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rure en diamants, que je trouvais fort chère; vous lui direz aujourd'hui qu'il la fasse, qu'il la fasse au plus vite, et du plus beau. Allez !

V

MORALITÉ.

Corinne en est revenue à ne plus aimer que le comte, son mari.

Henriette DE MORTVAUT.

LES VOISINS DES MUSICIENS.

SILHOUETTES.

Si le Diable boiteux venait de nos jours soulever les toitures des maisons, il ne verrait que fort imparfaitement les scènes de mœurs dont elles sont le théâtre. En effet, avec ses sept étages, toute maison parisienne est un monde, dans lequel on trouvera bientôt autant d'individus qu'il y a d'êtres vivants dans un verre d'eau.

Le plus grand inconvénient de cette cohabitation forcée, c'est l'influence du voisinage. Le moyen de vivre paisiblement à côté d'un forgeron, d'un cordonnier, d'un batteur d'or ou d'un bureau de commissionnaire au montde-piété ? Vous aurez sans cesse la tête rompue par le bruit des outils, le va et-vient des clients, et les jurons des ouvriers qui, en fait de dialecte, ont toujours préféré l'énergique au gracieux.

Mais le fléau le plus terrible pour la paix intérieure, la calamité domestique la plus digne de la compassion publique, c'est le sort de tout esprit sérieux et rêveur logé à côté d'un musicien quelconque, et obligé de supporter sans mot dire les trilles, points d'orgue, essai de vocalisation et échantillons d'ut de poitrine qu'il plaira au voisin dilettante d'émettre pour le plus grand perfectionnement de son gosier. Le premier jour, on écoute... Il y a quelques beaux passages, presque toujours les mêmes. Si c'est une basse, vons entendez: Nonnes! qui reposez, etc.; si c'est un ténor; O Mathilde ! idole de mon âme! Le second jour on trouve cela moins agréable; mais après une semaine d'audition il y a de quoi devenir étique !... Il existe peu de tempéraments susceptibles de braver ce traitement un mois entier.

J'ai connu un pauvre diable d'homme de lettres qui, en 1835, demeurait dans la maison de Levasseur, la basse de l'Opéra. L'infortuné avait eu l'imprudence de souscrire un bail pour son appartement.

Q mon ami! me disait-il, cet homme me tue, il m'empêchera de parvenir; il a juré d'anéantir mon avenir.

- Comment cela? demandai-je. M. Levasseur t'a-t-il desservi dans l'esprit des géants de journaux? A-t-il mal parlé de toi aux éditeurs?

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rerie. Il m'a appris que cet exercice lui avait été recommandé par un médecin italien, lequel prétend que l'heure du repos corporel est la plus favorable à l'extension des organes vocaux. Aussi est-ce dans son lit, couché, la tête et le dos soutenus par trois oreillers, qu'il entonne tour à tour la musique de Mozart et celle de Rossini. O mon ami! cet homme me sera funeste. Moi, qui ne sais travailler que la nuit, je ne trouve plus chez moi le repos nécessaire à la méditation.

Je quittai mon pauvre auteur en lui donnant le conseil de rompre son bail à l'amiable s'il pouvait y parvenir, même avec des concessions; l'infortuné me répondit qu'il avait tenté inutilement de recouvrer par ce moyen sa liberté d'esprit, et que toutes ses tentatives avaient été

vaines.

Je fus deux ans sans revoir ce bon camarade; un voyage et des affaires pressantes nous séparèrent malgré nous. | Néanmoins, à la fin de la première année de notre séparation, je remarquai avec une surprise mêlée de joie son nom mêlé dans les journaux. Plus tard il obtint dans la littérature les succès que faisait présager sa vive et chaleureuse intelligence, et l'opinion publique, ce juge impartial des œuvres de l'esprit, le classa au premier rang des écrivains contemporains.

Un jour je le rencontrai sur le boulevard. Il était mis comme un prince et se faisait trainer, avec une gravité de pacha à trois queues, dans une calèche conduite par un nègre.

