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388 QUELQUES MOTS SUR LA VIE DE CICÉRON.

ou d'attaque. Il faut bien convenir qu'au fond de tous ces chefs-d'œuvre variés, il ne règne ni une conviction énergique en un principe, ni un parti pris et sévèrement adopté, ni un attachement inébranlable; il plaide toujours, souvent pour et contre;—toujours avec une admirable faconde. La cause qu'il soutient l'emeut jusqu'à le transporter.

Il n'est pas sceptique, il est artiste; c'est de bonne foi qu'il orne des prestiges de son style les théories les plus diverses. Aussi les hommes préoccupés de la forme élégante et de la pensée ingénieuse l'ont toujours eu en souveraine estime; ceux qui apprécient surtout la grandeur et la fermeté du caractère lui rendent des hommages plus modérés. Dans le trésor de ses œuvres, ce sont peut-être ses lettres familières que l'on regretterait surtout de voir se perdre, si l'imprimerie n'avait pas rendu indestructibles les produits de la pensée; là éclatent avec une ingénuité ravissante les grâces, les ressources, et les délicatesses de cette vaste et flexible intelligence.

Quant aux faiblesses de l'homme d'État, il faut se rappeler l'effroyable tempête et la cruelle décadence de l'époque où il a vécu. Envers un homme si grand par le talent, si naturellement honnête, si avide de gloire et de vertu, l'indulgence c'est la justice. L'histoire doit graver sur son tombeau les équitables paroles d'Auguste : « C'était un grand >> orateur et un bon citoyen, qui aima beaucoup sa patrie. »

QUELQUES NOTES SUR VIRGILE.

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Lorsqu'un nom majestueux et antique, celui de Virgile, par exemple, se trouve soumis à une nouvelle épreuve, on ne peut se défendre d'un sentiment triste et solennel, j'ai presque dit religieux. Que de siècles représentés ! quelle vaste influence! Combien cette voix divine a captivé d'â– mes humaines! Combien d'esprits elle a formês! On ne pense plus aux beautés réelles de la versification, au talent de l'écrivain, à l'habileté des imitations, à l'art, à la science, à peine au génie. Ce que l'on voit seulement, c'est cette vaste place dans la civilisation, place occupée par un homme simple, ami des champs et des frais ombrages, âme studieuse et modeste, timide et presque enfantine dans la vie privée; chantant volontiers une ruche d'abeilles, ou une petite taverne obscure, cachée sous les pampres dans un faubourg, ou la danseuse syrienne (copa Syrisca) (1), voluptueuse fille de l'Asie, qui dansait en s'accompagnant de ses cymbales, comme la fille d'Espagne avec ses castagnettes. De l'existence assez obscure et assez douce que Virgile a

(1) V. plus bas les loisirs de Virgile.

menée, voyez un peu le rayonnement lointain; c'est merveille. Virgile ouvre la voie à tous les poètes, depuis Auguste; le moyen-âge fait de lui un sorcier; le catholicisme consacre le tombeau de saint Virgile; les évêques s'appellent Virgile; les chevaliers consultent les sorts virgiliens pour savoir si leur lance sera victorieuse; la poésie renaissante s'attache à ses pas; Virgile donne la main à Dante, et le conduit dans l'enfer chrétien. Puis le voilà qui s'assied dans toutes les écoles, apprend à lire à tous les enfants, imbibe de son harmonieux nectar, comme dit je ne sais quel poète allemand, toutes les âmes qui s'épanouissent, devient l'un des catéchistes de la pensée moderne, et se retrouve encore aujourd'hui, frais, brillant, naïf et jeune, sur les bords de l'Ohio, dans les académies de Saint-Pétersbourg et dans celles d'Odessa; toujours le Virgile de l'antiquité; une aimable et mélancolique intelligence, un esprit doux et cultivé, un ami des champs et des ombrages; présidant à ce qu'il y a de plus puissant et de plus actif dans l'histoire humaine, à l'éducation première des peuples et au développement de la pensée.

Est-ce le talent seul qui fait ce prodige? Ne le croyez pas.

De tous les poètes de l'antiquité, Virgile, a pour nous modernes, la saveur la plus douce et la plus sympathique. Déjà plusieurs critiques ont remarqué ce caractère particulier de Virgile. Hommes du monde nouveau, nous l'aimons, nous le comprenons comme un des nôtres. Il n'a presque rien de la rude discipline de l'univers romain. Il donne une teinte élégiaque à ses emprunts faits à la Grèce; il aime et gémit comme un chrétien. Cette disposition rêveuse se mêle à un art très-raffiné, comme chez Racine; les contours de son paysage ne sont pas seulement lumi

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