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choses bien capables de porter un trouble funeste dans ses organes délicats. François n'était pas son père! Jeanne n'était pas sa mère! Ses véritables parents se cachaient 'd'eux comme d'elle-même! Malgré ce qu'elle avait entendu, elle ne pouvait comprendre ni leur conduite ni son malheur. Ils me nourrissent, disait-elle, ils m'aiment, et ils ne veulent pas que je les connaisse pour les aimer aussi !

Au milieu de ses angoisses, cette aimable jeune fille sut trouver des consolations et de la force dans la religion, l'amie de tous les âges comme de tous les états. La bonne Jeanne avait développé ce sentiment chez Renée par son exemple, par des réflexions de tous les instants, et par l'habitude de la prière. La religion s'était encore produite à cette enfant, grâce à Mme de Varni, sous les formes les plus attrayantes; une religion qui chante et qui sourit est une compagne faite pour l'enfance. Renée, en songeant à ces parents inconnus, qui lui faisaient du bien sans vouloir paraître, vint à penser qu'ils agissaient avec elle comme Dieu avec les hommes, et sut faire à ces protecteurs secrets l'application d'un chant qu'elle avait appris dans les leçons de la charmante dame de Paris.

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Renée n'était pas alors assez tranquille pour chanter, ni même pour réciter ces vers; mais ils s'offrirent à sa mémoire avec leur douce mélodie; ils retentirent dans son oreille, et ses larmes coulèrent avec moins d'amertume. Délicate et timide, elle ne voulut pas que ses amis s'aperçussent qu'elle connaissait leur secret; elle courut à la fontaine, baigna d'eau fraîche ses yeux gonflés de pleurs, et, quand il fallut reparaître devant les Périsard, elle ne laissa voir aucune émotion; les noms de père et de mère tombèrent sans efforts de ses lèvres comme auparavant.

Mais, quand elle pouvait s'échapper sans être vue, elle courait bien vite à la place où elle s'était assise à côté de sa marraine; elle lui parlait quoique absente; elle l'appelait auprès de son enfant; ses regards, fixés sur le grand chemin qui serpentait le long de la montagne, cherchaient incessamment quelque sujet d'espérance. Point de voiture qui ne fût celle de ses parents. L'illusion durait jusqu'au moment où, l'équipage paraissant tout près d'elle, au dernier détour de la route, un coup d'œil suffisait à Renée pour reconnaître son erreur.

VII. EXPLICATIONS.

Plus de quatre ans s'écoulèrent sans que ces parents donnassent un nouveau signe de vie. En comparant cet abandon avec les soins toujours plus tendres de ses gardiens, elle se lassa de s'attacher à une image lointaine, et son affection se fixa toujours davantage sur ses modestes bienfaiteurs. Etonnés eux-mêmes de se voir sans nouvelles, ils se flattèrent tout de bon qu'ils étaient oubliés, et se crurent en droit de mettre à exécution un projet qu'ils avaient formé depuis longtemps. Il s'agissait de vendre leur petit domaine, de quitter le pays, et de s'en aller si loin que les parents de Renée perdissent leur trace. François, mécontent des dispositions de ses voisins envieux et jaloux, ne répugnait pas à cette entreprise, mais

c'était Jeanne qui en pressait l'exécution. Elle frémissait à l'idée de se voir enlever son enfant, et c'était chez elle non-seulement l'effet de la tendresse, mais aussi d'une crainte superstitieuse, d'un sinistre pressentiment.

Il fallait d'abord disposer Renée à ce départ, et nos bonnes gens n'y prévoyaient aucune difficulté; mais, dès qu'elle sut de quoi il s'agissait, la force du sang reprit son empire; Renée résista, et sut proposer avec adresse toutes les raisons qu'elle pouvait alléguer sans se trahir. C'était cette jolie campagne, c'était son jardin, c'était sa chambrette, avec sa fenêtre tapissée de chèvrefeuille. Elle mourrait d'ennui loin de la petite maison qu'elle avait toujours vue, et de ces montagnes, qu'on disait les plus belles du monde. Enfin, elle eut recours aux larmes et aux caresses. Les Périsard, touchés et surpris de cette obstination, cédèrent, et résolurent d'attendre l'événement, en se résignant aux dispensations de la Providence.