Eh! est-ce possible! me dit-il en m'apercevant : est-ce toi?

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Non, me répondit avec un très-grand flegme mon illustre ami, il ne me gêne plus du tout, il s'est acheté une maison.

Pendant que Rossini habitait le boulevard Montmartre, il eut quelque temps pour voisin un jeune pianiste qui passait le jour et souvent la nuit à faire des études. Le pauvre garçon parcourait les gammes avec un acharnement digne d'un meilleur sort. Il jouait faux à chaque minute. Rossini, alors occupé à des travaux lyriques, le Comte Ory, je crois, ne put résister longtemps à cette affreuse discordance. Un jour il se rendit chez le jeune homme qui ne le connaissait pas.

Monsieur, lui dit-il, voulez-vous me céder votre

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Le pauvre garçon y consentit, et Rossini s'en alla enchanté de son marché.

Les trois premiers jours la paix était revenue prendre possession du domicile du maestro: plus de gammes fantastiques, plus de notes fausses, plus de sonates échevelées, plus d'improvisations à coups de pouce!... le locataire indemnisé faisait un scrupuleux relâche.

Mais, o surprise! le quatrième jour, qui l'eût cru? le fatal piano retentit de plus belle, d'une façon toute charivarisée, plus bruyante que toutes les symphonies modernes, plus discordante que les aubades données aux jeunes mariés de cinquante ans, et, chose inouïe! ce tintamare dura six heures.

Rossini courut chez son voisin. Il le trouva au clavecin, trempé de sueur, le front rouge, les yeux en feu. Il paraît, lui dit le compositeur, que vous êtes de parole?

Elle est venue, répondit le jeune homme, oh! elle est venue! C'est égal, j'ai eu bien de la peine. Qui est venu, dites done?

Elle! elle!

Et mes 200 francs?

Oh! tenez, les voilà, monsieur, reprenez-les. Je ne déménagerai pas; je ne pourrai pas déménager... car elle ne viendrait pas où j'irai; elle ne pourrait pas entendre le son de mon piano, notre signal convenu.

- Mais de qui donc parlez-vous?

Le pianiste en herbe montra alors du doigt une fenêtre située dans la cour de la maison voisine. A cette fenêtre et derrière un rosier, se cachait une jeune fille si gracieuse, si vermeille, si fraîche, qu'on aurait pu croire, à la voir ainsi penchée sur l'arbuste en fleurs, que ce n'était qu'une rose de plus...

Rossini comprit alors les regrets de son jeune cessionnaire. Pendant les trois jours de silence du piano, la belle amie, se croyant délaissée, n'avait pas reparu. L'amour seul était coupable de la rupture des conventions; et le moyen d'attaquer l'amour en dommages-intérêts!

L'aimable compositeur ne voulut point rompre sa liaison avec sa nouvelle connaissance; pour son repos, il fit donner à son voisin des leçons gratuites par un célèbre pianiste de ses amis; le jeune homme ne joua plus faux, et le charmant objet de sa patiente flamme, vaincue par ses progrès mélodieux, n'hésita plus à lui donner sa main.

Au reste, les artistes ont depuis longtemps cherché à s'affranchir de voisinages qui peuvent être gênants pour eux ou hostiles au repos de leurs colocataires. Notre premier ténor, Duprez, a acheté un hôtel, j'allais dire un palais, dans la rue Rochechouart; il y a fait construire une tente de style arabe, ouverte à tous les vents, et là, à l'abri des fâcheux et des indiscrets, il perfectionne chaque jour, par des expériences personnelles, l'admirable méthode dont il est le fondateur.

Mario est logé dans un jardin. Dérivis a eu longtemps un appartement spécial pour chanter, son propriétaire lui ayant interdit les grands morceaux dans sa localité. Et Serda, la basse dont la voix est la plus éclatante de l'Europe, était obligé d'envoyer les nonnes du couvent de Sainte-Rosalie au milieu des prés Saint-Gervais, pour ne pas troubler la paix publique.

