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- Ah! fit le prince en se précipitant sur les papiers défiants, et, portant la main à son épée, ouvrit les litièque lui remettait Waldstein.

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res de la salle pour connaître la cause de ce tumulte.

Un jeune homme, défait, ensanglanté, les cheveux en désordre, un poignard à demi brisé à la main, se précipite dans l'appartement en jetant des cris d'effroi.

Arrivé là, il s'arrêta soudain, regarda antour de lui avec des yeux égarés, et le poignard échappa de ses mains. Il voulut faire un pas vers le duc de Mecklembourg, mais il tomba sans force à ses pieds, en s'écriant d'une voix brisée :

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- Ah! s'écria Waldstein, enfin... Madame, ajouta-time qui allait la perdre par son aveu ; elle reculait en t-il en s'avançant vers l'Italienne, vous venez sans doute chercher votre victime.

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vain devant l'agonie de ce malheureux; il se traîna péniblement jusqu'à ses pieds.

Quand il fut près d'elle, il s'appuya d'une main défaillante contre cette femme, parvint à se relever entièrement, et se penchant vers l'oreille de la duchesse de Clèves :

Vous m'avez assassiné, qu'on l'ignore. Je vous pardonne, ma mère !

En achevant ces mots, il retomba sans force aux pieds de la duchesse.

Sa mère ! s'écria d'une voix épouvantée l'Italienne. Oui, madame, répondit le duc de Mecklembourg, il était votre fils. Il courait vous sauver ou périr avec

vous.

Et c'est moi qui l'ai tué, misérable! reprit-elle en se jetant sur ce corps sanglant, et cherchant à le ranimer par ses caresses. Mon fils! Comte de Waldstein, continua l'Italienne, tournant ses regards baignés de larmes vers son ennemi, je n'ai plus de pardon à demander maintenant; prononcez sur mon sort.

Steimpol parut se ranimer en entendant ces accents si douloureux par leur résignation. Il leva ses regards pleins d'une vive prière vers le duc de Mecklembourg, et d'une voix entrecoupée :

Grâce à ma mère, dit-il encore en mourant!

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Il y a quelques mois un coquet meuble de Boule, traîné par je ne sais quelle fatalité aux gémonies de l'hôtel Bullion, avait attiré mon attention. Il me prit fantaisie de l'acheter, et je formai le projet de venir le lendemain attendre le moment où il serait mis aux enchères. Je n'eus garde d'y manquer; mais un épisode assez curieux pour être raconté vint distraire mon intérêt de l'élégant bahut incrusté et le concentrer sur un humble petit piano qui paraissait exciter la convoitise de deux individus.

L'un des enchérisseurs, placé auprès de moi, était un jeune homme pâle, à l'œil fatigué par le travail ou la souffrance; il suivait avec anxiété la hausse de l'instrument, et chaque enchère était articulée par lui d'une voix tremblante qui accusait l'émotion la plus vive. L'autre me fit tout simplement l'effet d'un de ces grossiers marchands vulgairement appelés bric-à-brac. Je suivis la lutte avec intérêt. De 28 fr. de mise à prix, le piano était déjà monté à 50 fr.

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brave homme qui a été plus heureux que vous un modique bénéfice, et je ne doute pas qu'il vous cède son acquisition. Si l'argent vous manque, je vous prêterai ce qu'il faudra, mais en revanche vous me conterez pourquoi vous tenez tant à ce piano.

Mon jeune interlocuteur me remercia du regard et me fit signe qu'il acceptait. Nous nous approchâmes du marchand qui était en train de solder pour faire enlever le piano. Au bout d'un court entretien l'affaire était arrangée; l'adjudicataire triomphant se contentait d'un bénéfice de 50 francs. Je glissai un double napoléon dans la main du jeune homme, il paya et fit enlever le piano qu'il donna ordre de porter chez lui.

Quand nous fùmes seuls, je lui rappelai sa promesse tacite, et voici ce qu'il me raconta :

Madame, je suis artiste. Dès mon enfance, j'ai été mis à l'étude de la musique, le chant et le piano ayant toujours eu mes prédilections, c'est spécialement à eux que je me consacrai, c'est sur ce pauvre petit instrument que je me suis livré à mes premiers travaux. De longues années d'un exercice assidu m'ayant initié aux secrets de cet art, j'obtins le premier prix du Conservatoire en exécutant sur mon piano le morceau de Thalberg sur la pièce de Moïse. De ce triomphe que je lui dus date mon amour pour lui, amour qui a grandi avec les circonstances qu'il me reste à vous apprendre.

