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teur allemand, devient composée lorsqu'à la narration fabuleuse on joint le récit d'un événement effectivement arrivé, ou du moins qui pouvoit arriver; ainsi nous en aurons une de ce genre, si à la précédente nous joignons ce conte qui auroit pu être une chose réelle : — « Je fais sept tragédies dans un an, disoit à un poëte un rimeur enflé de vanité; <«< mais vous ? une en sept ans! Oui, une seule, répondit le

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poëte, mais c'est Athalie». On voit par ce que je viens de dire d'après Lessing, que cet auteur entend par fable composée la réunion de deux fables, l'une morale, et l'autre rationnelle, comme on le voit dans le Coq et la Perle de La Fontaine; mais pourquoi deux fables morales, dont le sens moral seroit le même, ne seroient-elles pas assimilées aux autres ? La Fontaine nous en présenteroit de fréquents exemples, et quoiqu'en les offrant séparément, il en a réuni plusieurs par quelques vers: c'est ainsi que l'apologue 33, le Lion et le Rat, est intimement uni au suivant, la Colombe et la Fourmis.

Il est étonnant que Lessing n'ait rien dit d'une suite de fables qu'il a parfois réunies sous un seul titre, comme la Dispute des Animaux pour la préséance, en quatre fables; l'Histoire d'un vieux Loup, en sept fables. Jac. Regnier avoit ainsi fait dépendre une fable d'une autre, en disant au commencement de la seconde : « Vous vous rappelez d'avoir vu <«<le loup juge d'un différend, etc. »; les livres de Bidpaï et notre Roman du Renard ne sont-ils pas des recueils de fables réunies dans des cadres communs? Mais, en admettant des fables composées à la manière de Lessing, et même avec plus de latitude encore, nous devons bien nous garder de considérer avec la même indulgence la composition d'action dans une seule fable. Les règles qui devroient guider les écrivains dans ce genre de littérature ne sont peut-être pas plus exactement tracées que les définitions; mais on paroît cependant s'accorder unanimement sur l'unité d'action, la seule des trois unités prescrites aux poëtes dramatiques, que l'on puisse raisonnablement exiger des fabulistes: violer cette loi, pour ainsi dire unique, est donc une faute très-grave; et il a fallu ce charme inexprimable que l'on trouve dans les

récits de La Fontaine pour lui faire pardonner cette tache qui dépare trop souvent ses chefs-d'œuvre, comme on le voit dans sa fable du Lion et du Moucheron : aussi l'a-t-il bien senti lui-même, lorsqu'il a présenté deux moralités pour la double action qu'il y a mise: cependant il seroit à désirer que l'action fût tellement circonscrite qu'elle ne pût admettre l'application de plus d'un sens moral, et c'est ce que l'on remarque dans la plupart des apologues de notre auteur, où la moralité est parfois tellement évidente, qu'il n'a pas cru devoir l'exprimer; mais cette dernière condition est rarement possible; car les hommes voient souvent la même chose sous un point de vue tout à fait différent pour chacun d'eux. A cette première cause de divergence entre les fabulistes, il s'en joint beaucoup d'autres : les temps où ils vivoient, les lieux qu'ils habitoient, les mœurs et les croyances de leurs pays et de leurs siècles doivent avoir eu une influence trèsmarquée sur la composition de leurs apologues, lorsqu'ils se sont servis des mêmes sujets : le rang même qu'ils occupoient dans la société, la profession qu'ils exerçoient, doivent avoir aussi donné lieu à des variations très-remarquables entre les récits d'une même action, et surtout entre les moralités qu'ils ont pu y trouver. Par exemple, le sujet de l'admirable fable des Animaux malades de la peste nous est présenté à la fois par trois auteurs à peu près contemporains. Ce n'est qu'un canevas grossier, qui n'a pu arriver à l'état de perfection où il est que par le faire inimitable du Bon Homme. Ce sujet paroît appartenir au moyen âge, et son origine ne peut pas, ce me semble, remonter au-delà du quatorzième siècle. Nous n'avons pas de raisons suffisantes pour en assigner positivement l'invention à l'un des trois écrivains dont nous parlons, préférablement aux deux autres. Robert Holkot, moine anglais, qui mourut en 1349, a inséré ce récit dans ses leçons théologiques sur le livre de la Sagesse, de Salomon. Il soumet l'âne innocent à une rude discipline; et, s'adressant aux confesseurs, il les engage à ne pas avoir trop d'indulgence pour les hommes riches et puissants, ni trop de sévérité pour les pauvres. Hugues de Trimberg achevoit, dit-on, vers le com

mencement du quatorzième siècle, le recueil d'apologues qu'il avoit nommé le Coureur (der Renner), parce qu'il le destinoit à courir partout. Il écrivoit pour les gens du monde, et il se plaint, à la fin de sa fable, de la complaisance avec laquelle les grands s'excusent mutuellement, tandis qu'ils ne pardonnent rien aux petits. Nous ignorons le nom du troisième auteur qui écrivoit en vers élégiaques avant 1343: son poëme étoit une satyre contre la cour de Rome, si nous en jugeons par les vers qu'en publia Flaccus Illyricus (Francowitz), et la moralité qu'il tiroit de ce récit étoit dirigée dans ce sens. On retrouve ces mêmes différences dans les auteurs qui depuis nous ont transmis ce récit jusqu'à La Fontaine, et l'on peut remarquer qu'elles s'y font sentir en raison de leurs diverses professions.

