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Ils entrèrent dans le jardin sur la gauche s'élevait une sorte de petit kiosque champêtre ouvert à tous les vents, dont le dôme en chaume reposait sur des colonnes de bois non dégrossi. « Venez, dit de Volfart, nous refaire un peu là... Voyez, l'on avait raison... quelle imprudence! »

Une éclaircie douteuse, faiblement rougeâtre, comme le reflet d'un incendie éloigné, s'était faite dans le ciel; le vent soufflait avec une nouvelle force, et tout le ciel fondait. Le jardin inculte, bouleversé, gorgé de hautes plantes parasites, avait l'aspect d'un cimetière abandonné.

Ils étaient entrés sous le kiosque : « Décidément, quelqu'un est venu ici avant nous, Jamston, dit de Volfart, toujours avec le même accent monotone.... Voyez.... ou plutôt, touchez sur cette chaise de bois.... un manteau....>>

Que voudrait dire cela! murmura hypocritement le cauteleux Jamston.

Ce que cela veut dire? répondit de Volfart d'une voix sourde qui semblait venir du fond des entrailles... Cela veut dire qu'il y a longtemps que je vous comprends! cela veut dire, mon Dieu! qu'en ce moment, Mme de Volfart est, comme vous dites, vous autres Anglais, en criminelle conversation avec un M. Roger de Préval, dont voici le manteau... Ah! Jamston! Jamston! comme vous m'avez bien conduit peu à peu jusqu'ici, tout innocemment; honnête homme! je vous en remercie!... Sur mon honneur, la lettre anonyme avait raison, aussi vrai qu'elle est de vous, et que je vous en remercie, aussi d'elle!... Ah! ce que cela veut dire ? simplement, que vous m'avez prêté ceci... - Jamston vit le poignard briller au poing de Volfart, encore mieux!...

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et que je vous en remercie

De Volfart... que dites-vous là... je ne comprends pas... balbutia Jamston, se sentant tout à coup saisi d'un tremblement étrange...

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Disant ce dernier mot, de Volfart planta vigoureusement le poignard jusqu'au manche, en pleine poitrine du traître, avant que celui-ci eùt songé à esquiver le coup. Jamston était tombé sur la face en poussant un cri qui ne fut qu'un râle qui emporta son dernier souffle.

De Volfart s'agenouille près du cadavre, et reste quelques instants penché sur lui: « Mort, dit-il en se relevant... Pas de sang au dehors... Son poignard... Je lui avais bien dit que je le lui rendrais...

Toute une puissance froide et profonde du meurtre venait de s'emparer de Jean de Volfart.

Soudain il s'élança hors du jardin et disparut en s'enfonçant dans le faubourg.

Une heure à peine s'était écoulée qu'un constable et des gens de police, armés, entraient dans le jardin, guidés par de Volfart, tandis que d'autres veillaient sur le devant de la maison pour garder les issues.

« Voilà le cadavre, dit de Volfart... L'assassin, quand il a entendu mes cris, s'est réfugié dans ma maison... Sauvez! sauvez ma femme qui est scule, et qu'il aura peut-être tuée aussi !

Six fois le marteau de fer retentit sur la porte, et les sommations, selon la loi, sont faites... Un silence profond semble régner dans la maison... Enfin une fenêtre s'ouvre, une femme paraît. Effrayée par le nom de la loi, elle descend ouvrir c'était la bonne du logis. Ils montent dans une chambre, au premier. En ce moment, enveloppée d'un riche peignoir, les cheveux sur les épaules, parut Mme Julia de Volfart.

Un assassin s'est réfugié chez vous, madame, dit le constable....

Comment.... un assassin... chez moi! s'écria-t-elle avec plus d'embarras que de terreur....

Le voilà.... on le tient.... murmurèrent dans l'escalier des voix confuses....

Et de Préval, pâle, les cheveux dispersés sur le front, les habits déchirés, en désordre, tenu par cinq hommes, est poussé dans la chambre.

La jeune femme cherchait en elle-même et trouvait déjà une explication honnête à la présence de M. de Préval chez elle, à cette heure; elle allait parler, dire, s'expliquer, s'étonner de ce que l'on commettait un affreux quiproquo à l'égard de M. de Préval.... Mais ces mots qui se pressaient déjà dans sa bouche, expirèrent sur ses lèvres entr'ouvertes, une sueur glacée parcourut tous ses membres. Parmi les hommes qui tenaient M. de Préval elle en avait aperçu un, qui, la main posée convulsivement sur l'épaule du jeune Français, le front couvert d'une pâleur terreuse, la regardait avec un sourire effrayant, sans nom!

