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Amphithéâtre de la pla e Dauphine, en 1649, d'après une vue faite à cette époque

MAI 1850

-31-DIX-SEPTIÈME VOLUME.

HISTOIRE DE FRANCE.-LES RÉVOLUTIONS D'AUTREFOIS

I. L'ARMISTICE.

Autre temps, mêmes mœurs.

LE PAIN DE GONESSE. 1649.

Revenons, cher lecteur, à nos révolutions... d'autrefois, et, pour trouver goût au Pain de Gonesse, rappelons-. nous le Médaillon d'argent.

N'oublions pas surtout qu'il s'agit d'histoire et non de politique, du dix-septième siècle et non du dix-neuvième. Si vous confondez les temps et les hommes, ce ne sera pas notre faute.

Nous avons vu, au nom du Droit de réunion et de la Réforme de l'Etat, le Parlement soulevé derrière ses priviléges, les princes soulevés derrière le Parlement, les bourgeois soulevés derrière les princes, le peuple soulevé derrière les bourgeois, et, derrière tout ce monde, Guillaume Deboile, avec une poignée de conspirateurs, amenant la révolution sous l'habit de l émeute, la république sous le masque de la Fronde (2).

Peu s'en est fallu que Bertrand-Deboile ne croquât les marrons tirés du feu par Raton-Broussel, Raton-Gondi, Raton-Longueville, et que la Taverne du Bien-Public ne passat sur le ventre à la chambre de Saint-Louis, à l'hôtel de Condé, à la milice bourgeoise, pour arriver, de barricade en barricade, jusqu'au Palais-Royal et au trône.

Heureusement, la couronne du jeune Louis XIV a trouvé pour défenseurs deux habiles renards et trois lions intrépides.

Les renards sont le cardinal Mazarin et Jean Boucherat. Les lions sont Anne d'Autriche, le comte Philippe d'Amalby et le prince de Condé.

Mazarin a gagné du temps; Anne d'Autriche est restée la tête haute; d'Amalby a enlevé à Deboile son secret, sa liberté et la main de Louise; Condé est arrivé à propos, couvert des lauriers de Lens; et Jean Boucherat a dit simplement à la régente: Attendez pour combattre que vous soyez en état de vaincre. Accordez aujourd'hui aux Parisiens la moitié de ce qu'ils vous arracheraient de force; ils en abuseront bientôt de telle façon que vous aurez le droit de tout leur reprendre; et, pour les mater alors, pour leur montrer une bonne fois que Paris n'est pas la France, vous n'aurez qu'à les abandonner huit jours et à leur ôter le pain de Gonesse en les faisant bloquer par M. le Prince.

Là-dessus, les magistrats arrêtés, Broussel et Blancménil sont rentrés en triomphe. Les princes, le Parlement et les bourgeois se sont drapés à l'envi dans les pans arrachés au manteau royal. On s'est donné un baiser universel dans le lit de justice de Louis XIV, et Deboile seul, payant pour tous ses complices, a été dùment emprisonné à la Bastille.

Quelques semaines après, l'ingratitude de Paris avait donné raison au père Boucherat; le Parlement était devenu plus insolent que jamais. « Il semblait, avoue Gondi, que les esprits étaient animés de la fumée des vendanges, et tout annonçait des scènes au prix desquelles le passé

(1) Voyez septembre, octobre, novembre et décembre derniers. (2) Voir les sources historiques citées dans le Médaillon d'argent, et qui justifient minutieusement tous ces faits.

(1)

n'était que verdures et pastorales (4). » Marcillac-Larochefoucault, Bouillon, d'Elbeuf, Conti, Montbazon, Luynes, le coadjuteur, etc., conspiraient de plus belle cliez la duchesse de Longueville. Les partisans de Guillaume Deboile, sortant de dessous terre, se remettaient à exciter le peuple, à semer les pamphlets, à insulter le roi, la reine et le ministre; à réclamer à grands cris l'élargissement de leur chef, et à renouer les tronçons divisés da serpent de l'anarchie. Bref, les émeutes recommençaient dans la rue, en même temps que les déclamations au Parlement, où le père Broussel se vengeait, à coups d'éloquence, de ses lettres de noblesse manquées, du régiment refusé à son fils, de sa captivité d'un jour, et de l'horrible peur qu'il avait eue pour sa peau.

