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Celui qui, en prononçant ces derniers mots, jetait une poignée de petites pièces blanches sur la blouse du bùcheron, était un personnage de haute taille. Il avait le corps enveloppé des plis d'un large manteau brun et s'engageait, à la nuit tombante, dans le bois de Wéraskin, en Livonie, par le défilé qui mène sur le chemin de SaintPétersbourg.

C'était là un acte de bien folle imprudence ou de bien courageuse résolution; car ce passage du bois de Wéraskin était fameux par les nombreux assassinats qui s'y commettaient journellement. Sur une route inégale et mal entretenue, le voyageur dont nous parlons ne pou vait songer, quelque vigoureux que fùt son cheval, à se soustraire au péril par la fuite; et d'un autre côté, l'unique paire de pistolets d'arçon dont il était armé, n'aurait pas suffi pour le défendre contre l'attaque d'une de ces bandes de brigands qui infestaient alors presque impunément tout le pays. Il est nécessaire d'ajouter que sa valise contenait une somme considérable en or.

Cependant, sans paraître éprouver aucune crainte, il avançait au petit trot de son cheval, ralenti à tout moment par les montées qu'il fallait gravir, et adressant de temps à autre quelques apostrophes amicales à sa monture. Son intention était de ne point s'arrêter avant d'avoir aperçu la lanterne qui éclairait la devanture de l'auberge.

Il ne tarda pas à arriver à ce but; mais en mettant pied à terre, il remarqua que la porte de l'hôtellerie était déjà fermée. Il frappa. Bien qu'il parût régner un grand mouvement dans la maison à voir les lumières qui passaient et repassaient derrière les croisées, l'aubergiste fut longtemps à répondre. Enfin une fenêtre s'ouvrit.

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Seigneur Dieu! quelle bonne fortune!... Iwan, Marceline, ouvrez vite la porte à ce bon seigneur qui nous fait l'honneur de coucher ici !

La porte, en effet, s'ouvrit bientôt à deux battants, et l'aubergiste, qui avait descendu les degrés quatre à quatre, arriva assez à temps pour tenir la bride du voyageur, pendant que celui-ci rajustait son manteau.

Un moment, dit le comte de Tottleben (car c'était lui), un moment, dit-il à la servante qui avait débouclé la valise ; donne-moi cela, fine mouche, tu es assez jolie pour te passer de dot, et il y a là dedans plus d'argent qu'il n'en faudrait pour doter les vingt plus laides filles de la Livonie.

L'aubergiste ouvrit de grands yeux.

- Oui, maître, continua le comte, il y a dans cette valise une forte somme, et, à cause de cela, je tiens à ce que vous me donniez une chambre sûre.

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Un parrain! s'écria Tottleben en vidant d'un seul trait un verre de vin de Hongrie. N'est-ce donc que cela? Je suis tout à vous, ma charmante hôtesse, et, si vous l'agréez, à mon retour de Saint-Pétersbourg, je serai heureux de présider au baptême de votre enfant.

Il serait difficile de peindre l'allégresse qu'éprouva la jeune femme lorsqu'elle entendit cette offre; elle frappait dans ses mains avec l'expression du plus vif contentement, et courut apprendre cette bonne nouvelle à son mari.

Mais pendant que Tottleben trouvait du plaisir à faire naître ainsi la joie dans cette famille inconnue, une jeune servante allait et venait dans la salle. Le comte n'y fit d'abord aucune attention; mais la servante s'arrêtait quelquefois pour regarder le beau voyageur; elle pâlissait et rougissait alternativement. L'éclat de son uniforme, son air noble et doux, avaient fait une profonde impression sur elle. Deux fois, elle s'approcha de lui en tremblant et mystérieusement, comme si elle avait eu quelque chose à lui dire, mais elle demeurait immobile toutes les fois qu'elle rencontrait les regards de l'aubergiste ou de sa femme. Pourtant elle s'enhardit à la fin, et passa derrière le comte comme par mégarde, en le tirant par les pans de son uniforme.

