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La Bibliothèque impériale de Vienne possède un manuscrit célèbre exécuté en 1647 par Frédéric Brentel, peintre distingué, pour Guillaume, marquis de Bade. II appartint quelque temps au prince de Conti, qui l'avait acheté 6 000 fr. d'un chanoine de Strasbourg. Ce manuscrit, de format in-8, est divisé en deux parties qui forment ensemble 470 pages. La première est intitulée : Officium B. Mariæ Virginis Pii V. Pont. Max. jussu editum; et la seconde : Orationes selectæ et officia quædam particularia ad usum Guillelmi Marchionis Badensis, variis, authore Friderico Brentel, ornata picturis anno MDCXLVII. Ce magnifique manuscrit, outre quarante réductions des plus beaux tableaux d'Albert Durer, de Luc Jordaens, de Rubens, de Van-Dick, de Breughel, de Wouvermans, de Téniers, etc., et un frontispice représentant un concert céleste, renferme un calendrier dont chaque mois est enrichi de miniatures. L'ouvrage est terminé par le portrait du peintre.

L'un des plus habiles calligraphes modernes, et certainement le plus habile de tous les calligraphes français, est Nicolas Jarry, né à Paris vers 1620, et mort avant 4674. Il avait reçu de Louis XIV le brevet d'écrivain et de noteur de la musique du roi. Ses ouvrages, qui sont fort rares, se payent un prix fort élevé, comme on pourra en juger par les détails suivants extraits de la dernière édition du Manuel du libraire:

L'ouvrage que l'on regarde comme la première œuvre de Jarry est une Præparatio ad missam, 1653, in-8, sur vélin, et ornée de lettres initiales en or et en couleur. Il a été payé dans une vente 250 fr.

La Guirlande de Julie, 1641, in-folio de trente feuillets. Ce magnifique ouvrage est le plus célèbre de tous

ceux de Jarry. Il fut composé pour le duc de Montausier, qui l'offrit à Julie de Rambouillet, quelques années avant de l'épouser.

Le frontispice du volume est entouré d'une guirlande qui a donné son nom au recueil; sur chaque feuillet est une des fleurs faisant partie de la guirlande et peinte par le fameux Robert. Au-dessus de cette fleur est un madrigal transcrit par Jarry avec une admirable perfection. A la mort du duc, qui survécut à sa femme, ce livre passa à la duchesse de Crussol-d'Uzès, puis aux héritiers de cette dame. Lors de la vente de la bibliothèque du duc de La Vallière, il fut adjugé à des Anglais au prix énorme de 44 540 livres. Depuis il a été racheté par la fille du duc de La Vallière.

Une copie de ce manuscrit, faite par l'auteur lui-même en 1644, mais sans peintures, a été payée successivement 406 fr., 622 fr., et 250 fr.

Le texte a été publié par Didot, 1784, in-8, et 1818, in-18.

Missale solemne, 1641, in-folio, écrit en rouge et noir et sur deux colounes, avec chant noté. Chaque page est encadrée d'un filet d'or et ornée de lettres initiales en or et en couleur. Vendu 601 fr. en 1813.

Adoration à Jésus naissant, escrite et présentée à la reyne, 1615, in-12, sur vélin, d'une magnifique exécution. Vendu 750 fr.

'Tous ces madrigaux sont en général fort mauvais. On ne connaît guere maintenant que celui qui avait été écrit au bas de la violette par Desmarets de Saint-Sorlin:

Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour,
Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe ;
Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe.

Heures de Notre-Dame escrites à la main, 1647, in-folio, sur vélin, avec sept miniatures. Il a été vendu successivement 515 fr., 1601 fr., et 73 liv. 40 sh.

Preces christianæ, 1652, in-12, sur vélin, avec frontispice et vignettes. Vendu 4 210 fr.

Office de la bienheureuse vierge Marie, 1656, in-12, sur vélin, avec des miniatures par Petitot. Ce livre a été, à ce qu'on prétend, exécuté pour Anne d'Autriche, et, après sa mort, donné au duc de Bourgogne par madame de Maintenon; il appartint ensuite au prince de Conti, et fut vendu plus tard 110 liv. 5 sh.

Adonis, poème de La Fontaine, dédié à Fouquet, 4658, in-4. Ce magnifique manuscrit, qui passe pour un des morceaux les plus précieux que l'on connaisse en ce geure, après avoir été momentanément dans le cabinet du prince Michel Galitzin, à Moscou, fut renvoyé à Paris avec la bibliothèque de ce seigneur, et vendu 2 900 fr. en 1823.