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Les choses en étaient là, le 4 janvier 1649, lorsque les deux familles Broussel et Boucherat se trouvèrent réunies chez le conseiller, dans la rue Saint-Landry. Le foudre du Parlement, contenu en vain par la raison de son beaufrère, venait de tonner à la Grand'Chambre. Thérèse, sa fille, brodait précieusement une écharpe à la Fronde. Elle avait achevé de perdre la tête, depuis qu'elle faisait partie des amazones de Mme de Longueville; Louise, sa belle cousine, la plaisantait avec sa malice inoffensive, tout en échangeant avec Jean Boncherat, son père, quelques phrases mystérieuses, où revenait le nom du comte d'Amalby.

La vieille Perrotte ouvrit la porte du salon, et annonça d'une voix aigre Monsieur le lieutenant aux gardes. Elle s'obstinait à désigner aiusi Philippe, lui retirant de sa propre autorité le brevet de capitaine qu'il avait reçu de la régente.

Le comte entra en souriant, parla du beau temps et de la pluie avec Broussel et Thérèse, et enveloppant Louise d'un regard animé du plus doux espoir, il sortit en causant à demi-voix avec le père Boucherat.

-Eh bien, monsieur Boucherat, me voici en possession de mon régiment; quand me mettez-vous en possession de mon bonheur?

Le bourgeois de Gonesse cligna de l'œil avec cet air narquois qui déroutait ses meilleurs amis.

-C'est-à-dire, répondit-il pour se donner du temps, à quand les noces de M. d'Amalby et de Me Boucherat? – Dont vous m'avez promis la main devant la reine et M. le Prince, ce jour où vous avez présidé le conseil des ministres, et où Mazarin m'a remis cette récompense de

-

mon courage.

Philippe tira de son sein et contempla avec ravissement le petit médaillon qui représentait Louise Boucheral. Oui, oui, fit le bonhomme en passant la main sur SOR

menton.

Et il entraîna le capitaine jusqu'au quai, comme si les

(1) Le caractère et la tactique du Parlement, dans les troubles de la Fronde, n'ont jamais été bien dé iuis et méritent un jugement sévere, que nous renvoyons à un chapitre subsequent.

murs eussent en des oreilles fàcheuses; puis, après avoir promene encore un ril prudent tout à l'entour, il se décida entin à parler amsi:

- Vous eponserez ma fille, mousienr le comte, lorsque le roi sera rentré dans Paris.

-Comment! rentré dans Paris! Mais il faut d'abord qu'il en sorte, s'écria d'Amalby étonné.

- Il en sortira dematu, reprit le bourgeois redoublant de précaution. Oui, c'est demain que commence le grand coup, la partie du lion... J'ai vu aujourd'hui la reine, M. le Prince et le cardinal, tout est arrange. Nous aurons chacun notre rôle. Je vais vous expliquer cela.

Et les deux interlocuteurs continuèrent si bas, si bas, que l'écho le plus indiscret n'eût pu les entendre...

Maintenant, acheva le futur beau-père, allez prendre les ordres du cardinal; et songez qu'il y va du salut ou de la ruine de la monarchie. A demain! - A demain ! dit Philippe avec force, et à bientôt notre mariage! - A bientôt !

Ils se séparèrent en se pressant la main. Et Boucherat, rentré chez son beau-frère, ne put s'empêcher de rire, à cette grande tirade du redoutable conseiller :

- C'est demain la fête des rois, mais j'en ferai la fête du Parlement! car c'est moi qui distribuerai le gâteau, et la fève ne sera point pour le cardinal!

-Le cardinal déteste les fèves du Marais! répondit le meunier de Gonesse, faisant allusion au quartier qu'habitaient alors les chefs de la Fronde.

Puis laissant son beau-frère préparer ses improvisations du lendemain, il alla sonder, de rue en rue, les dispositions du public...

Il fut bientôt assuré que personne ne soupçonnait le grand projet de la cour, et il rentrait enchanté de sa promenade, lorsqu'un inconnu, qui l'attendait à sa porte, lui remit le billet suivant et disparut:

« Monsieur Boucherat, puisque vous êtes un person«nage, il faut vous traiter comme tel. Vous savez nouer a une intrigue, mais vous avez des confidents bavards. «M. d'Amalby, votre futur gendre, doit enlever demain « le roi et la reine, et M. le Prince fait venir l'armée de «Lens à marches forcées, pour bloquer Paris. On vous prévient que votre complot sera, dans quelques heures, «<le secret de la comédie; et qu'il échouera misérablement, « si vous ne persuadez au Mazarin d'y renoncer. » Point de signature.

