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LA RUSSIE ET LES RUSSES (1).

LE TRONE IMPÉRIAL DE RUSSIE.

Nous allons publier, sous ce titre, une série d'études historiques, descriptives et morales sur la Russie, par les écrivains français qui l'ont habitée le plus longtemps, qui en connaissent le mieux les origines, les souvenirs, les habitudes, les mystères, et qui sont le plus capables d'ajouter à l'exactitude et à la profondeur de leurs remarques le charme du style, l'intérêt de l'anecdote et l'imprévu de la révélation. Nous y joindrons un choix de vues, de scènes et de portraits dessinés sur les lieux et gravés avec le plus grand soin par nos meilleurs artistes.

Jamais l'attention de l'Europe n'avait été fixée sur la Russie et les Russes avec autant de force et peut-être d'anxiété qu'aujourd'hui. Et cependant la Russie et les Russes sont encore inconnus à la plupart des Européens. Les uns les dénigrent systématiquement; les autres les exaltent par contradiction.

La politique, mère de tant d'erreurs, dicte ces jugements absurdes. Le Musée, proscrivant la politique, dira les choses et les faits tels qu'ils sont. Il parcourra la Russie en simple curieux, voyageant pour son instruction et son plaisir. L'instruction n'en sera que plus solide et le plaisir n'en aura que plus d'attrait.

Pour commencer par le commencement, voici le digne frontispice de nos articles, le trône impérial de Russie, tel qu'il se dresse dans une salle du Kreml, à Moscou.

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Tous les géographes qui vous ont parlé du Kreml, sans en excepter M. Balby, le plus savant d'entre eux, commis deux erreurs grossières. D'abord, ils l'ont appelé Kremlin, on ne sait trop pourquoi. Puis ils en ont fait un monument, un château ou un palais. Cette bévue passe un peu la permission. Le Kreml de Moscou, comme celui de Saint-Pétersbourg et de plusieurs autres villes russes, est une immense citadelle, une sorte de quartier fortifié, qui renferme dans son enceinte ce qu'il y a de plus sacré pour les habitants, des églises, des couvents, des palais, des trésors, des arsenaux, le saint synode, le sénat, la demeure des anciens patriarches, etc. Elevé sur une colline, au centre de la cité, dominant de deux cents pieds le cours de la Moskova, le Kreml forme un polygone entouré de boulevards, dont le plus large est, depuis 1822, une magnifique promenade appelée le Jardin d'Alexandre.

Entrons dans ce noyau de Moscou, que nous visiterons successivement en détail; traversons cette forêt d'églises, de couvents et de palais, et pénétrons dans la granovilaia palata (palais anguleux). Il est ainsi nommé parce que son extérieur est coupé à facettes. Les Moscovites le regardaient, il y a deux cents ans, comme une merveille du monde. Aujourd'hui, pour eux-mêmes, il n'est plus qu'une curiosité, mais une curiosité nationale, vénérée comme un palladium. Ce palais étrange est composé d'une salle unique, soutenue au milieu par un énorme pilier, vers lequel convergent, en s'abaissant, toutes les voussures du

sommet.

Les souvenirs historiques les plus variés se sont donné rendez-vous ici. Allons tout droit à celui qui nous occupe, (1) Voyez la Biographie de l'empereur Nicolas, t. XIII du Musée, p. 177.

à ce trône qui s'élève dans l'angle de droite, et dont la magnificence contraste avec le faible jour que lui versent les petites fenêtres : c'est le siége des empereurs de Russie. Il a remplacé celui des anciens tzars. Ses ornements, tout modernes, l'indiquent suffisamment. Notre gravure en représente le fond. Les dix écussons, qui forment un carré, sont les armes des Etats réunis successivement à l'empire, figuré au centre par l'aigle à deux têtes, surmontée de la couronne impériale. Cette aigle se reproduit plus haut, audessus du saint Georges ou du saint Michel, qui rappelle plus personnellement l'empereur. La richesse des colonnes, des arabesques et des broderies parle assez d'elle-même pour nous dispenser de la décrire.

C'est sur ce trône, qu'après la solennité du sacre, le tzar reçoit les hommages du clergé, de la cour et des dignitaires de l'Etat. C'est de là qu'il part pour le grand festin, où, suivant l'usage antique, il est servi par ses premiers officiers et ses chambellans.

Ce trône est à la fois pour les Russes le symbole de la puissance temporelle et de la puissance spirituelle, car leur tzar est en même temps leur empereur et leur pape, le chef de leurs corps et de leurs ames. On sait que est l'origine du schisme grec.

