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jourd'hui la merveille par excellence, le tombeau de saint Sébald.

Les légendes ne sont pas d'accord sur saint Sébald. Les anes en font un ermite allemand, et le nomment Sewald; les autres y voient le frère Ewald, qui vint, avec saint Boniface, planter la croix dans la Germanie païenne. Cette version est la plus probable, et nous la croyons doptée par l'Eglise. Les Nurembergeois, qui n'entrent point dans ces discussions, racontent une foule de traditions merveilleuses sur saint Sébald. En voici une d'une naïveté charmante :

Un paysan cherchait dans la nuit ses bœufs égarés à travers les champs. Ne pouvant parvenir à les retrouver, il appela saint Sébald à son aide. Le bienheureux lui apparut, et, le guidant avec ses dix doigts flamboyants comme deux candélabres, le conduisit jusqu'à l'endroit où étaient cachés ses bœufs.

Le fait est que saint Sébald est le patron de Nuremberg, que la ville et le pays sont remplis de ses souvenirs et de ses images, que presque tout le monde y reçoit son nom avec le titre de chrétien, et que son église et son tombeau sont deux des plus beaux chefs-d'œuvre de l'architecture gothique. Relisez sur l'église l'article de M. H. Blaze, dans notre tome IV, pages 105 et suivantes. Nous nous bornerons à constater ce qui lui est échappé dans son enthousiasme, que la façade de cette église est plus complète et plus riche que celles de la plupart des cathédrales, que le vaisseau est éclairé par quatre-vingt-quinze fenêtres garnies de vitraux magnifiques, que la chapelle de Loeffeslholz est ornée de trois tableaux peints sur or, de plusieurs bas-reliefs d'Adam Kraft, et de fonts baptismaux de cuivre blanc, entre lesquels l'admiration hésite sans oser fixer sa préférence.

Le tombeau de saint Sébald est placé au milieu du chœur de l'église. Il est de petite dimension, car il renferme seulement la châsse et les reliques du saint; mais jamais, peut-être, l'art ne réunit tant de travaux exquis dans un si faible espace (15 pieds de hant, 8 pieds et demi de long; 14 pieds et demi de large). Notre gravure, toute fine et détaillée qu'elle soit, ne donne qu'une idée imparfaite de cet inimitable bijou de la ciselure. Elle représente la face méridionale du tombeau, celle que décorent les statuettes de saint Paul, de saint Philippe, de sint Jacques et de saint Jean.

Outre les douze Apôtres et les douze Pères de l'Eglise, le monnaient est orné de soixante-douze figures d'une perfection et d'une variété surprenantes. La base, soutenue par d'énormes escargots et chargée d'enfants qui jent avec des insectes, le toit surmonté de constructius architectoniques et de clochetons byzantins, les colonnettes élégantes qui joignent le socle au sommet, sont d'un goût tout à fait allemand. On retrouve le même caractère dans les enfants et les chiens qui ornent la console de la chasse, daus les bas-reliefs qui rappellent les miracles de saint Sébald, dans le portrait du saint portant son église, et dans celui de Vischer, avec son marteau et son tablier (1) (ces deux dernières figures ont été popularisées en France par le moulage). Les têtes et les draperies des apôtres sont dignes de l'antique. Les sirènes qui soutiennent les candélabres paraissent avoir inspiré depuis le Primatice.Les personnages assis au pied des colonnes semblent, dit M. Fourtoul, avoir été posés par MichelAnge, et ceux qui couronnent le faîte égalent les œuvres les plus délicates de l'école florentine.

(1. Voyez ce nortrait. tome IV du Musée, p. 112.

On imagine sans peine combien un tel monument fait valoir la chasse, couverte de lames d'or et d'argent, à laquelle il sert d'enveloppe et de cadre.

Pierre Vischer, l'anteur de ce chef-d'œuvre, le commença en 1506 et ne l'acheva qu'en 1519. Pendant ces treize années, il y travailla sans relâche avec ses cinq fils. Il y employa 120 quintaux de bronze, et y dépensa 2,040 florins d'or. Cette somme dépassant celle qui lui avait été allouée par la ville, et le bourgmestre ayant refusé d'augmenter le prix convenu, Vischer et ses cinq fils s'en allèrent quêter, de porte en porte, de quoi terminer leur ouvrage.