-C'est ce démon de Gondi qui nous a devinés! s'écria le bonhomme en Iroissant le billet avec colère. N'importe! ajouta-t-il après une minute de réflexion; puisqu'il est assez sot pour me montrer ses cartes, je changerai les miennes sans lâcher la partie! nous verrons qui sera le plus beau joueur, du coadjuteur ou du meunier!

En un instant, son plan fut refait. Il monta vivement chez sa fille, qu'il trouva plongée dans une nolle rêverie. -Louise, lui dit-il, vous irez demain soir à la cour. —A la cour! moi! Et pourquoi faire?

- Pour y tirer le gâteau des rois avec Leurs Majestés, M. le Cardinal, M. le Prince, et peut-être pour y être reine une heure.

Louise tombait de surprise en stupéfaction.

-M. d'Amalby s'y trouvera, poursuivit le digne homme

en souriant.

La jeune fille reprit contenance et demanda quelle toilette elle mettrait pour une si grande fête.

-C'est justement là l'essentiel, dit Boucherat. Vous yous procurerez, ajouta-t-il gravement, une robe et un bonnet de M. votre oncle.

Pour le coup, Louise crut rêver, et déclara qu'elle n'y comprenait rien.

Vous n'avez pas besoin de comprendre, ma mie, contina le bourgeois imperturbablement. Vous ne revêtirez point, du reste, cette robe ni ce bonnet; mais vous les emporterez dans ce vieux carrosse que Broussel a relégué au fond de son jardin. Des hommes sûrs viendront Fy chercher et l'emmèneront par la porte charretière, vous installée dedans, aussi belle qu'il vous plaira, mais les mantelets soigneusement fermés...

- Juste ciel! s'écria Louise, vous oubliez que ce carrosse est connu de tout Paris, pour la voiture la plus ridicule de France et de Navarre.

-Je m'en souviens, au contraire, et c'est pour cela que je le choisis! vous serez aussi savante que moi demain soir. D'ici là, notez bien mes instructions, exécutez-les ponctuellement, et apprenez, pour vous donner du courage, qu'il s'agit de hater le jour où vous serez comtesse d'Amalby, et moi baron de Gonesse, si cela peut amener de l'ean à nos moulins.

Sur quoi, le bonhomme prit son chapeau, baisa sa fille sur les deux joues, fit une pirouette et courut chez le prince de Condé.

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Le lendemain, vers quatre heures, le lieutenant de police et le chancelier Séguier entrèrent dans la chambre grise, au Palais-Royal, où les attendaient Anne d'Autriche et Mazarin.

Eh bien, chancelier, dit la reine, le Parlement a-t-il mérité notre clémence?

- Le Parlement, répondit Séguier, a protesté contre « la violation flagrante des promesses faites au peuple » le lendemain des barricades. Et il a refusé l'enregistrement des prêts à l'État, ordonnés par Votre Majesté pour subvenir aux frais de la guerre. Jamais Broussel n'avait été aussi virulent. Il a déclaré que ni le fer ni le feu ne le réduiraient à autoriser « l'usure effroyable des emprunts royaux. »

Il fallait le prier de nous prêter sans intérêt, interrompit Mazarin en tordant sa moustache.

Et les princes? et le coadjuteur? demanda la régente au lieutenant de police.

Les princes sont réunis depuis ce matin chez la duchesse de Longueville, où vous pouvez juger de ce qu'ils trament par la présence au milieu d'eux de l'agent espagnol Arnolfini. — Quant au coadjuteur, il a fait «une grande assemblée de curés, de chanoines, de docteurs, de religieux, et sans prononcer le nom du cardinal, en feignant au contraire de l'épargner, il a démontré habilement qu'il était le juif le plus convaincu qui fût en Europe (1). »

Et les milices? et le public? ajouta Mazarin pour faire diversion.

- Le public, répondit le magistrat, s'attroupe au coin de toutes les rues, pour y lire cette pancarte, dont je soumets un exemplaire à Votre Eminence.

Mazarin lut en fronçant le sourcil:

<«< Requête au Parlement de Paris... sur les grands mal<«< heurs et désordres causés par le cardinal Mazarin... <«< Etranger, Sicilien, sujet du roi d'Espagne, ancien va<«<let à Rome, ayant servi dans les plus abominables « débanches, repoussé pour ses fourbes et intrigues, reçu << en France comme espion, entouré de gens sans hon

(1) Mémoires de Retz, tomat, nag, 253.

