Obrazy na stronie
PDF
ePub

athlètes et en héros les Lacédémoniennes. La Pologne, qui a conservé des mœurs héroïques et chevaleresques au sein de notre nouvelle civilisation, place encore les femmes au plus haut rang de l'échelle sociale. Même dans ses intérêts politiques, elles exercent une influence prépondérante. « Surtout, monsieur l'archevêque, soignez les femmes,» disait Napoléon à M. de Pradt, en l'envoyant en ambassade à Varsovie.

Quand les vieilles coutumes pélasgiques s'effacèrent devant la prépondérance ionienne, quand l'esclavage asiatique se confondit avec la démocratie d'Athènes, et produisit cette société bizarre, où tous les hommes étaient rois, rivaux, ennemis, et toutes les femmes asservies, le sort et le génie du sexe faible changèrent complètement. Elles se replongèrent alors dans la vie privée, d'où elles ne sortirent plus.

Chez les Spartiates, elles avaient perdu leur caractère féminin; avec leur souplesse et leur grâce, avec leur besoin de protection et d'appui elles virent nécessairement s'évanouir leur puissance. Chez les Athéniens, on les regarda comme les premières des esclaves, comme chargées des soins administratifs, et forcées de rendre un compte exact à leurs maîtres. Aristophane les insulta publiquement; Euripide fit de leurs vices le texte habituel de ses déclamations. Plus on leur imposait de devoirs, plus on les reléguait dans l'obscurité, plus aussi leur capacité intellectuelle et leur influence morale diminuaient.

Alors s'éleva au sein de la société athénienne une bizarre anomalie : les Hétaïres, ou esclaves affranchies (1), courtisanes de bon ton, s'emparèrent du sceptre de l'élé

(4) V. plus bas, le chapitre spécial qui leur est consacré.

gance, que les femmes honnêtes avaient laissé tomber; à elles seules appartint la culture des arts; seules elles eurent le droit de faire des vers, de charmer les loisirs des hommes d'état, et de mêler aux graves discours des philosophes, les vives saillies de l'imagination, les prestiges de la poésie, de la musique et de la peinture. Classe singulière, qui se rapproche beaucoup des prêtresses de la volupté, connues dans l'Inde sous le nom de bayadères. Elles laissaient aux chastes matrones la rigidité des mœurs, l'ignorance et les ennuis de la vie domestique; il leur suffisait de régner par le génie et la grâce. Symboles de la beauté intellectuelle comme de la beauté physique, les Hétaïres, que tous les auteurs anciens représentent sous les traits les plus intéressants, êt dont Aspasie est le modèle, ne nous ont pas laissé un seul fragment authentique que les savants puissent leur attri buer sans controverse. Athénée a recueilli quelques vers qui portent le nom d'Aspasie; rien ne prouvé qu'elle en soit l'auteur. Cicéron a conservé un petit dialogue en prose, que l'on dit lui appartenir. Plutarque affirme que les harangues de Périclès renferment plus d'une phrase dictée par elle. Le Ménexènè de Platon lui assigne un rôle très-brillant; et Plutarque, tout en disant que Platon seul a embelli ce traité de la magie de son style, âvoue que le fond de la pensée et le système philosophique de Ménéxèné, sont précisément les théories morales et esthétiques que cette femme célèbre se plaisait à répandre.

Comment, d'après ces légers vestiges, traces à demieffacées, juger le talent de cette femme, qui devint un pouvoir au milieu de la démocratie athénienne? Que ne donnerait-on pas pour trouver dans un manuscrit antique la révélation de cette intelligence rare et merveilleuse, qui brilla entre Socrate et Périclès et les inspira l'un et l'au