Tottleben s'aperçut de ce manége. Il jeta un coup d'œil sur la servante qui lui fit un signe ; le comte sortit bientôt de la salle, sous prétexte de respirer un peu l'air du soir. Il ne fut pas plus tôt dans la cour que la servante, passant par une porte dérobée, vint l'y rejoindre.

Pour l'amour de Dieu, monseigneur, lui dit-elle, prenez des précautions! Les gens qui vous hébergent ne sont pas ce que vous croyez. Méfiez-vous-en. Ils savent que vous avez de l'or avec vous, plein une valise, et ils veulent vous l'enlever, peut-être même vous assassiner !..... Quant à moi, je ne souffrirai point qu'un beau monsieur comme vous... un si brave officier... Ne me trahissez pas, monseigneur! s'il vous échappait un mot sur tout cela, la pauvre Marceline serait perdue!

Cette communication, assurément fort imprévue, fit une impression profonde sur Tottleben. Un homme d'une trempe vulgaire aurait aussitôt songé aux moyens de fuir; mais le valeureux général rappela Marceline.

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Après avoir reçu de la bouche du comte cette assurance qui importait tant à son repos, Marceline disparut, et Tottleben rentra dans la salle; il demanda à fumer quelques cigarres, et invita poliment l'aubergiste et sa femme à prendre avec lui quelques larmes de la divine eau-devie de Dantzick, brûlée dans du sucre des Antilles. Cette régalade finie, l'aubergiste se disposa à conduire le voyageur jusqu'à la porte de sa chambre.

J'aimerais beaucoup mieux, ma petite dame, dit Tottleben, en s'adressant à la jeune hôtesse, vous voir remplir cette petite fonction. C'est une superstition, si vous voulez; mais je dors beaucoup mieux en voyage, quand c'est une adorable femme comme vous qui me conduit à ma chambre à coucher.

Et sans lui donner le temps de la réflexion, il lui presenta la lumière et lui prit le bras.

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Nous ne nous quitterons pas ainsi, madame, dit-il à cette dernière; vous allez vous asseoir auprès de cette table et y passer la nuit.

Qu'est-ce à dire? s'écria la femme en se couvrant le visage de ses deux mains.

Ne craignez rien, continua Tottleben; votre honneur ne court aucun danger avec moi, je vous en donne ma parole. Mais songez-y bien, j'ai quatre balles dans mes pistolets; qu'aucun mouvement, qu'aucun signe équivoque ne vous échappe! Car à la moindre tentative contre ma personne, au plus léger bruit que j'entendrai devant ma porte, je vous brûle la cervelle!...

Le mari essayait de balbutier.

-Point d'objection!... monsieur l'aubergiste..., reprit le général, c'est mon habitude d'agir ainsi en voyage. N'appelez point de secours! Je puis succomber au nombre, mais votre femme et votre enfant seront les premières victimes, je vous le jure. Au surplus, j'ai encore sur la poitrine, dans un étui de cuir, un poignard finement trempé, qui, dans l'occasion, saura me défendre. Vous pouvez donc vous retirer, je vous souhaite une bonne nuit. Ayez bien soin de mon cheval et veillez à ce qu'il ait bonne avoine et bonne litière jusqu'à demain matin.

Un malfaiteur perd facilement contenance en face d'un homme résolu. En entendant cet énergique langage, l'hôte s'éloigna et l'hôtesse s'installa toute tremblante auprès de la table. Tottleben, armé de son pistolet, écrivit

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Prends, mon enfant, dit-il en lui donnant une bourse pleine: il y a là de quoi te procurer une dot si tu veux rester ici. Mais si tu préfères me suivre, viens en toute assurance: j'aurai soin de ton avenir.

Mais la jeune fille sur qui planait déjà toute la vengeance de l'aubergiste, n'hésita pas un scul instant, et s'élança dans une voiture que Tottleben avait fait préparer. Pour lui, il ne voulut pas quitter l'auberge de l'Epéede-Pierre-le-Grand sans faire ses adieux à l'hôtesse.

