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qui devaient le plus particulièrement les intéresser, il reçut pour récompense un don de dix talents (54 000 fr.) qui lui furent offerts par un décret.

Suidas raconte que les Athéniens firent compter une pièce d'or pour chacun des vers d'un contemporain d'Hérodote, de Chérile, qui, dans un poème dont il nous reste quelques vers, avait célébré la victoire des Grecs sur Xerxès.

Un autre poète grec du nom de Chérile, et qui était loin d'avoir le mérite de son homonyme, accompagna Alexandre le Grand dans son expédition; ce prince qui aurait préféré, comme il le disait, être le Thersite d'Homère que l'Achille de Chérile, fit avec le poète un marché quelque peu singulier. Il convint, dit-on, de lui donner un Philippe pour chaque bon vers et un soufflet pour chaque mauvais. Chérile ayant achevé la lecture de ses vers, se trouva, tout compte fait, n'avoir reçu que sept Philippes. Qu'on juge par là du nombre de soufflets qui lui avaient été appliqués. La tradition ajoute même qu'il en mourut. Que de poètes de nos jours, voire même des plus huppés, gagneraient à peine, à un pareil marché, autant de Philippes que Chérile!

Hiéron de Syracuse, ayant fait construire un vaisseau de dimensions énormes, sur lequel «< on avait chargé, dit Athénée, soixante mille médimnes de blé, dix mille pots de salines de Syracuse, vingt mille talents de viande et vingt mille autres de différentes choses, sans y comprendre les vivres de tout l'équipage... et Archimèle, poète épigrammatique, ayant fait une épigramme sur ce vaisseau, Hiéron lui envoya mille médimnes de froment, et les fit transporter jusque dans le Pirée à ses frais 1. »

' Voyez l'épigramme dans Athénée, Banquet des Savants, l. v, c. 14.

« L'Eunuque de Térence, dit Suétone, fut joué deux fois en un jour, et lui fut payé un prix que n'avait jamais, jusqu'alors, obtenu aucune comédie, c'est-à-dire 8 000 petits sesterces (environ 1 600 francs); voilà pourquoi cette somme fait ordinairement partie du titre1. » Plutarque parle de 20 000 sesterces.

« Le grammairien M. Pomponius Andronicus, dit le même auteur, s'étant retiré à Cumes, y tomba dans un tel dénûment, qu'il fut obligé de vendre pour 16 000 sesterces (3 200 francs) son principal opuscule, la Critique des Annales d'Ennius. Orbilius nous dit avoir racheté ces livres menacés de l'oubli, et les avoir fait publier sous le nom de l'auteur 2. »

On sait qu'Octavie ayant entendu lire l'épisode où Virgile parlait de son fils Marcellus, fit compter au poète 10 grands sesterces (2 000 francs) pour chacun des trentedeux vers de cet épisode.

« Un pauvre Grec, raconte Macrobe', avait pris l'habitude de présenter à Auguste, quand il descendait de son palais, une épigramme en son honneur. Après qu'il l'eut fait plusieurs fois vainement, l'empereur voyant qu'il s'apprêtait à le faire encore, traça rapidement de sa main, sur un feuillet, une épigramme grecque, et la lui fit remettre comme il venait au-devant de lui. Celui-ci de la louer après l'avoir lue, de témoigner son admiration de la voix et du geste ; et s'étant rapproché du siége de l'empereur, il mit la main dans une misérable bourse dont il tira quelques deniers qu'il lui présenta, en ajoutant : « Cela n'est point, sans doute, proportionné à ta

Suétone, Vie de Térence, c. 2.

2 Suétone, De illustribus grammaticis, c. 8.

Suturnales, 1. II, c. 4, traduction de la collection Dubochet,

« fortune, ô César; je te donnerais plus si je possédais << davantage. » Ce trait provoqua un rire universel, et Auguste ayant appelé son trésorier, fit compter à ce pauvre Grec 100 000 sesterces. >>

Hérode Atticus, l'un des particuliers les plus riches d'Athènes, au deuxième siècle, étant allé à Smyrne pour y entendre le rhéteur Polémon, fut si content de trois discours prononcés par ce dernier, qu'il lui envoya 150 000 drachmes qui furent refusées. Mais Hérode en ayant ajouté 100 000, Polémon se regardant alors comme convenablement récompensé, accepta le présent.

Oppien ayant présenté à Septime Sévère et à son fils Antonin Caracalla ses poèmes de la Chasse et de la Pêche, l'empereur lui donna une statère d'or (environ 18 fr. 50 centimes) pour chacun de ses vers, lesquels, suivant Suidas, se montaient à vingt mille.

