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Elle revint bientôt à elle-même pendant qu'on garottait le mulâtre et qu'on emportait le corps du nègre mort, qui était celui de l'empoisonneur Théodore; et pendant qu'on éteignait le reste de l'incendie, Jean raconta ce qui s'était passé et en vertu de quel plan il avait agi.

Faut vous dire, reprit-il, que comme je n'avais pas dit à madame toutes les horreurs que s'étaient permis de dire l'Anglais sur le comte de madame, j'avais gardé pour moi toutes les horreurs que le mulâtre s'était promis de lui faire.

Ç'a été dit dans le fameux particulier où il a été question de l'avertissement. Comprenez-vous que ce cuir tanné, cet horrible noiraud déteint avait dit: Eh bien, je l'enlèverai cette femme qui a appartenu à qui l'a vouluc et qui me regarderait comme un chien si elle me rencontrait sur son passage; je l'enlèverai et elle sera à moi. C'est pour ça, voyez-vous, que j'ai lâché le moulinet, et pour autre chose aussi.... Vous le verrez sans doute tout à l'heure sans que je vous le dise.

Je suis done venu me poster près de la maison, et, au moment juste où le moulin fut en flammes, je vis deux hommes sauter par une fenêtre basse et entrer comme l'éclair dans la galerie où était Mme de Cambasse. Je m'élangai après eux, mais la fenêtre était gardée par le gueux d'empoisonneur qui avait été chargé de rester là, sans doute pour protéger la retraite de son chef.

L'affaire ne fut pas aisée; le gredin avait empoigné le bout du pistolet avec lequel je voulais lui donner la bénédiction, et dans le mouvement que je faisais pour le lui arracher, je n'osais lever de peur que la balle n'allât frapper Mme de Cambasse qui se débattait contre cet affreux Idoménée.

Celui-ci, entendant ma lutte avec Théodore, lâcha Mme de Cambasse, qui criait: Vous êtes découvert et on va vous punir, mais il lui donna alors ce coup de couteau sous lequel je la vis tomber.

Ça me rendit enragé, et je le devins encore plus en voyant que le mulâtre se dirigeait de mon côté et que j'allais en avoir deux sur les bras. Ma foi, je lâchai les pistolets, et je m'armai naturellement de mon seul poing, La tête du nègre est de fer, mais le poing du Normand est d'acier; le coup fut si bien appliqué entre les deux yeux que le mauricaud chancela et tomba. Je jugeai, en sentant ma main toute trempée, que ses yeux avaient pris un billet de sortie de sa tête, et que je n'avais pas grand'chose à en craindre, et je n'eus que le temps de me retourner vers le mulâtre qui venait sur moi avec son grand gueux de couteau. Je lui tins le poignard si serré qu'il le lâcha et que nous nous mimes à serpenter l'un contre l'autre comme vous avez pu voir au moment où vous êtes entré.

- Ah! s'écria Mme de Cambasse, sans vous j'étais perdue, et ma reconnaissance....

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Vous comprenez bien que, selon les paroles qu'il a dites, le goddam va arriver tout chaud, tout bouillant, avec M. Sanson, pour vous apporter des secours; nous tenons son confident... Il me semble que.... il y a quelque chose à faire, quelque comédie à jouer pour les enfoncer l'un par l'autre, au vis-à-vis du père Sanson.

Pour ça, je l'avoue, je suis très-insignifiant, je n'ai pas de plan, je ne sais pas par quel bout vous pouvez vous y prendre; mais M. Clémenceau, qui faisait en cachette de son père des pièces pour le théâtre du Havre, trouvera bien une idée...

(La suite au prochain numéro.)

FRÉDÉRIC SOulik.