Elle poussa un cri d'horreur en tombant roide, privée de connaissance. Elle venait de reconnaitre Jean de Volfart, son mari.

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Un homme vient d'être assassiné dans le jardin de cette maison... Voilà l'arme qui a servi à le frapper, ajouta le constable; qu'on lui présente le poignard, - il a sur le pommeau deux initiales gravées... un R. et un P. Ne sont-ce pas les vôtres ? Et ce poignard n'estil pas à vous?

Devant cette question terrible, de Préval ne répondit pas, car, en ce moment, une question, plus affreuse encore, le dominait sauver Julie, sauver l'honneur, la vie de cette femme!

« Puisque c'est mon poignard, dit-il d'une voix sourde, je n'ai rien à dire...

Un instant après, les notes relatives au meurtre ayant été relevécs sur les lieux, on emmenait Roger de Préval, l'assassin de Jamston, les mains liées sur le dos.

Pendant les deux jours qui suivirent cette nuit, madame de Volfart resta dans un état fort alarmant: la faiblesse et le délire se succédaient chez elle tour à tour. Quelques éclairs de lucidité traversaient rarement son cerveau, si horriblement ébranlé. Vers le soir du second jour, elle eut un instant de repos qui se manifesta par un lourd sommeil. De Volfart avait congédié ses deux domestiques, et veillait seul près de sa femme. Il alluma une lampe, s'assit devant une table, et crispant les deux mains dans ses cheveux bouleversés, il rêva longtemps: tout à coup il tourna la tête par-desssus son épaule, et dit d'une voix saccadée et sourde: « Ah! tu reviens donc, toi!... Que veux-tu ?... » Et pourtant personne n'était là, près de lui, derrière lui... « Laissez-moi... Veuxtu des prières encore, mon cousin? ajouta-t-il tristement... Il y a longtemps que tu n'étais venu... depuis dix-huit ans... » Puis, se levant tout à coup, et marchant à grands pas en passant ses mains sur son front sinistre et pâle : « Vision! maladie! néant que cela! Les morts sont bien morts! et les revenants ne reviennent que dans les romans et les cerveaux des enfants!... Ah! maintenant, après tout, je n'ai plus peur... Ma confiance, mon amour, mon bonheur et mon nom; oui, ton nom, Jean de Volfart! cette malheureuse a tout sacrifié, a souillé tout! Doit-elle mourir?... Eh bien donc que les morts se réveillent ! reviennent! ombre de mon cousin! spectre de Jamston!

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Madame de Volfart se réveillait en ce moment; il fut s'asseoir à son chevet, et, lui prenant les mains : « Julie, dit-il, avant deux jours, vous serez entièrement rétablie... Oh! ce misérable, qui a causé chez vous cette révolution, qui vous retient encore au lit, je me promets bien de l'aller voir danser, au bout d'une corde, le pas aérien de l'éternité... Dire qu'il a tué ce bon Jamston pour le voler... Certains prétendent qu'ils étaient jaloux en amour, et que là, seulement, est la raison du meurtre. Mais j'ai tort de vous parler de cela : vos yeux ont encore un reste de délire, le frisson de la fièvre glace encore votre main... Allons, endormez-vous avec de doux songes, ma douce

Julie. »

Il y avait tout à la fois dans ces quelques mots tant de sollicitude étudiée et tant d'ironie mal dissimulée, que Mme de Volfart comprit en cet instant ce qu'elle cherchait encore à se cacher que son mari savait tout, et que, dans l'arrestation de M. de Préval et le meurtre de Jamston, il y avait comme une terrible préface, toute énigmatique, de ce qui la regardait, elle.

