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consentions à garder la chasteté et les jeûnes que l'Eglise ordonne, tant en portant du linge ou mangeant de la viande, et en ne pratiquant d'autres austérités que celles du commun des chrétiens. » Quoiqu'elle détaille les dangers du vin, elle ne laisse pas de vouloir en conserver l'usage à ses religieuses, mais en une quantité qui ne puisse nuire. Enfin, elle prie Abailard de régler l'office divin de façon qu'on ne soit pas obligé de répéter plusieurs fois les mêmes psaumes dans une semaine, ni de faire entrer un prêtre ou un diacre pour chanter la leçon de l'Evangile aux Matines.

La réponse d'Abailard aux demandes d'Héloïse forme deux lettres. Dans la première, il fait voir que l'institution monastique, soit d'hommes, soit de filles, a reçu de JésusChrist son établissement, sa perfection et toutes les grâces qui l'accompagnent; que le Sauveur a jeté les fondements de l'état religieux, en assemblant sous sa conduite un certain nombre de personnes de l'un et de l'autre sexe, à qui il a donné les règles d'une vie sainte, et les instructions nécessaires pour rendre à Dieu ce culte intérieur et parfait qui forme les vrais adorateurs. Abailard relève tout ce qui est dit dans l'Evangile à l'avantage des saintes femmes qui suivaient Jésus-Christ; et ce que saint Luc dans les Actes, et saint Paul dans ses Epitres, disent des vierges et des veuves qui faisaient profession de servir Dieu. en assistant ses apôtres de leurs biens. Ensuite il montre, par le témoignage des anciens historiens ecclésiastiques, que le nombre des vierges s'étant multiplié, on les vit, dans presque toutes les villes, se réunir dans une même maison pour y vivre dans les exercices de la piété. Les empereurs les prirent sous leur protection, les évêques et les docteurs de l'Eglise composèrent des traités pour les instruire; leur état paraissait si respectable qu'on choisissait les plus grandes solennités pour leur donner le voile, ce qui ne se pratiquait pas même pour la consécration des évêques.

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La seconde lettre est la règle même qu'Abailard composa pour la communauté du Paraclet. Les coutumes non écrites, ditil dans la préface, sont promptement altérées. En quelques années, elles subissent des changements capables de dénaturer entièrement les institutions d'une maison religieuse; il lui a donc paru nécessaire de rédiger par écrit les règles qu'on devait suivre au Paraclet. Il les a tirées des communautés les mieux réglées, des instructions des Pères, des maximes de l'Evangile et de tout ce que le bon sens prescrit de plus juste et de plus raisonnable. Il fait consister l'essence de la vie monastique à vivre dans la chasteté, la pauvreté, l'obéissance, le silence, la retraite; et, après s'être étendu beaucoup sur ces vertus, il remarque que pour la distribution des offices il faut s'en tenir à ce qui est ordonné dans le 66° chapitre de la règle de saint Benoît.

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sur toutes les officières subalternes, la portière, la cellerière, la robière, l'infirmière, la chantre, la sacristine, dont les noms indiquent les fonctions. Outre les religieuses du choeur, il y aura des sœurs converses dévouées au service de la communauté, mais qui n'en porteront point l'habit. On choisira pour abbesse celle qui surpassera toutes les autres en piété, en sagesse, en doctrine, en expérience, et dont l'âge sera comme une garantie de la probité de ses mœurs. On ne choisira ni une fille de qualité, parce que ces personnes commandent avec trop d'empire, ni une personne dont la famille habite le pays, à cause des inconvéniens et des dangers qu'entraînerait la multiplicité de ses relations extérieures. Chargée de la conduite des âmes, l'abbesse pensera souvent qu'elle en rendra compte à Dieu. Elle ne sera distinguée de ses sœurs ni pour l'habillement, ni pour la nourriture; elle mangera avec elles et couchera au même dortoir, afin d'avoir l'œil sur sa communauté, et de pourvoir d'autant mieux à ses besoins qu'ils lui seront plus connus. Lorsqu'elle tiendra son conseil, il sera permis à chacune d'exprimer son sentiment, mais la résolution de l'abbesse prévaudra, fût-elle la moins bonne, parce que tout ce qui se fait par obéissance est bien fait.