UN RENDEZ-VOUS,

Elle n'est plus qu'à quelques milles de Londres, celle voiture publique qui vole si rapide sur la route de Liverpool; déjà pointent à l'horizon, au-dessus des ombres du soir, les monuments de la grande cité. Voyez à la portière s'avancer quelquefois, comme pour consulter la distance, une de ces belles têtes d'homme méditatives et graves, et dont les traits, parfaitement réguliers et calmes recèlent des passions, sinon ardentes, du moins énergiques et profondes; car il aspire bien vivement à revoir sa femme, ce voyageur, qui pourtant n'est pas un jeune marié et qui n'a quitté son ménage que depuis huit jours à peine.

M. Weld, honorable négociant, que de hautes spéculations ont élevé à la fortune, est un homme d'une cinquantaine d'années environ. Après quinze ans de veuvage, épris tout à coup d'une femme beaucoup plus jeune que lui, il la demanda à sa mère comme il eût demandé à Dieu une nouvelle existence, et Anna Smitson, vaincue par des raisons majeures de convenance, consentit à lui donner sa main. Quoique habituellement pensive et froide, Anna rend fort heureux son mari, dont la gravité puritaine serait presque embarrassée d'une affection plus expansive. Peut-être à voir l'austérité recueillie de la jeune femme, lui attribuerait-on une âme sans vibration, et croirait-on cette union assortie malgré l'inégalité des âges; mais un observateur sage et désintéressé devincrait quelque chose d'énergique et de comprimé sous ses prunelles noires et fixes. Toutefois, nous le répétons, cette union n'est pas moins paisible que bien d'autres, et le négociant, après un court voyage que son impatience a encore abrégé, revient avec bonheur vers son Anna; son apparente impassibilité maudit la lenteur des chevaux, qui pourtant brûlent le pavé, et sa main a peine à contenir les battements joyeux de son cœur.

Enfin la voiture retentissante s'arrête dans la cour des messageries. M. Weld se jette dans un cabriolet de place, double le prix de la course, et tombe au milieu de ses domestiques, qui, ne l'attendant pas sitôt, soupaient gaiement dans l'antichambre. On s'empresse autour de lui, on dispose ses vêtements, son couvert ; mais lui, sans s'arrêter à tous ces soins, prend un flambleau des mains d'un valet et monte chez sa femme. Comme en approchant du sanetuaire conjugal tout son être est ému! un jeune homme n'a pas de sensations plus vives; et pour sa femme, quelle

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Une demi-heure se passe; à chaque instant le négociant consulte sa pendule, se lève, arpente rapidement sa chambre, se rassied, puis se lève encore. Je suis fou, se dit-il en prenant le Times, Anna va rentrer..... elle ne m'attendait qu'après-demain... elle est sans doute chez sa mère... Puis il se met à lire à haute voix un article ; mais ses yeux lisent seuls, aucun des mots ne lui arrive à l'esprit, et rien ne distrait son inquiétude toujours crois-❘

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Mille excuses, milady, si je vous quitte sitôt, reprend le négociant. Vous pardonnerez, n'est-ce pas, quelque impatience à un mari séparé depuis huit jours de sa femme?

Et la voiture de M. Weld l'emporte à Drury-Lane. Mais, au moment où il arrive, il apprend que sa femme vient de quitter sa loge; à ce nouveau désappointement son cœur se serre ; je ne sais quel sinistre pressentiment vient l'effrayer; mais il a beau dire: Anna aura pris, pour rentrer, une voiture de place, il regagne sa demeure avec la sccrète conviction de ne pas l'y trouver. Cette conviction vague et douloureuse, le portier la lui confirme en lui répondant que madame n'est pas encore rentrée. Éperdu, accablé des plus sombres prévisions, d'idées de vol et de meurtre, le négociant retourne en courant par toutes les rues que sa calèche vient de franchir, arrête les voitures, interroge les watchmen, et, ne recueillant nulle part aucun renseignement, tombe dans une épouvante et un désordre d'idées voisines de la folie.