<< neur et sans foi, traîtres, concussionnaires, impies et « athées, etc., etc. » (1)

-Assez, dit la reine en se levant avec fureur. On ne peut répondre à de telles infamies que par le canon. Je maintiens donc toutes les mesures arrêtées pour ce soir. M. le Cardinal n'hésite plus, je pense. Il préviendra M. le Prince et les personnes qui doivent nous accompagner. Rendez-vous à huit heures dans nos petits appartements. - Tous nos amis seront à leur poste, madame! répliqua Mazarin, qui ne put dissimuler sa pâleur.

Il pâlissait toujours quand il s'agissait de prendre un grand parti, et surtout de braver un grand péril.

Il devint livide, en entendant le lieutenant de police ajouter :

- N'oubliez pas de requérir une compagnie des gardes, en cas de besoin, car les milices ont eu vent du projet de la cour; et les quarteniers doubleront les postes à toutes les issues de la ville.

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Raison de plus pour ne point remettre! dit la reine avec courage. Si nous ne quittions Paris ce soir, nous ne pourrions le quitter demain qu'à travers des flots de sang!...

Mazarin frémit, et ne se rassura qu'en mandant le prince de Condé.

A huit heures, chacun fut exact au rendez-vous d'Anne d'Autriche.

Le duc d'Orléans arriva le premier; puis vint le cardinal, puis le chancelier Séguier, puis le maréchal de Grammont, puis le prince de Condé, avec Jean Boucherat, et les comtes de Cominges et d'Amalby.

TRICHSN

Boucherat et Condé : « Voici le gâteau des rois. >>

En homme habitué aux périls, Condé entra tout joyeux, et fit hommage à la reine d'un petit pain de Gonesse, que Boucherat lui avait remis dans la journée, en lui disant : -- Voici le véritable gâteau des rois, pour ce soir! !!) Pièce authentique condamnée par sentence du Châtelet.

Le prince répéta le mot à la reine, qui l'applaudit de toute son âme.

En même temps, une dame d'honneur et Laporte, le valet de chambre du roi, amenèrent Louise Boucherat, qu'ils étaient allés preudre dans l'ombre, avec le vieux carrosse de Broussel.

On rit de bon cœur, en voyant Laporte étaler la robe et le bonnet du terrible conseiller.

Anne d'Autriche rassura d'un sourire charmant la jeune fille, qui rougissait et tremblait sous la simple parure de soie et de dentelles, choisie avec un goût parfait pour sa mystérieuse entrée en cour.

-Soyez tranquille, madame, dit son père à la reine, elle trouvera du sang-froid à l'heure du dévouement.

On expliqua minutieusement le rôle de chacun, et Louise comprit enfin qu'il s'agissait d'enlever de Paris le roi, la famille royale et tout le gouvernement!

Elle frémit d'abord de se voir mêlée à un aussi grand projet, mais bientôt un serrement de main de son père et un regard de Philippe d'Amalby lui inspirèrent le courage qu'avait annoncé Boucherat.

Voici le plan de ce dernier, tel qu'il venait de l'arrêter avec le prince, et tel qu'il fut accepté par tout le monde : Le duc d'Orléans et le cardinal iraient souper et jouer chez le maréchal de Grammont, d'où ils partiraient vers une heure du matin; ils se rendraient au Cours-la-Reine (1), où ils attendraient, avec Cominges et quelques gardes, l'arrivée de la famille royale.

Celle-ci se mettrait en route peu de temps après, avec toutes les précautions qu'exigeaient des têtes si précieuses. D'Amalby, revêtu de la robe et du bonnet de Broussel, s'installerait, avec Anne d'Autriche, Louis XIV et le duc d'Anjou, dans le carrosse du conseiller; la reine s'envelopperait de la simple mante de Louise Boucherat, et un escadron des gardes, où se déroberait le prince de Condé, la suivrait à distance, prêt à s'élancer au premier signal. A quelques pas en avant cheminerait une voiture de la cour, escortée ostensiblement de quatre gardes, et renfermant Jean Boucherat, couvert d'une simarre du cardinal, et Louise, cachée sous le riche manteau d'Anne d'Autriche.

Si les patrouilles et les gardiens de la porte Saint-Honoré les laissaient passer sans résistance, derrière eux, à plus forte raison, passeraient le roi et la reine déguisés.

S'il y avait résistance, les quatre gardes essayeraient de forcer la sortie, en épargnant le sang toutefois, de peur d'amener un engagement trop grave. S'ils franchissaient la porte, elle devenait libre pour l'autre voiture; s'ils étaient arrêtés par la milice.... A ces mots, prononcés tranquillement par Condé, Boucherat l'interrompit en disant: Je me charge du reste!

Louise devina, sous cette réticence, à quel péril elle allait s'exposer; mais elle se borna à demander tout bas à son père :

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