Religieux. Il devait y avoir au Paraclet un double monastère, l'un d'hommes, l'autre de filles, mais dans des enceintes séparées, pour ne pas contrevenir à la défense du septième concile général. Le supérieur du monastère d'hommes avait aussi le titre d'abbé; un de ses religieux remplissait les fonctions de procureur, pour le monastère des filles, avec l'intendance de leurs biens, soit à la ville, soit à la campagne, et l'obligation de pourvoir à leurs nécessités corporelles. Toutes relations entre religieux et religieuses étaient formellement interdites; l'abbé même ne pouvait tenir aucune conférence spirituelle qu'en présence de l'abbesse; il devait être, ainsi que ses religieux, du même ordre que les religieuses, et, aussitôt après son élection, il devait prêter serment de fidélité, en présence de l'évêque et de la communauté, avec promesse de s'acquitter fidèlement de sa charge. Les religieux, en faisant leurs vœux, s'obligeaient à ne jamais souffrir que les religieuses fussent molestées; en outre, ils promettaient obéissance à l'abbesse, en faisant profession entre ses mains. Du reste, on voyait la même chose dans l'ordre de Fontevrault, où les religieux étaient soumis à la juridiction de l'abbesse.

Ornements de l'église. Dans les ornements de l'église, on doit rechercher plutôt la propreté que la magnificence. Point d'or; un ou deux calices en argent ; aucune image ni en relief ni en peinture; une croix de bois toute simple fera l'ornement de l'autel. On se contentera de deux cloches, et à la la porte du chœur on mettra un bénitier, afin qu'en entrant le matin à l'église, et le soir en en sortant après complies, chacune des sœurs puisse se purifier.

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Offices divins. Les leçons de matines. seront distribuées de telle sorte que, dans le cours de l'année, on lise l'Ecriture sainte tout entière. Les commentaires des Pères ou leurs sermons se liront au chapitre ou au réfectoire. Les vigiles ou matines se commenceront à minuit, et les laudes au point du jour; l'intervalle entre ces deux offices sera consacré au sommeil des sœurs. Les lectures se feront dans le cloître. A l'issue de prime, on lira le Martyrologe au chapitre, après quoi, celle qui préside fera une exhortation ou quelque lecture édifiante à la communauté. L'assemblée se terminera par la correction des fautes.

Nourriture. Il sera permis aux religieuses de manger de la viande, mais seulement une fois le jour, les dimanche, mardi et jeudi. Ces jours-là, on ne leur servira qu'une portion, et quelque fête qui tombe dans le cours de la semaine, on ne changera rien à cet ordre. A défaut de viande, on donnera aux sœurs deux portions d'œufs ou de légumes, et même de poisson. Au souper, elles n'auront que des fruits. La nourriture pour tous les vendredis sera la même qu'au carême. Il n'y aura pas d'autres jeûnes que ceux prescrits par l'Eglise à tous les fidèles; mais depuis les ides de septembre jusqu'à Pâques, on ne fera qu'un repas par jour, où l'on pourra servir de la viande, à l'exception du carême. L'usage du vin est permis, mais en petite quantité et avec un tiers d'eau.

Habits des religieuses. -- Les religieuses seront vêtues de noir pour le costume extérieur. Leurs voiles seront d'une toile ou d'une petite étamine noire; ce qui s'entend des professes, et non des novices, qui apparemment le portaient blanc. Les vierges étaient distinguées des veuves par une croix blanche, qu'elles portaient sur leur voile, pour marquer qu'elles appartenaient plus spécialement à Jésus-Christ. Toutes porteront sur leur chair une chemise de grosse toile, et coucheront sur un matelas avec des draps de toile. En hiver elles porteront un manteau qui pourra leur servir de couverture pour la nuit. Leur coiffure sera simple; un bandeau de toile blanche qui descendra sur le front, avec un voile qui couvrira toute la tête. Jamais elles n'iront pieds nus, sous aucun prétexte, même par mortification.

Messes, communions, réfectoire. L'heure de la messe sera celle de tierce, et elle sera célébrée par le religieux de semaine. On choisira un des plus anciens pour communier les sœurs après le sacrifice. Elles communieront, au moins trois fois l'année, à Pâques, à la Pentecôte, à Noël. Avant chaque communion, elles passeront trois jours en prières et en pratiques d'humilité, et jeuneront au pain et à l'eau. Après la messe, elles travailleront jusqu'à sexte; alors elles iront diner, à moins que ce ne soit un jour de jeûne; dans ce cas, elles attendront après none, et même après vêpres en carême. En tout temps, on fera la lecture pendant le repas.