Comme ses yeux, obscurcis de larmes, cherchaient à reconnaître le quartier où il se trouvait en ce moment; il s'aperçoit qu'il est dans une rue habitée par son médeçin, le jeune George Darnley. L'idée d'un ami dans un pareil moment le saisit comme un soudain espoir : — II m'aidera à la retrouver, s'écria-t-il, car je ne vois plus, ma tête s'égare, et, seul, je ne me sens plus la force de faire un pas. Il monte chez le médecin, repousse le domestique qui lui assure vainement que son maître n'est pas chez lui, ouvre violemment, et voit George.

C'était un médecin de haute espérance, que George Darnley, et qui sait mener de front les travaux de la science et les plaisirs du monde, les succès d'hôpitaux et les triomphes de salon. Aussi, quelques heures avant la brusque entrée du négociant, voyez avec quelle attention, quelle ardeur il dissèque cette tête pâle, que manient sans

Oui, monsieur; mais elle l'a renvoyée avec plusieurs scrupule ses doigts effilés et blancs, comme ceux d'une achats.

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Sans indiquer le lieu où on doit la prendre?
Oui, monsieur.

Quelle imprudence!... Elle est sans doute chez sa mère........ James, qu'on mette les chevaux à la voiture; et qu'on aille la chercher.

Une demi-heure après, le valet de chambre, de retour, vint dire au négociant que mistriss Smithson n'avait vu sa fille que le matin, et qu'elle la suppose à une soirée intime de milady Strafford.

C'est juste, reprend le négociant, honteux d'avoir laissé soupçonner quelque chose de ses craintes à ses do. mestiques, son parent sir Charles la ramènera... Servezmoi, James.

Mais il lui est impossible de rien prendre; enfin, n'y tenant plus, il se rhabille, monte dans sa voiture, et erie au cocher: Chez milady Strafford !

On l'introduit; on le félicite sur son prompt retour. Vous ne nous amenez pas Anna? lui dit la dame de la maison.

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Mais je la croyais chez vous, répond M. Weld en parcourant des yeux le groupe de femmes.

Mistriss Weld est à Drury-Lane, dit un jeune homme en s'approchant; j'ai eu l'honneur de la saluer dans sa loge il n'y a qu'un instant.

femme; un vaste tablier, tout sillonné de taches de sang, recouvre son élégant costume; et il est tellement absorbé dans sa patiente investigation, qu'il ne s'aperçoit pas que le jour baisse; seulement il apporte à son travail une attention plus tenace et rapproche toujours par un mouvement rapide sa table de la fenêtre. Enfin, ne pouvant plus distinguer les fibres délicates que cherche son scalpel, il frappe impatiemment du pied et appelle son domestique :

De la lumière, John, comment pouvez-vous me lais

ser ainsi ?

Le domestique rentre dans la pièce voisine et apporte deux riches flambeaux garnis de bougies roses qu'il pose gravement devant la tête scalpée. Le jeune médecin se remet vivement à l'ouvrage et travaille longtemps encore. Tout à coup un timbre argentin et voilé module un air national, puis la pendule sonne neuf heures. George Darnley, qui a écouté les coups avee inquiétude, jette précipitamment ses instruments de dissection, dépose la tête dans un vase plein d'esprit-de-vin, se débarrasse de son tablier, fait cinq ou six ablutions d'eaux parfumées, répare le désordre de sa toilette, et entre dans son salon, brillamment éclairé et préparé pour une visite intime et choisie.

En effet, des fleurs odoriférantes et recueillies à grands

frais, car cette soirée est une des dernières de la saison, diaprent de leurs fraîches mosaïques les consoles de la cheminée; un moelleux divan est placé en face d'un feu clair, et une collation fashionnable est disposée dans un coin sur une jolie table en marqueterie. George, après un dernier coup d'œil aux plis de sa cravate et aux boucles de ses beaux cheveux noirs, s'étend sur le divan, et le sourire qui entr'ouvre ses lèvres témoigne la douce pente de ses idées et de ses mystérieuses espérances. De temps en temps, quand un bruit léger s'entend vers la porte, il tourne la tête, et l'on devine ce qu'il attend à l'émotion qui passe rapidement sur son visage. Enfin des pas précipités s'entendent sur l'escalier : quelques paroles agitées sont échangées avec le domestique; George se lève avec étonnement; la porte s'ouvre........... M. Weld paraît. Ce n'était pas lui qu'attendait George; car, en l'apercevant il demeura immobile, effaré, soit stupéfaction de cette apparition inattendue, soit réaction magnétique de l'affreuse angoisse que trahit la physionomie du négociant.

