Obrazy na stronie
PDF
ePub

guerre des Péloponésiens et des Athéniens, et décrit comment ils se la sont faite. Il a commencé dès les premières hostilités, prévoyant que, par son importance, elle surpasserait toutes les précédentes. »

Chez les Romains, les auteurs donnaient à leurs préfaces plus de développements.

Celle de Tite-Live, aussi simple que les précédentes, est beaucoup plus longue. L'auteur commence ainsi :

« Aurai-je lieu de m'applaudir de ce que j'ai voulu faire, si j'entreprends d'écrire l'histoire du peuple romain depuis son origine? Je l'ignore, et si je le savais, je n'oserais le dire, surtout quand je considère combien les faits sont loin de nous, combien ils sont connus, grâce à cette foule d'écrivains sans cesse renaissante, qui se flattent, ou de les présenter avec plus de certitude, ou d'effacer, par la supériorité de leur style, l'âpre simplicité de nos prémiers historiens. Quoi qu'il en soit, j'aurai du moins le plaisir d'avoir aidé, pour ma part, à perpétuer la mémoire des grandes choses accomplies par le premier peuple de la terre; et si parmi tant d'écrivains mon nom se trouve perdu, l'éclat et la grandeur de ceux qui m'auront éclipsé serviront à me consoler. » Plus loin, il ajoute : « Le principal et le plus salutaire avantage de l'histoire, c'est d'exposer à vos regards, dans un cadre lumineux, des enseignements de toute nature qui semblent vous dire : Voici ce que tu dois faire dans ton intérêt, dans celui de la république; ce que tu dois éviter, car il y a honte à le concevoir, honte à l'accomplir 1. >>

La correspondance de Cicéron nous révèle une habitude assez singulière de l'orateur romain.

Traduction de la collection Dubochet.

« Apprenez mon étourderie, écrit-il à Atticus. Vous avez reçu mon traité de la Gloire, mais avec le même préambule qu'à mon troisième livre des Académiques. Cela vient de ce que j'ai une collection de préambules tout faits. J'en prends un pour chaque ouvrage. J'étais à Tusculum, et je ne me rappelais pas avoir déjà placé celui dont il s'agit. Je l'ai pris et vous l'ai envoyé. C'est en relisant, en mer, mes Académiques, que je me suis aperçu de mon erreur. J'ai fait à l'instant un nouveau préambule, que je vous envoie. Vous détacherez l'autre, et collerez celui-là à la place 1. »

Bien que le traité de la Gloire et le livre des Académiques soient aujourd'hui perdus, on peut aisément se faire une idée de ces introductions banales qui pouvaient s'adapter indifféremment à toute espèce d'ouvrages. D'ailleurs, comme l'a fort bien remarqué Géraud, cette bizarre coutume n'était point particulière à Cicéron. « Nous n'hésitons pas, dit-il, à voir des préfaces composées d'avance, dans les premiers chapitres des deux principaux ouvrages de Salluste, l'histoire de la conjuration de Catilina et celle de la guerre de Jugurtha. Cet usage, si toutefois l'on peut déduire l'existence d'un usage des deux exemples que nous venons de citer, prit sa source dans une application mal entendue de la méthode des rhéteurs, qui exerçaient sur des lieux communs l'éloquence de leurs élèves. Mais en devenant inutiles pour l'intelligence du livre, les préfaces risquaient fort de ne plus être lues. Ce fut, en effet, ce qui arriva. Du temps de Pline le Jeune, elles étaient tombées dans un complet discrédit, et les livres

A Atticus, XVI, 6.

qui pouvaient s'en passer étaient ceux que le public accueillait avec le plus de faveur 1. »

Depuis cette époque, il n'est guère d'ouvrage littéraire ou historique un peu important qui ne soit précédé d'une préface ou d'un préambule. L'on doit, en général, lire ces introductions et les dédicaces avec une grande attention; car souvent elles renferment, soit sur l'auteur lui-même, soit sur d'autres personnages, soit sur des événements contemporains, des détails que l'on chercherait en vain ailleurs.