tre? Maitresse du maltre de l'Attique, régnant en souveraine sur l'homme qui avait dompté le peuple souverain de l'Agora, quelle femme, quel prodige que la courtisane de Milet! Une femme pour qui Péricles eût répudié avec joie sa femme légitime, du méme sang que lui, au risque de ruiner sa fortune; celle qui apprenait à cet ame bitieux la politique, à Socrate l'éloquence; celle aux dan gers de laquelle son marl philosophe donnait des larmes qu'il ne versa jamais dans ses propres périls; dont le sourire était un bienfalt; qui faisait la paix ou la guerre ; dont les traits et la beauté servaient de type à tous les artistes, dans la patrie même de la beauté; chez qui le poête venait chercher le secret du succès, et la matrone vertueuse le secret de plaire; la femme qui, déjà sur le retour, s'empara de Lysiclés, homme sans éducation et sans talent, le frappa de sa baguette, le força de suivre son char, et transforma ce marchand de boeufs en orateur, cette igno ble et brutale conquête en puissance politique; Aspasie qui était la déesse des jouissances délicates et des raffinements voluptueux chez le peuple le plus recherché dans ses jouis sances et le plus raffin^ dans ses voluptés que n'eût-elle pas accompli? Née à Sparte, elle eût asservi les rois, soumis les sénateurs, séduit les éphores et détruit la constitu tion draconienne.

De toutes les femmes d'Athènes, la seule qui ait acquis une célbérité intellectuelle, dont la postérité garde la mémoire, c'est Aspasie. Le temps a effacé les noms des Hétaires, qui brillèrent avant et après elle. Aucune femme de citoyen n'a prétendu à la gloire littéraire. Un scoliaste ancien attribue, on ne sait pourquoi, le huitième livre des Annales de Thucydide à sa fille, conte ridicule que nous ne daignons pas même réfuter.

Le catalogue des femmes poètes de la Grèce serait long si nous voulions adopter sans examen les assertions des commentateurs. Mais si vous appliquez à ces célébrités équivoques les règles d'une critique un peu sévère, vous êtes fort étonné de voir ces prétendues poètes disparaître et s'évanouir. Giraldi de Ferrare, Tiraqueau et ceux qui l'ont copié, font l'éloge d'une certaine Agaklé, poète célèbre de son époque. Cette Agaklé n'est qu'une épithète; on a pris pour un nom propre l'adjectif agaklês épithète qui appartenait à quelque personnage moins chimérique que celui-ci.

Un seul nom propre (Nôssis), accentué et orthographié de diverses manières, est devenu père de plusieurs célébrités différentes Nyssis, Nôsis, Noûssis, etc. La seule Nôssis a droit à nos hommages. C'est ainsi que la légende sévèrement épurée par Baillet, présente une foule de doubles emplois; des saints, qui n'ont jamais existé que dans le calendrier, des saintes qui doivent leur naissance à des fautes d'orthographe, et d'autres qui ne sont que des noms de villes ou de provinces; idoles anciennes, rivières ou forêts, métamorphosées en hommes. Que de déceptions de ce genre au milieu de nos souvenirs classiques! Que de fausses canonisations, parmi les gloires les plus révérées! Que de faux grands hommes parmi nos grands hommes!

S II.
Sapho.

Un de ces Grecs du siècle d'Auguste, qui rédigeaient en vers pentamètres et hexamètres tout ce qui frappait leur

esprit, souvenirs, images, épigrammes, Antipater de Thessalie, a scandé, en vers assez galants, non le catalogue complet des soixante-seize prétendantes à la palme poétique, mais une liste beaucoup plus succincte, et qui contient les noms des neuf plus illustres entre elles. Voici ces vers ou à peu près :

Vieux bois de l'Hélicon, sous vos ombres sacrées,

Neuf femmes ont reçu le jour.

Des mortels et des dieux ces muses révérées
Ont consacré leurs lyres inspirées

Aux combats, à la gloire, aux regrets, à l'amour :
C'est l'astre de Lesbos, phare de poésie,

L'énergique et tendre Sapho;

C'est Erinna la belle et la belle Myro;

Telesilla, qui chante la patrie;

Myrtis aux doux accents; Nôssis, dont la langueur
Se répand de ses vers au fond de votre cœur ;

Anyta, rivale d'Homère;

La vive Praxilla; Corinne la guerrière,

Celle qui célébra l'égide dont Pallas

Couvre son sein de vierge au milieu des combats;

Toutes sublimes ouvrières

De plaisirs éternels, de voluptés sévères,
De chants qui ne périront pas.

De Sapho à Myro, c'est-à-dire de l'année 610 avant l'ère chrétienne, jusqu'à l'année 280 avant cette ère, trois cent trente années se sont écoulées : beaucoup de femmes ont écrit pendant ce laps de temps; à peine quelques pages nous restent-elles de toute cette gloire.

La première en date est aussi la plus digne d'admiration, c'est Sapho. Arrêtons-nous devant ce portrait cu

« PoprzedniaDalej »