*Lui-même, en proie à une indicible anxiété, ne pro ́nonce pas une parole, n'ose pas faire un pas vers M. Weld, que ses yeux hagards semblent interroger avec terreur. Anna est disparue! s'écrie le négociant en tombant anéanti sur un fauteuil.

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- C'est donc une femme? ajoute le négociant en fixant un regard perçant sur le visage défait du jeune médecin. Oui.... répond celui-ci en reprenant subitement quelque énergie, une femme que j'attends et que je ne veux pas compromettre... M. Weld, pardon, mais il faut que vous entriez ici, et que vous me donniez votre parole de ne pas chercher à voir la personne qui va venir. Je la verrai! répliqua le négociant en serrant violemment le bras du jeune homme. Et toute sa vigueur renaissant, il écarte George d'un geste énergique, ouvre la porte, et, au lieu d'une femme, on voit dans le corridor deux hommes, enveloppés du manteau des watchmen, et portant sur leurs épaules un objet qui s'affaisse enveloppé d'une serge noire,

Cette vue rend au jeune médecin toute sa présence d'esprit, il fait un signe aux deux porteurs, prend un flambeau, les guide dans la pièce voisine où ils déposent leur fardeau sur la table de dissection, puis, tirant sa bourse et comptant quelques guinées, il les donna aux deux hommes qui s'éloignent silencieusement.

Quand la porte est refermée, George s'approche du négociant, qui, la tête basse et l'œil fixe, semble méditer profondément :

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George! reprend M. Weld d'une voix déchirante. Au même instant deux petits coups sont frappés à la voix sourde.

Encore ces idées! allons, venez; à cette heure peut-être votre femme est rentrée et s'inquiète à son

tour... venez...

Merci, je ne me sens pas bien. Permettez-moi de passer encore quelques instants ici.

Une vive inquiétude reparaît sur les traits de George: Voulez-vous, dit-il en faisant un mouvement vers la sonnette, que l'on vous dresse un lit dans cette pièce? - C'est inutile, je suis bien dans ce fauteuil.

Mais la sonnette avait retenti; au même instant le domestique du médecin paraît. George lui fit un signe rapide en lui désignant la porte du petit escalier par où les deux hommes de tantôt se sont introduits; ce signe auquel répond l'intelligent serviteur, est remarqué du négociant, dont la tête s'affaisse sur la poitrine.

Maintenant, ajoute le médecin, pardon si je vous quitte, mais le corps qui est là a besoin de préparations indispensables.

Un geste du négociant témoigne qu'il accepte cette excuse. George rentre dans son laboratoire, relève ses manches, s'entoure de son tablier, et, s'approchant de la table, développe rapidement le linceul de serge qui recouvre le cadavre.

Voilà un admirable corps de femme.... ciel! il est tiède encore... En même temps George soulève le voile qui recouvre la figure, et regarde......

Au cri affreux qu'il jette M. Weld s'élance :

Comme chez Nicolet.

Si chaque progrès du siècle vous arrache un cri de surprise, je vous préviens que vous mourrez d'une maladie du larynx.

C'est pour vous dire qu'il faut économiser vos points d'exclamation, car vous en aurez besoin.

Vous vous figurez que l'année 1843 a dit son dernier mot, parce qu'elle a enfanté une comète non prévue par l'Observatoire, un poëte ignoré par le barreau de Vienne et un pavage en briques?

Que vous connaissez peu l'année 1843! C'est une gaillarde qui vous donnera encore bien de la laine à retordre, Ponsard à part.