Esprit frivole, cœur facile, Julia Carty s'était donnée à un époux, sans comprendre un instant la sainte inflexibilité d'un engagement devant les hommes et Dieu; pour elle ce n'avait été qu'une sorte de changement d'état : en se trouvant face à face avec la nature aimante et sévère de Jean de Volfart, elle éprouva un malaise horrible, car elle vit qu'elle n'aimait pas l'homme qui venait de lier sa vie à la sienne, et que toute l'abondance du cœur de cet homme ne suffirait pas pour lui imposer ce bonheur qui découle du devoir dans la communauté. Aussi, quand un jour, un caprice vint s'adresser à ce cœur de femme, ignorant de toute affection, bientôt le caprice monta au degré de passion, la passion fut aveugle, toute abandonnée à elle-même, et la faible Julie se livra à l'amant aussi imprudemment qu'elle s'était donnée à l'époux. Mais, hélas ! tout à coup cette âme folle se mit à trembler, car la passion avait soudain réveillé chez elle la réflexion: son époux l'aimait ; elle en aimait un autre !

A ce mot de M. de Volfart : « Endormez-vous avec de doux songes, ma douce Julie. » Elle répondit, pour cacher sa honte et son effroi : « Oui... je souffre encore... je veux dormir... » Et elle laissa tomber sa tête sur son oreiller en jetant un de ses bras nus sur son front glacé, afin de dérober la terrible anxiété qui s'y gravait en traits violents. Elle sembla s'endormir, mais elle se murmura en grelottant de terreur: « Mon Dieu! si, cette nuit, il allait me tuer, cet homme!... »

« Buvez cela, >> lui dit un instant après de Volfart en lui présentant un verre...

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Du poison! s'écria la malheureuse femme en se jetant au fond de sa couche...

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8

mez, Julie... d'un peu de limonade, vous faites une coupe de mélodrame! Dormez en paix, vous êtes malade...

Trembler, désespérer à chaque heure, telle fut pendant un mois la vie de cette femme; sous prétexte de rétablir sa santé, son mari l'avait conduite, incognito, dans un village à quelques lieues de Londres. Elle sentait qu'ils jouaient tous deux une affreuse comédie : être toujours malade fut la façon qui lui parut la plus sûre pour éviter l'éclat, le coup de tonnerre qui, elle l'attendait à chaque instant, devait la terrasser. Et, cependant, il y avait encore quelque chose qui dominait au-dessus de sa crainte, elle son amour pour Roger, car vraiment, l'insensée, aimait M. de Préval, elle aimait...

Un second mois venait de s'écouler; un morne silence avait toujours régné entre elle et de Volfart, et ils rentraient à Londres, traînés dans un petit cabriolet à un cheval. La voiture s'arrêta tout à coup en arrivant sur une grande place au fond de laquelle s'élevait la façade chagrine d'un vieux édifice. Une foule inquiète se croisait sur cette place, dégageant de sa masse quelques signes d'impatience.

Mon Dieu, monsieur, nous arrêtons-nous ici, demanda Mme de Volfart?

-

Oui, un instant, Julie...

et

tout à coup en faisant trois pas en arrière; lui sembla s'élancer... Une trappe s'était dérobée sous ses pas, déjà roide, il penchait au bout de la corde fatale, ses pieds nus et glacés par la mort se balançaient au-dessus de la foule avide et stupide.

Mon Dieu! prenez pitié de moi! s'écria la jeune femme en tombant dans une faiblesse effrayante, image de la mort.

Hop! hop! dit de Volfart en fouettant vigoureusement son cheval... Si c'eût été vraiment lui, cala n'aurait pas mieux frappé... Et cela vaut mieux qu'un coup de poignard, je crois, ajouta-t-il avec un sourire calme comme le bonheur.

Le hasard venait d'offrir à l'imagination de de Volfart un motif pour exercer encore sa vengeance, car le pendu n'était nullement M. de Préval, qui, toujours en prison, attendait le jour terrible des débats. Si de Volfart revenait à Londres, c'est qu'il venait d'y être appelé comme principal témoin dans l'assassinat de M. Jamston.

En rentrant, Mme de Volfart se remit au lit, simulant une grande faiblesse, car une force de surexcitation venait tout à coup de naître en elle : il lui fallait fuir, pouvoir fuir, se réfugier clandestinement chez un de ses parents; car cette vie près de Volfart, c'était la mort dans

Mais n'est-ce pas la place de la prison, cet endroit chaque battement du cœur. où nous nous trouvons?

Oui, c'est la place de Newgate où se font les exécutions... C'est bien la prison que voilà devant nous... Et tenez, si la foule n'était pas là pour nous annoncer que s'en Newgate est en fête aujourd'hui, il suffirait, pour assurer, de remarquer ce pont en charpente, coupé court, qui part de la porte supérieure de la prison, s'avançaut avec sa roide potence plantée en tête... On va sans doute lancer quelque honnête criminel...