Tableau sublime et digne de ce siècle de foi profonde ! Chacun donna, suivant ses moyens, aux nobles mendiants; le riche, une part de son trésor; le pauvre, son obole; la veuve, son denier; les dames, quelques-uns de leurs bijoux.

Et Vischer les remercia tous par l'inscription suivante, qu'on lit encore sur le monument:

PIERRE VISCHER, CITOYEN DE NUREMBERG,

ACHEVA, EN 1519,

CETTE OEUVRE FAITE AVEC SES FILS. L'AYANT ENTREPRISE A LA GLOIRE du dieu TOUT PUISSANT ET EN L'HONNEUR DE SAINT SÉBALD, PRINCE DU PARADIS,

IL FUT ASSISTE DANS SON TRAVAIL PAR LES AMES PIEUSES QUI LUI FIRENT L'AUMONE.

Quoi de plus touchant qu'un pareil cachet d'humilité sur un pareil chef-d'œuvre ?

Nous avons cherché dans les sculptures religieuses de la France des bijoux comparables au tombeau de saint Sébald. Nous n'avons trouvé à mettre en regard que certains retables de nos anciennes chapelles gothiques. Encore forment-ils plutôt un contraste qu'un pendant à la merveille de Nuremberg. Ici c'est la perfection de l'exécution qui domine tout. Là, c'est la naïveté du sentiment. Chez Vischer, l'art de la main est à son apogée. Chez nos moines ciseleurs, le métier est encore dans l'enfance.

En attendant le délicieux retable de l'église de Ploaré, que nous donnerons dans notre prochain numéro, avec la snite de notre Voyage en Bretagne, voici ce que nous avons trouvé de plus curieux à opposer au tombeau de saint Sébald. C'est une partie, dessinée sur les lieux, des bas-reliefs d'albâtre qui décorent la modeste église de La Celle, dans le département de l'Eure. Ces bas-reliefs, où l'on reconnaît le pieux esprit, la main inexpérimentée, la sécheresse de formes, la singularité de détails, mais la foi vive et l'instinct profond des artistes de la Renaissance enfermés dans les couvents, sont consacrés aux principaux épisodes de la vie de la Vierge et de saint Georges.

Le premier, en partant de la gauche en haut, représente la naissance de Marie; le second, son entrée au temple; le troisième, l'annonciation : l'ange, qui lui offre un lis aussi gros que lui, porte le costume des pages du quinzième siècle; les trois cadres suivants rappellent la naissance de Jésus, l'adoration des mages et la circoncision.

Puis viennent Marie près de saint Georges malade; saint Georges recevant de la Vierge et des anges le heaume, les éperons, l'épée et l'écu de chevalier; Marie et Jésus assistant au combat de saint Georges contre le dragon du

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ETUDES MORALES ET RELIGIEUSES.

LA ROQUETTE, PRISON DES CONDAMNÉS (1).

III. Intéressante histoire d'un jeune libéré.-Le barbier de la prison. La lingerie.- La robe de Déjanire ou la chemise du lion. Les cachots des condamnés à mort, Tristes émotions d'un bon cœur. — L'assassin sans énergie. — L'ignorance cause du L'orgueil de Poulmann. Sa férocité.Sa Louise.

crime. - Sa mort. - Les condamnés se succèdent et ne se ressemblent pas. - Le père d'un condamné. Une conversation sous les marronniers.- Un pistolet chargé qui ne tuera personne. -Espérance trompée. - Scène déchirante. Une des routes qui mènent à l'échafaud.

Cependant on peut faire du bien à la Roquette, et le préjugé le plus nuisible à la force d'action de celui qui s'est voué à la moralisation des détenus, c'est la pensée désespérante de l'inutilité de ses efforts. Oui, à peine est-il entré dans cette noble carrière; qu'il rencontre des hommes qui, le sourire de la pitié sur les lèvres, viennent lui dire : Que prétendez-vous faire ?... Vous luttez contre des obstacles insurmontables; vous apprendrez plus tard que les hommes qui ont subi la honte d'une condamnation ont des vices de constitution morale qui s'opposent à la réforme que vous tentez: le virus a été inoculé, vous n'empêcherez pas qu'il envahisse l'intelligence et le cœur que vous voulez guérir !

