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Tandis que vous vous préparez à peine, en France, à recueillir vos vins de Bordeaux et de Bourgogne, fort compromis par les orages, la vendange s'achève sur le sol italien, cet enfant gàté du soleil, et j'y assistais hier dans l'île de Capri (ou Caprée), au bout du golfe de Naples.

Je voudrais vous rendre ce tableau magique en quelques lignes, qui suffiraient à vos habiles artistes pour deux gravures admirables.

J'errais avec mon cicerone an bord de la mer. Le soleil précurseur de l'automne se couchait dans les flots embrasés, jetant un dernier rayon d'or à travers les ruines des douze palais de Tibère, peuplées aujourd'hui de pêcheurs, de bergers et de chèvres sauvages. Imaginez-vous un tableau de Paul Bril. Tout à coup, à vingt pas des flots endormis, entre deux coteaux rocheux, festonnés de pampres traînants, une bande de vendangeuses nous apparut, chacune portant sur la tête une urne de forme antique, pleine de branches coupées sur les ceps et chargées de grappes d'énormes raisins. Celle qui conduisait la troupe me rappela la superbe Grazia, de M. Rodolphe Lehmann, tant admirée au Salon de 1843. Grande et torte comme les anciennes races d'Italie, elle marchait d'un pas grave et mesuré, relevant d'une main sa jupe rouge, et soutenant d'un bras nu son fardeau pittoresque. Ce bras semblait détaché d'une statue de Michel-Ange. Son tablier dentelé se drapait au-dessous de son corsage noir, échancré sur une chemise brodée au collet, et qui laissait voir un rang de grosses perles à son cou. Ses cheveux noirs et

abondants encadraient l'albâtre mat de ses joues et tom-
baient par derrière, en cascade luisante, jusqu'à la moitié
de sa haute taille. Je rougis d'une honte patriotique, en
comparant cette mâle et simple beauté, aux paysannes
travesties en grisettes qui récoltent nos raisins dans la
boue des collines de Châblis ou de Saint-Estève. Mon hu
miliation redoubla quand je goûtai le raisin de la majes-
tueuse Italienne. Je reconnus le nectar qui fit oublier sept
ans à Tibère toutes les délices de Rome. La vendangeuse
nous raconta avec quelles précautions ce jus, qui déjà s'é-
coulait en larmes sur les grains, était exprimé, pressé et
conservé, pour former un petit nombre de bouteilles, con-
trefaites par milliers à l'usage des palais crédules...
Puis, la bande qu'elle conduisait reprit sa marche, et
je poursuivis la mienne avec mon cicerone.

- C'est ici, me disait-il à chaque ruine de palais, couverte de myrtes et d'amandiers, c'est ici que Tibère consultait son astrologue Thrasille sur la mort attendue de sa mère; ici qu'il proscrivait Julie, sa femme, Agrippine et ses enfants; ici qu'il chargeait Macron de faire étrangler Séjan par les sénateurs et les sénateurs par eux-mêmes; ici qu'il dévorait un repas de vingt mille sesterces, en condamnant Drusus à mourir de faim...

C'est ici enfin, dis-je à mon tour, qu'il apprit l'exécution sur la croix de l'Homme-Dieu, qu'il frappait comme esclave rebelle, et qui allait faire surgir un nouveau monde des débris que nous foulons avec ces vendangeurs. Capri, septembre.

CHANSONS NOUVELLES SUR DE VIEUX AIRS,

Sous le roi Dagoberts

Tout allait, dit-on, de travers.
Chacun à son métier

Vaquait sans honte et tout entier.

Le ministre Eloi
Eclairait son roi;
Le peuple envers Dieu
Remplissait son vœu...
Fi de ces abus-là !
Nous avons changé tout cela!

A la voix des parents,
Fille et garçon, petits et grands,
Soumis à leur aspect,
Obéissaient avec respect.

Aux vieillards tremblants
Sous leurs cheveux blancs
On rendait honneur,
Qui portait bonheur...
Fi de ces abus-là!
Nous avons changé tout cela 1

Les hymens si maudits
Alors étaient des paradis ;
Sous le naud conjugal,
Le cœur battait toujours égal.
Point de froids maris,
D'amours incompris ;
Les époux entre eux
Vieillissaient heureux...
Fi de ces abus-là !
Nous avons changé tout cela!

L'honneur, ce vrai trésor,
Se plaçait au-dessus de l'or;
Amasser à tout prix,
C'était amasser le mépris.

AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.

SOUS LE ROI DAGOBERTS.

Soldat et nocher

S'en allaient chercher
Des drapeaux vaincus,
Et non des écus...
Fi de ces abus-là!
Nous avons changé tout cela !