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C'est vers ce trône, comme vers un double soleil, que se tournent avec respect les yeux des quarante millions de Slaves, qui attendent le jour où leur empereur sera le maître et le pontife du monde moderne,―comme les anciens Romains, après avoir trouvé un crâne dans les fordements du Capitole, attendaient de siècle en siècle la domination du monde antique.

Cette croyance explique le dévouement absolu des populations russes. Nous en citerons de prodigieux exemples. Mais il n'en est peut-être pas de plus saisissant que celui de l'empereur Nicolas calmant l'insurrection militaire qui ébranlait son trône, à peine établi, en s'avançant seul et sans armes dans Saint-Pétersbourg, et en faisant tomber à genoux sous son regard les soldats et les seris ameutės contre lui.

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Voici un autre exemple également remarquable. Pendant la guerre de Sept-Ans, la peste ravageait et dispersoit l'armée prussienne et l'armée moscovite. Frédéric n'avait d'autre moyen de soutenir le courage de ses soldats que de faire fusiller ceux qui bronchaient. Le général russe, Munnich, trouva un expédient plus décisif: de l'empereur, proclama-t-il, la peur étant la mère de la peste, il est défendu à ses enfants de l'avoir, sous pen d'être enterrés vifs! » Qu'en résulta-t-il? La foi de Slaves en la parole du tzar leur donna le mépris du fleat, qui disparut de leurs rangs.

Aussi les peuples russes ne donnent pas au tzar le note d'empereur, mais celui de père, qui rend mieux leurs seatiments de soumission et de confiance.

Le trône impérial de Moscou se trouve reproduit à Saint-Pétersbourg et dans toutes les résidences royales. On voit souvent des soldats toucher ces trônes de leur sabre, pour y puiser la force, et des mères en approcher leurs enfants, pour les mettre sous la protection d'en huat.

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ÉTUDES MORALES ET RELIGIEUSES.

LA ROQUETTE, PRISON DES CONDAMNÉS (1).

LES VESTIBULES DE LA PRISON.

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En donnant un coup d'œil à cette façade si sombre, si sévère, à ces murailles crénelées, à ces grilles de fer, on se demande qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?... Approchez: à droite, un corps de garde qui fournit les nombreuses sentinelles que nous vous avons déjà montrées dans les chemins de ronde, et celles posées à l'intérieur et à l'extérieur, pour protéger la société contre une sortie des êtres inqualifiables que renferme cette enceinte.-Oh! si, un jour, ils venaient à faire irruption au dehors! -Pauvre Paris!... je ne sais si tu ne serais pas plus en péril qu'à une évasion subite et générale des habitants de ce qu'on appelait autrefois le Jardin du Roi! - Oh! tous ne sont pas des bêtes féroces; non, il y a là quelques braves gens... quelques misérables exploités, comme on dit de nos jours. - Mais aussi il y a là-dedans des créatures à qui l'intelligence pervertie donnerait une force bien redoutable. -Que d'astuce, que d'adresse, que de cruauté! - Vous allez en juger.-Entrons...

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La porte du côté gauche s'ouvre, et nous voici dans la loge du premier guichetier. A part sa veste bleue, ses boutons, c'est un honnête concierge. Il est du nombre de ces surveillants qui se trouvent sans cesse en contact avec les détenus et qui, plus que personne, pourraient concourir à leur amélioration morale, mais... nous en rencontrerons d'autres et nous reviendrons sur ce chapitre. -Laissons celui-ci dans sa loge et entrons dans la première cour. A droite est un magasin destiné à contenir le bois de chauffage, avec lequel nous n'avons rien à démiler pour la moralisation des détenus..... A gauche, la cuisine! Oh! c'est bien différent! Souvent un mets un peu moins ou un peu trop cuit; un potage qui a trop ou trop pen bouilli, a fait bouillir de colère les habitants du préau, compromis la sûreté personnelle des surveillants et mis la prison en pleine révolte. Voulez-vous savoir comment cela arrive?...

En mars 1848, la prison se ressentait un peu de l'efferVescence qui échauffait l'air du dehors, les cinq cents détenus étaient sur le grand préau.

-Le pain n'est pas cuit, dit l'un d'eux.