Vous tous qui lisez ceci et qui pouvez plus ou moins concourir au bien moral de la société, ne soyez pas découragés par ces décevantes paroles; croyez à une expérience de sept ans, et écoutez ce qu'elle vous dit à son tour:

Dans ces êtres si dégradés, il y a encore de l'intelligence, de la mémoire, de la volonté, de l'amour... ; il y a de l'homme, en un mot... Vous n'êtes pas en présence d'un cadavre; il y a de la vie, et tant qu'il y a de la vie morale, il y a espoir d'amélioration morale. Désespérer du retour à la vertu, c'est accuser la parole du souverain médecin qui a dit qu'il fallait pardonner toujours. C'est tuer le zèle de la charité, et le plus grand malheur de l'homme coupable est d'entendre la voix perfide qui lui annonce que toute réhabilitation est impossible; alors il ne s'estime plus fui-même ; et quand l'homme ne s'estime plus, il se vend pour peu de chose, il se donne pour rien. Voici un fait qui démontre jusqu'à l'évidence le danger de dire à un homme qu'il n'a plus de valeur morale.

Un jeune homme d'un caractère sans énergie, entraîné par des amis vicieux, avait commis un vol pour lequel il sibissait deux ans de prison; il avait eu le malheur d'être condamné, dans son enfance, à un an de détention dans la Maison des jeunes détenus. Depuis, il entendait un soir une conversation horrible, tenue par des condamnés renfermés avec lui à la prison de la Roquette. Il ne put s'empêcher de faire un geste qui exprimait le sentiment d'horreur que ces paroles insolites avaient fait naître en lui.

-Eu quoi! dit l'un de ces scélérats, tu fais le difficile; nous avons commencé comme toi, tu finiras comme nous! -Oh non! j'espère rentrer au sein de la société et mériter d'y vivre.

(1) Voyez avril, mai et juin derniers.

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La société! elle ne veut plus ni de nous ni de toi; la guerre est déclarée: si les hommes te rendent la liberté, ils ne te rendront jamais leur estime.

L'idée d'être à toujours voué au mépris affligea profondément cet infortuné jeune homme.

Le lendemain, c'était jour de parloir; sa mère y vint, selon sa coutume; elle le trouva versant des larmes...

Est-ce que tu as de nouveaux chagrins? lui dit-elle. Ma mère, je t'ai exprimé bien des fois mon repentir; dis-moi, ai-je perdu ton estime, ton amour? -Je t'ai pardonné, mon enfant!

J'entends dire que tout est perdu pour moi, que je ne pourrai jamais reconquérir l'estime des hommes. Des scélérats m'invitent à passer dans leurs rangs.

Cette pauvre mère, toute désolée, lui fit comprendre qu'il ne devait pas croire les paroles sorties de ces bouches habituées au mensonge. Son agitation cessa, mais il continua à subir l'influence des terribles paroles qu'il avait entendues. Pendant le travail, au milieu de la nuit, des pensées de désespoir venaient l'assaillir. Cet état d'irritation continuelle fut l'occasion d'une faute contre la discipline sévère de la prison, et lui valut une dure réprimande de la part d'un surveillant. Son amour-propre blessé lui dicta une réplique peut-être trop acerbe, à laquelle il fut répondu par ces mots, qui le plongèrent dans une profonde tristesse : Celui-là fera comme les autres.

Comment?

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:

- Oui, tu montes l'échelle les, Jeunes-Détenus, la Roquette, le bagne, et puis, plus tard, l'échelle de la barrière Saint-Jacques.

Je suis voué au mépris, se dit-il à lui-même, il n'y a plus d'espoir !...

Ses larmes coulaient en abondance; il voulait les dérober aux regards. L'aumônier traversait le préau pour se rendre à la chapelle; il le suivit :

Vous avez tant de fois sonlagé mon pauvre cœur, lui dit-il, ah! secourez-moi, je vous en supplie...