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gré de latitude sud, et le 141o et le 144 degré de longitude ouest du méridien de Paris, à peu près à mi-chemin, en ligne directe, de Guatemala au port Jackson de la Nouvelle-Hollande. Elles forment deux groupes, l'un composé de cinq îles, fut découvert en 1596, par l'Espagnol Mendana. Il les nomma Iles Marquesas de Mendoza en l'honneur de Dom Garcia de Mendoza, vice-roi du Pérou; l'autre groupe situé au nord-ouest du premier, composé de sept iles, ne fut découvert qu'en 1797 par les Américains, qui lui donnèrent le nom de Washington. Ces douze iles, la plupart habitées, offrent environ un développement de 150 lieues de côtes. On n'a que des données incertaines sur la population de ces iles; on l'estime de cinquante à soixante mille habitants. Nous allons donner le nom et l'étendue approximative de chaque ile. - Premier groupe : la Dominique ou Ohivaoa, de 25 à 30 lieues de côtes; Santa Christina ou Tahouata, 8 à 10 lieues de côtes; la Madelena ou Fatouiva, 10 à 15 lieues de côtes; San Pedro ou Motane, 6 à 8 lieues de côtes; Fetougou, 8 à 10 lieues. Deuxième groupe: Nouhiva, de 30 à 35 lieues; Ouahahiva, 10 à 12 lieues; Fattirihou, 8 à 10 lieues; Mottouaiti, de 4 à 6 lieues; Quapoa, 8 à 10 licues; Lincoln, 4 lieues.

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pompon et pendants sur leurs épaules. Dans les grandes occasions, ils ornent leur tête d'une espèce de diadème de plumes de coq, ou d'autres oiseaux. Les arikis (chefs) sont quelquefois décorés d'un diadème d'écaille, incrusté d'ivoire et de nacre. Ils ont la barbe comme les Européens, mais ils ne la conservent jamais entière; quelquesuns portent des moustaches, d'autres quelques touffes de poils isolées; la plupart l'arrachent. L'habillement des femmes consiste dans une ceinture qui descend jusqu'aux genoux et dans une grande pièce d'étoffe dont elles s'enveloppent les épaules et qui tombe un peu plus bas. Lorsqu'elles veulent se parer, elles se coiffent d'une toile trèsfine dont elles se font un bonnet qui leur serre la tête et cache les cheveux; les coins tournés sur eux-mêmes forment un pompon qui complète cette coiffure. Presque toutes les femmes ont les cheveux coupés ras des épaules. Elles portent souvent des colliers composés de petits bouquets de fleurs de frangipane, de petits concombres ou de pommes de Vacois. Elles ont aussi pour les grandes occasions des colliers de dents de phoques et des pendants d'oreilles faits de dents de baleine. Les chefs dont le pouvoir est très-circonscrit, ne se font remarquer que par leur coiffure.

Il n'existe aucun obstacle à l'union des deux sexes; le consentement mutuel suffit, et la consommation est la seule cérémonie. Filles et garçons sont absolument maîtres de leur personne. On se prend, on se quitte pour se remettre encore. Il arrive souvent, qu'à l'âge où une jeune fille commence à attirer les regards des jeunes gens, elle sort de la case paternelle, et va vivre où bon lui semble, avant même d'avoir fait un choix. Chaque femme prend généralement deux maris, quelquefois plus; ce sont ordinairement deux frères ou deux amis. Les maris peuvent de leur côté avoir des familiarités avec d'autres femmes sans que cela tire à conséquence. Les enfants appartiennent à celui qui nourrit la mère ou bien à celui qu'elle désigne pour en être le père.