A quelque temps de là, François fit une course à la ville pour certaines emplettes, et, en passant devant l'étalage d'un libraire, il eut l'idée d'acheter un livre pour Renée. Hors d'état de choisir lui-même, il se laissa servir au hasard, et le soir, en arrivant, il s'empressa de faire son cadeau. On voulut en jouir sur-le-champ. Renée ouvrit le livre, et commença une lecture à laquelle ils donnerent tous trois, suivant leur habitude, une grande attention. C'était un récit qui, sous un titre insignifiant, s trouva tellement semblable à l'histoire de Renée qu'ell en fut toute saisie. Elle poursuivait cependant, mais chaque nouveau trait de ressemblance était une blessure nouvelle; les efforts qu'elle faisait pour dissimuler augmentaient son malaise; enfin elle était à bout, elle n'y voyait presque plus, et lisait à peine d'une manière intelligible, lorsque Périsard, furieux d'avoir fait un choix si mallieureux, et non moins troublé que Renée elle-même, lui arracha brusquement le livre des mains et le jeta au feu. Renée, ne se possédant plus, poussa un cri d'effroi.

Mes parents! dit-elle, rendez-moi mes parents! Cette exclamation involontaire les jeta tous trois dans une véritable stupeur. Ils gardaient le silence et n'osaient pas se regarder. Enfin, Jeanne pressa Renée dans ses bras et la baigna de ses larmes. François marchait à grands pas, en se frappant le front.

Elle sait tout! comment l'a-t-elle appris?

De vous-mêmes, mes bons amis. Rappelez-vous une conversation que vous eûtes à la fenêtre je vous écoutais; pardonnez-moi! mais ne vous affligez pas; je serai toujours votre fille obéissante; je garderai mon secret et le vôtre. Ne croyez pas que je vous aime moins depuis que je le connais, ni que je regrette de sembler une petite paysanne. Dieu l'a voulu sans doute pour mon bonheur, et, si vous désirez encore quitter le pays, je suis prête ì vous suivre.

Ces dernières paroles de Renée causèrent quelque confusion à ses gardiens. Ils comprenaient maintenant pourquoi elle s'était opposée à leur projet avec tant de vivacité, et sentirent qu'elle pouvait leur reprocher d'avoir voulu la dérober à ses parents. Jeanne eut besoin de s'expliquer là-dessus avec elle à cœur ouvert; elle fit part de ses craintes à Renée, sans pouvoir les justifier par aucune raison solide, ces craintes n'en firent pas moins d'impres sion sur la jeune fille; et cette fois, ce fut contre son gré qu'on ne s'éloigna pas.

Au reste, depuis que les qualités réciproques étaient connues, tout allait beaucoup mieux chez ces bonnes gens. On peut dissimuler avec un enfant, mais la feinte a quelque chose qui répugne, avec une jeune fille pleine de rai

son et de sensibilité. Jeanne et François se trouvaient heureux de n'avoir plus de secret pour leur élève. Plus le temps avançait, plus ils se persuadaient qu'elle ne leur serait jamais enlevée; elle ne cessait pas de se dire leur enfant et de les appeler eux-mêmes des noms les plus doux.

Elle touchait à l'époque de la vie où, dans un cœur endre et une imagination rêveuse, le sentiment religieux développe, et devient pour la créature humaine comme the seconde naissance. Le mystère qui planait sur notre eme Renée lui donnait des idées plus sérieuses que celles le son âge; la solitude favorisait cette disposition mélanolique, mais les soins de l'amitié, les occupations cham#tres et le spectacle d'une belle nature donnaient à cette élancolie une paisible douceur. Souvent Renée versait es larmes en secret, mais elle les versait dans le sein de an Dieu, toujours prêt à lui répondre, toujours échaufint son cœur d'une flamme céleste, et le nourrissant 'un amour qui ne laisse point de place au regret.