Au sortir de l'école, comme je n'avais d'autres ressources que mon travail, je me mis à enseigner la musique. Je passai ma vie entre les leçons que je donnais en ville et mes études le soir dans ma mansarde sur mon petit piano afin de me fortifier dans l'art que je cultivais. Un jour on vint m'offrir pour élève mademoiselle d'Olbreuse, une noble demoiselle du faubourg Saint-Germain ; je me mis de suite à ses ordres.

Cette charmante jeune personne était orpheline; son père et sa mère morts à peu de distance l'un de l'autre, alors qu'elle était encore enfant, avaient laissé sa tutelle à un oncle éloigné qui ne voyait dans cette mission sacrée que la règle lucrative des biens immenses dont elle était héritière.

Agathe d'Olbreuse, madame, était une céleste créature, l'être le plus parfait que j'aie rencontré sur la terre. Dieu qui lui avait prodigué toutes les vertus l'avait parée aussi de toutes les beautés! comme si les perfections morales et physiques s'enchaînaient et devaient se trouver réunies dans la même personne. En peu de temps elle devint ma meilleure élève, née avec le génie des arts, elle avait surpassé son maître.

Ce que je n'ose vous avouer qu'en rougissant, madame, tant ma témérité était extrême, c'est que je devins éperdument amoureux de cette angélique personne. Agathe était trop bonne pour ne pas prendre en pitié un amour si profond et si sincère, elle m'aima aussi. Les leçons que je continuais à lui donner, bien qu'elle fût devenue plus habile que moi, devinrent des moments fortunés où nous épanchions nos cœurs lorsque nous étions seuls et que personne ne pouvait nous entendre. Quelquefois, quand d'indiscrets témoins venaient troubler ces doux entretiens, nous pouvions parler encore, échanger tout bas quelques paroles, parce que le piano, de ses sons mélodieux, couvrait le léger bruit de nos voix, et ce discret complice,

c'était mon piano à moi, mon piano couronné qu'elle m'avait demandé et que je n'avais su lui refuser, parce qu'il n'y a qu'un sentiment au-dessus de la gloire, ce sentiment c'est l'amour.

Agathe m'avait promis sa main, mais malheureusement elle n'avait pas encore atteint l'âge où une jeune fille a le pouvoir d'en disposer; nous étions donc obligés de vivre d'espérance et de cacher des sentiments qui à coup sûr, s'ils avaient été connus, m'auraient attiré la disgrâce de son oncle. Quelle que fût notre prudence à cet égard, nous fûmes découverts, et M. Roy, le tuteur de la riche orpheline, qui voulait la marier à son fils, m'enjoignit de ne plus reparaître chez lui. Je partis, lassant à Agathe mon piano qui devait encore lui parler de moi et la consoler de la cruelle séparation qu'on nous infligeait. Nous jouions souvent ensemble le premier air qu'elle avait su toucher, c'était une mélodie simple et mélancolique qui avait toujours eu pour moi un sens vague et mystérieux qui faisait tressaillir nos âmes. Je suis sûr qu'elle l'a souvent fait redire au piano, depuis qu'on nous a arrachés l'un à l'autre ; chaque fois que cette phrase musicale s'était trouvée sous nos doigts, quelque événement nouveau était survenu dans notre existence; le jour de notre éternel adieu, je me souviens qu'elle l'avait joué instinctivement.

Après mon départ, je ne perdis point de vue M. Roy et sa pupille, j'attendais avec impatience l'heure de sa grande majorité, certain que je la retrouverais aussi aimante et aussi fidèle. Un jour, madame, fit-il d'une voix mouillée de larmes, puissé-je de ma vie n'avoir plus à subir une pareille épreuve, je vis entrer dans ma mansarde un des laquais de M. Roy, il me fit signe de le suivre et m'expliqua chemin faisant qu'Agathe se mourait. Le médecin avait déclaré qu'elle n'avait plus que quelques heures à vivre, et comme elle avait demandé à me voir, son tuteur s'était soumis à cette dernière volonté, à condition que, par déférence pour le monde, cette entrevue serait publique.

J'entrai défaillant dans la chambre de la mourante. Agathe, pâle et flétrie, mais belle encore, était étendue sur une causeuse, elle arrêta son regard sur moi, me pressa doucement la main, puis, comme elle pouvait à peine parler, elle me montra du doigt le piano qui était ouvert en me faisant signe qu'elle désirait de m'entendre jouer.

Je m'assis et je touchai cet air triste et mélancolique qui semblait revenir dans notre existence comme cette même phrase harmonieuse qui reparaît par intervalles dans un opéra, pour en marquer les péripéties. Agathe me suivait du regard, quand j'avais fini elle me priait de recommencer; une corde se brisa sous mes doigts, en même temps son âme s'envolait aux cieux.

