pression, dit Ménage 1, il y en a aussi d'autres qu'on laisse passer exprès, afin d'avoir occasion de mettre dans l'errata ce qu'on n'aurait pas permis dans le corps de l'ouvrage. Dans les pays, par exemple, où il y a inquisition, à Rome surtout, il est défendu d'employer le mot fatum ou fata dans les livres. Un auteur voulant se servir de ce dernier, s'avisa de cette adresse. Il fit imprimer dans son livre facta, et dans l'errata il fit mettre facta, lisez fata. M. Scarron fit à peu près la même chose. Il avait composé quelques vers, à la tête desquels il mit une dédicace avec ces mots à Guillemette, chienne de ma sœur. Quelque temps après, s'étant brouillé avec sa sœur, dans le temps qu'il faisait réimprimer ses poésies en recueil, il fit mettre malicieusement dans l'errata de son livre : au lieu de chienne de ma sœur, lisez ma chienne de sœur 2. » << Ballesdens, qui est au chancelier Séguier, rapporte Tallemant des Réaux, disait : Si je fais jamais imprimer mes lettres où il y a mille flatteries pour le chancelier, je ferai mettre un errata au bout: En telle page, ce que j'ai dit n'est pas vrai, en telle page, cela est faux, et ainsi du reste 3. >> · On connaît l'errata que Benserade a mis à la fin de ses Métamorphoses d'Ovide. Il est en rondeau comme le reste de l'ouvrage : « Si vous voulez qu'il n'y ait point de fautes dans les ouvrages que vous ferez imprimer, disait-il, ne donnez jamais de copies bien écrites; car alors on les donne à des apprentis, qui font mille fautes; au lieu que si elles sont difficiles à lire, ce sont les maîtres qui y travaillent euxmêmes. » 2 Cette plaisanterie de Scarron ne se trouve pas dans toutes les éditions, et entre autres dans celle de Paris, 1719, in-8. * Historiette du chancelier Séguier, tome 3 de l'édition in-8. Pour moi, parmi des fautes innombrables, C'est l'entreprise et l'exécution; A mon avis fautes irréparables Ce que Chevillier disait de quelques imprimeurs de son temps, peut très-bien s'appliquer à certains typographes du nôtre. « Quelques imprimeurs de notre siècle (le dixseptième), dit-il, ont trouvé une manière bien aisée par où ils prétendent se tirer d'affaire sans tant de façons. Il suppriment tout à fait l'errata, ou s'ils en impriment quelqu'un, ils ne le font que de la moindre partie des fautes. Par cet artifice ils cachent la corruption de leurs impressions, qui les couvrirait de honte et de confusion si elle paraissait en public, et épargnent aussi leur bourse; car s'il leur fallait imprimer entièrement cet errata, il serait si fort, que la dépense augmenterait de beaucoup, outre qu'il ne se trouverait plus personne qui voulût acheter leurs misérables éditions.... Vascosan se crut obligé de demander pardon au lecteur pour n'avoir point mis d'errata à son édition grecque du Thomas Magister, Orbicius, etc., qu'il fit in-8 l'année 1532. Il dit que le papier lui a manqué...Un livre peu correct, ajoute Chevillier, c'est un ouvrage plein de ténèbres. C'est une nuit où on ne fait point de pas sans craindre. La correction, c'est la lumière avec laquelle on marche sûrement. Le plus grand ennemi de l'imprimerie sont les fautes. Il est d'autant plus dangereux qu'il renaît de ses propres cendres. Souvent il en croît plus qu'on n'en a ôté. Un imprimeur se doit regarder comme un Hercule qui a toujours des monstres à combattre. >> DES RELIURES. Dans le chapitre qui traite de la forme des livres, nous avons déjà dit que chez les Romains les livres carrés étaient en général enveloppés dans un morceau d'étoffe ou dans un étui en bois. On les fermait soit au moyen d'une courroie qui les entourait dans la longueur ou dans la largeur, soit au moyen de fermoirs de différentes formes. Dès le quatrième siècle, on commençait déjà à mettre un grand luxe dans les reliures. « Les livres sont revêtus de pierres précieuses, s'écriait saint Jérôme, et le Christ nu meurt à la porte des églises. » Parmi les insignes des officiers impériaux, dont parle la Notice des dignités de l'Empire (écrite vers 450), il est question de livres carrés, reliés et couverts en cuir vert, rouge, bleu ou jaune, souvent ornés de petites verges