Les îles Marquises sont une bonne relâche pour les bâtiments qui, après avoir doublé le cap Horn, sont appelés dans quelques parties de l'Australasie, et, en général, pour les navires destinés à aller des ports de l'Amérique méridionale à la Chine. Elles produisent beaucoup de cannes à sucre, des patates, des citrouilles, des bananes, des petites oranges à chair rouge, le fruit à pain, qui, avec les cocos, est la base de la nourriture des habitants. On y trouve aussi une espèce de noix appelée ahi, et lety, racine dont le suc égale en qualité et en abondance, celui de la canne; cuite sous la cendre, cette racine est un aliment agréable et sain. Les cochons y sont extrêmement nombreux. La nature prodigue aux habitants de ces îles tout ce qui leur est nécessaire. Les Mendocains sont incontestablement la plus belle espèce d'hommes qu'on rencontre dans le grand Océan, tant pour l'élévation de la taille et la beauté des formes que - pour la force. On n'en voit que peu ou point de contrefaits. Il y a parmi eux des différences très-prononcées dans la couleur de la peau, dans les traits du visage et dans les cheveux. Les uns sont d'un noir pâle, les autres sont moins basanés que beaucoup d'individus des contrées mé-excepté ceux qu'il plaît aux prêtres de consacrer à leurs ridionales de l'Europe. Les femmes sont de taille ordinaire, jolies et très-bien faites. Elles ont de l'embonpoint, la physionomic spirituelle et agréable, et les dents du plus bel émail. Il y en a dont le teint ne serait pas remarqué dans le Midi de la France; aussi elles prennent grand soin de le conserver, elles ne sortent jamais de leur case dans les grandes chaleurs; lorsqu'elles sont obligées de le faire, elles se préservent du soleil, soit avec leur éventail, soit avec l'étoffe dont elles s'enveloppent.

Les hommes portent ordinairement un morceau d'étoffe faite avec l'écorce d'une espèce de murier, dont ils se font plusieurs tours à la taille. Les Lions de ces contrées, portent une pièce d'étoffe en forme de manteau comme les femmes. Ils se rasent la tête depuis le milieu du front jusqu'à la nuque et portent de chaque côté de cette raie, qui a environ un pouce de largeur, les cheveux noués en

Les hommes et les femmes se tatouent, sans dessin arrêté ni symétrie. Ces insulaires n'attachent au vol aucun déshonneur. Ils sont anthropophages. En 1815, ayant enlevé par surprise un canot américain, ils en massacrèrent l'équipage et le mangèrent.

Dans les guerres de tribu à tribu, les prisonniers, sans distinction d'âge ni de sexe, sont mis à mort et mangés,

Tatouas (Dieux), qu'ils enterrent après les avoir égorgés. Leurs armes se composent d'un arc, d'une fronde et d'une pique de bois très-dur. Les idées religieuses de ces insulaires sont très-bornées, cependant ils ont de grandes fêtes pendant lesquelles les hostilités cessent entre les tribus qui sont en guerre; ils peuvent même traverser le pays d'une tribu ennemie; il leur suffit de dire qu'ils vont à la fête de la vallée.

Il n'y a d'habité dans ces îles que les terrains garnis de cocotiers et d'arbres à pain. Les terres sont en propriété; les chefs en ont de considérables; ils habitent ordinairement les bords de la mer et afferment les terres situées dans le haut des vallées.

Nous espérons pouvoir donner d'autres détails prochai

nement.

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TABLETTES.

Theatre. Mercredi, au Théâtre-Royal de Bruxelles, salle comble. Il ne pouvait en être autrement avec les Huguenots, chantés par Laborde, Alizard, Mesdames Nau et Heinefetter. Une pareille musique ne pouvait avoir de meilleurs interprètes. Le choeur de la bénédiction des poignards a marché mieux que jamais, grâce à Alizard qui le conduisait en le dominant de sa puissante voix. Nous engageons les amateurs à profiter des occasions que leur offrira encore l'administration, pour aller entendre quatre artistes d'un mérite aussi distingué et que l'on voit si rarement réunis.

--Le Palais-Royal, toujours à l'affût des folies les plus gaies, vient de donner une délicieuse parodie de cette Mathilde qui fait depuis si longtemps répandre des larmes au public de la porte Saint-Martin.