DICTIONN. DE PATROLOGIE. I.

Etude de l'Ecriture sainte. - Le dernier article de la règle est conçu en ces termes. << Puisque vous vous privez volontiers de toutes les vaines conversations qui ne font que dessécher le cœur, vous emploierez le temps à l'étude de l'Ecriture sainte, celles surtout à qui Dieu a donné plus de talent, plus d'ouverture d'esprit, plus de grâce pour s'énoncer, afin qu'elles s'instruisent à fond de ce qui regarde la piété et la vie spirituelle. » Ce sont là les articles principaux

de la règle d'Abailard, telle qu'on la retrouve dans les manuscrits de Nantes et de SaintVictor; mais celui du Paraclet en contient quelques autres que l'on croit être d'Héloïse, comme nous le verrons par la suite.

A saint Bernard. - Viennent ensuite plusieurs lettres tant d'Abailard que de plusieurs autres personnes avec lesquelles il se trouvait en communication; nous ne rendrons compte que de celle qu'il adressa à saint Bernard. En voici l'occasion. Saint Bernard s'étant trouvé au Paraclet, dans un moment où l'on chantait les vêpres, remarqua que la supérieure, en récitant l'Oraison dominicale, disait : Donnez-nous aujourd'hui notre pain supersubstantiel. Il fit là-dessus des remontrances à Héloïse, en lui signalant cette locution comme une nouveauté dangereuse. Elle prouva par le texte grec et hébraïque de saint Matthieu qu'il fallait dire: notre pain supersubstantiel; mais le saint abbé insistait toujours sur ce que l'on devait s'en tenir à l'usage de l'Eglise. Héloïse donna avis de cette entrevue à Abailard, qui, prenant sa défense, écrivit au saint abbé de Clairvaux qu'on ne pouvait le traiter de novateur pour un terme qui est de l'Ecriture. Saint Matthieu, qui avait entendu l'Oraison dominicale de la bouche même du Sauveur, la rapporte ainsi; on doit plutôt suivre cet évangéliste que saint Luc qui n'en rapporte qu'une partie, et qui n'était pas là quand le Sauveur l'a prononcée. Il ajoute que l'Eglise grecque, qui, ce semble, devrait suivre de préférence a leçon de saint Luc qui a écrit en grec, s'en tient néanmoins à la version de saint Matthieu; puis, venant au reproche de nouveauté, il censure vivement les coutumes de Citeaux qui s'éloignent en plusieurs points de l'Église universelle. Par exemple, on y disait l'alleluia, même après la Septuagésime; aux matines de Noël, Pâques et la Pentecôte; on y récitait l'hymne Eterne rerum conditor, au lieu des hymnes propres à ces solennités; et, contrairement à tous les rites de l'Église, on disait un invitatoire, une hymne et même des Gloria Patri, à la fin de chaque psaume, pendant les ténèbres de la semaine sainte. « Si vous me répondez, ditil à saint Bernard, que ces usages sont conformes à la règle de saint Benoît, je vous dirai aussi que l'Oraison dominicale, telle qu'on la récite au Paraclet, est conforme à l'Evangile, dont l'autorité est supérieure à celle de saint Benoit. » Il ajoute que les nouveautés défendues dans l'Eglise ne sont pas les nouveautés d'expressions, mais les nouveautés de sentiments contraires à la foi;

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ce qu'il prouve par l'invention des termes de consubstantiel, de personne, de Trinité, pour expliquer nos mystères, termes que l'on chercherait en vain dans les livres de l'Écritare. Il dit encore qu'il y a une infinité de différences dans les coutumes des églises, et il en conclut que chacun est libre de réciter l'Oraison Dominicale comme il le jugera à propos

PREMIÈRE Apologie. Nous avons vu, dans la vie d'Abailard, qu'après sa condamnation au concile de Sens, il en appela au pape, publia son apologie et résolut d'aller à Rome, et qu'il ne fut détourné de son dessin que par Pierre le Vénérable, qui le retint à Cluny, où il fut un sujet d'édification pour tous les religieux de ce monastère. Cette Apologie répondait à dix-sept articles extraits de ses écrits, et condamnés dans cette assemblée. Abailard l'adressa à tous les fidèles. Il eut soin d'en tirer plusieurs copies et de la faire répandre dans le monde.