Depuis que cet ange est monté à sa véritable patrie, M. Roy ayant formé le projet de quitter Paris, on a vendu le mobilier de l'hôtel d'Olbreuse. Je n'ai convoité, pour adoucir des regrets éternels, que ce piano, dépositaire de tous les secrets d'une vie d'amour dont rien n'a trahi la pureté. Concevez-vous maintenant, madame, le prix que j'y attachais. Il n'est pas une note, pas une touche sur ce clavier qui ne réveille un souvenir dans ma mémoire, une émotion dans mon cœur. Cette corde qui

s'est brisée en même temps que la vie d'Agathe, elle ne sera jamais renouée. Maintenant il y aura deux harmonies de moins sur la terre.

Ici le narrateur avait achevé son récit, il me quitta après m'avoir demandé poliment mon nom et mon adresse, afin de s'acquitter de la dette qu'il avait contractée envers moi.

Les singulières impressions que m'avait faites cette histoire commençaient à s'effacer, quand trois jours après je le vis entrer chez moi; un sombre costume de deuil avait remplacé le vêtement indigent de l'hôtel Bullion. Ah! madame, me dit-il, je savais bien que le piano n'avait pas fini de jouer son rôle. Tenez, voilà le nouveau secret qu'il m'a révélé, lisez.

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Je pris un papier de ses mains et je lus.

Entourée à mes derniers moments de personnes qui ne m'ont témoigné ni estime, ni affection désintéressée, je n'ose confier qu'à mon piano ce testament qui contient mes dernières volontés. Je donne et lègue à Pierre-Hugues Aubriot, professeur de musique, en récompense du respect et de l'amour qu'il m'a toujours témoignés, tous les biens que je possède à l'heure de mon décès.

Je pardonne à mon tutcur le mal qu'il m'a fait, et ses persécutions pour me contraindre à épouser un de ses fils. Je le supplie, si malgré ma précaution, il découvrait ce testament, de respecter au moins ma dernière volonté.

12 décembre 1840. Agathe d'OLBReuse. Ma foi, lui dis-je, il est vrai que le piano a bien gardé tous les secrets.

Oh! mon pauvre confident, mon noble artiste, reprit avec exaltation M. Aubriot, c'est lui qui me redit les pensées intimes de Rossini, de Weber, de Mozart, il ne me quittera jamais, et puis, qui sait? il a peut-être encore quelque nouveau secret à me révéler.

UNE VIEILLE FEMME.

TABLETTES.

Théâtres. Nous aurions beaucoup à dire sur les ouvrages et les artistes si nous entreprenions un compte rendu détaillé de toutes les représentations de la semaine ; aussi nous bornerons-nous à quelques rapides aperçus des scènes les plus importantes.

Paul et Virginie, ce drame que l'administration a monté avec un véritable luxe de mise en scène, promet un succès de longue durée. Il a fait, avec les Petits Mystères de Paris, une recette de 2,000 francs pour le bénéfice de Duprez. Le rôle de Paul est une des meilleures créations de M. Verdelet; Mile Crécy n'est point une Virginie sans mérite; quant à M. Auguste et à Mmes Doligny, Lebrun et Solié, nous n'avons ni éloges ni blâme à leur adresser. Nous ne parlons des Petits Mystères de Paris que pour signaler les dispositions heureuses de Bouchez pour le cancan. C'est un vrai modèle du genre. Victor a chanté la Marseillaise des femmes avec assez de succès, de l'avis de ses quelques admirateurs. Il abuse de ce genre selon nous.

La deuxième représentation du Mariage de Figaro, sur la scène de la Monnaie, a été moins faible que la pre

mière. Il y a cependant encore bien loin du jeu de quelques artistes au talent qu'exige ce chef-d'œuvre.

Hermann Léon a laissé croire un instant, à la dernière représentation de la Juive, qu'il ne pourrait s'acquitter de sa tâche jusqu'à la fin. Cet artiste a besoin d'un long repos ; c'est l'avis du public ei nous sommes étonnés que ce ne soit pas aussi le sien. On nous assure que les dif- | ficultés se compliquent entre cet acteur et l'administration. Les Enfants d'Édouard ont été représentés mardi. Ligier avait laissé de trop brillants souvenirs pour que M. Delacroix pût obtenir un succès réel dans le rôle de Glocester; mais il aurait pu être moins mauvais. Mademoiselle Rabut a été plusieurs fois applaudie avec justice. On remarque généralement que l'ordre est loin de régner sur le théâtre. Les causeries sur la scène, les promenades dans les coulisses sont choses fort ordinaires et le public réclame non sans raison contre cet abus.

