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plice fur toute une famille; ç'eût été lui impofer la néceffité de s'unir & de prendre les armes. Les bourgeois riches des grandes villes participèrent bientôt à la même impunité; enforte que les crimes publics, les crimes que le Gouvernement a un intérêt direct de pourfuivre, étoient les feuls pour lefquels on puniffoit des hommes d'un état au deffus du peuple. Or, ces crimes porte. t avec eux un caractère d'importance & de grandeur, qui empêche d'y attacher une idée d'aviliffement & d'opprobre.

On vit donc les condamnations pour les crimes particuliers, devenir deshon rantes pour les familles, parce qu'elles fen.bloient prouver que ces familles appartenoient aux dernières claffes de la Société ; & le préjugé une fois établi, a fait des progrès rapides, par les efforts mêmes que les fan illes ont été obligé de faire pour en éviter les effets.Ce qui prouve cette origine, c'eft que dans nos mœurs, le crime le plus conftaté, le plus honteux, ne répand preique aucune tiche fur une famille, & que le fupplice la couvre d'un opprobre ineffaçable.

M. de Lacretelle explique encore trèsbien comment ni le crime, ni la punition même, ne déshonoreroient une famille illuf tre, quoique le préjugé fabfifte dans toute la force contre les familles ordinaires. On repréfentoit un jour à un Grand le tort que l'action infâme d'un de fes parens pourroit

répandre fur fon nom, fi fa famille ne fe hâtoit d'en réparer les fuites. Un nom comme le mien ne peut jamais être déshonoré, répondit-il, & cet humiliant aveu, échappé à l'orgueil en délire, exprimoit peut-être une

vérité !

Ce préjugé eft-il utile? M. de Lacretelle examine d'abord s'il eft jufte, & il montre qu'il ne l'eft pas. En effet, le crime d'un individu ne prouve pas que toute la famille partage les vices qui l'y ont entraîné, & ces vices ne font pas néceffairement l'ouvrage de coux mêmes de fes parens dont il a reçu l'éducation. Rien n'eft utile que ce qui eft juste, Ainsi, l'injuftice du préjugé en proave au moins l'inutilité; mais en l'examinant dans les effets, on voit combien il eft nuifible, foit qu'il encourage au crime par l'efpérance de l'impunité, foit qu'il multiplie dans la fociété l'exiftence dangereufe d'hommes qui n'ont plus d'honneur à perdre, foir enfin par le mal réel qu'il fait à un grand nombre de Citoyens innocens.

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Quels font les moyens de le détruire? M. de Lacretelle en propofe plufieurs: latréfor me de quelques Loix qui femblent le favorifer, une attention fuivie dans tous les dépofitaires de la puiffance publique à ne lui accorder aucune autorité dans leurs décifions; enfin, de la part du Chef de la Nation, une declaration publique, qu'il le regarde comme injufte, qu'il defire de le voir

s'anéantir, & des marques de confidération accordées à quelques victimes du préjugé, lorfque des vertus ou des talens reconnus les rendroient dignes de cette espèce de réparation.

Peut-être M. de Lacretelle infifte-t'il trop fur ce dernier moyen; ce n'eft pas un crime, mais ce n'eft pas non plus un mérite d'appartenir par le fang à un coupable; & l'intérêt du peuple exige que les grâces du Souverain ne foient jamais que des actes de juftice. Ces marques de confideration & d'égards devroient donc être extrêmement rares, d'autant plus qu'en cherchant à détruire un préjugé, on rifque de manquer fon but fi on attaque en même temps le fentiment naturel auquel ce préjugé doit fon existence.

Il est un quatrième moyen fur lequel, au contraire, M. de Lacretelle n'infifte pas affez, peut-être par modeftie, ce font de bons Quvrages où le préjugé feroit attaqué avec les armes que la raifon peut y opposer; qui, par les agrémens du ftyle pourroient avoir beaucoup de Lecteurs, & qui intérefferoient par la fenfibilité que l'Auteur auroit fu y répandre. Ce moyen eft un des plus efficaces: un préjugé à qui tout le monde en donne le nom, eft bien prêt d'être détruit. On pourroit citer quelques exemples contraires; mais fi on y regarde de près, on verra qu'alors le Public appelle préjugé par vanité, ce qu'il continue de croire par habitude.

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MERCURE

Lorfque le préjugé eft populaire, il ne fuffit pas, pour en corriger les mauvais effets, de le détruire dans l'efprit des hommes éclairés ou de ceux qui lifent, il faut encore leur en faire defirer la deftruction; il faut les exciter à employer, pour y parvenir, l'autorité qu'ils ont fur l'opinion. L'Ouvrage de M. de Lacretelle remplit parfaitement ce dernier objet. Il fait infpirer l'intérêt pour les malheureufes victimes du préjugé qu'il attaque, par les peintures vraies, mais terribles, des maux auxquels une fauffe opinion les condamne. C'est ici une de ces queftions où le raifonnement feul ne fuffiroit pas. Plus les opinions qu'il faut attaquer, font abfurdes, plns la raifon a befoin du fecours de l'éloquence.

Ainfi, on auroit tort de reprocher à M. de Lacretelle d'en avoir prodigué toutes les ref fources.

VARIÉTÉ S.

LETTRES au Rédacteur du Mercure.

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Left des Ouvrages, Monfieur, qu'on ne voit que chez les Libraires, & des Brochures qui vieilliflent étalées chez les Marchands de Nouveautés; les titres les plus pompeux & les plus piquans, ne préfervent pas toujours de ce malheur; & cependant combien l'Art des titres & la fcience de l'affich ont fait de progrès! En traverfant, il y a quelques jours, le Luxembourg, à travers la pouflière qui couvroit une Brochure, je vis ce titre : Réflexions fur les Gens de Lettres & fur les Journalistes, fuivies d'une lewe fur Jean-Jacques Rouffeau, Ce titre m'arrêta; j'aime Rouleau avec paffion, j'ai l'ambition d'etre un jour un Homme de Lettres, & je tâche de me faire d'avance l'opinion que je dois avoir des Journalistes. J'achetai la Brochure fur le titre. J'allois à la campagne, je la parcourus en chemin; je marchois, je lifois & je difputois. Contre qui, me direz-vous ? Contre la Brochure, Monfieur. Prefque jamais nous n'étions du même avis, la Brochure & moi. Je la couvrois de coups de crayon; j'écrivois un mot en marge, & la phrafe entière dans ma tête. Avant d'être arrivé dans mon hermitage, tout ce qu'il y avoit de papier blanc dans la Brochure étoit poi.ci de mes caractères hiéroglyphiques. Je les raffemble, je les explique le mieux que je puis, Monfieur, &, je vous les adreffe. Vous rédigez un Journal Monfieur, & vous verrez que je parle quelquefois avec irrévérence, non pas des Dieux, mais des Journalistes. Mais le Mercure eft un Journal, & ce, ne font pas des Journalistes qui le fent,qui le rédigent.

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