On nous a raconté dernièrement une fort singulière aventure. Un artiste de l'Opéra loge au-dessus d'un honnête rentier dont la femme cultive le piano; des deux côtés il y a talent, sentiment musical, et pourtant il n'y a pas harmonie entre l'étage inférieur et l'étage supérieur; dès que l'un chante, l'autre chante aussi... Les murs sont minces, il s'opère une fusion désagréable pour les parties exécutantes: supposons que la dame chante A ma voix qui supplie Laissez-vous attendrir, Rendez-moi ma patrie Ou.....

de suite le chanteur d'en haut entonne Sonnez, sonnez,

Clairons, sonnez musettes,

ce qui évidemment est un accompagnement difficile à soutenir. Le citadin ne s'est pas tenu pour battu. Il vient d'adopter un nouveau système de vengeance. Dès que l'artiste chante le rôle qu'il doit jouer le lendemain, mon homme prend sa canne, monte sur une table et frappe au plancher à contre mesure.

Les chanteurs italiens sont des voisins supportables. Baroilhet, qui n'est pas encore fixé sur le palais qu'il achètera, n'a jamais fait donner congé à personne. Il chante très-bas, il fredonne, comme disent les membres du Caveau. Mario a un son de voix si doux que personne ne doit s'en plaindre, surtout lorsqu'il chante la sérénade de Don Pasquale. Quant à Lablache, il est magnanime comme le lion, il n'abuse pas de sa force.

Terminons cet article par une anecdote peu connue. Un jeune étranger, riche, romanesque comme tout étranger doit l'être lorsqu'il vient dépenser son revenu et parfois son capital à Paris, entendait chanter à côté de lui d'une façon délicieuse, une charmante voix de femme, s'il vous plaît, tendre, persuasive, mélodieuse... Plus de doute, se dit-il, c'est quelque grande cantatrice qui loge ici incognito; si je pouvais la voir!

Au même instant une nouvelle voix, voix de basse, grave et profonde, se fit entendre... Diable! se dit notre homme, cela me dérange, la diva est en puissance d'époux; c'est égal, je la verrai.

Et notre étranger s'établit en sentinelle vigilante, guettant la sortie de ses voisins. Vers neuf heures du matin il vit partir un beau cavalier, à la physionomie franche et spirituelle, belle tête encadrée de favoris d'ébène, mais de dame, point. Elle est donc seule, se dit-il; entrons, je la verrai du moins.

Et l'indiscret franchit cet asile mystérieux... O surprise! point de femme: rien, ni robes, ni chapeaux élégants, ni guipures, ni dentelles. Point de ces jolies bagatelles qui dénotent la présence d'une dame; notre étourdi ne savait que penser.

Sa surprise se comprend facilement : tout le monde ne sait pas que ce voisin a une voix admirablement disposée pour les tours de force et qu'il a chanté en Italie, habillé en femme, un rôle de soprano fort important, en l'absence de la prima donna, au milieu des applaudissements du public.

Ce voisin à la voix en partie double, vous le connaissez bien, lecteur, c'est il signor Tamburini.

Léo LESPÈS.

--

TABLETTES.

Théâtres. Vive les artistes de mérite pour disposer favorablement du public! Alizard subitement incommodé à l'une des dernières représentations de Bélisaire, a prouvé l'exactitude de cette assertion. La représentation de l'opéra de Donizetti étant impossible par suite de l'indisposition de son principal interprète, les spectateurs ont bénévolement accepté le dernier acte de l'ouvrage et le songe du comte d'Egmont, par Laborde, revêtu du costume d'Alamir; triste compensation sans doute, mais ce n'est pas la première fois qu'on fait de nécessité vertu.

Le nom de Mme Damoreau avait rempli la salle, vendredi; le succès de l'admirable artiste dans cette soirée aurait suffi pour la placer au premier rang des merveilles du chant, si depuis longtemps déjà sa réputation sur ce point n'eût été européenne.