Le Rochegune de la parodie est cocher de cabriolet ; Lugarto, un marchand d'habits; Sécherin, un marchand de coco. Mathilde vend des oranges, et Ursule des cerneaux. Ce n'est plus une vile prose qui touche les lèvres des personnages; tous parlent en vers... Voici le portrait que Lugarto fait de sa personne et de son caractère, en s'adressant au public après les trois saluts d'usage :

Je suis un animal assez peu caressant :
Sang mêlé, sans bon sens, j'aime le goût du sang ;
Je plante avec bonheur des clous sur une chaise ;
Quand on se rompt le cou je ne me sens pas d'aise ;
Partout où prend le feu, c'est moi qui l'entretiens.
Et, par désœuvrement, je fais battre les chiens.
Je le dis en riant, j'ai le fiel dans la bouche,
Et je porte malheur à tout ce que je touche.
Si je respire un lis, il change de couleur :
Il devient aussitôt noir comme un ramoneur.
Vu mon tempérament pas mal anthropophage,
J'aime un bifteck sanglant, une beauté sauvage.
Et j'ai, sûr d'endormir les femmes, les maris,
Pour elles du quibus, pour eux du vert-de-gris,
Voilà mes mœurs, mes goûts; voilà mes jouissances.
Faites-en part à vos amis et connaissances.

Plus tard c'est Mathilde qui se plaint de la position que les lois en vigueur font aux femmes :

Ah! qu'une pauvre épouse,

Née avec un cœur tendre et d'une humeur jalouse
Est à plaindre aujourd'hui!... Mais les lois sont pour eux,
Et messieurs nos maris en profitent... les gueux!
La femme pure encore, la pauvre délaissée,
A-t-elle, un beau matin, la funeste pensée,
Pour céder au penchant où les cœurs sont enclins,
De jeter son bonnet par-dessus les moulins,
Parce qu'elle a trouvé, la romantique femme,
Une âme sous sa main qui comprend mieux son âme...
Cinquante francs d'amende et trois mois de prison
Punissent l'innocente... Horrible déraison !...
Mais, voilà le plus beau, voilà le ridicule !...
Qu'un époux, au contraire, avec une autre Ursule,
S'en aille à Romainville, au fond des bois charmants,
Où les tendres amants trouvent mille agréments,
C'est bon ton, c'est reçu. La Correctionnelle
N'admet pas sur ses bancs un époux infidèle...
L'homme aura donc toujours seul le droit de broncher?
Et la femme à son tour ne pourra pas clocher?

Ça ne peut pas durer! Quand l'un fait bonne chère L'autre serait réduite au plus mince ordinaire? Femmes, réfléchissez... Que toutes à la fois Se lèvent donc en masse et refassent les lois! La pièce est suivie ainsi acte par acte de la manière la plus comique. Au dénoûment il y a bataille générale, mais personne n'est tué; au contraire, toute la société se met en route pour aller diner au prochain cabaret aux dépens de Lugarto.

Ce qui fait que Gontran est sous la puissance du marchand de cirage, c'est qu'étant employé au bureau de contrôle d'un petit théâtre, il s'est avisé de contrefaire six billets de parterre. Pour ne pas être dénoncé, le coupable faussaire laisse tout faire à son ami.

-Cette piquante folie jouée au théâtre du Parc pourrait indemniser les habitués du théâtre de la Monnaie de l'ennui qu'ils ont éprouvé à la représentation du drame.

Nous recommanderons aussi, pour être joué au théâtre du Parc, le Capitaine Charlotte, de MM. Bayard et Dumanoir. Mlle Déjazet, sur laquelle on a mis l'uniforme de capitaine et l'excellent Ravel, dans le rôle de Tancredi, sont chargés de faire valoir la pièce, qui est habilement construite et écrite avec gaieté.

Puisque nous en sommes aux nouveautés théâtrales, nous ne devons pas laisser inaperçu la première représentation d'Halifax, par Alex. Dumas, pièce jouée au théâtre des Variétés. Voici comment la Revue de Paris s'exprime à ce sujet :

« Un joli prologue, vif, rapide, spirituel, tout plein de dés pipés, de duels, de coups d'épée, de galanterie, de mystère, si bien qu'on croirait voir en action un chapitre des Mémoires du chevalier de Grammont, voici en vérité tout ce que nous trouvons à louer dans cette œuvre nouvelle de l'auteur d'Antony et de Henri III. M. Alex. Dumasa jeté tout son feu et toute sa verve dans ce prologue qu'il a dù écrire en se jouant, et qui promet tout ce que la pièce ne tient pas. Tout le reste est terne et vulgaire.