Chacun à l'amitié

De ses biens offrait la moitié.
L'emprunt sans intérêt
Faisait la sûreté du prêt.
Le riche au vilain
Partageait son pain,
Ou de son manteau
Jetait un lambeau.
Fi de ces abus-là !
Nous avons changé tout cela!

On ne voyait alors

Ni marchands, ni valets retors,
Ni coquettes sans foi,
Ni talents de mauvais aloi.

Femmes se taisaient,
Filaient ou cousaient;
Hommes travaillaient
Plus qu'ils ne parlaient...
Fi de ces abus-là!
Nous avons changé tout cela!

Notaire et procureur

De la chicane avaient horreur.
Le malade alité

Par le docteur était renté.
Régime et discours

Etaient clairs et courts;
Guérison, procès
S'arrangeaient sans frais...

X. X.

Fi de ces abus-là!
Nous avons changé tout cela!

Lorsque de sa maison
On quittait l'étroit horizon,
A l'ombre du clocher
Le soir on revenait coucher.
Broîment en wagon,
Culbute en ballon,
Paquebots sombrés,
Etaient ignorés...
Fi de ces abus-là!
Nous avons changé tout cela!

Tout pour l'éternité
Était construit et cimenté;

Les toits, de temps en temps,
N'écrasaient point leurs habitants.
Draps, bure et velours,
Tenaient bon toujours;
Les gouvernements
Duraient huit cents ans!...
Fi de ces abus-là !
Nous avons changé tout cela!

Du bon roi Dagoberts
Sans nous ramener les travers,
Qui nous rendra jamais
L'honneur pur et la douce paix,
Les hyniens bénis,
Les époux unis,
Les enfants soumis
Et les vrais amis?

O grand siècle du droit!
Veux-tu te remettre à l'endroit?

UNE PERRUQUE.

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drangulaires, jointes par des galeries à jour d'une élégance admirable, avec une grande rose en dentelle de pierre au milieu; le tout décoré des ornements les plus finis de l'architecture gothique: statues innombrables, ogives, trèfles, dentelures, colonnettes, arêtes, découpées et fouillées avec une patience minutieuse. Les bas-reliefs symboliques du moyen âge y fourmillent. Outre la flèche en bois qui domine le centre de l'édifice, et dont la gracieuse légèreté cède à l'action du vent, sans perdre son équilibre, l'église est flanquée d'une multitude de clochetons, qui lui forment un cercle de sentinelles aériennes.

L'intérieur est plus merveilleux encore. L'ensemble paraît immense, et le regard se perd dans les détails. La délicatesse des piliers, la hardiesse des retombées de la voûte, la galerie circulaire et ses vitraux éblouissants, forment un tableau qui tient du prodige.

Notre première gravure, si pittoresque d'ailleurs, prouve à quel point cette église réclame un déblayement comme celui qui vient de dégager Saint-Eustache, à Paris.

Notre seconde gravure représente les magnificences du chœur et les perspectives des nefs. Un coup d'œil les fera mieux juger que toutes les descriptions. Nous citerons

cependant la dentelle exquise des stalles, la gloire et ses décorations splendides, les compartiments si variés des roses; le génie funèbre, connu sous le nom d'enfant pleurer; le mausolée en marbre blanc du cardinal Hémart; les tombes en cuivre des évêques de Fouillay et d'Eu; les groupes étranges de saint Firmin et de saint Jean, et la chaire si légèrement portée par les Vertus théologales.

Le cardinal Jean Delagrange, ministre de Charles V; le chanoine Delamorlière, auteur des Antiquités d'Amiens; le chantre de Vert-Vert, Gresset, et le colonel espagnol Hernand Teillo, reposent dans la basilique amiennoise. Voici l'histoire de ce dernier, triste chapitre de la nôtre. Henri IV faisait sa grande guerre à Philippe II, roi d'Espagne. Le colonel Teillo vint avec ses Castillans assiéger Amiens. Après avoir inutilement employé la force, il eut recours à la ruse, et prit les soldats français par leur faible. En parcourant un jour les villages voisins, un cavalier espagnol remarqua que tous les paysans oubliaient les maux de la guerre en jouant aux noix. Il en acheta un grand sac, l'apporta sur son cheval au colonel et lui dit : Voici de quoi prendre Amiens! Le colonel lui promit un sac d'argent s'il réussissait, et lui donna une poignée

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ÉTUDES MILITAIRES.

LOUIS JACQUOT.

Il y a quelques années, j'étais chez l'un de nos plus célèbres généraux. C'était le soir, et, quoique ce ne fût pas un jour de réception, plusieurs personnes étaient venues lui faire visite. Nous étions assis devant le feu, et nous causions tout à fait intimement, lorsqu'on annonça M. Louis Jacquot, et nous vîmes entrer un jeune officier de marine de la tournure la plus distinguée. La singularité de ces noms contrastait tellement avec ses manières, l'accueil que lui firent le général et sa femme fut si affectueux, que l'attention de tout le monde se porta sur lui.