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- Pardon, mon brave, et aussitôt le parapluie tombe sur le bras gauche et imite le mouvement d'une baïonnette qui se croise. Les détenus sourient. Eh bien! camarades, est-ce que vous plaisantez!... Une insurrection!... Vous voulez faire massacrer mes enfants! Et si vous continuez la résistance, que va-t-il arriver?... Je n'en sais rien, mais ce que je sais bien, c'est que j'étais sur le point d'obtenir grace, sursis, commutation, etc., et que quand au ministère on va apprendre... Mes amis, ceux de la première section, par le flanc droit... Ceux de la seconde, par le flanc gauche. -Chacun dans sa cellule, marche!-Ne me faites pas de peine, mes enfants! - Puis quelques poignées de main, puis peu à peu on se range le long des murs, et chacun monte chez soi.

Voici une excellente recette contre ces irritations difficiles à calmer :

Fermeté trois grammes,

Dix kilogrammes de tabac, soit à fumer soit à mastiquer. Mêlez le tout à quelques grains de plaisanterie, et vous arrêterez le cours de bien des maladies morales qui font des ravages cruels dans les prisons. Mais retournons à la cuisine, que nous avons quittée sans la visiter.

Voyez-vous cette immense marmite? elle contient cent cinquante kilogrammes de bœuf, des légumes en proportion. Avec cela on fait trois cents litres de bouillon excellent, et le bœuf offre une nourriture saine et succulente.

Cette marmite sert à confectionner une excellente julienne-purée, qu'on donne aux détenus, les jours qu'ils n'ont pas de potage gras.

Ah! ils ne sont pas mal traités nos prisonniers! Deux fois la semaine, le dimanche et le jeudi, chacun d'eux reçoit, à neuf heures du matin, outre le kilogramme et demi de bon pain pour la journée, le tiers d'un litre de bouillon, et à trois heures, cent vingt-cinq grammes de bœuf cuit et sans os. Les autres jours, même quantité de potage maigre, et le soir un plat de légumes, haricots blancs, riz, pommes de terre, pois, lentilles, etc.

Cette grande casserole contient une nourriture plus délicate, à l'usage des infirmes et de quelques vieillards. Hélas! combien d'honnêtes ouvriers seraient heureux d'offrir un repas semblable à leur malheureuse famille! c'est la réflexion que nous faisons en nous rendant à la porte du vestibule où nous entrons. A droite le greffe. — A gauche le parloir.

Le greffe. C'est là que se trouvent ces énormes infolio qui contiennent les mémoires pour servir à l'histoire de l'immoralité humame.-Quels gros volumes! et encore ils ne renferment que les noms, prénoms, signalements, crimes, actes d'écrou de ceux que leurs méfaits amènent dans cette triste demeure. - Autrefois le greffe de la Roquette possédait les titres de son illustre aieul, Bicêtre ; les archives curieuses de ce lieu si pittoresque, si historique, vous les trouverez aujourd'hui aux archives de la Préfecture de police.

En face du greffe se trouve le parloir.

Le condamné, en entrant à la prison, a laissé derrière lui des êtres qui lui sont dévoués. - Souvent une malheu

reuse épouse bien honnête, bien vertueuse, a vu ses jours empoisonnés par l'inconduite d'un mari, d'abord indifférent, puis dissipateur, puis immoral, puis criminel, puis condamné; mais toutes ces phases, il les a parcourues insensiblement et par degrés, il n'a pas tué tout à coup son affection pour lui. Cette infortunée s'est peu à peu accoutumée à sa vie mauvaise, tout en la déplorant, tout en souffrant les tortures morales les plus cruelles.-Elle l'aime encore, c'est le père de sa pauvre petite fille qu'elle chérit avec tant de tendresse. Elle a besoin de le voir encore, de le consoler. Elle obtient l'autorisation de l'entretenir un moment. Il faut un lieu destiné à cet entretien. Ce lieu, c'est ce qu'on appelle le parloir. Il est divisé en trois parties à peu près égales, l'une pour les détenus, renfermée par une grille de fer; l'autre pour les admis à la visite des prisonniers, pareillement séparée d'eux par une autre grille. La partie située entre les barreaux de fer est occupée par des surveillants qui voient tout, qui entendent tout, et qui sont chargés de transmettre, après la visite, aux prisonniers, ce qu'il leur est permis de recevoir de leurs parents et de leurs amis, nourriture, livres, quelques vêtements, etc. Cette présence continuelle du surveillant, cette conversation à travers deux grilles, cette investigation de la parole et du geste pourront paraître dures, trop sévères. Oh! sans doute; mais quand on saura que les ruses criminelles employées, soit pour la perpétration d'un crime, suicide, ou autre, soit pour une évasion, ont nécessité toutes ces mesures, on cessera d'être étonné.