Les prix élevés auxquels montent les œuvres de Jarry out encouragé les faussaires à mettre son nom à des productions calligraphiques dues à ses élèves ou à ses rivaux; mais nous ne savons pas qui M. Brunet a voulu désigner dans la phrase suivante placée à la fin de l'article qu'il a consacré à Jarry : « Pourquoi faut-il que nous ayons à dire qu'un homme dont la plume habile sait imiter toutes sortes d'écritures, n'a pas craint de se prêter à ce geure de fraude en inscrivant dernièrement le nom de Jarry sur plusieurs petits livres de prières qui étaient restés anonymes. »

Quelques manuscrits sont devenus célèbres, quoiqu'ils n'eussent d'autre mérite que celui de la difficulté vaincue. Tel était le Liber passionis D. N. J. C., cum figuris et

characteribus ex nulla materia compositis. Les feuilles de ce livre étaient de parchemin, sur lequel on avait découpé tous les traits de lettres que l'on a coutume d'écrire ou d'imprimer sur le papier; de sorte qu'en mettant entre les feuilles un papier noir, ou bien en les regardant par le revers au grand jour, tous les mots pouvaient en être lus distinctement.

Ce livre singulier se voyait en 1640 dans la bibliothèque du prince de Lingen, et on prétend que l'empereur Rodolphe en offrit une somme considérable.

Ajoutons encore quelques mots sur les manuscrits au moyen âge.

Au neuvième siècle, Loup de Ferrières écrivait à Éginbard : « J'irai vous voir pour vous rendre vos livres et apprendre de vous quels sont ceux dont je puis avoir besoin. Je vous aurais envoyé Aulu-Gelle, si l'abbé ne l'avait gardé de nouveau, se plaignant de ne pas l'avoir encore fait copier; mais il m'a promis de vous écrire qu'il m'avait arraché de force cet ouvrage. » Dans une lettre adressée à une autre personne, on trouve les passages suivants : « Le livre que vous m'aviez demandé me l'a été, à mon retour, par beaucoup de personnes auxquelles il ne me convenait pas de le prêter. J'ai presque résolu, de peur qu'il ne périsse, de l'envoyer quelque part... Mais quand vous viendrez, peut-être vous l'obtiendrez de moi. >> Ailleurs Loup s'exprime ainsi : « Je vous envoie, avant de l'avoir lu, le manuscrit des annotations de saint Jéròme sur les Pères. Que votre Diligence veuille bien le faire lire ou le faire copier et nous le renvoie promptement. Dès que j'aurai les Commentaires de César, je vous les ferai passer. »

La correspondance du même écrivain montre combien il était difficile de se procurer des ouvrages sacrés ou profanes. Ainsi ayant demandé à un abbé allemand l'Explication de Jérémie par saint Jérôme, et n'ayant pas pu se la procurer, il s'adresse au pape Benoît III, et lui écrivant pour lui recommander deux moines qui avaient entrepris le pèlerinage de Rome, il ajoute : « Nous vous demandons aussi Cicéron De oratore, et les douze livres des Institutions de Quintilien, qui sont contenus dans un seul volume de médiocre grandeur. Nous avons diverses parties de ces auteurs, mais nous voudrions en posséder la totalité. Enfin, nous vous demandons aussi le Commentaire de Donat sur Térence. Si votre libéralité nous accorde cette faveur, tous ces ouvrages, avec l'aide de Dieu, vous seront promptement rendus. >>

A cette époque, par suite de la valeur des manuscrits. les voyages n'étaient pas plus sûrs pour les livres que pour les hommes. Loup de Ferrières s'excuse auprès d'Hinemar de n'avoir pu lui envoyer un ouvrage de Bède, « livre si volumineux, dit-il, qu'il ne peut être caché ni dans le sein ni dans la besace. Et quand l'une ou l'autre de ces choses serait possible, il eût été exposé à la rencontre funeste d'une troupe de méchants que la beauté du manuscrit aurait pu tenter, et ainsi il eût été perdu peut-être pour vous et pour moi. »

On concevra en effet, d'après le fait suivant rapporté par Mabillon dans ses Analecta, que la valeur des manuscrits pût tenter la cupidité des voleurs: Grécie. comtesse d'Anjou, au onzième siècle, acheta un recueil des Homélies d'Haimon d'Halberstadt pour deux cents

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