Pas plus vieux qu'hier, je me trouvais à déjeuner avec quelques amis. On parlait de Lucrèce.

Misères que tout cela! dit un Périgourdin de la société. Un collégien de Brives-la-Gaillarde arrive demain à Paris avec un Epaminondas qui stupéfiera la capitale, et distancera M. Ponsard de douze kilomètres. Il y a, dans la tragédie d'Epaminondas, du Corneille, du Racine, du Chénier, du Schiller, du Shakspeare, voir du Hugo, et pas mal d'Aristophane! Déjà deux académiciens ont lu le manuscrit; ils en sont devenus stupides. Cela n'a pas pesé une once, je veux dire 32 grammes.

Cette allocution nous ferma la bouche; nous ne l'ouvrimes plus que pour déjeuner.

Je me rendis ensuite à une petite réunion de musiciens

« Anna!» et l'infortuné tombe roide sur le plan- chevelus, où l'on savourait un petit Mozart de douze cher.

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Le corps d'Anna est porté dans la demeure de son mari; d'honorables obsèques lui sont faites le lendemain, et au retour, M. Weld, serrant mystérieusement la main du jeune homme : Tout est fini, lui dit-il, le mensonge est accompli, la mémoire d'Anna restera honorée. Vous qui savez seul la vérité, vous la garderez, n'est-ce pas ? Un autre vous dirait: votre vie ou la mienne! Moi je vous dis L'honneur d'Anna! et le duel ici serait la honte. Elle a été punie, la malheureuse! vous l'êtes aussi devant Dieu et devant moi, vous êtes un lâche! allez ! Quelques mois après, deux étouffeurs étaient pendus, et M. Weld enseveli à côté de sa femme.

LOUIS DAVIN.

ans, appelé Carle Fritsch, qui dépassait Liszt de six octaves et plongeait Thalberg à douze pédales au-dessous du niveau de la gamme.

Je poussai un cri d'admiration.

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prierais de s'asseoir sans lui manifester la moindre surprise.

IGNORANCE de m. EUGÈNE SUE.

Voici revenir le prince Rodolphe et la Goualeuse. Les émotions ne sauraient chômer.

Depuis un mois la petite Lucrèce de la rue aux Fèves a fait sa rentrée solennelle au bas des colonnes de l'Indépendant et du Globe, après avoir fait une station au rezde-chaussée du sérieux et docte Journal des Débats.

De méchantes langues ont accusé l'auteur des Mystères de Paris de nous donner du français tout neuf, et du vieil argot.

Nous lui pardonnerions le français tout neuf. Le plus mince industriel invente tous les jours une pommade nouvelle, un nouveau pavage ou des chapeaux de castor en soie faits avec du coton: il serait plaisant qu'un fabricant de romans ne pût inventer quelques adjectifs pour les besoins de son commerce!

Quant au vieil argot, c'est une autre affaire. Nous n'excuserions pas cette bévue philologique si elle était prouvée.

Malheureusement elle est prouvée.

Il y a peu de jours qu'à Paris, en pleine cour d'assises, un grinche (voleur), quelque bonne connaissance à Barbillon ou à feu la Chouette, a prouvé comme un et un font deux, que M. Eugène Sue devrait recommencer ses études à l'endroit de l'argot s'il ne voulait être regardé comme un bien peu parmi les argoteurs. Voici l'historique de la chose M. le président Bresson qui sait ses Mystères de Paris, daignait expliquer à un grinche, qui feignait de l'ignorer, le sens du mot toquante (montre). Un autre grinche se leva aussitôt et dit :

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Quoi! depuis douze mois, sur la foi du prince Rodolphe, du Maître-d'École, de la Chouette, de Tortillard et autres plus ou moins intéressants personnages, nous sommes convaincus que toquante signifie montre, et voilà qu'un pègre obscur et pur sang, et d'autant plus pur sang qu'il est obscur, nous apprend que, depuis dix ans, le mot toquante n'a plus cours, et qu'on dit bob!

