Obrazy na stronie
PDF
ePub

lait l'esclave thracienne; les images sensuelles étaient prodiguées; la blanche poitrine de la courtisane apparaissait au milieu des cris du parterre; jamais de mots et d'images qui donnassent l'idée d'une chaste volupté. Mais, direzvous, Aristophane était cynique! Cet Aristophane le cynique avait l'âme grande et l'esprit haut. Comme il planait sur toutes choses! qu'il voyait admirablement et d'un point élevé les fautes d'Athènes! que tout se dessinait nettement devant cet esprit! et qu'elle était belle et pure, cette raison, qu'il était clair et grand, ce génie, roi d'un genre que nous autres, créateurs de ces derniers temps, nous croyons avoir inventé et qui est vieux comme le monde et l'homme, le genre fantastique!

La femme, telle qu'on la trouve chez Aristophane, c'est la véritable matrone grecque de la république. Elle s'efface, se cache et se perd dans l'obscurité, comme l'ordonne Thucydide. Voici, selon Xénophon, tous les devoirs d'une femme parfaite (1): « Elle doit ressembler à la reine-abeille, ne pas sortir de la maison, exercer une surveillance active sur les esclaves, leur distribuer leurs tâches diverses; recevoir les provisions et les mettre en ordre, économiser avec soin tout ce qui n'aură pas été employé; le mettre en réserve; surveiller la fabrication de la toile et des habits, ainsi que la cuisson du pain; prendre soin des esclaves infirmes, quel que soit leur nombre ou leur âge; ranger avec attention et tenir bien propres tous les ustensiles de cuisine, leur donner des noms convenables, qui servent à les faire reconnaître ; nourrir et élever les enfants; enfin prendre soin de sa toilette. »

Il y avait trois sociétés dans cette société, trois nations

(1) Traité de l'économie domestique,

dans la nation : les esclaves, espèces de bêtes de somme, les femmes, qui s'acquittaient de leur métier de ménagères; et les hommes, qui vivaient entre eux et pour eux seuls.

De là les erreurs de Sapho, celles d'Alcibiade et de Socrate; de là ce mélange impur qui circule à travers l'admirable poésie grecque, et tous ces vices, « dont je devrais parler, comme l'a dit Montesquieu, si la voix de la nature ne criait pas contre moi ! »

L'avilissement des femmes en Grèce se releva un peu quand la civilisation romaine eut pénétré dans ce pays. Plutarque est moins insolent envers elles qu'Aristophane, moins dédaigneux que Xénophon. Dans ce petit ouvrage naïf qu'il a intitulé le Banquet, on voit deux femmes s'asseoir à la même table que leurs seigneurs et maîtres. Il est vrai qu'elles se lèvent et quittent le festin au moment précis où la grande coupe commence à circuler; leurs maris, de peur qu'elles ne voulussent briller par leur parure, ont eu soin, avant le repas, de cacher leurs plus belles robes, leurs aigrettes, leurs zones et leurs bracelets; tyrannie étrange qui contraint ces dames à se présenter en déshabillé.

L'Athénienne s'occupait beaucoup de ses vêtements; son sort était un peu celui des Orientales: elle avait son diadème, ses tuniques de mille espèces : voilà sa vie.

Alors naquit nécessairement la femme de plaisir, l'hétaïre qu'il ne faut pas confondre avec la courtisane; voici ce qu'en dit Démosthènes (1). La condition des femmes, dans la société grecque, à cette époque, est singulièrement et naïvement résumée par lui:

<< Nous avons des hétaïres (amies) pour la volupté de

(1) Discours pour Nééra.

l'âme, des courtisanes (pallakai) pour la satisfaction des sens, des femmes légitimes pour nous donner des enfants de notre sang et bien garder nos maisons. >>

Il nous reste à donner l'histoire de ces hétaïres, histoire qui se trouve à peu près complète dans les écrits des anciens.

S IV.

Les Hétaïres.

Quoi! vous amenez ici toutes les joyeuses filles de la ville d'Athènes ?... Tout ce qu'on a écrit sur elles! Oh! vous avez une belle érudition! (1) ATHÉNÉE, DEIPNOSOPHISTES, 1. XIII.