-

L'eau trop froide. Diderot racontait quelquefois qu'étant allé voir Rousseau à Montmorency, ils allèrent se promener le long de l'étang. « Voici, lui dit Rousseau, un endroit où j'ai été tenté vingt fois de me jeter pour terminer ma vie. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? » lui dit Diderot. Jean-Jacques, frappé du sang-froid avec lequel son ami prononçait ces paroles, resta un moment sans répondre, et dit à la fin : « J'ai mis ma main dans l'eau, et je l'ai trouvée trop froide. »

La reliure en veau. Un fat dépourvu d'esprit, mais très-bavard, avait, pendant une heure, ennuyé la société où il était. S'adressant ensuite à la marquise de..., il lui dit : « N'est-il pas vrai, madame, que je parle comme un livre?-Oh! pour cela, oui, monsieur : il ne vous manque que d'être relié en veau.

L'urgence. Un juge remettait une cause à la huitaine. L'avocat sollicitait pour qu'elle fût entendue de suite. De quoi s'agit-il done? dit le magistrat. - Monsicur, de six pièces de vin. Oh! la cour en effet peut aisément vider cela. »

UN VOYAGE EN PROMENADE.

La terre n'a été créée que pour les ports de mer : le but de la nature est évident; il est gravé en échancrures de rocs, sur toutes les cartes géographiques. Un port de mer est un trottoir au bord d'un ruisseau; on fait une enjambée, et l'on tombe sur le domaine de l'inconnue. La nature, qui a donné à l'homme un trésor d'ennuis pour désoler sa courte vie, lui a donné aussi, par compensa · tion, les distractions inépuisables de la mer. Otez la mer de ce monde, il ne reste que la terre, chose fort plate, malgré ses montagnes; habitation monotone qui vous offre aujourd'hui ce qu'elle vous a offert la veille, ce qu'elle vous offrira demain. Je faisais ces réflexions, l'autre jour, en me promenant sur le port de Marseille, seul coin de la France où je peux me dispenser d'avoir la tentation de faire un voyage autour du monde, puisque le monde y prend la peine de venir faire un voyage autour de moi; et comme je donnais audience au beau trois mâts l'Iris, qui arrive du Bengale, le paquebot le Grégeois me ramassa sur le quai, déploya ses roues, comme l'aigle ses ailes, et m'emporta vers la haute mer. Il faut nécessairement être dans un port maritime pour éprouver une de ces émotions violentes qui nous promettent une journée à la Titus, une journée où les heures sont remplacées, sur le cadran de la montre, par une douzaine d'amusements.

Un jeune lieutenant de la marine royale, M. Léonce Bodin, m'avait ainsi fait prisonnier de paix, et ce ne fut que devant un excellent déjeuner servi à bord du Grégeois, que je connus ma destination. Le paquebot se rendait à Toulon en longeant la côte. C'était pour moi un voyage de long cours accompli en cinq heures, sur une mer unie comme un miroir. La côte de Marseille à Toulon n'est pas connue. Je possède dans mon cabinet les vues de toutes les côtes de l'univers, en cent mille livraisons; je les sais toutes par cœur, et mieux que ceux qui les ont peintes et oubliées; je les ai même souvent révélées aux capitaines qui les ont découvertes; mais je ne crois pas qu'il existe un seul projet de livraison de la côte de Toulon à Marseille; et, l'autre jour encore, j'aurais mieux aimé peindre Coromandel ou Malabar, que ce rivage provençal, mon père et mon voisin. Les artistes arrivent chaque semaine à Marseille; ils dînent à l'hôtel d'Orient, et partent le lendemain pour visiter Malte, Alexandrie, Smyrne et Constantinople. Ils s'en reviennent avec une cargaison de minarets, de mosquées, de cactus, de palmiers, de nopals, de sable blanc, de têtes de chameaux, de rochers bruns, le tout entremêlé de Turcs mélancoliques et d'esclaves noirs qui attendent leur émancipation. Aucun de ces peintres n'a jamais honoré d'une humble aquarelle ce puissant chainon méridional qui lie la France et l'Italie par des anneaux de mille couleurs, cette côte splendide qui flotte entre le double azur du ciel et de la mer. La France est le plus inconnu de tous les pays; elle a fait toutes les découvertes, excepté la sienne; dans ses rêves d'ambition politique, elle convoitera six arpents de terre bourbeuse du côté du Rhin, et elle négligera ses anciennes villes et ses grandes routes; dans ses rêves d'ambition artistique, elle enverra ses peintres au Van-Diémen, et laissera, dans leur éternel 2 ANNÉE 1843.

