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dit le premier; les uns ont intitulé leur ouvrage Kerion où ruche, voulant faire entendre que c'était un rayon de miel; les autres Kéras amalthéias, ou la corne d'abondance, afin de vous faire espérer d'y trouver même une gorgée de lait de poule. Arrivent ensuite les livres intitulés les Violettes, les Muses, les Pandectes, le Manuel, la Prairie, le Tableau, la Tablette, tous titres qui pourraient vous faire manquer à l'assignation que vous auriez reçue. Mais une fois entrés là, dieux et déesses, quel vide! Vous n'y trouvez rien. Nos Latins, plus grossiers, intitulaient leurs ouvrages : les Antiquités, les Exemples, les Arts. Les plus plaisants leur donnaient, je pense, le titre de Lucubration, comme cet auteur qui s'appelait Bibaculus et qui passait la nuit à boire. Varron, un peu moins plaisamment, donna à deux de ses satires les noms de Sesculisses (d'Ulysse et demi) et de Flextabula (tableau mobile). Diodore, chez les Grecs, dédaigna ces puérilités, et mit à son ouvrage le titre de Bibliothèque. Apion le Grammairien, que Tibère appelait la Cymbale du monde, et qui pourrait paraître plutôt un mauvais tambourin, prétendait immortaliser ceux à qui il écrivait."Pour moi, je ne regrette point de n'avoir pas imaginé un titre plus piquant, et pour qu'on ne croie pas que je poursuive sans cesse les Grecs, j'imite en cela ces créateurs de la peinture et de la sculpture, qui inscrivaient au-dessus des chefs-d'œuvre les plus parfaits, de ceux même que nous ne pouvons nous rassasier d'admirer, cette inscription d'attente : Apelle faisait, Polyclète fuisait 1. »

« Comme c'est dans la campagne de l'Attique, dit

'Histoire Naturelle, l. 1, p. 45-47, traduction de la collection Panckoucke.

Aulu-Gelle, pendant les longues nuits d'hiver, que je me suis amusé à écrire ce recueil, je l'ai intitulé: Nuits attiques. Je n'ai pas imité, comme on voit, le raffinement que les auteurs de productions analogues en latin ou en grec mettent ordinairement dans le choix de leurs titres. Après avoir rassemblé mille connaissances, qui forment un mélange varié et confus, ils s'étudient à trouver des titres ingénieux, dont le sens réponde à la nature du livre. Ainsi, l'un publie des Muses, l'autre des Silves; celui-ci met au jour le Voile, l'autre la Corne d'abondance; d'autres appellent leurs recueils la Ruche, la Prairie, Mes lectures, Lectures antiques, le Parterre, Découvertes; d'autres prennent pour titres les Flambeaux, Bigdrrures, Pandectes, Problèmes, le Poignard, le Petit Poignard. Ailleurs on voit: Souvenirs, le Maître de conduite, Passe-Temps, l'École, Histoire de la Nature, Histoire de toute espèce, le Pré, le Verger, Lieux communs. Plusieurs ont fait paraître des livres de Conjectures. On a vu enfin des Épîtres morales, des Recherches épistolaires, des Recherches mêlées, et bien d'autres titres piquants d'une élégance recherchée et coquette 1. »

Les auteurs latins du moyen âge ne paraissent pas avoir recherché des titres ambitieux. Le mot Miroir (speculum) semble avoir été assez à la mode. C'est sous ce titre que Vincent de Beauvais publia ses volumineuses compilations.

Rien, au contraire, n'est plus obscur ni plus ridicule que les titres des ouvrages juifs ou orientaux.-Qui pourrait comprendre que le Cœur d'Aaron est un commentaire sur les Prophètes? Une introduction au Talmud porte le

Nuits Attiques, préface, traduction de la collection Dubochet.

nom d'Os de Joseph. Le Jardin des Noix et les Pommes d'or, sont des livres théologiques, tandis qu'un rituel s'appelle le Grenadier en fleur; un rabbin publia un catalogue d'écrivains rabbiniques, sous le titre de Lèvres des dormants, faisant allusion à un passage du Cantique des Cantiques.

Nous citerons encore le Vêtement royal, divisé en dix habits, de Mardochée; le Livre du Droguiste, d'Éléazar, ouvrage qui n'est autre chose qu'un traité de l'amour de Dieu, et enfin un commentaire de Manassès de Lonzano, intitulé Les Deux Mains (la main du pauvre et la main du roi). Chaque main est divisée en cinq doigts.