Oh! nous ne pouvons rester ici, M. de Volfart, prenez le cheval...

Et pourquoi? Mme de Volfart, vous m'avez interrogé là-bas sur les trois voyages que j'ai faits à Londres, dans ce dernier mois écoulé. Je crois ne vous avoir pas dit que j'avais été demandé pour l'affaire malheureuse de mon bon Jamston, et que l'assassin avait tout avoué... Après, demanda Mme de Volfart d'une voix étouf

---

fée......

Après ?... Mais rien, si non que je ne serais pas trop étonné si c'était en son honneur que l'arbre aux corbeaux se dresse ce matin... Qui aurait dit que ce M. de Préval...

Mais, monsieur, s'écria Julie avec horreur et délire, c'est un innocent, il est innocent.

Fort bien! répondit tranquillement de Volfart, dites de suite que c'est moi qui ai tué Jamston!...

En ce moment il se fit dans la foule un mouvement de flux et de reflux accompagné de rumeurs sourdes : le sang se glaça dans les veines de Mme de Volfart. La porte disposée dans le premier étage de la prison, et donnant sur le pont en charpente de la potence, venait tout à coup de s'ouvrir; il y avait trop de distance pour que Julia pût rien voir distinctement, cependant elle put apercevoir vaguement une misérable créature qui fit quelques pas et s'arrêta: c'était le condamné. Deux hommes qui l'avaient conduit à un endroit marqué, l'abandonnèrent

La nuit était profonde : elle était seule. De Volfart avait congédié depuis quelques heures ses deux domestiques, et venait de s'enfermer à triple tour dans une salle basse dont la porte donnait sur l'escalier de sortie par le jardin. Julia se lève à la hâte, s'enveloppe d'un large manteau et, chancelant sur ses genoux tremblants, descend dans l'ombre à pas mesurés. En passant devant la porte de la salle où son mari venait de s'enfermer, elle s'arrêta glacée de terreur: comme un hurlement étouffé, mêlé de grognements, venait de partir de cette salle. La fascination de la terreur l'attira près de la porte, et, toute grelottante, elle mit un œil à la serrure par où se dégageait un petit filet de lumière. Elle resta anéantie... Un spectacle étrange, horrible, grotesque, venait de s'offrir à elle au milieu de la salle, devant une petite table, de Volfart était assis, causant avec un homme à figure sinistre, coiffé d'un large chapeau gris dont les bords à lambeaux laissaient pendre un grand plumet rouge à demirongé; sur son épaule rapiécée de mille morceaux d'étoffes, variées en couleur, grésillaient les grelots et les oreilles de cuivre d'un tambour de Basque enfumé; et, à côté de cet homme, gravement établi sur ses pattes de derrière, un ours énorme se dandinait lourdement de droite à gauche, faisant entendre un grognement lugubre. A cette vue, tout ce qui passe par la tête de Mme de Volfart ne saurait être dit ce furent d'affreuses, d'épouvantables idées, sans suite, sanglantes, sournoises, comme il en peut sortir sculement du cerveau d'un démoniaque. Elle l'œil attaché stupidement à la serrure. regardait encore, A minuit! dit de Volfart en se levant. Comme une folle, la jeune femme se laissa glisser sur les marches de l'escalier où elle s'assit. Un souffle humide vint passer sur son front; la porte donnant sur le jardin est entr'ouverte, elle se leve, se précipite dans le jardin, court à la porte du mur de clôture, tire le verroux

et sort...

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Peut-être la partie la plus curieuse de Londres est-elle la rue du Grand-Marché, si ce n'est le marché lui-même, sorte de halle aux vivres, établie sur des proportions si gigantesques, que notre marché des Innocents semblerait, auprès, une miniature. L'abondance de tout ce qui est nécessaire aux besoins premiers, se trouve réunie là, de façon à effrayer la statistique de la consommation. Le grand auteur philosophe, nommé Fielding, se trouvant devant cet immense marché, et songeant tristement aux misères de Londres, laissa échapper sous forme de réflexion amère, ce cri satirique : « Un homme peut, pourtant, mourir dans le marché de Leaden-Hall !..... »

Dans la rue de Leaden-Hall qui conduit au marché, comme l'indique son nom, un montreur d'ours avait attiré autour de lui un cercle assez compact de badauds. Il sembla tout à coup oublier les jolis tours qu'il faisait exécuter à son animal des plus fourrés; il prit son chapeau et, s'avançant vers le rang des spectateurs, commença sa quête; en arrivant vers un des curieux assistants, qui lui jeta dans son chapeau quelque menue monnaie. « Merci, M. de Volfart, dit-il. » -Ah! c'est toi, dit de Volfart à voix basse, en se penchant vers l'homme à l'ours, viens ce soir au fond du Southwark.