Qu'avez-vous? lui dit l'aumônier, en lui serrant affectueusement la main.

Je suis méprisé de tout le monde! vous m'aviez fait croire au bonheur de pouvoir jouir encore de la considération des hommes, et je vois que cela est impossible. Devant moi, le crime, le bagne, l'échafaud!...

-Entre vous et le crime, et ses suites funestes, ily a le repentir, une conduite honorable, l'estime de vos concitoyens. Dans deux mois vous serez libre; continuez à mériter la sympathie de ceux qui s'intéressent à vous; vous avez expié votre faute, votre conduite pendant votre captivité est un bon présage pour l'avenir... Courage!

Et le courage revint au cœur de cet infortuné. Il eu avait besoin; sa bonne mère mourut avant sa libération. Il ne lui restait qu'un oncle, auquel il se présenta en sor tant de la prison, et cet homme fit renaître toutes les fnnestes pensées du désespoir, en lui disant: -Tu as vint ans, tu peux te suffire à toi-même; au reste, ta vie est souillée; que veux-tu que j'y fasse?

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Et le soir même il avait cherché un asile auprès de quelques scélérats qu'il avait connus dans la prison, et qui se chargeaient de l'initier au crime, en le plaçant le lendemain comme éclaireur pendant la perpétration de leurs forfaits.

En allant s'acquitter d'une mission dont ils l'avaient chargé, il devait traverser la place du Palais de Justice. Il y arrive au moment même où cinq condamnés subissaient le supplice de l'exposition... Il s'arrête, il chancelle; son imagination s'exalte; il croit que la prédiction du surveillant s'accomplit; il se voit déjà placé au milieu de ces misérables. La demeure de l'aumônier n'était pas éloignée, il y vole, se jette dans ses bras, et lui avoue ses coupables démarches. L'aumônier cherche la cause du mal, la découvre, et applique le remède; il lui promet son estime, la considération des hommes; il le place chez un chef d'atelier qui lui procure un honnête travail, et qui s'applique à lui inspirer l'amour de la vertu.

Deux ans se sont écoulés, et ce jeune homme est heureux. Il mérite l'estime de son patron, de tous ceux qui le connaissent; il en jouit, et il dit à qui veut l'entendre que la plus funeste tentation de se livrer au crime, c'est de regarder la vertu et la considération des hommes comme des biens inaccessibles à celui qui a eu le malheur de faire une faute.

Traversons rapidement le guichet central où vous voyez des lits de camp. Des soldats du poste y passent la nuit avec les surveillants, pour la sécurité de la maison.

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C'est ici que le barbier de l'établissement exerce son honnête profession. C'est un prisonnier. Le rasoir a été tenu pendant dix ans par un assassin; sa bonne conduite, son repentir, ses larmes, avaient parlé en sa faveur ; il est resté à la Roquette, et sa peine a été commuée. El barbiere reçoit de l'administration 6 fr. par mois pour raser les prisonniers qui ne payent pas; ceux qui donnent cinq centimes ont une serviette. Il y a là certains fashionables auxquels le guichet central peut suggérer d'utiles réflexions, quand ils comparent son petit miroir de 20 centimètres avec les belles glaces des élégants salons de la rue Vivienne.

1

Cette pensée nous conduit tout naturellement à la lingerie. Vous ne croyez peut-être pas qu'il y ait une liaison intime entre la lingerie de la Roquette et la moralisation des détenus?... Lisez :

Un jedne lion, habitant le boulevard des Italiens, dépensa un peu trop vite la somme que, chaque année, ses parents lui envoyaient pour vivre à Paris et y faire son stage. Les plaisirs, les passions demandaient encore, et il n'y avait plus rien à leur donner. Une petite escroquerie procura de l'argent, mais elle donna naissance à une poursuite judiciaire, et notre lion dut passer un an à la Ro-quette.