Jusqu'à l'époque de Périclès, la femme grecque, descendue de son trône homérique, réduite à un triste vasselage, condamnée au service du ménage et à celui de la volupté, n'exerce aucune influence sur l'état moral ou politique de la Grèce. D'une part, on protége par des lois atroces l'honneur du lit nuptial; d'une autre, on ravale la condition des femmes par leur vente ou leur location publique, instituée par Solon, réglée par lui à un taux que les lois fixaient. « Tu es notre bienfaiteur commun, s'écrie le poète comique Philémon; tu es notre grand homme par excellence, ô Solon, toi qui as pensé aux plaisirs de la jeunesse ! et par tous les dieux, je t'honore! Il n'est plus

....

(1) Περιφέρων τοιαυτὶ βιβλία... πάντων τούτων συγγεγραφότων περὶ τῶν Αθήνησιν Εταιρίδων..... ῢ τῆς καλῆς σου πολυμαθίας!

besoin de gravir un balcon, au risque de se briser la tête, ni d'entrer chez sa belle par la lucarne du grenier, ni de se faire envelopper dans les linges et les draps que l'esclave apporte chez sa maîtresse; le matin, le soir, le jour, la nuit; jeune, vieux, d'âge moyen, on n'a qu'à choisir ; rien n'est plus facile. Leur voix est douce; leurs formes sont belles; adolescent, elles vous appellent du nom d'Apollon; vieillard décrépit, elles vous nomment Mars. Elles ont des paroles de miel pour tout le monde..... Les voici toutes..., etc., etc. »

Ces femmes que Solon enrégimenta, les Pallakai, il ne faut pas les confondre avec les hétaïres, qui n'étaient pas encore nées. Pauvres captives, plus misérables que dépravées, les Pallakai étaient à peine sur le niveau des esclaves. Thémistocle, dans sa première jeunesse, attelait à son char quatre de ces esclaves nues et traversait l'Agora au milieu des cris de la foule (1).

Quant à la femme mariée, si elle osait se montrer aux jeux olympiques, elle était condamnée à perdre la vie. On la précipitait du sommet d'un roc. Traitée comme un être inférieur, on ne laissait échapper aucune occasion de lui témoigner le mépris qu'elle inspirait : « Femmes (s'écrie un orateur, dans l'occasion la plus solennelle)! vous pleurez vos pères, vos frères, vos maris tués à la guerre. Réprimez votre douleur; essuyez vos larmes; ayez enfin un peu de force d'âme et mêlez au moins une vertu à tous les défauts que la nature vous a donnés. » Belle consolation ! Sermon édifiant! cette insulte, que la circonstance rendait plus outrageante et plus gratuite, était prononcé dans l'Agora par l'homme le plus éloquent de la Grèce; elle tom

(4) Athénée. L. 12.

bait sur une foule de mères et de sœurs désolées. On në laissait à la femmé d'autre rôle que le rôle passif, le silence, l'abnégation, la douleur secrèté: on lui interdisait jusqu'aux larmes.

Mais si elle s'avisait de se révolter contre son tyran, si elle nouait une intrigue, si elle avait un amant, des lois inexorables l'atteignaient. Elles punissaient, dit Maxime de Tyr, jusqu'à l'intention de l'adultère. Une femme était chassée ignominieusement du domicile conjugal, privée de sa dot, dont le mari offensé s'emparait. Il pouvait ou l'exposer en vente, ou la garder chez lui comme la dernière des esclaves. L'entrée des temples lui était défendue, elle ne pouvait porter désormais aucun ornement, aucune parure; sa vie même restait à la merci de l'époux oùtragé. Par un contraste bien digne de ce peuple athénien, celui de tous les peuples qui a réuni dans ses mœurs le plus de contrastes et d'invraisemblances, la loi qui entourait de menaces et de terreur la chasteté de la femme mariée ne protégeait guère la chasteté des vierges. Tous les ans, de grandes fêtes avaient lieu, orgies bruyantes qui se célébraient pendant la nuit, et auxquelles les vierges d'Athènes assistaient. Les ténèbres, l'ivresse, le désordre, tout favorisait la licence et les vols amoureux. Les comédies grecques, imitées par Térence et Plaute, nous prouvent assez que dans ces occasions quelques paternités mystérieuses ne manquaient jamais d'accroître la population athénienne, sans qu'il fût possible d'atteindre et de connaître les coupables. Innocentes victimes de la brutalité des Athéniens; pudiques et déshonorées, presque toutes les jeunes héroïnes des comédies grecques sont devenues mères 'pendant les Bacchanales, et l'intérêt de la pièce roule sur les suites de cette violence dont l'auteur reste caché.

« PoprzedniaDalej »