M. Artot qui partage tous les triomphes de Mme Damoreau, s'est montré dans cette soirée digne d'être associé aux ovations dont on a honoré l'aimable virtuose.

Quelque difficile que puisse paraître un succès près de ces célébrités, les artistes de la troupe ont prouvé cependant qu'ils pouvaient y prétendre. Hermann dans le rôle de Bazile, et Bellecour dans celui de Bartholo du Barbier de Séville ont su très-convenablement seconder Mme Damorcau.

Altairac est toujours roide, sous le rapport de la voix et sous le rapport du jeu. C'est toute unc éducation à faire et le précepteur qui s'en chargera gagnera bien ses émoluments.

M. Rommy, baryton du théâtre d'Anvers, engagé à Bordeaux pour l'année prochaine, a rempli le rôle de Figaro, c'est un bel homme. Là doit se borner notre éloge; un peu du beau ciel du Midi à ce Monsieur.

Dimanche, Moïse. S'il s'agit seulement du jeu et de la science musicale, Hermann-Léon et Mad. Dufflot sont parfaits; mais ils laissent beaucoup à désirer sous le rapport de la voix, et malheureusement, si pour faire un civet il faut d'abord un lièvre, pour un artiste d'opéra il faut de la voix.

Lundi, le Tyran Domestique; pis-aller que le public accepte littéralement comme tel. Dans Giselle, qui terminait le spectacle, le couple Page et Mad. Guillemain ont été applaudis, le reste est ce que vous savez et que vous désirez comme nous voir renouveler l'an prochain.

Mercredi, le bénéfice de Mad. Damoreau. Il est peu probable qu'avec nos mœurs paisibles nous puissions nous faire jour à travers la foule qui se presse déjà pour entendre l'admirable fauvette; si nous sommes assez heureux pour être au nombre des favorisés, nous vous le dirons dans le prochain numéro.

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Malgré tout ce que l'on dit des manches plates, on n'en fait pas d'autres ; quelquefois on entoure le haut du bras d'un ornement, mais la manche plate unie est fort permise.

Les manches courtes ne descendent que jusqu'au milieu du haut du bras, à trois doigts au-dessus du coude; les garnitures qui les entourent doivent avoir peu de volume; elles retombent toujours dans la manche plate.

Comme les garnitures de bal, si nous recherchions dans les modes adoptées il y a vingt ans, il me semble que nous trouverions de fort bonnes idées. A cette époque, les jupes étaient étroites et garnies par le bas, tout autour. On faisait des bouillons de tulle ou de crêpe agrafés par des pattes de satin, de velours ou de fleurs; quelque chose assez joli est un bouillon percé par des ronds d'où sortent des espèces d'anneaux en satin ou en velours. Cette garniture, demi-plate et demi-bouffante, a toute la légèreté d'une grande transparence.

Pour le matin, sur les chapeaux de ville, au lieu des coques en ruban qui sont devenues communes, on pose un bouillon de velours qui fait guirlande, et qui est d'assez bon goût. Un très-beau voile de dentelle noire est joli sur un chapeau de velours.

Sous la passe des chapeaux, les femmes qui ont beaucoup de papillotes ne mettent rien; celles qui portent des bandcaux, mettent des coques de ruban aplaties, mais on ne voit plus de fleurs.

Les bonnets du soir peuvent être aussi simples que ceux du matin, s'ils ont un peu de coquetterie, un joli ruban, une fleur posée avec grâce, tout est bien. Le fond, qui se rapproche des fonds Paysanne, ne tombe pas trèsbas sur la nuque, non plus que la passe; tout l'ensemble du bonnet dégage la tête; le tulle bouillonné fait de jolies garnitures nuageuses, dans lesquelles on place quelques petits noeuds de gaze, formés par des coques rapprochées. Le mélange des couleurs est admis. Deux nuances de jaune, deux nuances de vert, cerise et rose, bleu et rose, blanc et cerise, pistache et rose turc.