incognito, ses plus beaux paysages, elle qui baigne sa tête dans l'Océan, sous des dômes de sapins, et ses pieds dans la Méditerranée, sous des guirlandes d'orangers.

De Marseille à Toulon, la nature a déroulé un album qui attend encore un peintre : c'est la plus belle insurrection volcanique de montagnes et de collines qu'on puisse voir; par intervalles, la rive s'échancre, et laisse poindre, au fond d'un golfe, d'heureuses petites villes endormies. La couleur des terrains varie à chaque bond dú paquebot; le soleil et les volcans y ont prodigué leurs teintes sombres ou éblouissantes avec une variété infinie de nuances; c'est une frange merveilleuse que la terre a brodée au bas de sa robe, et qu'elle laisse flotter dans la mer. Heureusement, dans presque toute sa longueur, cette côte est inhabitable; l'homme n'a pu parvenir à la gâter avec ses hideuses maisons et à la déchirer avec sa charrue. Elle garde sa forme primitive, et semble montrer avec orgueil sa virginité stérile qu'aucun souffle humain ne peut flétrir. On dit que ces montagnes, si mer veilleuses à leur surface, recèlent d'épouvantables horreurs dans la nuit de leurs entrailles. Il y a, sur un plateau du Bec-de-l'Aigle, un grand œil noir, connu et redouté du pâtre, et qui donne le frisson au chasseur perdu dans ces régions désertes, car il découvre subitement à la pointe de ses pieds un gouffre béant, d'où s'exhalent une vapeur froide et des bruits mystérieux. Un jour, le plus curieux et le plus intrépide des chasseurs de la Ciotat confia sa vie à une corde démesurée, retenue aux lèvres de l'abîme par les mains vigoureuses de ses amis. C'était l'inverse de l'expérience de Montgolfier. Le hardi explorateur, soutenu par les aisselles, descendit, une lanterne à la main, dans ce monde souterrain d'une profondeur inconnue; il épuisa la longueur de la corde, et ceux qui la déroulaient entendirent un cri épouvantable qui ébranla le creux de la montagne, comme ferait un marteau d'airain dans une cloche de la même grandeur. Lorsque ce malheureux amateur des gouffres reparut à la lumière du soleil, il terrifia ses amis. Sa face était blême comme une peau de cadavre; ses yeux, largement ouverts et fixes, semblaient s'attacher à quelque chose d'affreux et d'inconnu qui retenait impérieusement les regards; ses cheveux s'agitaient sur les tempes convulsives, et des paroles, tirées avec effort d'une poitrine haletante révélaient les mystères inouïs de l'abime, ses ténébreuses chutes d'eau, sa végétation colossale pendue à des voûtes humides, ses larges et sombres feuilles pariétaires, heurtant le visage comme des ailes d'oiseaux de nuit, ses vents glacés, sifflant aux cheveux comme de fortes haleines sorties de gueules énormes et invisibles, ses échos inépuisables, descendant de la voûte avec les déchirements des racines des pins, montant des enfers avec les mugissements sourds des vagues brisées contre les roches du rivage. L'infortuné avait laissé sa raison au fond du gouffre, rien ne la lui rendit au retour, ni la gaieté de la mer, ni le sourire du soleil, ni l'enchantement du plus adorable des paysages; il était fou, il resta fou; et aujourd'hui encore, assis immobile sous la treille de sa maison, il semble prêter une oreille forcée à des harmo nies infernales, et ouvrir ses paupières sur des visions qui hérissent les cheveux.

Le Bec-de-l'Aigle et le cap Sicić sont les deux points 4 MÉLANGES.

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