-Mon Dieu, disait-elle, le monde pourrait-il me onner quelque chose que vous ne me donniez pas? Ce be vous me cachez, sans doute il n'est pas bon que je le ennaisse. Je suis comme les fleurs qui naissent d'une raine emportée par le vent, et qui ne virent jamais la lante d'où elles sont sorties; je suis comme le petit oiean que sa mère abandonne, et qu'elle vous confie, mon hen, aussitôt qu'il est capable de saluer, en chantant, voe soleil. Il est si joyeux de vivre, et je ne le serais pas, Joi, dont la pensée peut s'unir à la vôtre, moi qui vous ve, quand je le veux, dans mon âme! Je le sens bien, Ton Dien; par vous, je puise à toute heure à la source ème du bonheur !

Nous n'expliquerons pas comment la jeune Renée put elever à ces sentiments sublimes. Il y a des cœurs choisis, y a des esprits heureux qu'une inclination naturelle emorte vers le ciel. Ceux-là n'ont pas besoin des secours mains; une sagesse précoce, instinctive, les guide vers but éternel de la vie. C'est de telles créatures qu'on dit e le ciel était leur patrie, et que le monde n'est pas digne les posséder.

Ainsi vivait Renée, calme, sereine, souriante, objet d'aour et de vénération pour ses deux amis, qui se croyaient nis par sa présence. Fleur solitaire, c'est ainsi qu'elle panouit dans la montagne, jusqu'au jour qui devait acmplir sur elle les desseins d'un miséricordieux libéra

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The parente de Jeanne était gravement malade, et la fit mander avec instance. Elle demeurait à deux lieues de Jeanne fut sur le point d'emmener Renée avec elle; is a distance était grande; on ne disait pas si la malan'était point contagieuse; la bonne femme partit seule. décida que Renée ne quitterait pas François, qui avait cher un petit pré, voisin du bois où ils avaient rentré autrefois l'Anglais; Renée emmènerait les chèavec elle et les ferait paître, tandis que François varait à son ouvrage.

Ainsi fut fait. Lorsque François arrivait au bout du pré, vait la tête, et il observait, sur l'autre côté d'un étroit in, la jeune bergère, à travers quelques bouquets d'arqui les cachaient l'un à l'autre. Tout à coup plusieurs sonnes vinrent à lui: c'étaient deux voisins, deux genThes et un officier de justice. Cet officier lui dit qu'il ait faire une enquête dans sa maison, et l'invita à les re. François demanda des explications; on les lui re

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C'est selon. Vous devez le savoir vous-même. Ne vous sentez-vous point coupable?

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- Moi, coupable? Ah! s'il suffit d'être innocent pour être libre, allons, ce sera bientôt fait. Hâtons-nous. Il faut que je sois ici dans quelques moments. N'inquiétons pas cette enfant : suivez-moi de ce côté,

Ils filèrent le long des buissons, et François put entendre Renée qui chantait.

Quand ils furent près de la maison, l'officier essaya d'obtenir de lui quelques aveux par des questions générales; mais quels aveux aurait pu faire un homme qui ne comprenait pas même ce qu'on lui voulait?

Nous allons voir, lui dit-on, si votre secrétaire ne fournira pas quelques indices contre vous.

-

Mon secrétaire! Vous prétendez le fouiller!

C'est le devoir de ma charge.

François opposa une vive résistance, et sur les motifs de laquelle on se méprit grossièrement. On l'obligea d'ouvrir. Alors, prévoyant les découvertes qu'on allait faire,

les annonça. On ne vit dans ces déclarations tardives qu'une précaution de la ruse, et l'on triompha de trouver une forte somme en or. On invita Périsard à justifier la présence de ces valeurs.