Dans cet exemple nous n'avons pu observer qu'une légère diversité; mais nous trouverons dans d'autres fables des changements bien plus considérables. Ésope et Phèdre, sans parler des autres, avoient traité le sujet de la fable 47 de La Fontaine, le Renard et le Bouc. Dans le récit du premier, le renard, tombé dans un puits, est interrogé par le bouc sur les qualités de l'eau près de laquelle il se trouve : il répond en en faisant l'éloge; et, pressé par la soif, l'animal barbu s'empresse d'y descendre: c'est après s'être désaltéré qu'il reconnoît le danger de sa position. « Rasssure-toi, lui dit son << malin compère; dresse tes pieds contre le mur, abaisse tes « cornes : je pourrai sortir par ce moyen, et une fois dehors, je ne serai pas embarrassé pour te tirer d'ici. » Le bouc consent à tout le renard, échappé au danger, insulte par ses railleries au malheur de celui qu'il entraîna dans le piége. Je ne vois pas bien quel peut être le but moral de cet apologue : voudroit-on nous mettre en garde contre les belles paroles qui peuvent nous engager dans un pas difficile ? Nous exhorteroit-on à profiter de l'imprudence d'un autre pour nous tirer d'embarras? et nous proposeroit-on de le railler ensuite? Rien de semblable ne nous est indiqué par l'auteur grec, dont voici la moralité « L'homme prudent, avant d'entreprendre une chose, doit examiner comment il pourra l'achever. »> Cette

conclusion me semble ici tout à fait déplacée; elle me paroît plus convenable à la suite de cette autre fable d'Ésope, 19 de Coraï : « Deux grenouilles, forcées par la sécheresse d'aban« donner leur pays natal, chemin faisant, rencontrent un puits; elles alloient y descendre, lorsque l'une d'elles, plus << prudente, fait craindre à sa compagne qu'elles n'en puissent « plus sortir lorsqu'à son tour le puits aura été mis à sec par << la continuation des chaleurs. »

Phèdre, qui a retranché de la fable d'Ésope le détail des moyens dont le renard se sert pour se mettre hors du puits, et les railleries qu'il adresse ensuite à son compagnon, termine son récit par une moralité qui me semble bien plus convenable au sujet : « C'est, dit-il, toujours aux dépens d'un << autre que l'homme habile se tire de danger.

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La Fontaine a adopté le récit et la moralité d'Ésope; mais il sentoit trop bien le peu d'accord qui règne entre l'un et l'autre pour ne pas chercher à les mettre mieux en rapport : il a commencé par dépouiller le renard de son habileté ordinaire, et l'a fait descendre dans le puits avec aussi peu de prudence que son compagnon; il sauve en effet par là une partie des défauts que l'on peut trouver au choix de la moralité; mais il ne reste pas moins la très-grande faute de n'avoir pu l'appliquer qu'à la première partie de la narration, et la suite en demanderoit une seconde.

On sait que, pour venir jusqu'à nous, les fables d'Ésope ont beaucoup souffert de la part des mains souvent barbares par lesquelles elles ont dû passer, et c'est principalement dans les moralités que ces altérations se font sentir. Il faut donc s'étonner d'autant moins de l'incohérence qui, dans celle-ci, se trouve entre l'action et le sens moral, qu'à la suite d'une autre, le Rossignol et l'Hirondelle, on a placé, avec moins de bon sens encore, le conseil d'embrasser l'état monastique, avis fort étonnant de la part du fabuliste grec.

Souvent, avec une action fort différente, on voit des fables dirigées vers le même but moral: j'en ai déjà indiqué quelquesunes dont La Fontaine a si bien reconnu la ressemblance, qu'il les a placées à la suite les unes des autres, en les liant

meau,

même par quelques vers. Le Chameau et les Bâtons flottant sur l'onde, nous offrent, réunies, deux fables assez différentes; j'ai cité, non sans raison, je crois, à la suite du Chala fable qu'Esope nous présente sous le titre du Renard et du Lion : « Le renard qui ne connoît pas encore le lion, effrayé de la vue de ce redoutable animal, s'enfuit en toute hâte lorsqu'il l'aperçoit pour la première fois : le lendemain, nouvelle rencontre, et le renard se retire à pas lents : le troisième jour, il prend tout le temps de le considérer; peu à peu son effroi diminue et sa confiance augmente: elle vient bientôt au point de l'engager à aborder le lion et à entrer en propos avec lui. J'ai cru devoir aussi rapporter à la fable de l'Astrologue qui se laisse tomber dans un puits celle du Devin qui, sur la place publique, dit à chacun sa bonne aventure, et ignore cependant que l'on pille sa maison.

Un léger changement dans l'action, et c'est ce que La Fontaine s'est souvent permis, change tout-à-fait la moralité. Ainsi, dans le Renard et les Poulets d'Inde, le texte original porte que le quadrupède contrefait le mort pour attirer ces oiseaux; La Fontaine n'a pas voulu employer ce stratagème trop usé il a recours à une autre ruse, et c'est par le trop de méfiance même qu'ils se laissent tomber de l'arbre qui leur servoit de citadelle.

On doit avoir remarqué que dans la composition de la fable il entre nécessairement deux parties, l'action ou le récit, et la morale. C'est ce qui la rapproche de l'emblème et de la devise; mais, dans l'une et l'autre de ces espèces de compositions, le corps, comme on le dit, est exprimé par les arts du dessin, et l'ame est représentée par des paroles le plus ordinairement très-concises.

Quelle doit être, dans l'apologue, la position de la moraralité relativement à la narration? Les exemples des fabulistes nous prouvent que cette place est fort indifférente; et nous avons déjà vu que notre auteur laissoit quelquefois au lecteur le soin de la chercher.

On paroît cependant assez d'accord sur le style qui convient à la fable élégance et simplicité, voilà les qualités que

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