Les fleurs conviennent moins aux bonnets de demitoilette que des rubans.

Quelques femmes très-élégantes affectionnent les fleurs naturelles pour coiffure. C'est une grande et coquette recherche; on monte pour cela de petites guirlandes délicates en bruyères, en plantes de serres, en violettes et œillets. Avec le bouquet Sévigné pareil, on se fait une charmante toilette avec la plus simple robe.

Les cheveux nattés forment une couronne un peu ouverte qui paraît au sommet. Il y a des personnes qui font descendre à droite et à gauche les extrémités de la couronne presque sur le cou; de sorte qu'en même temps la coiffure est très-basse et un peu élevée.

Les cols sont toujours très-petits. Soit qu'on les porte avec une amazone ou une redingote ordinaire, ils n'ont environ qu'un ou deux doigts de largeur; les cols sont très-négligés, il n'y a pas de cols pour le soir.

Les manchettes à un ou deux rangs, tombantes, ont remplacé les manchettes plates; elles se portent le matin comme le soir.

Les pèlerines sont passées de mode; elles ne sont pas ridicules, et les personnes qui en ont de belles les portent encore; mais on n'en fait pas de nouvelles.

UNE ITALIENNE.

Dans un quartier désert de Vienne s'élevait en 1630, un vieux monument que les siècles avaient couvert d'une mousse brune et sombre comme une nuit d'hiver. A voir ces murs noircis par le temps, ces longues voûtes silencieuses et désertes, ces vastes galeries que ne troublait aucun bruit, on eût pensé se trouver dans l'intérieur d'un cloître depuis longtemps abandonné.

Cependant il n'était peut-être pas, dans toute l'Allemagne, un scul lieu sur lequel l'Europe fixât davantage les yeux. De ce couvent sortait la politique désastreuse qui avait soulevé les guerres avec Gustave-Adolphe et ruiné l'Empire. Le palais impérial de Ferdinand II, le sombre et mystérieux château de Prague où régnait Waldstein, étaient moins agités que cette retraite si tranquille en apparence.

Le son d'une cloche fit enfin sortir de son repos le couvent de Sainte-Marie. Des religieux, vêtus d'une robe grise, les pieds nus, à peine garantis par des sandales de cuir, la taille entourée d'une corde roulée en torsades jusqu'au bas de leur robe, descendirent en silence d'un large escalier de pierre. Ils s'avancèrent à pas lents vers une petite porte et s'arrêtèrent. Alors le bruit de leur marche cessa de retentir sous ces vastes corridors; tout retomba dans le même repos. On se sentait l'âme glacée. Ces moines immobiles, le visage caché par une cagoule, | ressemblaient à des statues de marbre dans l'immensité de ces ténèbres.

Tout à coup la petite porte s'ouvrit, les moines s'agenouillèrent. Au fond d'une vaste galerie s'élevait un autel richement décoré, qu'éclairaient des torches de résine. se tenaient Deux pages, portant un flambeau d'argent. debout et précédaient une femme qui s'avança lentement appuyée sur le bras d'un moine. A leur approche, les frères chantèrent à voix basse un verset de la Bible; tous deux traversèrent en silence cette foule de religieux prosternés sur deux rangs. Enfin ils arrivèrent dans un oratoire éclairé seulement par deux flambeaux. Les pages se retirèrent; la jeune femme se laissa péniblement tomber dans un fauteuil, et le vieux moine qui l'accompagnait s'appuya sur le dossier. Quelque temps ils demeurèrent sans parler; ils semblaient hésiter à commencer cette conversation:

Waldstein est aux portes de Vienne, dit enfin la jeune femme d'une voix sourde.

tience.

-

Je le savais, répondit froidement le moine.

Il m'a aimée, reprit la jeune femme en retombant sur son fauteuil. Il est trop faible pour ne pas écouter aveuglément les conseils de l'ambitieux Waldstein. Il faut le prévenir.