Le célèbre poète persan Ferdoucy, qui vivait au dixième siècle, ayant gagné la faveur du sultan Mahmoud le Gaznévide, celui-ci, transporté à la lecture de poésies relatives à l'ancienne histoire de Perse, fit compter au poète une pièce d'or pour chaque vers, puis ne tarda pas à lui ordonner de composer l'histoire des rois de Perse, au prix d'une pièce d'or par distique. Mais lorsque Ferdoucy eut terminé, à soixante-dix ans, les cent vingt mille vers qui composaient son poème, le sultan lui envoya, au lieu de pièces d'or, 60 000 pièces d'argent, que le poète irrité distribua à ses domestiques. Du reste, il n'y perdit rien; car s'étant retiré auprès du calife de Bagdad, Cader-Billah, ce prince lui accorda la somme que Mahmoud lui avait promise.

L'Italien Andrelini, qui avait chanté les victoires de Charles VIII en Italie, en fut largement récompensé. Une

fois ayant récité devant ce prince un poème latin sur la conquête de Naples, il en reçut un sac d'argent, qu'il put à peine, comme il le raconte, emporter sur ses épaules 1. Baillet conclut même que ses vers lui étaient payés au quarteron ou au cent, d'après les quatre vers suivants traduits du latin d'Andrelini par Paradin :

Croissez, mes vers, soyez en plus grand nombre;

Car c'est aux frais et salaires du roi.

Seure richesse, empeschant tout encombre,
Exige vers en copieux arroi.

L'Arioste, que l'on croit avoir fait imprimer le Roland furieux à ses frais, stipula dans un traité conclu avec le libraire Jacopo dai Gigli, de Ferrare, auquel il cédait cent exemplaires, au prix d'environ 450 fr., que chaque exemplaire ne pourrait être vendu plus de 40 sous; ce qui rendait fort modérés les bénéfices du libraire et de l'auteur.

Balzac, dans son VIII Entretien, parle d'un sonnet que l'amiral de Joyeuse paya par le don d'une abbaye.

«En ce temps (1585), Henri-Estienne estant venu de Genève à Paris, et le roy lui aiant donné mil escus pour le livre qu'il avoit fait de la préexcellence du language françois, il y eust ung trésorier qui en voiant son brevet expédié, lui en voulust donner six cens escus tout comptant, lesquels il refusa, lui en offrant cinquante escus. De quoi ledit trésorier se moquant, lui dit qu'il voioit bien qu'il ne sçavoit ce que c'estoit que de finances, et le

Nescio qua nostri captus dulcedine cantus

Ipse fuit, fulvi saccum donavit et æris

Vix istis delatum humeris, cunctosque per annos
Pensio larga datur, qualem non lentus habebat
Tityrus umbrosis resonans sua gaudia sylvis.

laissa là, après lui avoir dit qu'il reviendroit encores à l'offre qu'on lui avoit faite; mais qu'il ne la retrouveroit pas comme il ad vinst: car aiant bien couru partout et essaié par tous moiens de s'en faire paier et offert jusques à deux et trois cents escus, enfin fust contraint de revenir à son homme, auquel il offrist les quatre cents escus pour en estre paié; mais l'autre en se riant lui respondit que ceste marchandise là n'alloit pas comme celle de ses livres, et que de ses mil escus il ne lui en cust pas voulu donner cent escus, comme enfin, après avoir bien tracassé et offert plus de la moitié pour avoir l'autre, il perdist le tout et n'en eust rien, le bruit de la guerre contre ceux de la religion courant partout, et lui estant forcé, à cause de l'édit, de reprendre le chemin de son pays 1. >>

Colletet reçut de Richelieu la somme de 600 livres pour six vers contenant la description de la pièce d'eau du jardin; et le cardinal ajouta « qu'il ne lui donnait cette somme que pour ces vers, et que le roi n'était pas assez riche pour payer le reste. » Aussi Colletet, qui jamais de sa vie n'avait fait un pareil marché, s'écria, dans sa joie :

Armand, qui pour six vers m'a donné six cents livres,
Que ne puis-je à ce prix te vendre tous mes livres !

Baillet parle de G. Xylander, L. Dolce, J. Baudoir, P. Duryer et de plusieurs autres écrivains mercenaires, « qui, pour conserver et sauver leur vie, ont bien voulu flétrir et perdre leur réputation, les uns par nécessité

'L'Estoile, Journal de Henri III, collection Michaud et Poujoulat, tome 1, p. 188. Nous ne pensons pas qu'aucun des biographes des Estienne ait fait mention de cette particularité curieuse.

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