C'était dur, et pourtant, le croiriez-vous? la privation de la liberté, la nourriture grossière, la vie du prisonnier 'étaient pas ce qui le punissait davantage. Il y a certains détails de prison qui sont plus poignants que la détention edle-même; l'accessoire l'emporte souvent sur le princiFal. Au bout de huit jours il fallut changer de linge; on donna à notre homme une chemise... bien blanche, bien Propre...; mais ce n'était pas de la batiste de l'Inde. Vous comprenez que le chemisier royal ou national de la rue Richelieu n'avait pas présidé à la coupe, à la confection de ce vêtement de première nécessité. Notre dandy la reCarde, la tourne, la retourne... Quel gros tissu! et puis çà et là quelques solutions de continuité... Son cœur étail

gros... Oh! si sa bonne mère le voyait près de mettre une telle chemise!...

Il fallut l'endosser. C'était le soir. Pas moyen de dormir; la rudesse de ce gros linge ne s'harmonisait pas du tout avec la peau fine du délicat personnage; et puis, une sombre pensée vint ajouter au trouble de son esprit... Celte chemise a servi... à qui?... peut-être à un forçat..., à un assassin, à un condamné à mort!... Horreur!... Moi!... Et la même répétition à tous les changements de chemise. Notre homme est sorti ; il est sage maintenant, et il disait, il n'y a pas longtemps: Quand mes faux amis veulent m'entrainer dans les lieux qui ont causé ma perte, je pense à la chemise de la Roquette; un sentiment d'horripilation me parcourt tout le corps, et je vole à mon étude.

Voilà le côté moral de la lingerie.

Encore quelques pas, et nous arrivons à l'endroit le plus sinistre de notre prison. Voyez-vous cette énorme porte de chêne, garnie de serrures et de verroux ! elle s'ouvre sur un vestibule étroit, et laisse apercevoir trois autres portes également bardées de fer. Vous êtes en présence des trois cachots des condamnés à mort.

Dès que ces terribles mots sont tombés de la bouche du juge: le coupable est condamné à la peine de mort, cet homme, conduit à la Roquette, entre au greffe, où il est inscrit sur le livre d'écrou. On l'introduit dans le cachot. Il ne doit pas l'habiter seul, et c'est pour cela que l'aspect de ce lieu n'est pas aussi horrible que vous l'imaginiez peut-être. L'air et la lumière arrivent dans cette longue cellule par une large fenêtre ouverte à deux mètres du sol. A droite, un lit; à gauche, le poêle; entre les deux, the table et trois chaises; l'une pour le surveillant, l'autre pour le soldat du poste qui fait là sa faction; la troisième pour le coupable. On le revêt de la camisole de force, espèce de corset à manches dont les extrémités sont fermées, et dont l'action est d'entraver les mouvements des bras et de neutraliser toutes les fonctions des mains, précaution nécessaire pour prévenir les excès auxquels pourraient se livrer ces mallieureux, soit contre les surveillants, soit contre eux-mêmes.

Le condamné qui s'est pourvu en cassation reste quelquefois deux mois dans ce triste lieu.

Les relations avec les condamnés à mort font passer Fame par les situations les plus extrêmes, par les sentiments les plus opposés. D'abord, l'horreur... Vous avez là sous les yeux un làche assassin; vous voyez la main qui a tenu le poignard, qui a empoisonné les gâteaux donnés à ses victimes... Vous êtes son seul appui, le seul être qu'il peut émouvoir; il vous tend sa main teinte de sang! la vôtre se retire... Son regard devient moins farouche, presque suppliant; la compassion vous saisit; Dieu vous aide; votre main se rapproche de la sienne, il essaye de la presser à travers la toile de la chemise de force. S'il se repent, s'il pleure, vos larmes se mêlent aux siennes; une transformation involontaire s'opère en vous, le crime se cache derrière le voile de la pitié, vous êtes subjugué par votre situation, vous vous identifiez au malheur, et vous ne rêvez plus qu'une chose, la gràce de ce misérable. Jusqu'au moment de l'exécution vous éprouvez ses craintes, ses espérances, et, quand la hache a séparé la tête du tronc, il vous semble qu'elle a frappé un ami. Voilà encore de ces émotions qui durent quelquefois deux mois, et qui viennent assaillir votre cœur trois ou quatre fois l'année.

Les relations avec les condamnés à mort offrent les moyens d'examiner des problèmes dont la solution peut

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