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-

Encore un crime? murmura Kettina en frissonnant.
Non. Écoutez-moi. Il est un moyen de perdre
Waldstein; c'est de le forcer à licencier son armée.
Il n'y consentira jamais.

Il faut que l'Empereur l'y contraigne; il faut qu'aujourd'hui même vous repreniez tout votre empire sur Ferdinand. Eh quoi! vous restez abattue quand il s'agit en ce moment de votre destinée, du trône impérial? Frappons le dernier coup. L'Empereur doit venir vous visiter aujourd'hui; eh bien! peignez-lui Waldstein comme un homme dangereux; rappelez-lui que pour le tirer de sa retraite il a fallu le nommer général de la Baltique, duc de Mecklembourg, et lui donner dans l'Allemagne un pouvoir égal à celui de l'Empereur. Faites qu'il tremble pour sa couronne, qu'il ait encore foi en vos conseils et Waldstein est perdu.

Ah! vous me rendez l'espérance, Luggielli. Ce matin, Manfrid, la sœur de Waldstein, est venue me proposer une alliance avec son frère.

-

Se peut-il? fit le moine avec étonnement.

Waldstein l'ignore, mais Manfrid m'a garanti sa parole. Si je consens à laisser son frère conserver tout pouvoir dans l'Allemagne, il ne s'opposera plus à ce que je règne sur Ferdinand, sur sa cour. Nous serons tous deux maîtres de l'Empire.

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--

Et vous avez accepté, demanda Luggielli?

Pas encore accepté, répéta Kettina.

Toute alliance est impossible entre nous deux, continua le moine, vous vous êtes laissé surprendre. Mais, dit Kettina d'une voix basse, si je puis régner avec Waldstein derrière le fantôme de Ferdinand II. Régner! reprit Luggielli avec un sourire amer. Oui, régner, s'écria celle-ci en regardant fixement le moine; ce mot, c'est la pensée de toute ma vie. Vous le savez, mon Père, vous qui avez reçu mes premiers aveux, lorsque jeune Italienne, j'ignorais encore l'avenir brillant qui m'était destiné; vous le savez, l'ambition fut toujours la passion qui me dévora. Pour elle, j'ai quitté Florence, ma belle patrie; pour elle, j'ai su étouffer mon cœur; pour elle, depuis huit ans j'ai feint un amour que je n'éprouvais pas. Ce que j'étais, vous le savez, Luggielli, j'étais la fille du comte de Morena; ce que je suis devenue? oh! mon Dieu! unc pauvre femme déshonorée aux yeux de tous, adulée par des courtisans qui me mé

Mais il n'est pas seul, s'écria celle-ci avec impa- | prisent, qui me chasseraient demain si leur maître venait

Je le savais encore, repartit avec la même insouciance son compagnon; ses soldats l'accompagnent. Ah! reprit la jeune femme en se levant rapidement, votre calme m'irrite, Luggieli. Au moment où la guerre vient de se ranimer par la victoire de GustaveAdolphe, lorsque tout me faisait espérer la défaite, la mort de Waldstein, mon plus cruel ennemi, j'apprends son arrivée aux portes de Vienne. Luggielli, mon pouvoir a toujours pâli devant cet homme.

L'Empereur le hait, répondit le moine; et il vous aime, Kettina...

2 ANNÉE 1843.

à mourir; mais il me fallait le pouvoir, il me fallait un trône. Je suis aujourd'hui Kettina, la favorite, la maitresse de Ferdinand II, empereur d'Allemagne; il faut qu'un jour je sois Kettina l'impératrice d'Allemagne. Pour atteindre ce but, il me fallait renverser le pouvoir de Waldstein; j'ai allumé cette guerre terrible avec la Suède, et Waldstein est plus puissant que jamais, je recule devant cet homme. J'aime mieux lui tendre la main.

- Et vous vous perdez ainsi ! Le duc de Mecklembourg se servira de votre crédit tant qu'il pourra lui être utile. Il vous brisera dès qu'il pourra s'en passer. Il vaut mieux un ennemi déclaré qu'un ennemi secret.