Depuis douze mois, vous croyez avoir dans votre gousset une magnifique toquante, eh bien, non; vous n'avez qu'un misérable bobineau! C'est très-humiliant.

Et qui nous répond maintenant de l'authenticité de mille autres termes d'argot auxquels le Tapis-Franc de la rue aux Fèves a initié nos familles?

Sur quoi peut-on compter désormais, si l'argot même a cessé d'être une vérité?

Et puis, n'est-il pas déplorable qu'un obscur grinche vienne enlever à un grand écrivain la moitié de son auréole !

TABLETTES.

(JEUDI 15 JUIN.)

Théâtre. Que dire sur Fanny Elssler! Toutes les formules élogicuses sont épuisées. On ne sait plus comment exprimer l'admiration qu'elle fait naître. Nous l'avons dit et nous le redisons, elle est une merveille qu'il faut s'empresser d'aller voir, d'aller entendre! entendre, c'est le mot, car Talma et Mlle Mars, avec leur beau talent, n'ont jamais plus ému le public que Fanny Elssler ne le fait avec la mimique. Elle intéresse, elle attendrit, elle émeut au point de faire verser des larmes; aussi l'enthousiasme du public s'accroît à chaque représentation. Une chose à citer, parce qu'elle est sans exem

ple, c'est que Giselle, donnée trois fois en dix jours, a fait salle comble à la troisième représentation! C'est miraculeux.

Dimanche dernier, les Huguenots. Mlle Julien a chanté de manière à donner définitivement gain de cause à ceux qui l'ont applaudie lors du début orageux.

Mademoiselle Villiomi a chanté et joué le rôle de Marguerite de Valois, d'une manière ravissante.

Mardi on a donné Mlle de Belle-Isle, suivie des deux premiers actes du Barbier de Séville. Dans la comédie M. Devalouis, premier ròle, faisait son premier début. Cette épreuve lui a été favorable. Cet artiste a de la tenue et l'intonation variée. Il a dit avec esprit quelques scènes du quatrième et du cinquième acte. Mile Rabut, cette fois comme toujours, a été adorable d'un bout à l'autre. Dans l'opéra M. Grognet, ténor, et M. Pauly, baryton, étaient chargés des rôles du comte Almaviva et de Figaro. Nous attendrons les débuts officiels de ces messieurs pour en parler. Nous dirons en passant que nous sommes décidé à ne pas être trop difficile. Avec le voisinage de MM. Laborde et Alizard, il ne faut pas s'attendre à avoir des artistes de premier mérite.

Modes. Le mauvais temps est décidément inexorable. Il a frappé d'un arrêt mortel ce tant chanté et poćtique mois, dans lequel nous n'avons cu que des giboulées ou luttes continuelles entre le brillant soleil et cette vilaine lune rousse qui s'est montrée d'une si méchante façon. Pour comble de disgrâce, saint Médard, lui venant en aide, nous promet une continuité désespérante de sombres nuages. Faudrait-il donc renoncer aux baréges, gazes, organdis, étoffes diaphanes dont les dispositions et les nuances nouvelles sont plus brillantes que jamais?

Mais, à défaut de toilette de ville, citons pour le moment les négligés d'intérieur, et entre autres les gracieuses robes de chambre en mousseline coutil, à manches larges, fendues et tombantes avec sous-manches serrées au poignet; celles en cachemire uni, garnies de bandes de velours, et qu'on a baptisées du nom de Lucrèce, quoiqu'il n'y ait aucune ressemblance avec le costume de Mine Dorval, dans la pièce admirable de M. Ponsard.

Les grands et les petits volants se portent également. Dans le premier cas, deux suffisent; dans le second, on en voit jusqu'à sept.

Les chapeaux et capotes de crêpe blanc, qui se font remarquer dans les réunions choisies, sont ornés d'une guirlande en fleurs de groseillier.

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