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vallée, le tout surmonté d'un soleil qui dissipe les nuages, avec cette devise: Illuminat et fœcundat. »

DES DÉDICACES.

Les anciens connaissaient, tout aussi bien que nous, l'usage des dédicaces 1. Écoutez plutôt Martial (Épigram., liv. III, 2):

«< A qui veux-tu, mon livre, que je te dédie? Hâte-toi de choisir un patron, de peur qu'emportés bientôt dans quelque sale cuisine, tes feuillets humides ne servent d'enveloppe aux jeunes thons, ou de cornets au poivre et à l'encens. >>

Dans leurs dédicaces, ils ne rougissaient pas de s'avilir par les plus honteuses flatteries 2.

Au seizième et surtout au dix-septième siècle, les auteurs semblèrent, par leur bassesse, vouloir justifier ce mot de Furetière, que le premier inventeur des dédicaces était un mendiant 3; car peu d'auteurs se contentaient, comme l'historiographe de Henri IV, Olhagaray, « de l'œilladée d'un aspect royal, salaire qu'il implorait à deux

Cicéron, dans une de ses lettres à Atticus, le prie d'examiner s'il fallait décidément dédier ses Académiques à Atticus. « Quoique les noms soient déjà écrits, ajoute-t-il, il est facile de les effacer ou de les remplacer par d'autres. >>

1 Voyez, entre autres, les dédicaces des Silves de Stace.

« Le plus souvent, a dit Voltaire, l'épître dédicatoire n'a été présentée que par la bassesse intéressée à la vanité dédaigneuse. »

mains, et non une statue telle que les Romains dressèrent à Josèphe, ni autres plus pressantes faveurs 1. »

Quelquefois l'auteur n'avait d'autre but, en dédiant son livre, que de se donner un protecteur qui pût le défendre contre les critiques et les satires. Le P. Artésignan, grammairien du seizième siècle, dédia son Térence « à ceux qui lui parurent extrêmement propres à le garantir de la morsure de ses ennemis. >>

Aussi d'Aubigné se moque-t-il fort de ces chercheurs de protection, dans l'épître dédicatoire qu'il fait adresser par le sieur de Sancy à monseigneur le révérendissime évêque d'Évreux 2.

« Ayant délibéré de mettre en lumière ma confession (œuvre que je puis vanter n'être pas publici saporis), je n'ay pas voulu faire comme ces ignorants lesquels ayant quelque œuvre douteux à mettre au vent, cherchent, pour la défense de leur écrit, les uns le roi, qui a tant de choses à défendre; les autres, quelque prince; les autres y emploient des gouverneurs plus soigneux de rescriptions que de rimes, ou les financiers occupés à l'exercice de leur fidélité. Enfin la folie des dédications est venue jusqu'au capitaine d'argoulets (arquebusiers) et coupe-jarrets. Le secours de telles gens sert aussi peu à la défense de ces mauvais petits livres que si on peignoit des bastions aux coins de chaque page, ou si l'on faisoit la couverture à l'épreuve du pistolet. Ces précautions ne défendent pas une mauvaise cause des censures. Mais c'est en votre sein, capable de toutes choses, monsieur mon

'Histoire de Foix, Béarn et Navarre, 1609, in-4.

En tête du mordant pamphlet intitulé: La Confession catholique du sieur de Sancy.

confesseur, que j'ay voulu jetter ce petit avorton, vous ayant ouï (par manière de passe-temps) défendre l'Alcoran de Mahomet et le Talmud des Juifs, avec telle dextérité, que les esprits des auditeurs furent mi-partis, voulans, sans le long voyage qui les fàchoit, ou la pauvreté qui les étonnoit, les uns coiffer un turban, les autres un bonnet orangé. »

Mais le plus souvent c'était de l'argent, des bénéfices, des dîners, des habits ou quelque autre chose de ce genre, que les auteurs avaient en vue; et il n'y avait pas de bassesses auxquelles ils ne se pliassent pour arriver à leurs fins.