Il y déclare, 1° que c'est malicieusement qu'on lui a attribué cette proposition, qu'il déteste; savoir que le Père est la toute-puissance; le Fils une certaine puissance, et le Saint-Esprit aucune puissance; tandis qu'au contraire il croit que le Fils et le Saint-Esprit, étant de la substance du Père, n'ont avec lui qu'une même puissance et une même volonté; 2° qu'il reconnaît que le Fils de Dieu seul s'est fait homme pour nous raebeter; 3° que Jésus-Christ, comme Fils de Dieu, est né de la substance de son Père avant tous les siècles, et que la troisième personne de la sainte Trinité, le Saint-Esprit, procède du Père et du Fils; 4 que la grâce de Dieu est tellement nécessaire à tous les hommes, que ni la nature ni la liberté ne peuvent suffire au salut, parce qu'en effet c'est la grâce qui nous prévient afin que nous voulions, qui nous suit afin que nous puissions, qui nous accompagne afin que nous persévérions; 5° que Dieu ne peut agir que dans les limites du convenable, et qu'il y a beaucoup de choses qu'il ne fera jamais; 6° qu'il y a des péchés d'ignorance occasionnés surtout par la négligence que nous mettons à nous instruire; 7° que Dieu empêche souvent le mal, soit en prévenant l'effet de de la mauvaise volonté, soit en la changeant en bien; 8° que nous avons contracté la coulpe et la peine du péché d'Adam, source et cause de tous nos péchés; 9° Abailard confesse encore que ceux qui ont attaché JésusChrist à la croix se sont rendus coupables d'un grand crime; 10° que la perfection de la charité, qui n'exclut pas une certaine crainte que les anges et les bienheureux éprouvent même dans le ciel, a été dans l'âme de Jésus-Christ; 11° que la puissance des clefs se trouve dans tous les évêques légitimement ordonnés dans l'Eglise ; 12 que tous ceux qui sont égaux dans l'amour de Dieu et du prochain, le sont aussi en perfection et en mérite; 13° qu'il n'y a aucune différence entre les trois personnes divines, quant à la plénitude du bien et la dignité de la gloire; 14 il proteste qu'il n'a jamais pensé

ni dit que le dernier avénement du Fils pouvait être attribué au Père; 15° qu'il croit que l'âme de Jésus-Christ est réellement et substantiellement descendue aux enfers; 16° il déclare encore n'avoir jamais dit ni écrit que l'action, la volonté, la cupidité, le plaisir ne sont pas des péchés, et que nous ne devons pas souhaiter l'extinction de cette cupidité. 17 Après avoir désavoué le livre des Sentences, que l'on faisait passer sous son nom quoiqu'il ne fût pas de lui, il prie les fidèles de ne pas noircir son innocence, en lui imputant des erreurs qu'il n'enseignait pas, et de donner un sens favorable à ce qui leur paraîtrait douteux dans ses écrits. Il faut avouer qu'il y avait plus de légéreté que de malice dans les erreurs que l'on reprochait à Abailard; du moins prendil Dieu à témoin que, dans tout ce qui lui est reproché par ses accusateurs, il n'avait rien avancé ni par malice ni par orgueil. Cependant on ne comprend pas très-bien comment il a pu nier, dans cette apologie, qu'il eût établi une différence entre la puissance du Père et du Fils et refusé toute puissance au Saint-Esprit, puisque son Introduction à la théologie contient clairement la preuve du contraire.

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SECONDE APOLOGIE. A la suite de cette première Apologie, qui avait pour but de le justifier auprès du monde, il en écrivit une seconde, pour rassurer les religieuses du Paraclet contre les bruits fâcheux qui se répandaient sur lui et sur sa doctrine. Il leur adressa une profession de foi opposée à toutes les erreurs qu'on lui imputait. On jugera de ces erreurs par le désaveu qu'il en fait. « Je déteste, dit-il, l'hérésie de Sabellius, qui soutenait que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu'une même personne, et par conséquent que le Père a été crucifié, ce qui a fait donner à ses sectateurs le nom de patripassiens. Je crois que le Fils s'est fait homme, en unissant la nature divine et la nature humaine en une même personne; et, qu'après avoir consom mé par sa mort l'oeuvre de notre rédemption, il est ressussité et monté au ciel, d'où il viendra juger les vivants et les morts. Je confesse que tous les péchés sont remis par le baptême; que nous avons besoin de la grâce, soit pour commencer, soit pour achever le bien; et, qu'après être tombés, nous pouvons nous relever par la pénitence. Qu'est-il besoin de parler de la résurrection de la chair? Si je ne la croyais pas, je cesserais d'être chrétien. » Il condamne encore l'hérésie d'Arius, se déclare pour la consubstantialité du Fils et du Saint-Esprit avec le Père, reconnaissant que les trois personnes ne forment qu'une seule nature, une seule puissance, une seule divinité. Ce fut après la publication de cette double Apologie que, renonçant à son appel en cour de Rome, il alla s'enfermer à Cluny, puis à Saint- Marcel, où il mourut. Héloïse, qui avait obtenu son corps, demanda à Pierre le Vénérable de lui envoyer l'absolution qu'il avait accordée à Abailard, afin d'en suspendre la cédule

