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DE CICERON, DE SON CARACTÈRE

ET DE SON INFLUENCE.

QUELQUES DOCUMENTS BIBLIOGRAPHIQUES RELATIFS A LA VIE ET

AUX ŒUVRES DE CICERON.

Consulter.-Middleton. The life of M. T. Cicero.
Sigonius. Epistolæ ad famil.

La grande édition de M. Victor Leclere.
Scholiastes de Cicéron. (Éd. Orelli ).

N. B. Des deux esquisses suivantes, consacrées au caractère de Cicéron et à son influence sur les temps modernes, l'une écrite dans ma jeunesse et à mon retour en France, est empreinte de cette rigidité exagérée que l'expérience de la vie n'a pas modifiée, et de la dureté du jugement moral, puisée dans les habitudes de la vie septentrionale, l'autre contient la rectification et comme l'amende honorable de ce premier jugement. Ce jugement s'étant réduit à mes yeux aux proportions d'un paradoxe sévère, mêlé de quelques vérités incontestables, j'ai donné au fragment inséré page 345, le titre de Paradoxe; il m'a semblé nécessaire de revenir sur ces saillies du premier âge et de chercher dans une étude bien complète, mais plus impartiale, l'appréciation de l'un des plus grands noms des temps anciens et modernes.

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Jacques Bellenden, qui vivait en Angleterre sous le règne de Jacques II, est, de tous les commentateurs de Cicéron, celui qui a le plus contribué à rétablir l'ordre chronologique des lettres que ce grand écrivain a laissées. Avant Bellenden, Jérôme Ragazzoni (ou plutôt Sigonius, dont ce pseudonyme cachait le nom véritable), avait mis en ordre les lettres ad familiares (aux intimes), que l'on a plaisamment appelées lettres familières. Le travail de Bellenden, fort supérieur à celui de Sigonius, et qui d'ailleurs embrassait la correspondance entière, était oublié des gens du monde, lorsque parut la Vie de Cicéron par Middleton, œuvre sans portée, dont l'auteur n'a su apprécier aucun des événements et des caractères qu'il retraçait. Un style heureux, périodique et facile en constituait le principal mérite; Middleton s'était emparé du travail de Bellenden, sans avouer le larcin. L'Allemand Wieland, qui publia, en 1808, une excellente traduction des lettres, se servit de la chronologie que Middleton avait donnée pour sienne; Schütz la modifia et l'améliora; M. de

Golbéry, dans son édition, s'est conformé, avec beaucoup de raison, à l'édition primitive de Schütz.

Bellenden, auteur original de cette reconstruction que les derniers éditeurs français ont sagement adoptée, s'est trouvé perdu et enseveli sous les noms de ses successeurs. Pourquoi ne pas consoler les mânes du vieil érudit, en lui rendant la justice qui lui appartient? Rétablir l'ordre des lettres cicéroniennes, c'était créer avec des documents certains le journal le plus curieux, le plus exact et le plus intime des affaires romaines, pendant la crise qui détruisit Rome patricienne et fit Rome impériale. C'était donner, sous forme épistolaire, l'autobiographie d'un personnage qui a vécu dans l'intimité de Pompée, de César et de Caton. Quæ qui legat, dit Cornelius Nepos, non multùm desideret historiam contextam illorum temporum. « En les lisant, on aura presque une histoire complète et suivie de toute l'époque. » Consultons donc ces Mémoires particuliers; les révélations y ont naïves. L'orateur déposait alors la solennité magistrale. Il n'avait plus de rôle à jouer. Quoi que Montaigne ait pu dire, ses lettres n'étaient point écrites pour la postérité. Voici toutes les grandeurs, voici toutes les faiblesses de l'homme privé et de l'homme public; Cicéron tout entier.

Dès les premières lettres de Cicéron, nous le voyons, à quarante ans, placé au milieu du foyer des intrigues romaines; amoureux de la langue grecque et des belles peintures, briguant le consulat; ornant sa bibliothèque d'Hermaclées ou de statucs représentant à la fois Hercule et Mercure; heureux de son Tusculum et de sa renommée d'orateur. Le premier trait qui nous frappe n'est pas à son avantage, quelque beau que fût son génie. Il apprend que son père est mort. Il écrit à son ami Atticus ;

<< Mon frère est dans son domaine d'Arpinum. Notre père est décédé le 8 des calendres de décembre. Voilà tout ce que j'ai à te dire. (Hoc est tantum, quod te scire vellem) Trouve-moi, si tu le peux, des curiosités pour orner ma galerie d'étude. Tusculum fait mes délices; c'est là seulement que je me sens heureux. »

Pas un mot de plus. Ce trait de caractère est si fort, cette mention rapide et pour mémoire de la mort de son père est si étrangement mêlée à ses préoccupations dominantes, à ses idées de virtuose et d'amateur, que l'un des traducteurs a peine à en croire ses yeux, comme il le dit dans sa note. Cicéron, « homme nouveau,» se sentait-il gêné par la présence de son père, le bourgeois d'Arpinum? Était-ce une âme facile aux impressions, oublieuse des absents, tout entière à ses impulsions présentes, toujours sous le charme de ses voluptés littéraires, de ses vues ambitieuses, de ses jouissances d'artiste? Était-ce une âme froide? Non, certes. Elle était profondément sensible à ses propres peines. Sa correspondance est pleine de l'expression de ses douleurs.

Il y a, vous le savez, deux espèces de sensibilité; celle qui s'occupe d'autrui, et celle que nous reployons sur nousmêmes; la dernière est active, commune, admirée, larmoyante. Elle ne nous coûte pas un dévoûment, pas même le sacrifice d'une pensée. La civilisation cultive et protége cette sensibilité délicatement égoïste. Si les apparences ne sont pas trompeuses, Cicéron avait une dose assez belle de cette sensibilité spéciale : il pleure en douze pages son exil passager; en une ligne la mort de son père.

Continuons.

Si le caractère du grand orateur ne ressort pas de cette

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