« Un auteur, dit mademoiselle de Scudéry, dans ses Conversations sur divers sujets, avait trois épîtres toutes prêtes pour un même livre, pour trois personnes fort différentes en condition et en mérite. Ayant résolu d'employer celle dont il pouvait tirer le plus d'utilité, et faisant ménager cela par une tierce personne. Et, en effet, il dédia le livre à la personne qui lui en donna le plus, quoique de moindre mérite... Un auteur, qui n'est plus, ayant préparé une épître qui pouvait passer pour un grand panégyrique, la supprima, parce qu'avant la fin de l'impression, celui à qui il dédiait le livre fut disgracié... Un homme du Dauphiné, ayant fait le panégyrique du cardinal de Richelieu, et le trouvant mort quand il arriva, il en fit le panégyrique de la reine-mère, Anne d'Autriche. Et j'ai su aussi qu'un auteur, après avoir fort loué un homme vivant, et l'avoir loué justement, il lui ôta toutes les louanges qu'il lui avait données, sans qu'il eût fait nulle autre chose qui l'en rendît indigne, sinon qu'il était mort sans avoir pu donner à cet auteur ce qu'il croyait mériter. Tous ces exemples sont fort particuliers. Mais

on m'en a raconté un assez plaisant d'un nommé Rangouze, qui avait fait un recueil de lettres, qu'il avait fait imprimer sans chiffre; de sorte que le relieur de ce livre mettait celle que l'auteur voulait la première; et par ce moyen, tous ceux à qui il donnait ce volume, se voyant à la tête, s'en croyaient plus obligés. Cela me paraît bien bizarre; et il faut aimer autant à dédier qu'un habile médecin italien, qui, ayant travaillé sur les aphorismes d'Hippocrate, dédia chaque livre de ses commentaires à un de ses amis, et la table à un autre. »>

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Le profit que Rangouze tirait de ses dédicaces était devenu proverbial. «Les Lettres du bonhomme Rangouze, dit Sorel, dans sa Bibliothèque française, peuvent être appelées, à bon droit, lettres dorées, puisqu'il se vantait de n'en composer aucune à moins de vingt ou de trente pistoles. «L'éloquence du sieur Rangouze, dit encore Costar, lui a acquis quinze ou seize cents pistoles depuis huit mois... Par la règle de l'Évangile, un arbre est bon qui porte de si bons fruits. Quand même la fable aurait dit vrai, celui du jardin des Hespérides, dont les poètes parlent tant, valait bien moins, puisque, selon un scholiaste grec de grande foi et d'une grande autorité, cet arbre ne portait les pommes d'or qu'en sa saison et non pas toute l'année 1. »

Bon nombre d'écrivains, comme Rangouze, ne se sont pas bornés à dédier leurs ouvrages à un seul personnage; et la hardiesse de quelques-uns a passé toutes les bornes. Ainsi, l'on vit don Ant. Perez, célèbre par son amour pour la princesse Eboli, dédier un livre au pape, au sacré collége, à Henri IV, et enfin, à tous. Doni dédia chacune

Voyez Bayle, art. RANGOUZE.

des épîtres de son livre, la Libraria, à des personnes dont le nom commençait par la première lettre de cette épître, et fit ensuite, dans une autre épître, la dédicace de toute la collection à un grand seigneur; de sorte que son livre, qui ne se composait que de vingt-cinq pages, fut dédié à plus de vingt personnes.

Politi, dans son Martyrologium romanum (Rome, 1750), mit un nom différent en tête de la Vie de chacun des trois cent soixante-cinq saints du calendrier.

Un certain Duval mit quatre épîtres dédicatoires à son Choix de poésies, publié en 1715.

Le The martyrdome of st. George of Cappadocia, ou le Martyre de saint George de Cappadoce, patron titulaire de l'Angleterre et de l'ordre de la Jarretière, poème publié en 1614, est dédié « à tous les individus nobles, honorables et dignes de la Grande-Bretagne, qui portent le nom de George, et à tous les amis de la chevalerie chrétienne et du nom et des vertus de saint George. »>

Elkanah Settle, raconte d'Israéli, avait des Élégies et des Épithalames imprimés avec les noms en blanc; de sorte qu'à chaque décès ou mariage il faisait remplir les vides immédiatement.

Mademoiselle de Scudéri était en droit de se moquer de tous ces faiseurs de dédicaces, car dans sa famille elle avait trouvé de nobles exemples de désintéressement.

« La reine Christine, rapporte Chevreau en parlant de Scudéri, m'a dit une fois qu'elle réservait pour la dédicace qu'il lui ferait de son Alaric, une chaîne d'or de mille pistoles; mais comme M. le comte de la Gardie, dont il est parlé fort avantageusement dans ce poème, essuya la disgrâce de la reine, qui souhaitait que le nom

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