Elles sont bien à moi, s'écria-t-il; elles sont le fruit de mes peines, de mes longues économies, Je le jure. On insista; il ne voulut pas donner d'explications plus précises, ne se croyant pas réduit à une si fâcheuse extrémité.

Dans ce cas, je vous arrête, dit l'officier. Vous allez suivre ces hommes-là.

- Des gendarmes! moi, en prison! Malheureux que je suis! Jeanne, où es-tu? Et toi, Renée, mon enfant! Ah! qu'allez-vous dire? Que deviendrez-vous?

Il étouffait de colère et de douleur. Son trouble ne lui avait pas permis de remarquer que le temps tournait à l'orage, mais, comme on l'entraînait hors de la maison, il se fit un violent coup de tonnerre.

Mon Dieu! elle est seule, dit-il avec désespoir. Tout ce qu'il put obtenir fut qu'un des voisins courût chercher Renée, promettant de la recueillir et de la garder jusqu'au retour de Jeanne, qu'il informerait de ce qui s'était passé.

Pour lui, on le conduisit en prison, et voici quel sujet l'exposait à ces injustes traitements. Depuis un certain temps, plusieurs vols avaient été commis dans un château du voisinage; de fortes sommes en or avaient été soustraites, et l'on avait inculpé Périsard, comme ayant été vu de ce côté, et comme vivant dans un singulier état d'aisance, dont l'origine était un mystère pour les habitants du pays.

Il n'avait que trop sujet de s'inquiéter pour la jeune fille. Avant que le voisin qui s'était chargé d'elle fût à moitié chemin, l'orage éclata avec une violence épouvantable. Renée avait d'abord couru au pré où elle avait laissé Périsard. Ne le trouvant pas, elle retourna vers ses chèvres et les chassait du côté de la maison, quand la foudre tomba si près, et avec un fracas si terrible, que le troupeau fut dispersé. Renée, un peu remise de sa frayeur, ne vit plus auprès d'elle que sa chèvre blanche; elle la prit par une corne, l'animal s'echappa, et se mit à fuir au fond du ravin Renée y descendit avec elle.

:

Il y a dans cet endroit un sentier rapide et tortueux, qui mène, par une corniche étroite de roche calcaire, dans une grotte basse, au bord du ruisseau. Vis-à-vis l'eau tombe, par une double chute, dans un bassin circulaire et profond, d'où elle s'écoule en bouillonnant entre deux parois de roches verticales. C'est là que la jeune fille fut entraînée à la poursuite de sa chèvre. Aussi effrayées l'une que l'autre, elles arrivèrent presque en même temps au fond de la grotte.

Renée se trouva d'abord fort heureuse d'avoir rencontré cet abri, elle ne s'inquiétait que de son troupeau égaré et du bon François, qui la cherchait sans doute et se tourmentait de ne pas la revoir. Mais bientôt elle eut des

craintes pour elle-même. La pluie enflait le ruisseau d'un manière effrayante; l'eau, troublée par l'orage, tomba avec un bruit sourd; elle montait le long de la pente le sentier qui conduisait à la grotte se trouvait taillé. R née essaya de s'échapper, avant que le passage lui f fermé; mais elle tremblait de frayeur, et avait peine à tenir debout. Elle s'appuyait sur la chèvre et l'embrassa cependant, quoique ce fût pour elle une compagnie, voyant plus que ce moyen de faire savoir à Périsard elle était, elle cueillit à la hâte quelques tiges de perve ches roses, les attacha avec sa chaîne d'argent aux corn de la chèvre, et la laissa courir. La chèvre, inquiète, lasse de sa prison, s'échappa en bondissant.

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La pluie ne cessa pas de toute la journée, continuellement accompagnée de violents tonnerres. Il est affreux d'imaginer ce que la pauvre enfant dut souffrir dans sa retraite, sentant diminuer à chaque moment ses forces et son espérance, n'ayant plus qu'un étroit espace où elle fût à sec, dans la partie la plus haute de la grotte, souffrant du froid et de la faim, et déjà saisie de terreur à la pensée de la nuit qui s'avançait.