Ce premier mouvement amena un examen de la personne de M. Louis Jacquot, qui lui fut en tout favorable, car c'était un beau jeune homme de vingt-deux ans tout au plus, ayant ce teint brun qu'on gagne à la mer, l'œil noir et grand, et l'air franc et décidé d'un brave garçon; mais ce qui n'était pas moins remarquable que sa personne, c'était sa toilette.

Quoiqu'il soit difficile de faire grand étalage d'élégance avec un uniforme d'enseigne, celui de M. Jacquot cependant était si bien taillé et si étroitement agrafé qu'il était impossible de ne pas s'en apercevoir. Il fallait que ce jeune officier eût en lui quelque chose de bien intéressant, car cette inspection qu'on fait d'une personne qui entre dans un salon se prolongea pour lui plus longtemps que cela n'arrive de coutume, et, par un hasard assez ordinaire, les regards de chacun s'arrêtèrent sur une partie de son costume tout à fait en désaccord avec le reste. En effet, au chapeau d'un feutre noir et bien lustré que M. Jacquot tenait à la main, était attachée une vieille et petite cocarde tricolore passablement flétrie et crasseuse.

Le général s'aperçut de cette remarque; il la fit observer tout bas à sa femme, qui lui répondit par un doux sourire, et M. Jacquot, qui vit ce mouvement, devint rouge jusqu'au blanc des yeux,

Ce n'était ni le rouge de la honte ni celui de la confusion qui monta au visage du jeune officier, mais celui d'un modeste embarras; et le général, le voyant ainsi troublé, lui tendit la main, en lui disant :

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Tu es un brave garçon, Louis.

La femme du général lui tendit aussi la sienne, que le jeune homme baisa avec une vive effusion de respect et de tendresse.

Cette petite scène nous avait tous intéressés, mais personne ne songeait à en demander l'explication. Cependant l'arrivée de ce jeune militaire avait interrompu la conversation, et chacun semblait embarrassé de la reprendre, lorsqu'un vieil officier, qui toute la soirée était demeuré assez silencieux, se lève tout à coup, et dit d'une voix rude: — C'est donc là votre Jacquot, général? et voilà la vraie cocarde?

Et, sans attendre de réponse, il prit le chapeau des mains du jeune homme et se mit à la considérer attentivement on eût dit qu'il avait envie de la baiser, et une larme roula de son œil sur sa moustache pendant qu'il la regardait.

Ce nouvel incident détermina la curiosité de chacun ; on se leva, on examina cette mystérieuse cocarde, et quelques personnes s'étant approchées du général, elles lui demandèrent l'explication de tout cela.

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Ah! dit-il, c'est une histoire assez simple,

- C'est une histoire magnifique! reprit le vieil officier; si madame la générale voulait la raconter à ces messieurs et à ces dames, je suis sûr qu'elle les ferait fondre en larmes.

On insista, le général y consentit, le jeune officier se résigna à être ainsi mis en scène, et voici ce qui nous fut raconté :

Lors de l'entrevue de Napoléon avec Alexandre, le premier de ces deux empereurs voulant montrer à l'autre les troupes qui l'avaient vaincu, une grande revue ent lieu, Napoléon parcourait avec complaisance les rangs de sa vieille garde, lorsqu'il s'arrêta tout à coup devant un grenadier qui avait au visage une cicatrice qui partait du front et descendait jusqu'au milieu de la joue. Il le regarda un moment avec orgueil, et, le désignant du doigt à l'empereur Alexandre :

Que pensez-vous, lui dit-il, de soldats qui peuvent résister à de pareilles blessures?

Que pensez-vous des soldats qui les ont faites? répondit Alexandre avec une heureuse présence d'esprit. Ceux-là sont morts!... dit le vieux grenadier d'une voix grave, se mêlant par ce mot sublime à la conversation des deux plus puissants monarques du monde.

Alexandre, dont la question avait embarrassé Napoléon, se tourna alors vers lui, et lui dit avec courtoisie: Sire, vous êtes partout vainqueur.

- C'est que ma garde a donné, répondit Napoléon, en faisant un geste de remerciement à son grenadier,

Quelques jours après cette entrevue, Napoléon se promenait dans les quartiers de sa garde, pensant peut-être à la conquête de l'Espagne, ou peut-être au vieux grenadier qui l'avait tiré d'embarras, lorsqu'il l'aperçut assis sur une pierre, les jambes croisées l'une sur l'autre, et faisant danser sur son pied un petit marmot d'un an ou deux tout au plus. L'Empereur s'arrêta devant lui. Mais le vieux soldat ne se leva pas de son siége; il lui dit seulement:

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