On annonce les engagements suivants pour l'année prochaine :

Premier rôle. M. Rey de la Comédie-Française. M. Varlet, en remplacement de M. Michaux. Mlle Maillet pour tenir l'emploi de Mlle Crécy. On a mis à l'étude : Héloïse et Abailard, pour le bénéfice de Michaux. M11e Rabut remplira le rôle d'Héloïse.

Modes. Le bal donné à Paris au profit des pensionnaires de l'ancienne liste civile, a été plus brillant encore que ceux qui ont eu lieu précédemment dans le même but. Les femmes étaient rayonnantes de parure.

Le brocard or et argent, le velours, le lampas moiré, les gazes aériennes, le crêpe, surtout le rose et le bleu, voilà pour les étoffes.

Il y avait grand nombre de robes à deux et trois jupes d'une extrême ampleur, taille busquée devant, et même quelques-unes par derrière, très-décolletées des épaules, manches courtes, bouillonnées. Grand nombre de manches à la Camargo avec engageantes de dentelles. On remarquait aussi des turbans dits Rebecca, en gaze brochée or ou argent; des fleurs à feuillage composé de pierreries; des coiffures Marie-Stuart, ainsi que celles dites Châtelaines, non moins jolies.

Beaucoup de souliers de satin avec broderies, et quelques brodequins en satin blanc avec frange d'argent.

Les robes se portent fort longues, même pour bal. Il résulte de cette traine, des accidents presque inévitables, aussi un très-beau volant de dentelle a-t-il été horriblement morcelé.

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M. le président. C'est un parti pris, sans doute. Ambré. Positivement... Je ne la monte pas, cette fois vous me condamnerez à douze heures de prison. C'est bien, je m'y attends, c'est prévu! (On rit.) Maintenant comptons; je monte ma garde tous les trois mois, ces trois gardes me représentent neuf mois sans rien monter du tout... Seulement, un beau jour de pluie, un jour où l'on ne peut pas se promener, un jour de morte saison, je prends un pâté, et ma casquette de loutre, je me constitue prisonnier, et je fais mes douze heures... Eh bien! vous me croirez si vous voulez, mais j'aime mieux ça que trois gardes. (Hilarité générale.) M. le président. Ambré. Non, c'est une découverte que j'ai faite ! Le conseil condamne M. Ambré à vingt-quatre heures de prison. Ambré.

C'est une plaisanterie.

Ah !... il paraît que j'ai mal compté!

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Origine des pantoufles. Les anciens Égyptiens fabriquaient une espèce de pantoufles avec des feuilles de palmier et de papyrus on en faisait usage dans le temple de Jérusalem. En Espagne, on les fabriquait avec du genêt. En France, la pantoufle était autrefois une chaussure de femme; elle n'avait pas de quartier, mais seulement une empeigne, sous laquelle les dames entraient le pied. Le talon en bois, recouvert de cuir, était fortement assujetti avec la semelle.

Origine des pierreries. Agnès Sorel est la première femme qui ait porté des pierreries en France (1445). Depuis François Ier jusqu'à Louis XIII, les parures n'étaient composées que de pierres de couleur et de perles. Les femmes ont conservé l'usage des perles jusqu'à la mort de Marie-Thérèse d'Autriche (1685). C'est à peu près l'époque où les diamants brillants ont commencé à devenir en vogue, et à obtenir la préférence sur toutes les autres parures de pierres précieuses en Europe.

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Bonne nouvelle. Dans ce moment, M. SCHUBERT, un des plus habiles dessinateurs lithographes, exécute un magnifique portrait de G. SAND, qui sera incessamment distribué aux abonnés de la Macédoine Littéraire.

Avis.-Nous prions MM. les souscripteurs qui n'habitent pas Bruxelles et qui n'ont souscrit que pour le PREMIER TRIMESTRE DE LA 2me ANNÉE (nos 4 à 15), de renouveler leur abonnement avant le 6 mars prochain, s'ils désirent que l'envoi de la Macédoine ne soit point interrompu.

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Parce que je n'aime personne.

Quelle naïveté! Pourquoi n'aimez-vous personne?
Parce que je ne puis plus aimer.

Peste! Pourquoi ne pouvez-vous plus aimer?

Parce que j'ai trop aimé.

Vous m'intéressez. Pourquoi ?...

Allez au diable avec vos pourquoi ! Vous êtes un véritable inquisiteur.

Eh! non, je ne suis qu'un anatomiste, mon cher Frédéric, et vous êtes un sujet curieux que j'aimerais assez à disséquer, je ne vous le cache pas.