au-dessus de son tombeau. Pierre l'envoya signée et scellée de son sceau. Elle était conçue en ces termes : « Moi, Pierre, abbé de Cluny, qui ai reçu Pierre Abailard au nombre de mes religieux, et qui, après l'avoir exhumé secrètement, ai fait présent de son corps à Héloise, abbesse du Paraclet, et à ses religieuses, je déclare que, par l'autorité du Dieu tout-puissant, et de tous les saints, je l'absous de tous ses péchés, en vertu du du droit que me donne ma charge. »

ont rapport au mystère qui fait le sujet de son discours, et en tire des moralités trèssolides. Ces discours sont disposés suivant l'ordre des fêtes, en commençant toutefois par la solennité de l'Annonciation, qui est la première dans l'économie de la rédemption. Tous ces discours sont adressés aux religieuses du Paraclet. Dans celui sur la fête de saint Pierre, il remarque que l'Eglise romaine a la prééminence sur toutes les autres, même sur celle de Jérusalem, à cause de la prérogative d'honneur accordée par Jésus-Christ à cet apôtre. Dans le sermon sur saint Paul, il cile comme authentiques les lettres de Sénèque à cet apôtre. Ce qu'il dit de la rencontre de tous les apôtres à la mort de la sainte Vierge, est tiré de saint Grégoire de Tours, et c'est aussi d'après ce

où elle réside en corps et en âme. Dans le sermon sur Suzanne, adressé aux religieuses du Paraclet et aux prêtres qui leur disaient la messe, ou les administraient dans leurs maladies, il les reprend sévèrement de quelques familiarités. Le discours sur saint Jean-Baptiste est une invective très-aigre contre quelques chanoines réguliers et quelques moines, mais surtout contre ceux qui, gardant l'habit monastique dans l'épiscopat, menaient une vie contraire à leur profession.

COMMENTAIRES. Ces deux Apologies d'Abailard se trouvent suivies, dans l'édition de ses œuvres, de ses Commentaires sur l'Oraison dominicale, le Symbole des Apôtres et celui de saint Athanase. I suit dans le premier le texte de cette prière telle qu'on la récite dans l'Eglise, sans insister, comme dans la lettre à saint Bernard, sur le terme su-père qu'il affirine qu'elle fut enlevée au ciel, persubstantiel de la version de saint Mathieu, au lieu de celui de quotidien que portait celle de saint Luc. Il remarque, sur le symbole des apôtres, que personne ne tenait un enfant sur les fonts du baptême, qu'auparavant il n'eût récité à haute voix l'Oraison dominicale et le Symbole, en présence du prêtre; et il prouve cet usage par plusieurs canons des conciles. Tout ce que dit Abailard, dans cette explication du symbole, est conforme à la foi de l'Eglise et peut servir à le justifier des erreurs qu'on lui attribue sur le mystère de la Trinité. Il n'explique qu'en partie le symbole de saint Athanase, mais il en prend l'essentiel. Son commentaire sur l'Epitre aux Romains est divisé en cinq livres, et chaque livre contient l'explication de trois chapitres. Abailard s'y applique principalement à développer le sens de la lettre, et, pour le donner avec plus de suite, il se sert de paraphrases. Il y traite les grandes questions du péché originel, du libre arbitre, de la grâce, de la prédestination, de la réprobation. Dans le recueil des proposisitions extraites des écrits d'Abailard qui furent lues au concile de Sens et envoyées au pape, celle-ci faisait la huitième : « Quand on dit que les enfants contractent le péché originel, cela doit s'entendre de la peine temporelle et éternelle due à cause de ce péché du premier homme. » d'où il résulterait que nous ne tirons point d'Adam la coulpe du péché originel, mais seulement la peine. Abailard rétracta ce que cette propositon avait d'inexact, dans le huitième article de son Apologie. Il rétracta aussi cette autre proposition, qui se trouve encore dans ce commentaire; savoir, que Dieu n'a pas donné plus de grâce à celui qui est sauvé qu'à ceJui qui ne l'est pas, avant que le premier eût coopéré à la grâce Dieu offre sa grâce à tout le monde; et il dépend de la liberté des hommes de s'en servir ou de la rejeter. Cette rétractation forme le quatrième article de son Apologie.