Oui, il est arrivé qu'un gigot avait servi à l'introduction d'un poignard, d'une scie d'acier, de cordes; qu'avec ces moyens, des portes de cellules ont été enfoncées, des barreaux de fer sciés, et que des surveillants n'ont dû leur vie qu'à une prompte défense. Qu'on soit donc moins prompt à s'apitoyer et à censurer les règlements de la maison de force:

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Cependant nous pouvons bien donner quelques larmes au malheureux sort de cette pauvre femme, qui tient dans ses bras sa charmante petite fille.-La pauvre enfant, elle voudrait embrasser son père qu'elle voit à deux mètres de distance à travers deux grilles, elle lui tend ses petits bras, elle crie.-Il peut à peine l'entendre; vingt conversations qui se croisent étouffent sa voix, et là on est réduit à se comprendre par signes. Aussi, qu'ils sont expressifs ceux de la pauvre mère !-Que de tendres reproches sont traduits par son regard !-Quelle éloquence dans les larmes amères que font couler plus abondantes les paroles de l'enfant Maman! pourquoi pleures-tu? nous sommes avec papa. Cette scène produit souvent un bon effet sur le coupable.- Un de ces hommes disait : Je ne savais pas que ma faute aurait eu des suites si graves. Que je souffre de voir souffrir ma femme et ma petite fille ! Oh! je le jure, ma conduite future réparera mes crimes passés.

Aussi, pour adoucir la sévérité de cette mesure, l'autorité accorde quelquefois, par exception, à un prisonnier qui se fait remarquer par sa bonne conduite, le parloir du greffe. Là il peut, au moins, converser avec son père, sa sœur, sa femme ou son enfant, non pas toujours sans témoin, mais enfin il peut leur serrer la main et quelquefois leur donner un baiser.

C'est dans ce parloir de faveur, qui précède immédiatement l'entrée sur le grand préau, que les détenus nouvellement arrivés changent de vêtements et prennent le costume de la prison. Il y a là quelque chose de bien lumiliant, de bien dégradant pour l'homme qui a reçu les bienfaits de l'éducation, qui a eu dans le monde ce qu'on appelle une certaine position. Il semble qu'en quittant les

habits qu'il portait dans le monde, qu'à chaque pièce de vêtement qu'il laisse, il doit voir son honneur, sa dignité tomber par morceau. Cette dénudation totale doit être pour lui l'image de l'absence du respect et de l'honneur qui l'ont abandonné ; l'image de l'horreur qu'il inspire aux gens de bien. Les vêtements qu'il prend ont servi... à qui? peut-être à un assassin !... O homme! si tu avais connu les détails d'une prison avant d'être coupable, tu ne l'aurais jamais été, tu n'en aurais jamais fait la triste expérience.

En face du lieu dont nous venons de parler se trouve la cantine, espèce de restaurant légal, où une carte officielle fixe les prix des objets de consommation.

Là aussi se fait sentir l'influence de l'aristocratie de l'argent.

C'est là qu'à certaines heures s'achètent le pain blanc, la charcuterie et surtout le tabac. A la prison on le consomme abondamment et de toutes les manières : on le prise, on le fume, on le mastique; un prisonnier sans tabac, c'est un malheureux sans consolation.

L'usage de la cantine semble établir une inégalité dans la peine, une disproportion dans la condition des détenus, puisque ceux qui possèdent de l'argent peuvent se procurer un bien-être dont sont privés ceux qui n'en ont pas; mais cet adoucissement à la vie de prison peut cependant exercer une heureuse influence morale, puisqu'il peut avoir pour résultat de stimuler l'ardeur pour le travail, dont le produit appartient en partie au détenu.

Les lieux que nous avons parcourus jusqu'ici ne sont, pour ainsi dire, que les vestibules de la prison proprement dite. Franchissons le seuil d'une énorme porte de fer, dont les barreaux sont masqués par une autre, solidement construite en bois de chêne, et nous allons nous trouver dans le grand préau, vaste quadrilatère formé par le bâtiment que nous venons de parcourir, par la chapelle qui lui est parallèle et par les ateliers situés des deux côtés, et audessus desquels se trouvent les cellules et les vastes corridors qui y conduisent.

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-

Sa romance.

L'infirmerie.

L'escarpe. L'homme aux

Le surineur. Hypocrite. — deux parrains.

Un faux père. Les carrou

Le fourgue.

Un coupable repen

Son histoire. L'écrivain public.

Le condamné mourant recevant le viatique. Présage d'un grand crime.