12 MÉLANGES.

Me faut-il donc refuser? demanda Kettina. Oui, refuscz. Forcez l'Empereur à dicter au fier Waldstein l'ordre de licencier. ses troupes : c'est le seul moyen de le perdre.

Vous avez raison, mon Père. Allons, mettons en jeu notre bonne et vieille politique italienne qui nous a servie tant de fois.

En ce moment, des pas se firent entendre sur les dalles sonores de la galerie. Kettina feuilleta la Bible placée sur le prie-Dicu. La porte de l'oratoire s'ouvrit, l'Empereur parut; l'Italienne se leva et vint saisir l'une de ses mains. Ferdinand paraissait agité. Son visage pâle et maladif paraissait plus sombre que de coutume. Loin de presser sa maîtresse sur son cœur, sa main la repoussa par un mouvement d'humeur.

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Avant de m'éloigner, sire, lui dit-elle, j'avais à vous remercier des bienfaits dont vous m'avez comblée.

Vous les conserverez, madame.

- Vous m'avez nommée duchesse de Clèves, vous m'avez élevée jusqu'à vous. Ah! Ferdinand, continua-t-elle d'une voix douce et pleine de larmes, vous souvient-il de ce voyage que vous avez fait à Florence? Comme vous étiez beau. Quand je vous aperçus, oh! que je sentis que je vous aimerais toujours : cc fut mon malheur.

- Chère Kettina !

- Puis, plus tard, reprit l'Italienne, en s'agenouillant devant son amant et l'entourant de ses bras, vous êtes monté sur le trône; je vous ai suivi, regrettant les jours où vous n'appartenicz qu'à moi. Alors vous m'avez forcée de recevoir des titres, des honneurs ; de prendre part aux affaires, moi qui ne voulais que votre amour, et le soir vous veniez près de la pauvre Kettina vous délasser de ces graves affaires. Tu t'en souviens encore, n'est-ce pas Ferdinand? tu ne m'as pas oubliée?

- T'oublier! toi cher Kettina, oh! jamais... C'est que votre front étaitsi sévère, fit celle-ci d'un ton de reproche plein d'amour.

-

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- L'infâme! s'écria l'Empereur, il le paiera de sa tête. Il vaut mieux anéantir sa puissance, dit Kettina, le forcer à licencier les troupes qu'il vient d'amener aux portes de Vienne, et qui vous tiennent prisonnier dans votre capitale. Ferdinand, il n'est qu'un moyen d'échapper à ce piége, c'est de signer son arrêt d'exil.

L'Empereur hésitait; Luggielli joignit ses efforts à ceux de l'Italienne. Leur voix était si persuasive, le danger paraissait tellement imminent, que Ferdinand signa. Pauvre roi! trop faible pour gouverner lui-même, il obéissait à ses sujets. Il remit à sa maîtresse l'ordre qui exilait Waldstein, et lui enjoignait de licencier ses troupes. Enfin il sortit de cet appartement appuyé sur le bras de Luggielli. Kettina l'emportait encore une fois ; elle resta seule dans l'oratoire, écoutant avec attention si Ferdinand ne revenait point.

N'entendant aucun bruit, elle s'avança rapidement vers la fenêtre et se pencha pour regarder dehors; puis poussant un ressort secret qui était caché dans le mur, elle ouvrit une petite porte recouverte par de vastes draperies.

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Je n'ai rien de caché pour vous, reprit Kettina. Je vous ai prouvé ma confiance en vous faisant le confident de mes pensées, en vous chargeant de surveiller Waldstein, vous, son secrétaire. Quel garant avais-je de votre loyauté?

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Ne m'en parlez jamais, madame, il y a du sang entre nous deux.

Toujours ce secret que vous avez refusé de me faire connaître.

Que vous importe, madame? Tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il est vrai que j'ai aimé Manfrid; que je l'aime encore; mais que je hais Waldstein, et que, pour satisfaire ma vengeance, je sacrifierai mon amour.

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