SERMONS. Sur les instances d'Héloïse et de sa communauté, Abailard compesa un grand nombre de sermons, où, sans aflecter fes ornements de l'éloquence, il explique avec netteté les passages de l'Ecriture qui

INTRODUCTION A LA THÉOLOGIE. — Les élèves d'Abailard trouvaient tant de plaisir à la lecture de ses écrits philosophiques et littéraires, qu'ils lui demandèrent un abrégé de théologie qui les mit en état, non-seulement d'acquérir l'intelligence des divines Ecritures, mais aussi de défendre, par la force des raisonnements humains, les vérités de la religion contre ceux qui les combattaient. Abailard, après avoir balancé quelque temps, se rendit à leurs désirs, et composa le traité qui a pour titre : Introduction à la théologie. On voit par le prologue qu'il ne pensait à rien moins qu'à innover dans la foi, qu'il n'avait pas même le dessein d'en établir les vérités, mais uniquement de proposer ses opinions sur les moyens de les défendre. C'est pourquoi il est prêt d'avance à corriger les erreurs dans lesquelles il pourra tomber, pourvu qu'on les lui démontre, ou par l'autorité des Ecritures ou par la force de la raison.

L'ouvrage est divisé en trois livres. Dans le premier, il traite sommairement de la foi, de la charité, et des sacrements qui sont nécessaires au salut. Il définit la foi :la croyance aux choses qu'on ne voit pas, c'est-à-dire qui ne sont pas à la portée des sens corporels. La foi regarde le bien, le mal, le présent, le futur. L'espérance, qu'il a comprise dans la foi, comme l'espère dans son genre, n'a pour objet que les biens futurs, et se définit: l'attente de quelque bien. La charité est un amour honnête dirigé vers la fin qu'on doit se proposer, ce qui la met en opposition avec la cupidité, qui est un amour honteux et deshonnête. Quant au sacrement, Abailard le définit un signe visible de la grâce invisible de Dieu; ainsi l'eau du baptême est le signe de l'absolution intérieure

qui purifie une âme de la tache du péché. Ces principes posés, il vient à l'objet de la foi, qui est un Dieu en trois personnes. Il prouve les attributs de Dieu et la trinité des personnes non-seulement par des passages de l'Ecriture et des Pères mais encore par les témoignages d'Aristote, de Platon et de quelques autres philosophes païens.

Ne doutant point que cette façon de prouver les mystères ne déplût à quelques-uns, il consacre une partie du second livre à justifier sa méthode: 1° par l'exemple de saint Jéròme et des autres docteurs; 2° en montrant que la dialectique peut servir d'auxiliaire à la religion quand on en fait un bon usage; 3o en démontrant que, quand on a à convaincre des juifs, des payens, des hérétiques il est avantageux de leur prouver, par des comparaisons et des exemples, que ce que la foi nous enseigne n'est pas contraire à la raison. Après cette digression, Abailard reprend la suite de son sujet, et traite de la nature divine, de la distinction des personnes en Diu, de leur coéternité, de la génération du Fils, et de la procession du Saint-Esprit. Il prouve, contre les ariens, que le Fils est consubstantiel au Père, et contre les Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, et que le terme filioque a pu être inséré dans le symbole, pour donner l'idée de l'unité de substance dans les trois personnes. Il compare la Trinité à un cachet de cuivre, et dit, que comme la matière et la figure qui est sur ce cachet ne sont qu'une même substance quoique la matière ne soit pas la figure, ni la figure la matière; ainsi, quoique le Père le Fils et le Saint-Esprit ne soient qu'une même substance, cependant ces personnes diffèrent assez entre elles pour qu'elles ne puissent pas être confondues sans erreur. Le concile de Sens a reproché à Abailard cette comparaison, qui n'est pas juste, mais en est-il une seule parfaite sur cette matière? L'exemple qu'il produit, pour faire comprendre la coéternité des personnes, a quelque chose de mieux; il est tiré de la lumière du soleil, qui existe en même temps que le soleil lui même. Mais la manière dont il distingue la procession du Saint Esprit de la génération du Fils lui a attiré de grands reproches. En effet, il dit que le Fils parce qu'il est engendré est de la substance même du Père, mais que si l'on veut parler avec précision, on ne peut pas en dire autant du Saint-Esprit, quoiqu'il lui soit consubstantiel parce qu'il ne procède pas du Père par voie de génération comme le Fils, mais par voie d'amour. L'erreur d'Abailard est plus dans les termes que dans le sens même de sa proposition, puisqu'il admet la consubstantialité du Saint-Esprit ; qu'il n'y est tombé que pour avoir voulu substituer la subtilité de l'école, aux façons de parler des Pères, qu'il reconnaît s'être exprimés autrement que lui. Dans le commencement du troisième livre, il fait voir qu'il est bien plus avantageux que l'univers soit gouverné par un seul que par plusieurs; qu'en effet, c'est un seul Dieu qui l'a créé et qui le gouverne; il cite là