- A la petite maison... je sais, j'y serai, répondit l'homme; à la porte du jardin. »

De Volfart n'eut pas besoin d'attendre: neuf heures sonnaient et l'homme à l'ours avec son ours se présenta devant lui quand il ouvrit la petite porte du jardin. « Pourquoi m'amènes-tu cela avec toi, » dit de Volfart avec humeur.

Pardon, monsieur, répondit l'homme, en bonne et vraie langue française, c'est mon passe-partout, ma carte de sûreté.

Entre donc vite, tu as quelque chose à me dire et que je veux savoir...

- C'est pour cela, M. de Volfart, que nous nous som mes si bien compris et que nous sommes si exacts au rendez-vous.

Et, quelques instants après, les deux hommes et l'ours se trouvaient réunis fort stoïquement devant une table, dans une grande salle où Mme de Volfart avait surpris cet étrange trio.

De Volfart avait pris la parole, après avoir prié l'homme à l'ours, de puiser à volonté dans un haut pot de grès, dûment rempli de petit porter.

« Comment, s'il te plaît, t'ai-je rencontré devant la justice, à propos de ce Français dont tu parles si bien la langue...

Et que vous parlez aussi bien que lui, mon cher monsieur, et bien mieux que moi, pour le moins... 2me ANNÉE 1843.

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Nous sommes seuls, dit de Volfart, parlez...

Parlons... en deux mots. Un matin, ici, à Londres, je me trouvai être le domestique, si vous voulez le valet, comme vous l'avez dit, de M. de Préval. Tous les matins, depuis un certain temps, il soupirait, puis un soir il me dit viens, garde mon manteau... et la porte du jardin. Car, lorsqu'il me dit cela, nous étions dans votre jardin. Il entra... plusieurs fois, plusieurs nuits...

Va! dit de Volfart, continue, l'homme...

C'est fort court. Une nuit, je dormais dans un coin, près de son manteau... Deux hommes arrivent, j'ai comme peur... On se dispute, j'écoute... L'un des arrivés tue l'autre... je fuis...

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Va toujours! dit de Volfart, en relevant cette expression grossière d'un regard fier et tranquille.

Pour lors donc je rentre chez nous; j'attends jusqu'au lendemain mon maître qui ne rentre pas, et on vient me prendre pour me conduire chez M. le juge, où l'on interrogeait M. de Préval, qui devait nécessairement, disait-on, avoir tué l'autre que vous aviez cloué avec son poignard... comme il y en a à la comédie. - Après...

Et après, quand on m'a laissé partir, j'ai dit: Assez d'une audience! on pourrait me chercher mon affaire à moi, et me pincer...

Comment donc tu bavardes?...

On aurait bien pu dire que c'était moi qui avais tué votre compagnon ; mais comme heureusement, mon cher monsieur, vous étiez, vous aussi, témoin avec moi devant ce juge, et que vous avez parlé........ j'ai dit alors: Tiens, c'est drôle !... c'est la voix du farceur qui causait dans le jardin avec l'autre qui n'a pas longtemps causé... Si bien donc que si l'on m'avait dit c'est vous, j'aurais dit comme cela c'est lui!

En prononcant ce dernier mot, l'homme au tambour de Basque, se penchant sur la table, posait son doigt sur la poitrine de de Volfart.

Menteur et sot! pourquoi ne l'as-tu donc pas dit, et pourquoi n'as-tu pas reparu devant le juge, comme tu dis, car on t'a longtemps cherché?...

Voilà ce qu'il faut dire, ce qui finira tout ce que j'ai à vous dire. Maintenant, je sais ce qu'ils sauront, c'est que votre dame vous faisait de vilains tours...