Laissez-là votre scalpel, je vous prie; je consens à vous dire moi-même ce que vous désirez savoir.

Frédéric Talhouet sourit, ce qui lui arrivait rarement. Il se jeta sur son divan, cacha pendant une minute dans ses mains son grand visage expressif et pâle, puis il reprit en ces termes :

La première fois que je vis Bergeronnette, ce fut en Bretagne, sur les grèves de Loc-Tudi, par une radieuse matinée d'été. Bergeronnette était assise sur le sable, pieds nus, cheveux au vent; elle chantait un guerz ou ballade du pays d'une voix fraîche et gentille comme son frais et gentil visage. Elle avait douze ans. Elle tenait avec soin sur ses genoux un livre richement relié qui contrastait avec la pauvreté de son accoutrement. Je m'arrêtai pour lui adresser la parole. Elle se tut et fixa sur moi son regard humide et brillant.

- Dites-moi, ma belle enfant, lui demandai-je en lui indiquant un parc qui côtoyait le rivage, n'est-ce pas la propriété de M. de Tyvonarlen?

A ces mots, elle se leva vivement et me répondit d'un air gracieux et souriant.

Oui, monsieur, mais l'entrée du château est sur le chemin de Loc-Tudi.

Elle reprit avec une légère expression d'embarras : Est-ce que M. va chez M. de Tyvonarlen? J'irai bientôt, ma belle enfant; mais il faut que je me rende d'abord à l'île de Tudi où j'ai affaire.

A l'ile Tudi? reprit-elle. Ah! bien, vous pouvez la voir d'ici; et, si vous voulez, je vais vous y mener? A pied? fis-je avec une gravité comique.

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Je suis à votre disposition, ma petite amie, lui dis-je de plus en plus étonné de son langage et de sa gentillesse.

Merci, monsieur, fit-elle avec une jolie révérence. Je vous prierai quand vous irez à Loc-Tudi, chez M. le comte de Tyvonarlen, de remettre ce livre à M. Robert, son fils.

Elle me montra le beau volume qu'elle tenait à la main; je le pris et l'ouvris : c'était Paul et Virginie. De quelle part lui rendrai-je ce livre?

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Vous aimez donc bien les livres?

Oh! beaucoup, monsieur! me répondit-elle d'un air expansif et passionné. Je lis toujours quand j'en ai le temps. Si vous saviez : M. Robert est bien bon pour moi; grâce à lui, je connais les plus jolies histoires du monde.

En parlant ainsi de M. Robert, jeune garçon de douze ans à peine, les joues de Bergeronnette s'empourpraient légèrement, et ses belles paupières aux longs cils blonds s'abaissèrent avec une sorte de pudeur instinctive. Je soupçonnais fort que l'amour de la lecture n'était pas le seul sentiment qui commençât à fleurir dans le cœur à peine éclos de Bergeronnette.

Venez, me dit-elle, mon bateau est dans une petite crique du rivage.

Nous nous dirigeâmes vers l'endroit indiqué. Bergeronnette marchait à pas pressés. Je me tins derrière elle, considérant la grâce aisée de sa démarche enfantine, la perfection vraiment étonnante de sa taille que dessinait une pauvre robe de toile grise. Sa chevelure, d'un blond cendré délicieux, retombait en boucles mollement arrondies sur ses épaules rondes et blanches. Dans mes pérégrinations à travers ma Bretagne aimée, j'avais rencontré souvent, au sein des campagnes les plus ignorées, de charmantes penneres ou jeunes filles qui me rappelaient un peu les villageoises de Marmontel, mais je n'avais point encore vu une enfant aussi intéressante que Bergeronnette; sous ses modestes vêtements, elle avait l'élégante simplicité de l'oiseau dont elle portait le nom. Elle en avait aussi la vivacité coquette.

Nous montâmes dans son bateau. Elle le conduisit seule avec une habileté où l'adresse se mariait à la force. J'admirais cette organisation à la fois énergique et frêle : je la complimentai, elle sourit et me répondit avec fierté que ce n'était rien que cela, qu'elle savait déjà conduire une chaloupe à la voile, et que souvent elle allait avec son père, marinier de l'ile Tudi, promener en mer la famille de Tyvonarlen. En parlant ainsi, elle imprimait de rapides mouvements aux avirons, et nous abordâmes à l'ile, petit coin de terre avec quelques chaumes misérables et quelques brins d'une végétation rare et brûlée par le vent de mer; poétique par sa mélancolie profonde et la monotone grandeur de l'Océan qui l'environne.

14 MÉLANGES.

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