dessus le témoignage de Cicéron. Traitant ensuite de la puissance de Dieu, il dit: qu'on ne doit pas s'imaginer que Dieu soit impuissant, parce qu'il ne peut pécher; puisqu'en nous-mêmes pouvoir pécher n'est pas puissance, mais faiblesse. Quand donc on dit que Dieu peut tout, ce n'est pas qu'il puisse tout faire, mais c'est qu'il peut faire tout ce qu'il veut, pourvu qu'il veuille ce qui est convenable: d'où il suit que ce qu'il ne fait pas n'est pas convenable. Abailard avoue que cette opinion lui est particulière. Saint Bernard s'élève contre ces propositions, et Abailard les rétracte dans son Apologie. Il traite ensuite de l'immensité de Dieu, de sa sagesse, de sa bonté et de sa prescience des choses futures; sur quoi il dit: Quoique Dieu ait tout prévu et préordonné, sa prescience toutefois n'impose aucune nécessité à notre libre arbitre, qu'il définit la délibération par laquelle une âme se détermine à faire une chose ou à ne la pas faire. Il enseigne que cette sorte de liberté ne convient pas à Dieu, mais seulement à ceux qui peuvent changer de volonté, et prendre un parti contraire. Ce qu'il dit sur l'incarnation du Verbe est entièrement conforme à la foi catholique. Du reste, ce troisième livre est imparfait.

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THEOLOGIE- Abailard composa plusieurs autres ouvrages qui n'ont été publiés que depuis quelques années. Le plus considérable est celui qu'il a intitulé: Théologie chrétienne. Il est divisé en cinq livres, et il est à remarquer que le premier et le cinquième livres se trouvent presque mot pour mot dans l'Introduction à la théologie,

Dans le premier livre il examine ce que c'est que la distinction des personnes en Dieu, et ce que signifient les noms de Père, Fils, et Saint-Esprit. Il rapporte sur ces différents articles les passages de l'Ecriture et des Pères, auxquels il joint les témoignages des philosophes, qui, selon lui, sont parvenus à la connaissance de Dieu par les lumières de la raison et par une sorte de révélation intérieure qu'il ont méritée par la sobriété de leur vie. A tous les philosophes il préfère Platon et ses disciples, parce que, de l'avis des saints Pères, ils ont eu plus de connaissance de la religion chrétienne, jusqu'à exprimer dans leurs écrits le mystère de la sainte Trinité, reconnaissant un Verbe né de Dieu et coéternel à Dieu, et une troisième personne qu'il nommaient l'âme du monde. Au témoignage des philosophes dont il fait l'éloge, il ajoute ceux de la sibylle, et la quatrième lettre prétendue de Séneque à saint Paul.

On trouva mauvais qu'Abailard prouvât les dogmes de la religion par l'autorité des païens, qui ne la connaissaient pas. Il cite en sa faveur l'exemple de saint-Jérôme qui se justifiait du même blame en disant que saint Paul avait cité dans ses épîtres Epiniénide et Ménandre. Saint Jérôme savait, dit Abailard, que l'on trouve quelquefois des grains de blé dans les pailles, et, sur les fumiers, des perles plus précieuses que sur

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