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plis s'était tellement accrue, qu'il fallait bien établir un ordre et une liaison quelconque dans cette foule de souvenirs confus. La vraie gloire de Voltaire fut de jeter la lumière dans ces détails infinis et sur ce vaste plan; Gibbon, Robertson, Hume en éclairèrent quelques portions.

L'Angleterre avait conservé, grâce à sa position insulaire, des mœurs indépendantes. Chaque individu pouvait être original impunément (1): de là une littérature souvent bizarre, toujours libre.

L'Histoire d'Angleterre de Hume, écrite avec une élégante concision, ne vaut pas ses Essais de Philosophie, où il applique au scepticisme le scepticisme même, et où il prouve que si l'on peut douter de tout, le système qui reposerait sur le doute ne serait pas moins attaquable que les autres systèmes. Esprit lumineux et subtil, les qualités de l'imagination et de l'âme lui manquaient; moins savant que Robertson, moins candide que lui, son style est plus net et plus rapide. Robertson, Écossais comme Hume, voit bien les grandes masses, et sait descendre jusqu'aux détails; ses tableaux larges d'ailleurs, d'un coloris pur, ont peu de vigueur.

Le docteur Lingard, auteur d'une histoire analytique de l'Angleterre, histoire assez mal écrite, toute favorable au catholicisme, mais pleine d'utiles documents, a renversé l'édifice bâti par Hume. Gibbon, plus érudit que ces deux historiens, doué d'un coup-d'œil et d'une érudition vastes, a écrit avec poids, gravité, éclat, quelquefois avec mauvais goût, un ouvrage éminent, dont la valeur est diminuée par son hostilité partiale contre le christianisme.

Une longue liste de versificateurs habiles, entre lesquels Pope se rapproche du goût français, honore la littérature (1) V. dans ces Études, la série des Humoristes anglais.

anglaise, mais ne réveille pas la poésie, éteinte ou assoupie depuis Milton. Le scepticisme du XVIIIe siècle fait régner la prose. Au commencement du XIXe siècle seulement, la muse germanique, la muse de la nature et de l'idéal reparaît avec Wordsworth, Coleridge, Byron et Crabbe. C'est une renaissance.

Byron, né dans un temps de crise et de douleur pour les nations, est devenu le poète du Désespoir. Près de lui, un grand peintre de tableaux de genre, Walter Scott, a charmé l'Europe en jetant l'érudition dans le roman. C'est une belle et puissante littérature que celle dont le caprice a inspiré Sterne et Swift, dont la profondeur et l'énergie ont donné Godwin, Byron et Crabbe. Peintres de caractères et de portraits, Hogarth, Reynolds, Lawrence, Wilkie', tiennent une place honorable parmi les peintres; l'on peut remarquer que c'est encore l'analyse individuelle, qui constitue le mérite saillant de ces artistes.

N'oublions pas, dans cet aperçu rapide, l'homme qui a exercé l'influence la plus prononcée sur l'Angleterre et l'Europe depuis 1650. La philosophie de Locke a modelé le système représentatif, machine d'opposition et de balancement entre les partis, lutte organisée de la démocratie et de l'aristocratie. Il a fait plus d'accord avec Shaftsbury, son ami (1), il a créé la constitution républicaine de l'Amérique, vers laquelle semblent graviter maintenant toutes les constitutions européennes. L'influence de la Grande-Bretagne a été spécialement politique et positive. Elle a jeté dans le nouveau continent de l'Amérique septentrionale, en France et en Allemagne les germes de cette liberté organi

(1) V. la série des Hommes d'État et des Orateurs politiques du XVIIIe siècle,

sée, développement normal et définitif de l'ancienne indépendance teutonique.

Jusqu'à la guerre de trente ans, l'Allemagne, pays morcelé, sans nationalité et sans foyer de civilisation, souffrit en silence et prépara son avenir. Pendant cette guerre, une école de poètes religieux et lyriques, école timide encore, se forma en Allemagne ; Opitz et Fleeming y occupent le premier rang. Elle devint française sous l'influence de Frédéric. Ce n'est qu'avec Klopstock et Lessing que le génie germanique se montre puissant et prêt au combat. La Messiade de Klopstock, poème épique dans lequel l'inspiration de l'ode essaye de se prolonger et rencontre la monotonie; offre une création mystique, le caractère d'Abbadona, démon repentant, qui rachète un peu la vaporeuse langueur de l'ensemble, L'esprit le plus sagace de cette époque, polémiste incisif et d'un style net et brillant, Lessing, remua et féconda tous les champs de la critique. Ce furent ses efforts et ceux de l'école suisse, à laquelle Bodmer et Breitinger appartiennent, ainsi que Haller, génie plus élevé, qui rappelèrent l'Allemagne à l'indépendance teutonique et lui proposèrent pour modèles les chefs-d'œuvre de l'Angleterre. En vain Wieland essaya de fonder une école voltairienne; c'est dans un poème où l'érudition et l'imagination teutoniques se confondent, poème étranger au génie français, Oberon, qu'il a montré le plus de talent.