Il était huit heures du soir; le soleil avait disparu, et la lune se levait. Le ciel s'était enfin éclairci, et l'on aurait dit, à ce retour de la lumière, que le jour commençait, au lieu de finir. Deux voyageurs cheminaient à pied le long

de la montagne, et suivaient leur voiture en causant, plutôt en disputant avec vivacité.

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Oui, mon cher directeur, disait le plus jeune, na voyage dans les montagnes n'était, je l'avoue, qu'un p texte; je voulais que vous la vissiez vous-même, et v allez la voir. Vous jugerez si c'est un sujet ordinaire je vous offre, ou si, au contraire, elle ne promet pas s'illustrer, comme son père, dans le bel art de la cho graphie. Car c'est décidé maintenant, j'en fais une d seuse, puisque la princesse de B... ue veut reconnaitr son mari, ni son enfant.

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- Oui, cela dépend d'elle seule. Son oncle est mort, ily a huit jours, au moment que je sortais de la prison où elle m'a laissé plus de deux ans à la merci de mes créanciers. Son oncle était le seul obstacle à l'accomplissement de sa promesse.

-Vous vous montrez bien dur à l'égard d'une femme qui, du moins, n'a pas le tort de vous préférer un rival auquel on puisse disputer un cœur! On sait que la princesse entre en religion.

-Elle ferait mieux d'entrer en ménage !

- Et vous feriez mieux l'un et l'autre de laisser ignorer à votre fille sa naissance.

- C'est vous, monsieur le directeur, qui condamnez mes prétentions!...

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Je ne vous connais pas, répondit Périsard d'un air égaré.

-Regardez-moi bien! Je suis son père, le père de Renée. De grâce, où est-elle?

Périsard, troublé de cette rencontre imprévue, encore agité des événements de la journée, jetait autour de lui des regards sombres, et ne répondait rien. En cet instant, le bêlement d'une chèvre qui était entrée sur ses pas le fit tressaillir. A la clarté de la lampe, il vit briller sur sa tête la chaîne d'argent; il la saisit avec les pervenches. Il poussa un cri déchirant.

Ecoutez-moi, mon ami, votre profession n'est point out

ce qui m'occupe; je ne considère ici que la différence des positions, et je la crois trop grande pour que vous n'eussiez pas l'un et l'autre sujet de vous repentir, si vous déclariez votre mariage. Heureusement pour vous et pour elle, la princesse le comprend.

- Eh bien! sous votre protection, sa fille sera la reine de la danse!

- Mon ami, je suis faché de vous refuser encore, mais Je n'accepterai pas un sujet d'un âge si tendre, sans le consentement de sa mère.

- Vous me forcerez de m'adresser ailleurs.

Le directeur ne répliqua rien, et son compagnon de voyage, pour lui offrir un sujet d'entretien

plus agréable, lui conta ses visites aux Périsard sous divers travestissements, et comment la princesse elle-même avait réussi à revoir une fois son enfant. Avec ces discours, ils arrivèrent enfin auprès de la petite maison, et la trouvè

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Mon Dieu! le misérable n'aurait-il pas tenu sa promesse? Aurait-il oublié mon enfant?... Ces fleurs! les voyez-vous, monsieur?... Vous en souvient-il ?... Ah! malheureux, c'est elle-même qui m'appelle à son secours! En parlant ainsi, il se tordait les mains de désespoir. Son chapeau tomba, et laissa voir un bandeau sanglant qui lui couvrait le front.

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Mon ami, que vous est-il arrivé?

Défilé du Jura. Le chemin de la maisonnette.

rent déserte. Quelques chèvres erraient alentour, en poussant des bêlements plaintifs. Après en avoir fait le tour, ils trouvèrent, sur le derrière, une porte mal fermée d'un verrou de bois; ils entrèrent, et parcoururent la maison sans découvrir personne. La nuit était venue. Iraient-ils aux renseignements dans le voisinage? Ce serait fixer l'attention sur eux plus qu'il ne leur convenait. Sans doute, direntils, on ne tardera pas à rentrer. Rien ne prouve ici que les maîtres aient voulu faire une longue absence. Ces chèvres les attendent. Voilà les légumes préparés pour le repas du soir. Attendons nous-mêmes patiemment.