Voilà le seul endroit où l'on voit réunis tous ensemble, sans catégories obligées, sans division légale, tous ces hommes que la société a vomis de son sein, et qui tous, par des routes différentes, sont venus se heurter, se presser là, comme les eaux des fleuves divers qui se mêlent et se confondent dans le même Océan.

Ils sont cinq cents, ils tourbillonnent autour de la fontaine placée au centre du cercle qu'ils décrivent dans leur promenade pittoresque.

Deux fois chaque jour les condamnés jouissent d'un repos physique souvent bien funeste à leur être moral. — C'est au grand préau que, dans leurs promenades circulaires, ils causent plus librement de leurs crimes passés ou des forfaits qu'ils méditent: c'est là qu'ils se communiquent plus à l'aise le virus de la plus infâme dépravation.

Il est impossible de se former une idée du cynisme de leurs paroles. Quel assemblage horrible! quel pêle-mêle dégoûtant!

Il y a là des hommes si dégradés qu'ils n'ont plus rien à perdre de liberté, d'honneur, car ils ont été condamnés à toujours, ils ont été attachés au poteau de l'ignominie. -Leur vil intérêt, l'infâme désir d'avoir plus de complices les rendent apôtres, apologistes du crime et propagateurs de toutes les idées les plus absurdes et les plus opposées au bonheur de l'individu, de la famille et de la société. Et pourtant, parmi ces grands criminels, il faut bien le dire, il se trouve des hommes condamnés seulement à un an de prison pour une faute, suite d'un mouvement de colère, lequel n'a pas laissé à l'intelligence le temps d'apprécier la valeur morale d'une action; des hommes qui, jusque-là, avaient vécu honorablement au milieu de la société, de jeunes intelligences de dix-huit ans, coupables, il est vrai, mais encore accessibles au sentiment du bon et de l'honnête, encore susceptibles de recevoir les meilleures impressions de vertu. Il faut bien le dire encore, là aussi on rencontre des innocents, malheureuses victimes des erreurs de la justice humaine; bien rares, il

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· Voilà le

est vrai, mais pourtant certaines à nos yeux. misérable assemblage qui tournoie sur le grand préau, et qu'en style de prison on appelle la pègre. La pègre se divise en deux genres, la haute et la basse pègre.- Au premier genre appartiennent les grands coupables, au second les moins criminels et les voleurs maladroits. Ces deux genres se sous-divisent en spécialités désignées par les singuliers noms de surineurs, d'escarpes, de carroubleurs, de fourline, de carreur, de grinche et de fourgue.

Venez, nous allons vous montrer des types de tous ces genres; heureusement, vous ne verrez pas un grand nombre de surineurs, ainsi appelés du mot surin, qui, dans le langage des assassins, signifie couteau. Le surineur, dont le roman a fait mal à propos chourineur, tue d'abord, il vole ensuite. Il guette de sang-froid sa victime, la frappe sans pitié, enfin la dévalise, la pille, la dépouille à son aise. Nous vous en montrerons plusieurs dans les cachots des condamnés à mort; mais, en attendant..., voyez-vous cet homme fauve, à la face anguleuse, au re

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gard sinistre, qui se tient debout près du mur? Sa tête va et vient, comme celle de l'ours renfermé dans la cage de la ménagerie.- Savez-vous ce qu'il regarde ainsi de tous côtés?... Son œil cherche quelques détenus aux prises. Quand il a le bonheur d'apercevoir deux hommes qui se querellent, qui se battent, alors il bondit; il court vers eux, se rue sur le plus faible, et, avec un sourire diabolique, il le frappe, et il le tuerait si on ne l'arrachait à sa fureur. Il faut trois hommes pour l'entraîner au cachot, et il s'y rend en criant: - Quel dommage! j'allais le démolir (historique)! C'est le type de la cruauté.

Surineur.

Hypocrite.

Exploité.

Dans le cachot, une de ces bêtes féroces disait à l'aumônier qui l'exhortait à la patience, et lui demandait, en voyant ses gestes convulsifs: Qu'avez-vous donc, mon ami? Otez-vous ! j'ai du respect pour vous; eh bien! je sens néanmoins que je pourrais vous faire du mal. Quelle nature!

L'escarpe veut d'abord s'approprier la bourse; il s'y prend plus poliment, il demande; puis il essaye d'enlever de vive force; si on lui oppose de la résistance, si l'on se défend, il tue. On a vu à la Roquette le chef d'une bande composée de ces hommes abominables, Fourier, exécuté

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