horizontales ou disposées en losange et décorés sur un des plats du portrait de l'empereur. Zonare raconte (Annales, 1. xiv, c. vII) que parmi les dépouilles enlevées par Bélisaire à Gélimer, se trouvaient <«<les livres sacrés des Évangiles, reluisants d'or et ornés de toutes sortes de pierres précieuses. >> Cassiodore, qui avait fait à l'usage des copistes un traité de transcription et d'orthographe, introduisit dans son monastère de Viviers d'habiles relieurs pour lesquels il composa lui-même des recueils de dessins variés, destinés à leur servir de modèles. Les deux volumes in-folio des célèbres Pandectes conservées à la bibliothèque Laurentienne de Florence et que l'on regarde comme étant du sixième ou du septième siècle, sont reliés avec des tablettes de bois couvertes de velours rouge et garnies d'ornements d'argent dans le milieu et aux angles. Mais il est probable que ce n'est pas la reliure primitive. Le plus ancien manuscrit de la Bibliothèque de Sienne est un Évangéliaire grec du neuvième siècle, ayant une magnifique reliure ornée de nielles. Ce volume appartint d'abord à la chapelle impériale de Constantinople; vendu à Venise lors de la chute de l'empire grec, il fut acheté par des agents du grand hôpital de Sienne, d'où il passa à la bibliothèque de cette ville. La reliure étant un des moyens les plus propres à conserver les livres, il est probable qu'au moyen âge, où ils avaient une si grande valeur, tous les livres étaient reliés. Charlemagne accorda à l'abbé de Saint-Bertin un diplôme par lequel il l'autorisait à se procurer par la chasse les peaux nécessaires pour relier les livres de son abbaye. Au milieu du neuvième siècle, Geoffroi Martel, comte d'Anjou, ordonna que la dime des peaux de biches prises dans l'île d'Oléron serait consacrée à relier les livres de l'abbaye qu'il avait fondée à Saintes; et Guibert de Nogent raconte, au chap. n du liv. I de sa Vie, qu'après une visite faite aux chartreux de Grenoble par le comte de Nevers, ce seigneur leur envoya des cuirs de bœufs et des parchemins dont ils avaient grand besoin. On voit à la Bibliothèque Laurentienne, à Florence, la copie que Pétrarque avait faite lui-même des épîtres de Cicéron. La couverture en bois, de ce livre, garnie de fermoirs et de coins en cuivre, avait dans des chutes fréquentes tellement blessé Pétrarque à la jambe gauche, qu'il fut menacé d'une amputation. Timperley rapporte (p. 300) que le manuscrit sur lequel tous les rois d'Angleterre, depuis Henri Ier jusqu'à Édouard VI (de 1100 à 1547), prêtèrent serment en prenant possession du trône, se trouve dans une bibliothèque particulière à Norfolk. Il renferme les quatre Évangiles, écrits sur vélin ; les lettres, belles et bien formées, se rapprochent des capitales romaines. Il semble avoir été écrit et préparé pour le couronnement de Henri Ier. La reliure originale, dans un parfait état de conservation, consiste en deux tablettes de chêne de près d'un pouce d'épaisseur, assujetties avec des bandes de cuir; les coins sont revêtus de métal, et un crucifix est fixé sur l'un des côtés. D'après les extraits de catalogues que nous avons donnés dans les chapitres précédents, on a pu se faire une idée des reliures de luxe au quatorzième siècle. Voici, pour compléter ce qui a été dit plus haut, quelques renseignements tirés des catalogues des bibliothèques des ducs d'Orléans et de Bourgogne. Les étoffes employées le plus ordinairement pour recouvrir les livres de luxe étaient le velours (veluyau, veluel), les étoffes (draps) de soie, de damas, de satin, de différentes couleurs, le plus souvent vermeilles, souvent semées de fleurs ou brodées en or, et quelquefois ornées d'un très-grand nombre de perles. L'inventaire fait en 1405 de la bibliothèque des ducs de Bourgogne mentionne un petit livret de deux évangiles ayant une couverture garnie d'or et de cinquante-huit grosses perles. Le cuir blanc ou vermeil n'était pas employé moins souvent que la soie. Les couvertures étaient en outre ornées de clous ou de plaques (platine) d'or, d'argent, de vermeil ou de cuivre doré. Les livres, ainsi reliés, étaient presque toujours gar |