Ils allumèrent un feu clair de bois résineux, et s'assirent auprès du foyer qui rappelait au père plusieurs scènes dont il fit part à son compagnon de voyage. Ils veillèrent ainsi jusqu'à minuit à la clarté de la lampe. Tout à coup ils entendirent ouvrir doucement la porte d'entrée, et ils

Rien! rien ! Il s'agit bien de moi! Je suis libre; que ne l'ai-je été plus tôt!

Les voyageurs ne pouvaient deviner, et il était hors d'état de leur conter.comment il s'était fait cette blessure en sautant par la fenêtre de la prison. Ils suivaient des yeux tous ses mouve

ments sans pouvoir s'expliquer son trouble. Périsard prit une lanterne, il y plaça la lampe, après l'avoir arrachée des mains de l'étranger, et il s'élança comme un forcené dans la campagne. Les voyageurs le suivirent.

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Le malheureux tenait des discours sans suite qui devaient paraître ceux d'un insensé à des gens que rien n'avait préparés à les entendre.

- Des pervenches roses! Il n'y en a qu'en cet endroit. Vous en souvient-il, monsieur? Vous en souvient-il? Il prononçait ces derniers mots avec un accent de reproche.

- Voilà l'effet de vos mystères! Vous nous avez perdus! ajoutait-il, en se frappant la tête; puis il s'arrêtait et criait de toutes ses forces : « Renée! Renée! » mais la voix se perdait dans la montagne.

Enfin ils arrivèrent au bord du ravin où grondait le ruisseau, qui était devenu un torrent. Le père reconnut alors la place où, quatre ans auparavant, il avait revu sa fille, un bouquet de pervenches à la main. Périsard se pencha en avant, étendant le bras qui portait la lanterne. Il appela encore, et, sans attendre davantage, il descendit,

ou plutôt il se précipita par le sentier tortueux et disparut.

Les voyageurs, qui n'apercevaient plus la lumière, attendaient dans la plus affreuse anxiété; le lieu même où ils étaient ne pouvait leur faire prévoir qu'un funeste événement. Soudain un cri douloureux retentit sous le rocher.

- Ah! ah! Renée! Mon enfant... morte!... Non, non... Viens..., ma fille..., viens...

En poussant ces cris désespérés, il s'élança jusqu'à elle à travers le ruisseau débordé, la saisit dans ses bras après avoir jeté sa lanterne, et gravit le sentier avec ce fardeau, qui n'opposait, hélas! aucune résistance. Arrivé dans le pré, Périsard tomba, suffoqué d'émotion et de douleur. La lune sortait d'une masse de nuages, et brillait sur le visage pâle de la jeune fille. Son père, debout devant elle, croyait être au milieu d'un songe affreux; sa raison s'égarait. Mais, lorsqu'il eut pressé les mains de son enfant, qu'il eut touché ses bras, ses cheveux, ses joues glacées, il ne fut que trop en état de juger et de sentir son malheur. Tout à coup, comme s'il avait encore quelque espérance, comme s'il attendait quelque effet de soins qu'il ne pouvait donner à son enfant dans ce lieu sauvage, il la prend dans ses bras et l'emporte à la maison. François et le directeur ont peine à le suivre. Il se figure qu'il aperçoit chez Renée des mouvements de vie, mais ce ne sont que ceux qu'il imprime lui-même à l'inerte fardeau. Cette illusion fut détruite aussitôt qu'il eut déposé Renée sur son lit.

Le visage de la jeune fille avait la sérénité solennelle de l'autre vie. Sa bouche souriait, on eût dit qu'elle avait succombé à la mort la plus douce; et sans doute elle avait prié jusqu'au dernier instant; son âme, en fuyant la terre,

avait laissé sur ses traits l'empreinte de la résignation e de l'espérance.

