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du comte fût ôté de cet ouvrage, et que je l'en informai... il me répondit... que quand la chaîne serait aussi grosse et aussi pesante que celle dont il est fait mention dans l'histoire des Incas, il ne détruirait jamais l'autel où il avait sacrifié. Cette fierté héroïque déplut à la reine, qui changea d'avis; et le comte de la Gardie, obligé de reconnaître la générosité de M. de Scudéri, ne lui en fit pas même un remercîment, »

Mentionnons aussi Capriata, historien génois du dixseptième siècle, qui ne voulut dédier l'histoire de son temps à aucun prince; « car, dit-il, il n'y a aucun prince qui ne soit intéressé à ce que je raconte... et l'on pourrait soupçonner que le désir de me procurer les bonnes grâces d'un prince m'a servi de frein pour me faire taire, ou d'éperon pour me faire aller au-delà de la vérité. »

Au dix-septième siècle, le prix commun pour une dédicace était, en Angleterre, de 20 à 40 livres. Depuis la révolution jusqu'à George Ier, la dédicace d'une pièce fut de 10 à 5 guinées, et s'éleva jusqu'à 20 '. C'est ce qui faisait dire à Voltaire que chez nos voisins les auteurs ressemblaient aux capucins qui viennent présenter des salades à condition qu'on leur donnera pour boire. « Les gens de lettres en France, ajoute-t-il, ignorent aujourd'hui ce honteux avilissement; et jamais ils n'ont eu tant de noblesse dans l'esprit, excepté quelques malheureux qui se disent gens de lettres dans le même sens que des barbouilleurs se vantent d'être de la profession de Raphaël, et que le cocher de Vertamont était poète 2. »

• Voyez Dédicace, critique des Dédicaces, traduite de l'anglais de Swift, par Flint, Anglais. Paris, 1726, in-12.

2 Dict. philosophique, art. AUTEURS. Ajoutons pourtant qu'un nommé

Un abbé, Cl. Quillet, dédia au cardinal Mazarin la Callipadia, poème latin sur l'art de faire de beaux enfants. Cette dédicace, qui aurait pu paraître fort inconvenante, valut à l'auteur l'abbaye de Doudeauville'.

Joseph II, pour remercier Klopstock de lui avoir dédié la Bataille d'Hermann, lui envoya son portrait enrichi de diamants, récompense qui aurait été très-flatteuse pour le poète, si le prince n'avait pas jugé à propos d'envoyer un cadeau semblable à un fournisseur juif qui avait livré à l'époque fixée un certain nombre de chevaux.

Il arrivait fort souvent que les auteurs fussent fort mal payés de leurs dédicaces. Claude, érudit espagnol, au neuvième siècle, ayant dédié des commentaires sur la Bible à Théodemir, abbé de Psalmodi, celui-ci, pour tout remercîment, composa un livre où il le réfuta.

« Théodore Gaza, dit Vigneul-Marville dans ses Mélanges, n'eut pour toute récompense d'avoir dédié à Sixte IV le livre d'Aristote, de la Nature des animaux, que le prix de la reliure de son livre que ce pape lui fit rendre. Le Tasse ne fut guère plus heureux en fait de dédicace. L'Arioste, en présentant ses poésies au cardinal

Morlière osa dans une dédicace vanter les vertus et les talents de la Dubarry; c'est le seul exemple d'une semblable bassesse.

On sait que Louis XV refusa la dédicace de la Henriade, mais qu'en revanche le pape Benoît XIV accepta celle de Mahomet.

Ce poème commence ainsi :

Quid faciat lætos thalamos, quo semine felix
Exurgat proles, et amoni gratia vultus;
Sidera quæ lepidas fundant per membra figuras,
Et quæ vis animæ geniali præsit amori,

Quæ decora eximiam pulchro sub corpore mentem
Commendent, clarisque hominem virtutibus ornent,
Hic canere aggredior.

d'Este, en reçut une raillerie qui durera autant que ses ouvrages dans la mémoire des hommes 1. Le pape Urbain VIII crut assez récompenser le poète Bracciolini, d'un grand poème qu'il avait fait à la louange des Barberins, de lui donner le surnom de Monsignor ab Apibus, par rapport aux Abeilles qui sont les armes de cette maison. Cet homme était si sot, qu'il se glorifiait de ce surnom, comme d'un titre de gloire immortelle. Aussi chacun concourant à sa satisfaction, il n'était mention dans Rome que de M. des Abeilles 2.