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AIRE

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Une femme... mes amours!... Elle m'en contait avec un autre... je l'ai tuée... Je m'en suis tiré; mais si on y revenait, on pourrait retrouver la tanche dans l'eau trouble... Je n'ai pas voulu regoûter du jugement; j'ai été trouver un de mes amis qui avait des papiers, montrait un ours, et pour lors était malade. Je lui ai dit : Donne-moi la médaille et la bête, je vais aller gagner de l'argent pour toi... Il m'a dit : Va...

- Enfin ! s'écria de Volfart...

-

Enfin? je voulais aller vous trouver, quand vous m'avez rencontré ; je voulais vous dire : Si nous ne filons pas trente nœuds à l'heure, il faudra bien qu'on nous prenne tous deux, vous pour votre affaire, moi pour la mienne.... Je ne veux plus de Londres! je retourne en France... Mais pas trois mots d'écriture pour passer! pas trois schellings pour me mettre en route, une croûte sous la dent!... Vous, vous avez du numéraire, du solide dans votre bourse... Sauvez-nous, vous et moi, ou je dirai : c'est lui!»>

Et l'homme posa de nouveau son doigt près de la poitrine de de Volfart.

- Deux mots encore, dit ce dernier ; comment es-tu devenu le domestique de M. de Préval:

- Comme ceci : J'avais une veste à la française que je m'étais achetée en sortant de prison, et je chantais dans une rue : 0 Richard! ô mon roi ! Il m'a pris là-dessus... Je te prends, et demain nous partirons.

-

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- Hé! hé... comme une voiture qui roule, monsieur. De Volfart s'élance vers la porte, et disparaît. Un instant après, horriblement pâle, la figure renversée, de Volfart revient dans la salle. Dressant ses bras au-dessus de sa tête : « Partie! enfuie! échappée!... Ah! c'est avec lui! » s'écria-t-il en saisissant le pot d'ale et le brisant à l'angle de la table; puis il fut refermer la porte.

- M. de Volfart, dit l'homme, un fin renard que j'ai connu dans le cachot est allé ce matin, en dessous, aux informations pour savoir ce qu'on disait de l'affaire en question du jardin, que je lui avais contée...

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De Volfart, qui n'avait entendu que le commencement de la question, répondit : En France! » La justice qui revenait une seconde fois à la petite maison du Southwark, s'étant épuisée à faire les sommations, fit enfoncer la porte de la salle basse : la porte à peine ouverte, un cri de frayeur se fit entendre au milieu des gens qui se préparaient à se précipiter, et qui tombèrent, pêle-mêle, les uns sur les autres, renversés par un ours énorme qui s'enfuit à toutes jambes comme dans un tableau de Hogarth.

Après un mois de nombreuses traverses, de Volfart et son nouveau compagnon, portant tous deux le costume de matelot, venaient de mettre le pied sur la terre de France.

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Que viens-je chercher ici? se dit de Volfart avec une tristesse amère... Une patrie? Nulle part il n'en est pour moi. Dans les vingt ans de la tourmente révolutionnaire, tout m'a été enlevé, famille, fortune... J'avais encore mon cœur, où l'affection sainte voulait me faire une patrie, et cette malheureuse femme n'a pas voulu cela !..... elle a mis autour de moi un désert où je rôde comme un loup affamé. Vrai! se dit-il brusquement, avec un étrange sourire ironique, je fais ici mon Kean dans le roi Léar.

Eh bien! que regardes-tu là, Vincent? ajouta-t-il en se tournant vers son compagnon.

Eh! monsieur! une belle femme, ma foi! qui vient de passer près de nous et qui monte la falaise.

Le soir commençait à tomber, et la lune aiguisait son croissant au-dessus de la dernière ligne de la mer qui se fondait doucement dans le bleu pâle du ciel. De Volfart dirigea son regard vers la falaise, et put apercevoir une femme de haute mine, dont le voile blanc flottait au vent; elle montait avec une précipitation qui lui sembla extraordinaire.

Nous sommes trop loin du hàvre pour que cette dame se trouve seule à cette heure, sur la grève. As-tu vu quelqu'un près d'elle, Vincent?

- Non, monsieur; seulement j'aperçois derrière nous sur un monticule, quelque chose qui me paraît une voiture, et qui doit être la sienne... Tenez, M. de Volfart, ça m'a tout de même, là, fait un tic-tac tout drôle de la voir pleurer cette belle dame.

Elle pleurait Vincent?

Oui, tout bas dans son voile.

Cette femme va se tuer, s'écria de Volfart, suis

moi....

Et il s'élança en courant à travers les sables.

BRE

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