à cette particularité physique une morne sévérité, qui contraste poétiquement avec la grâce du paysage environnant et la vivacité de l'air. Le Palais de Justice actuel a été construit sur les débris de l'ancien, dont il ne reste plus qu'une Sainte-Chapelle fort remarquable. Cet édifice, plus petit et moins léger que son homonyme de Paris, fut élevé par Jean, duc de Berry, fils du roi Jean, et aussi grand bâtisseur de chapelles qu'intrépide guerrier. La maison centrale de détention est toute moderne, et, comme la plupart des bâtiments de ce temps-ci, dépourvue de tout caractère architectural. Riom est la ville judiciaire par exemple. Pourvu, depuis dix siècles, d'un tribunal d'appel, mais destitué dès longtemps de son titre de capitale du duché d'Auvergne, il ne conserve une sorte de vie que grâce aux plaideurs qui y affluent sans cesse. Si mes souvenirs ne me trompent pas, Clermont parvint, sous l'Empire, à supplanter son (1) Procès-verbal des hommages rendus à Madame Adélaïde de France par les laboureurs et paysans de la ville de Riom, avec une chanson en langue auvergnate. Riom, 1785, in -4° de huit pages. rival et à devenir le siége d'une Cour impériale; mais l'ancien ordre de choses fut rétabli en 1816. Ainsi, la Cour d'appel, le barreau, les plaideurs et les trafiquants nécessaires pour lui fournir les choses indispensables à la vie, voilà toute la population de cette ville morose. Qu'un jour ou l'autre le pouvoir, continuant ses traditions enracinées de centralisation, porte la Cour d'appel au chef-lieu du département, Riom mourra, frappé au cœur. En moins de vingt ans, l'herbe croîtra dans ses rues, et ses maisons de granit étaleront leur majesté solitaire, comme pour protester contre cette dépopulation officielle. Riom a donné le jour à des hommes illustres, entre au tres, à Grégoire de Tours. Il paraît prédestiné, depuis quelque temps, à fournir des recrues aux hautes régions de la politique M. Rouher et M. de Parrieu, tous deux ministres, sont avocats inscrits au barreau de Riom. En sortant de Riom par le faubourg de Mozat, riche des débris de sa superbe abbaye, on se rapproche des monts Dôme, à travers une riche campagne émaillée de villas. Un sentier étroit court à travers les prés, et va se perdre dans les premières broussailles des collines. Alors se dresse à cinq ou six cents pieds une masse monstrueuse que couronnent des tours et des créneaux; cette forteresse, grosse comme un bourg, écrase la montagne dont les flancs l'ont enfantée: c'est le château de Tournoël. V. LE CHATEAU DE TOURNOEL. J'avais attendu, pour visiter Tournoël, une belle matinée de printemps, et je m'étais précautionné d'un charà-bancs à la fois solide et léger. Comme ces impressions de voyage, recueillies au courant d'un album, ne peuvent s'élever à la hauteur d'une histoire complète des lieux parcourus, il faut du moins qu'elles servent à l'instruction particulière des touristes qui les visiteront. C'est pourquoi je leur conseille d'user de prudence à l'endroit des véhicules auvergnats. Les voitures de louage abondent à Clermont; mais si l'on a la faiblesse de se laisser conduire par un cocher, tout est perdu. Voulez-vous vi BEUGLET siter un endroit pittoresque, l'automédon vous avertit que le chemin est étroit, semé de ravines et qu'il y versera. Insistez-vous, il verse incontinent pour n'en avoir pas le démenti. Vous plaît-il de gravir par la plus belle route du monde une montagne un peu haute, le cocher affirme que ses chevaux auraient le vertige, et qu'il ne saurait répondre de votre sûreté. Il faut donc, de toute nécessité, se résigner à conduire soi-même ; et si l'on ne sait pas, qu'on apprenne. Ou bien encore qu'on renonce à toute excursion pittoresque. Qui vous empêche d'aller à pied? me dira-t-on. Lecteur présomptueux, je voudrais bien vous y voir! |