<«< Un auteur pressé de la faim dédia à feu M. le duc de Roquelaure un ouvrage pour l'exciter à soulager son mal par quelque libéralité. Le duc, qui entendait bien ce qu'il demandait, lui dit qu'il lirait son livre, mais à condition qu'il ferait des croix partout où il trouverait des fautes, et que si le nombre des fautes surpassait celui des bonnes choses qu'il remarquerait, il n'y avait point de récompense à espérer. L'auteur étant revenu quelque temps après, M. de Roquelaure, qui n'avait pas manqué de charger son livre de croix, le lui jeta à la tête, lui disant d'un ton de gascon: Va pauvre diable, ne me parle plus, ton livre est crucifié; ses fautes sont grandes, il l'a bien mérité.

«Notre historien Dupleix, auteur fécond, présentant un de ses livres à M. le duc d'Épernon, ce seigneur lui fit d'abord grand accueil; puis se tournant tout d'un coup vers le nonce du pape, qui était en sa compagnie, lui dit: Cape dedi, monsieur, cet auteur a un flux enragé; il ch..

Messer Lodovico, dove avete pigliato tante coglionerie?

2 Maurice, landgrave de Hesse, récompensa par une épigramme la dédicace que J. P. Lotichius lui fit d'un recueil d'épigrammes.

un livre toutes les lunes: Le nonce, qui n'entendait pas trop le français, prenant la chose sérieusement, s'écriait de toutes ses forces pour faire honneur à Dupleix: Oh! le grand virtuoso. Oh! le grand virtuoso 1. »

Ce fut pour s'éviter de pareils déboires que Scarron, au lieu de s'adresser à quelque grand seigneur, préféra envoyer à la leyrette de sa sœur, « très-honnête et trèsdivertissante chienne, dame Guillemette,» une dédicace fort plaisante dont nous extrayons les passages suivants :

«Encore que vous ne soyez qu'une bête, j'aime mieux pourtant vous dédier qu'à quelque grand satrape, de qui j'irais troubler le repos; car, ô Guillemette, un auteur le livre à la main est plus redoutable à ces sortes de messieurs qu'on ne pense, et la vision ne leur en est guère moins effroyable que celle d'un créancier... Ces mauvaises copies de Virgile et d'Horace... donnent l'immortalité au plus offrant; un brevet de demi-dieu va pour un habit de drap de Hollande... Ce qui console les honnêtes amis des Muses, c'est que ces lâches escrocs ne réussissent pas toujours, et qu'on se passe bien mieux des louanges qu'ils donnent que de l'argent qu'ils demandent. Les grands même ont trouvé l'adresse de ne leur rien donner sans qu'ils puissent s'en plaindre. Les uns disent Apollon vous assiste; les autres leur font civilité et les reconduisent jusqu'à la rue, c'est-à-dire, les mettent hors de chez eux. Il y en a qui rendent de l'encens pour de l'encens et des louanges pour des louanges,

:

1 On connaît aussi quelques tours joués par les auteurs à ceux auxquels ils dédiaient leurs ouvrages. Ainsi Degge dédia son œuvre à l'évêque de Lichfield, pour le remercier d'avoir réparé l'église de cette ville, et celui-ci, qui n'y avait pas touché, se vit forcé de la réparer.

pas un ne les retient à dîner, et c'est là le dernier désespoir du pauvre auteur; car lui qui pensait, ce jour-là, manger de l'entremets ou se traiter opulemment dans quelque cabaret aux dépens du seigneur libéral, est contraint de s'en retourner en son bouge, plus pauvre qu'il n'était de ce qu'il a dépensé à couvrir son livre de velours ou de maroquin du Levant... Je vous dédie donc mon livre, Guillemette, pour la raison que je viens de vous dire, et peut-être pour d'autres que je ne vous dis point. Je pense déjà vous en voir ronger les cordons, vous en battre les joues et les déchirer en faisant mille gambades, qui me satisferont bien plus que le froid accueil d'un grand seigneur, qui ne me saurait point de gré de mon présent, parce qu'il croirait que je lui en demanderais un autre. Maudit soit le poète, tant poète soit-il, qui s'est servi le premier des productions de son esprit comme d'un hameçon. Depuis que les auteurs font les gueux en vers et en prose, l'épître liminaire ne passe que pour une estocade; et quand le Mécénas n'a pas eu la force de la parer, il ne regarde plus celui qui l'a portée que comme le ravisseur de son bien. Un auteur a beau présenter son livre en souriant, celui qui le reçoit n'en devient que plus sérieux, et l'on en a vu quelques-uns devenir plus pâles que des morts à la vue d'un livre qui né leur promettait pas moins que de les faire vivre éternellement. Ils ont grand tort, ces méchants dédieurs de livres, d'aller faire peur, jusque dans leurs chambres, à ces nobles seigneurs; ils devraient considérer que ces dédicaces-là, qui demandent à qui ne leur doit rien, ont quelque chose de plus rude qu'un exploit, et je ne trouve pas étrange que le Mécénas ne prenne pas tant de plaisir à se voir issu d'Hector ou de Sarpédon qu'il a de

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