Les compositions littéraires n'étaient pas seules à avoir des préfaces. Ainsi, plusieurs manuscrits de la loi salique contiennent une sorte de préambule, dont voici quelques passages:

[ocr errors]

« La nation des Francs, illustre, ayant Dieu pour fondateur, forte sous les armes, ferme dans les traités de paix, profonde en conseils, noble et saine de corps, d'une blancheur, d'une beauté singulière, hardie, agile et rude au combat; depuis peu convertie à la foi catholique, pure d'hérésie; lorsqu'elle était encore sous une croyance barbare, avec l'inspiration de Dieu, recherchant la clef de la science; selon la nature de ses qualités, désirant la justice, gardant la piété. La loi salique fut dictée par les chefs de cette nation, qui en ce moment commandait chez elle.

« Vive le Christ qui aime les Francs! qu'il garde leur royaume, et remplisse leurs chefs de la lumière de sa grâce! qu'il protége l'armée, qu'il leur accorde des signes qui attestent leur foi, la joie de la paix et la félicité! Que le Seigneur Jésus-Christ dirige dans les voies de la piété

Essai sur les livres, p. 94.

les règnes de ceux qui gouvernent! car cette nation est celle qui, petite en nombre, mais brave et forte, secoua de sa tête le dur joug des Romains, et qui, après avoir reconnu la sainteté du baptême, orna somptueusement d'or et de pierres précieuses les corps des saints martyrs que les Romains avaient brûlés par le feu, massacrés, mutilés par le fer, ou fait déchirer par les bêtes 1.

Alde Manuce ne se gênait guère pour mentir dans ses préfaces; ce fut lui qui, imprimant une édition d'Aristophane, avança, le premier, dans sa préface, que saint Chrysostôme plaçait toujours le poète grec sous son oreiller. Il donna ainsi à son auteur l'appui d'un grand nom; et cette recommandation fut acceptée comme authentique pendant plusieurs siècles. Ce fut Ménage qui découvrit la fraude 2.

Scudéri, à la fin de sa préface des œuvres de Théophile (1626), appelle en duel ceux qui seront mécontents des poésies de son ami.

G. Emerson, mathématicien anglais du dix-huitième siècle, ayant commis des bévues relevées par des critiques anonymes, inséra, dans ses Mélanges, l'avertissement suivant : « Si quelque écrivain jaloux, grossier et lâche, s'avise dorénavant de se tapir dans un trou pour m'insulter et provoquer la risée à mes dépens, sans oser montrer son visage, comme un homme de cœur, je déclare que je ne ferai pas la moindre attention à cet animal, et que je le considérerai comme étant même audessous du mépris. »

Au dix-septième siècle, les Italiens attachaient une

Guizot, Histoire de la civilisation en France, 9e leçon.

2 Nous sommes étonnés que cette erreur ait été répétée par M. Artaud, dans la notice qui précède sa traduction d'Aristophane, 1841, in-18.

grande importance aux préfaces, qu'ils appelaient la salsa

del libro.

Ça esté, a dit un romancier du seizième siècle, presque l'argument commun de tous les François qui ont mis leurs compositions en lumière depuis vingt ans, proposer, ou qu'on avoit dérobé leurs copies, ou que l'importunité de leurs amis les forçoit ou contraignoit à l'impression d'icelles. Je sçais combien la modestie et la vergongne sont louables; mais mettre en leur rang une simplicité et défiance de soy, cela m'a semblé tant ridicule et moquable, que je n'ay voulu ne peu en abuser : ores qu'entré aucuns il soit tenu pour opinion et costume 1. »

C'est en général dans les préfaces que les auteurs donnent libre carrière à leur vanité, et quelques préfaces de certains grands hommes de notre temps ne feraient, si nous voulions les citer, que confirmer notre dire. Malebranche s'est fort spirituellement moqué de ce travers.

« Un illustre savant (Gregory), dit-il, qui a fondé des chaires de géométrie et d'astronomie dans l'université d'Oxford, a écrit un gros livre sur les huit premières propositions d'Euclide. Il ne faut pas une heure à un esprit médiocre pour apprendre par lui-même, ou par le secours du plus petit géomètre qu'il y ait, les définitions, les demandes, les axiomes et les huit premières propositions d'Euclide à peine ont-elles besoin de quelque explication; et cependant voici un auteur qui parle de cette entreprise comme si elle était fort grande et fort difficile. Il a peur que les forces lui manquent, si vires et valetudo suffecerint... Il laisse à ses successeurs à pousser ces choses, cætera post me venientibus relinquere... It remer

:

Le Nouveau Tristant, par J. Mangin l'Angevin, Paris, 1354, in fol.

« PoprzedniaDalej »