Qu'on se représente la douleur de Jeanne, quand elle apprit l'affreuse nouvelle! Le père quitta les Périsard sans leur faire connaître ni son état, ni les projets qu'il avat formés au sujet de son enfant. Il se sépara de ces mal heureux époux dès le lendemain des funérailles.

Hélas! disait la pauvre Jeanne, si Dieu ne nous l'a vait pas reprise, ç'aurait été le père. Je suis punie d'avoir tant redouté cette séparation. Qu'il vaudrait mieux te sa voir vivante, ma petite Renée, quoique bien loin de nous

Huit jours plus tard, les pauvres gens reçurent me lettre qui les fit changer de sentiment. Voici cette lettre qu'un prêtre leur apporta:

« Mes chers amis, je suis la mère de Renée. Au nom << Ciel, quand son père se présentera pour la réclamer, << la lui rendez pas! Si vous y voyez des difficultés, fuye << plutôt avec elle, dussé-je n'entendre jamais parler « d'elle, ni de vous. La personne qui vous portera cette « lettre vous dira qui je suis, mais sous promesse d'un « éternel secret; cette même personne vous comptera une << somme suffisante pour vous mettre, ainsi que mon en<< fant, dans un état d'aisance qui vaut mieux que la ri «< chesse. Adieu, soyez heureux! rendez ma fille hea <<< reuse! >>

Le prêtre fut instruit de ce qui était arrivé. Il y reconst le doigt de Dieu, qui avait voulu reprendre un ange, au les de l'abandonner à Satan. On le conduisit auprès de la tombe de Renée.

- Gardez, lui dit Jeanne, Nous n'avons plus qu'un désir, enfant dans le ciel.

FIN

votre or et votre secret. c'est de rejoindre notre J.-J. PORCHAT.

LE CHIEN DU QUAKER.

Certain quaker très-sobre, an moins en apparence,
Ne donnait à son chien qu'une maigre pitance;
Pour le pauvre barbet, qui faisait pénitence,
C'était festin de roi qu'un seul os à ronger.
Un jour que le quaker, au club de tempérance,
Prêchait le jeune et l'abstinence,

Un savoureux fumet sort du garde-manger.
Notre chien n'y tient plus; argument sans réplique,
La faim parle. A l'assaut du bullet diabolique

Il s'élance; et tout prêts pour un repas d'amis (1),
Il voit rangés en ordre symétrique
Gâteaux, pâtés de choix, volailles et perdrix.
Quel spectacle pour l'œil d'un barbet famélique!
La dent s'en mêle, hélas! Dans ce riche butin
Le pauvret prend sa part, et peut enfin lui-même
Savourer le plaisir extrême

De laisser, à son tour, un os pour le prochain!
Soudain la porte s'ouvre; on entre; c'est le maître!
A terre il voit épars les débris du festin,

Et le chien tout penaud, qui cherche à disparaître, Confus, traînant la queue, et l'œil tout patelin.

FABLE.

(1) On sait que l'association des quakers se nomme aussi la Société des Amis.

« Je ne te battrai point », dit notre digne frère, D'un regard froid et calme accablant le larron; «Je ne te battrai point; notre morale austère « Mème envers tes pareils me défend la colère; <«Un autre te ferait périr sous le baton;

« Un autre, pour le moins, te mettrait à la chaine; « Moi, je veux, pour unique peine, «Te donner un mauvais renom. >>

A ces mots, il le chasse, et dans le voisinage
Il répand le bruit imposteur

Que le pauvre animal est atteint de la rage;
La nouvelle au loin se propage,
Semant l'alarme et la terreur;

On poursuit notre chien; on le traque, on l'assomme,
Et la clémence du saint homme
Punt de mort notre voleur.

Craignez du fourbe qui s'irrite Les dehors bénins et cléments! Le plus cruel des châtiments, C'est le pardon d'un hypocrite.

LEON HALEVY.

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