Eutychius, patriarche melchite d'Alexandrie au dixième siècle, intitula Enchainement de pierres précieuses son histoire universelle. L'odeur de roses de Damas, de Soyouthi, est une histoire de quelques compagnons de Mahomet, qui ont vécu cent vingt ans. Le Fils de quarante ans pour la Prudence, de Zacuth, est un ouvrage d'astrologie. Le Printemps des Justes, de Zamakhschari, est un recueil de farces. —Abd-Errezak a publié une histoire de Tamerlan sous le titre de l'Ascendant des deux heureuses planètes et la réunion des deux mers. - Enfin deux ouvrages de droit du célèbre jurisconsulte turc Ibrahim, sont intitulés : Pierres précieuses et le Confluent des mers.

Ce n'est guère qu'à partir du quinzième siècle que les titres des écrivains de l'Occident devinrent au moins aussi alambiqués et aussi bizarres que ceux des Orientaux, et ce que nous dirons des écrivains français s'appliquera, bien entendu, aux auteurs des autres pays.

Les titres, à cette époque, pouvaient souvent servir de prospectus comme les suivants :

Le grand Nauffrage des folz qui sont en la nef d'Insipience nauigeans en la mer de ce monde, liure de grant effect, profit, utilité, valeur, honneur et moralle vertu, a l'instruction de toutes gens lequel liure est aorné de grand nombre de figures, pour mieulx monstrer la follie du monde (trad. du latin de Brandt). Paris, Denys Janot (sans date), in-4 goth.

Le Parement et le Triomphe des dames d'honneur, Paris, 1510, in-fo, par Marchand. Ce livre est divisé en vingt-six chapitres, qui portent chacun le nom d'un ajustement de femme : les Pantoufles d'humilité, la Robe de beau maintien, etc.

Le Blason des danses où se voyent les malheurs et ruines venant des danses, dont jamais homme ne revint plus sage ni femme plus pudique. Beaujeu, 1566, in-8, par Paradis.

C'était surtout aux ouvrages de dévotion que nos aïeux tenaient à mettre des titres singuliers.

Jean Massieux, prêtre de Nantes, prenant pour sujet de ses méditations les antiennes qui se chantent dans l'Avent de Noël, et commencent par 0, publia: la Doulce Mouellé et saulce friande des saints savoureux os de l'Avent, Paris, 1578, in-8.

On connaît, d'un écrivain ascétique, nommé Dumont : Le Décrottoir de vanité, Douai, 1581, in-16;

Les Lunettes spirituelles, ibid., 1587, in-8;

L'Oreiller spirituel, nécessaire pour extirper les vices et planter la vertu, ibid., 1599, in-12.

C'est certainement la première fois que l'on s'est servi d'un oreiller pour extirper et pour planter.

Philippe Bosquier, religieux récoliet flamand, publia à

Mons, en 1588 ou 1589, in-12, une tragédie intitulée : le Petit rasoir des ornements mondains.

Citons encore :

Chante-pleure d'eau vive, Paris, 1537, in-fol.

Les Allumettes du feu divin, par T. Doré, Paris, 1538, in-8. Le titre d'allumettes fut très à la mode pendant longtemps, car il figure en tête d'un assez grand nombre d'ouvrages mystiques.

La Tabatière spirituelle, pour faire éternuer les âmes dévotes vers le Sauveur.

La Seringue spirituelle, pour les âmes constipées en dévotion, par un missionnaire, Paris, sans date, in-8.

M. Peignot, dans son Livre des singularités, p. 366, a cité les passages suivants de la Seringue spirituelle, où le dévot missionnaire apostrophe fort durement les femmes qui se fardent : « Vilaines carcasses, cloaques d'infection, bourbiers d'immondices, n'avez-vous pas honte de vous tourner et retourner dans la chaudière de l'amour illicite, et d'y rougir comme les écrevisses lorsqu'elles cuisent, pour vous faire des adorateurs?»>

Ce fut au dix-septième siècle que les titres des ouvrages de dévotion furent les plus extravagants. On pourra s'en faire une idée par l'énumération suivante :

Antithèses ou Contre-pointes du ciel et de la terre, Paris, 1608, in-8, par Levasseur, théologien.

La Pieuse Alouette, avec son tire-lire; le petit Cors et la plume de notre Alouette sont chansons spirituelles (par le P. Autome de la Cauchie ou de la Chaussée), Valenciennes, 1619,2 vol. in-8.

Le Pain cuit sous la cendre, apporté par un ange au

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