Jacobi, écrivain d'une pureté et d'une noblesse peu communes, critique éclairé, philosophe élégant et élevé, se montrait alors près du Hollandais Hemsterhuis, platonicien plein de grâce et de suavité. En Suisse, Lavater, prédicateur ardent et pathétique, prosateur mystique, altérait ses qualités par l'exagération et l'emphase. Justus Moser, le Montesquieu de l'Allemagne, investigateur du droit ger

maniqne, traçait d'un style mâle et hautain le tableau inconnu et neuf des législations saxonne et franque.

L'impulsion était donnée; l'Allemagne revenait à son origine; calme, elle retrouvait sa vie spéciale. A ces essais succéda Goethe, génie d'impartialité et d'universalité, poète dont les chants lyriques sont répétés par le pâtre et le grand seigneur, depuis la mer Baltique jusqu'au Danube; d'une imagination facile et d'une expression pure; le Jupiter panthéiste de la nouvelle Allemagne. Associé par la publication de Werther et de Goetz de Berlinchingen au mouvement anti-social de 1789, il revint ensuite sur ses pas et condamna sa propre révolte. Son caractère est de réunir et de balancer par la force et la grâce du style, les influences opposées de toutes les écoles. Le fond de son génie, panthéiste et lyrique, accepte les émotions de la famille, celles de la galanterie et de la chevalerie, les chants du nord et les hymnes mystiques de l'orient. Il admet tout et comprend tout; seulement la vive passion et l'avenir de l'humanité manquent quelquefois à cette impartialité souveraine, à ce calme profond des statues antiques, suprême grandeur que les mouvements d'ici-bas intéressent sans la troubler.

Winckelmann, éloquent dans son Histoire des Arts, Lichtenberg, esprit fin, vif et piquant, panthéiste systématique; le juif Mendelsohn; Hamann, génie énigmatique, trivial en apparence, profond en réalité ; ne devraient être cités qu'après Herder, critique d'une érudition vaste, qui savait tout comprendre, mais quelquefois tout confondre, et qui est resté, avec Lessing et Goethe, un des maîtres de la critique moderne. L'auteur de l'Histoire des Suisses, Jean de Muller, emprunte aux historiens antiques les grands traits et les vives couleurs de leurs palettes, et se les approprie, sans les copier.

Les vrais représentants de la fantaisie allemande furent Jean-Paul-Frédéric Richter et Hoffmann, qui joignirent aux fictions de l'imagination orientale le rêve fantastique et vaporeux, né de l'imagination teutonique. Jamais les libres saillies de l'humeur érudite et mystique n'ont été portées plus loin que chez Jean-Paul, ni l'audacieuse investigation du monde fantastique, plus loin que chez Hoffmann.

Le drame allemand, né de l'étude des autres drames et tout esthétique, drame trop souvent privé de spontanéité naïve, a été agrandi par Schiller, d'un génie plus élevé et moins vaste que Goethe, chef sublime des poètes idéalistes. Werner, intelligence égarée, a voulu porter sur le théâtre les rêveries de Swedenborg et des Illuminés, essai qui a produit des monstres.

L'érudition et la philosophie idéale ont constitué le développement spécial de l'intelligence en Allemagne, pays du système et de la généralisation. Les modernes poètes du nord, de la Suède, de la Norwège, du Danemark, sont sous l'influence de l'Allemagne. Parmi les poètes suédois et norwégiens, le danois Holberg mérite d'être remarqué, il n'est pas sans verve comique; ni Ewald, sans élévation tragique; ni OEhlenschlæger sans grandeur.

Après avoir suivi l'impulsion de l'intelligence anglaise, il semble que l'Allemagne actuelle, vers le milieu du XIX® siècle, soit vivement emportée vers l'organisation politique d'une société nouvelle.

S XVIII.

Peuples méridionaux.

Quant aux peuples du midi de l'Europe, que peut

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